Origines et emploi de l’action psychologique durant la guerre d’Algérie (1950-1960)

GUILHERMIER Rémi de, Origines et emploi de l’action psychologique durant la guerre d’Algérie (1950-1960), Maîtrise [Antoine Prost, Noëlle Gérôme], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 217 p. + annexes

L’objet de ce mémoire est de présenter un point de la guerre d’Algérie, la propagande militaire française. Si l’activité de persuasion est intrinsèque à toute guerre, elle est érigée, sous le nom d’« action psychologique », en un véritable système lors du conflit algérien, touchant tous les secteurs de l’organisation civile et militaire du pays.

Un arrêt sur la guerre d’Indochine et ses conséquences sur la société militaire est indispensable. L’armée française, au contact du Viet-minh, y découvrit un nouveau type de lutte armée, d’inspiration marxiste, dans laquelle les populations sont l’enjeu des combats et la propagande une arme à part entière. De retour de Diên Biên Phu, elle théorisa cette forme de lutte sous le nom de guerre révolutionnaire, insistant sur l’importance des facteurs idéologiques dans les conflits de décolonisation et appelant la constitution d’organismes nationaux d’éducation et de persuasion des foules pour y faire face.

Nous nous sommes appuyés pour comprendre les mécanismes d’emploi de l’action psychologique en Algérie sur les archives militaires de la guerre. Les documents émanant du service central d’action psychologique de l’état-major, le « bureau psychologique régional » puis le « 5e bureau », nous éclairent sur le fonctionnement institutionnel, la thématique et les procédés de la propagande française. Ils permettent d’apprécier l’importance des ressources financières, humaines et matérielles dont disposent les services d’action psychologique. Enfin, confrontés aux témoignages d’officier et soldats chargés de la propagande sur le terrain, ils laissent transparaître le manque d’homogénéité qui marqua la conduite de l’action psychologique. C’est là une caractéristique majeure. La fracture fut grande en effet entre les directives de l’état-major et leurs applications locales. La propagande variait grandement selon les zones et les exécutants, tant dans ses principes d’emploi, ses thématiques, que ses méthodes.

Dirigée par les plus intransigeants défenseurs de l’Algérie française, l’action psychologique se confondit peu à peu avec une idéologie extrémiste, affranchie des consignes gouvernementales qui tendent, après le retour du général de Gaulle au pouvoir en 1958, à conduire l’Algérie vers l’indépendance. L’opposition à la politique du chef de l’État entraîna sa suppression. L’existence en Algérie d’un vaste système de propagande aux mains des militaires prit fin en 1960.

Expression d’une armée en crise face à la dislocation de l’Empire colonial français, solution apportée par des militaires obnubilés par la « subversion communiste » et en quête d’une nouvelle place pour l’armée au sein de la nation, l’action psychologique ne s’aurait être détachée du contexte géopolitique international. L’affrontement idéologique manichéen qui accompagnait la guerre froide amena, dans les années cinquante, au sein même des démocraties occidentales, l’avènement de la propagande politique au rang de priorité dans les systèmes défensifs nationaux.