ROSEMBERG Julien, Représentations de l’Histoire et idéologies sous-jacentes dans la collection Vécu de l’éditeur Glénat : 1984-2000, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2001.
Les Éditions Glénat font aujourd’hui partie des trois plus grandes maisons d’édition de bandes dessinées en France. Créées en 1969 par Jacques Glénat, avant tout amateur du médium, elles se sont ouvertes depuis, à d’autres domaines dont celui des « Beaux-Livres ».
Profitant d’un contexte favorable, au début des armées quatre-vingt, l’éditeur décide de créer une collection de bandes dessinées historiques, suivant ainsi l’idée suggérée par Henri Filippini. Grâce au fonds déjà présent dans le magazine Circus créé dans les années soixante-dix, la collection Vécu nait en 1985, précédée du magazine du même nom qui accueille des bandes dessinées en prépublication. Vécu s’est rapidement développé jusqu’à contenir 332 albums en décembre 2000. Proposant des intrigues dans des contextes variés, la collection entraine les lecteurs dans des aventures sur fond historique. De nombreux auteurs collaborent, apportant des visions de l’Histoire variées. Tout en prenant en considération ces différences, il est néanmoins possible d’observer des visions communes éclairant sur une représentation collective des divers passés relatés. Pour cela, il faut prendre en compte les méthodes utilisées par les auteurs à travers un support spécifique : la série. Celle-ci possède des caractéristiques qui contribuent à donner des visions spécifiques du passé. Vécu ne s’adresse pas à des spécialistes de l’Histoire, mais plutôt à un lectorat éclectique et populaire.
Mais, tout auteur est de son époque, la vision du monde proposée dévoile une idéologie contemporaine au moment de la création. Ainsi, plus que d’instruire sur la science humaine, les auteurs informent sur la représentation qu’ils se font des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix. S’il ne faut pas réduire ces différentes visions en catégories distinctes, il n’en demeure pas moins que certaines thèses sont récurrentes dans l’ensemble des albums. Le pouvoir et ses détenteurs sont unanimement décriés, ainsi que de nombreuses dérives qui entrainent des inégalités sociales. Loin de se contenter de fustiger, les auteurs posent des revendications. Le féminisme, l’anticléricalisme, l’équité et l’hédonisme constituent des voies proposées. Ces thèses convergent vers une idéologie libertaire diffuse dans les albums sans que de profils politiques soient réellement discernables ; cette vision transcende les clivages politiques traditionnels. De plus, ces thèmes se marient bien avec la bande dessinée d’aventure qui constitue aussi un élément permissif à la représentation de ceux-ci. Penser que ces visions sont peu reçues est une erreur puisqu’en moyenne, chaque année, plus d’un million d’albums sont vendus principalement en France.
Ce travail présente ainsi deux intérêts : contribuer à analyser le genre historique à travers un médium beaucoup lu et peu étudié, attester la présence d’une culture libertaire diffuse dans le milieu artistique français, laquelle transcende les clivages politiques traditionnels.