Serge Nigg : itinéraire d’un compositeur de l’après-guerre

DUPONT Crysoline, Serge Nigg : itinéraire d’un compositeur de l’après-guerre, Maitrise [Pascale Goetschel, Pascal Ory], Univ, Paris 1, 2001, 161 p.

Le propos de ce mémoire est de retracer l’itinéraire tant musical que politique d’un compositeur de l’après Seconde Guerre mondiale, Serge Nigg. Compositeur français né en 1924, Serge Nigg est, au côté de Pierre Boulez, l’un des créateurs les plus emblématiques de sa génération. Son parcours qui le conduit à cheminer entre différentes esthétiques et différents idéaux politiques en fait un objet d’étude passionnant. Étudiant au Conservatoire de Paris pendant l’Occupation puis adepte parmi les tout premiers compositeurs français de sa génération du sérialisme, défendant ensuite les principes jdanoviens du « réalisme socialiste », pour enfin rompre avec tout dogmatisme esthétique et politique, Serge Nigg mena pendant un demi-siècle la quête passionnée de son propre langage. Retracer l’histoire de cet individu ne consiste pas uniquement à raconter l’histoire de sa vie et a faire de ce mémoire la simple monographie d’un artiste. À travers les tribulations politiques et esthétiques de Serge Nigg, parcours teinté à ses débuts de marxisme passionnel, puis de dégout politique et de repli total sur soi, transparait en effet une certaine image du second vingtième siècle. Le cadre historique dans lequel s’inscrit cette évolution est riche en événements marquants comme la Seconde Guerre mondiale, l’Occupation et la guerre froide qui ont influencé l’itinéraire et les choix du compositeur. La musique qu’il a composée pendant ce demi-siècle (de 1941 à nos jours) est, elle aussi, tributaire des principaux événements historiques. Ce mémoire se situe donc entre histoire individuelle et histoire collective entre politique et esthétique.

Dans le cadre d’un mémoire d’histoire culturelle, les compositions de Serge Nigg et plus précisément ses partis pris esthétiques font l’objet d’une étude sur les rapports entre musique et événements historiques. Au même titre que l’homme est marqué par les faits de l’histoire, les œuvres composées en portent le sceau. Aussi la musique de Serge Nigg est-elle étudiée à l’instar de n’importe quelle autre source et considérée comme le témoin de son époque, le reflet d’un imaginaire collectif.

Ce mémoire analyse chronologiquement les choix esthétiques et politiques de Serge Nigg sous l’éclairage des faits marquants du second XXe siècle. Dans un premier temps, c’est sa jeunesse et ses premières réalisations esthétiques dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale et de ses lendemains qui sont retracés. Sont ici analysées les perspectives de créations musicales propres non seulement à Serge Nigg, mais également à un ensemble des compositeurs français et européens nés dans les années vingt. Le choix du sérialisme que fit Nigg dès 1945 incarne le désir commun à toute une génération de compositeurs de renouveler un langage musical européen perdu dans les cercles du néo-classicisme d’un Stravinski ou d’un Poulenc. Aussi cette adhésion au système sériel se situe-t-elle dans l’aventure musicale d’une génération n’ayant que vingt ans en 1945. Le deuxième moment du mémoire retrace l’évolution historique et esthétique de Serge Nigg au temps de la guerre froide. Durant cette période, le compositeur se laisse entraîner dans les cercles du marxisme et du progressisme, là encore, à l’instar de nombreux intellectuels compagnons de route du Parti communiste, ses créations artistiques deviennent le reflet de ses engagements et sont de formidables témoins de cette époque. Enfin, la dernière partie du mémoire décrit le parcours du compositeur depuis les années soixante et montre comment celui-ci s’est peu à peu détaché des influences historiques pour trouver une voie qui lui soit propre. La révélation des crimes de Staline et la lente dislocation du communisme et de son idéal entraînèrent Nigg vers une évolution nettement plus singulière.