L’affaire Garaudy dans la presse nationale française : analyse de la constitution d’une polémique autour du soutien de l’abbé Pierre à Roger Garaudy, Novembre 1995-décembre 1998

TEICHER Fabrice, L’affaire Garaudy dans la presse nationale française : analyse de la constitution d’une polémique autour du soutien de l’abbé Pierre à Roger Garaudy, Novembre 1995-décembre 1998, Maîtrise [Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 194 p.

En décembre 1995, la revue La Vieille Taupe publie Les Mythes fondateurs de la politique israélienne, de l’ancien député communiste Roger Garaudy, ouvrage citant et reprenant un certain nombre de thèses négationnistes dans le cadre d’une critique virulente de l’État d’Israël. Cette publication a lieu dans la quasi-indifférence de la presse jusqu’à ce que, quatre mois plus tard, l’abbé Pierre soutienne son ami Garaudy et son ouvrage. Commence alors l’affaire Garaudy.

Cette étude analyse comment se constitue l’affaire Garaudy et son traitement éditorial, de la parution de l’ouvrage de Garaudy jusqu’à son jugement en appel le 16 décembre 1998. Le choix des acteurs et de la nature de cette affaire est révélatri­ce des méthodes de travail des journalistes à la fin de ce siècle. Pourquoi l’abbé Pierre est-il le personnage principal de ce que l’on appelle l’affaire Garaudy ? Les journa­listes — qui ont souvent occulté les défauts de l’abbé Pierre — se retrouvent ici pris à leur propre piège. Des personnes également impliquées dans l’affaire n’ont pas fait l’objet d’une telle médiatisation. C’est le cas de Roger Garaudy lui-même, paradoxalement relégué en arrière-plan de l’affaire qui porte son nom, mais également de son avocat Jacques Vergès, ou de l’essayiste Jean Ziegler.

Si une affaire est par définition un mélange de genres, l’affaire Garaudy en est un exemple parfait. Affaire inclassable, on la retrouve aussi bien dans les rubriques politique, sociale et justice que médias. Selon l’orientation des journaux et de leur public, cette affaire prendra donc une tournure politique ou culturelle. Cependant, le traitement de l’affaire par la presse est biaisé par la croyance, ou non, en l’existence d’un lien entre antisionisme et antisémitisme. En effet, Roger Garaudy se revendique du premier tout en prétendant condamner le second. C’est le traitement par la presse de l’actualité proche-orientale qui permettra de révéler la nature de cette ambigüité. La constitution et le traitement de l’affaire Garaudy sont révélateurs d’un certain nombre de comportements et méthodes de travail journalistiques de cette fin de siècle. Acteur ou canal de l’information, les journalistes sortent parfois du rôle qui leur incombe. Quand la presse rend la justice, cela se traduit par un traitement partial de l’affaire qui n’accorde que très peu de place au procès juridique de l’intéressé et à une opinion arabe internationale majoritairement acquise à sa cause. Enfin, cette affaire soulève les grandes questions du rapport d’influence entre l’opinion et la presse et celle de la déontologie des journalistes.