May Picqueray (1898-1983) : une mémoire du mouvement anarchiste

GOMOLINSKI Olivia, May Picqueray (1898-1983) : une mémoire du mouvement anarchiste, Maîtrise [Antoine Prost, Claude Pennetier], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 173 p.

Le mouvement anarchiste se prête volontiers à l’exercice autobiographique parce qu’il valorise l’individu et non le groupe. Pour appréhender le mouvement anarchiste, il est apparu judicieux de l’aborder à travers l’étude biographique.

L’itinéraire de May Picqueray est un parcours original à plus d’un titre. Acquise à l’anarchisme vers l’âge de vingt ans, subjuguée par le verbe de Sébastien Faure, celui qu’elle considérait comme son « père spirituel », la vie de May Picqueray se déclina autour des axes fédérateurs du mouvement anarchiste : le syndicalisme, la solidarité libertaire et le pacifisme. Son action se caractérisa par un militantisme placé au service des figures de proue du mouvement libertaire, par un militantisme de second plan que l’on pourrait qualifier « de base », ce qui ne peut être entendu comme étant un militantisme de second ordre. Sa présence au congrès de Saint-Étienne, son expérience en Russie au cours de l’hiver 1922 au moment où se tint le deuxième congrès de l’I.S.R., sa participation au réseau d’entraide aux réfugiés victimes des persécutions communistes, son activité auprès d’Emma Goldman puis par la suite auprès de Louis Lecoin, son action clandestine pendant la guerre sont autant d’éléments infirmant le caractère secondaire de la vie de May Picqueray. Elle se contenta de ce rôle jusqu’à la mort de Louis Lecoin, « ce grand bonhomme trop petit » comme elle aimait à le qualifier, puis s’émancipa ; la disparition de ce dernier revêtit une forme de « libération ». À l’âge de soixante-seize ans, elle fondait son propre journal, Le Réfractaire, relève du journal de Louis Lecoin, Liberté, dont la vocation était d’œuvrer pour l’objection de conscience. En 1979, elle se résolvait à livrer par écrit ses mémoires : May la réfractaire. Pour mes quatre-vingts-un ans d’anarchie connut un véritable petit succès de librairie. Il s’agissait pour May Picqueray d’un dernier acte militant, et ce livre lui apparaissait comme une tribune permettant la diffusion des idées pour lesquelles elle s’était battue toute sa vie.

À travers cette étude, il s’est agi d’étudier les raisons qui permettent d’expliquer l’attrait suscité par le personnage de May Picqueray, de mettre en lumière l’itinéraire de sa vie, mais aussi d’analyser le réseau de relation tissé au sein du mouvement libertaire. Il s’est agi également de faire l’étude de ce microcosme, de cette génération de militants en marge du militantisme communiste hégémonique et qui, malgré les vicissitudes des événements, avait gardé confiance dans un changement conforme à son idéal croyant voir dans la nouvelle génération de militants issue de Mai 1968 la relève espérée.