Marcel L’Herbier et la TV. Une tentative de médiation, 1952-1961

MONTIGNY Vincent, Marcel L’Herbier et la TV. Une tentative de médiation, 1952-1961, Maîtrise [Pascal Ory, Marie-Françoise Lévy], 2000, 278 p.

Marcel L’Herbier — cinéaste, théoricien du cinéma et mélomane connu pour ses réalisations « impressionnistes » et ses initiatives en faveur de la profession cinématographique (fondateur de L’IDHEC en décembre 1943) — poursuit, à partir de 1951-1952, sa carrière à la Radio Télévision Française. L’étude de cette entreprise permet d’éclairer la dernière partie de la vie professionnelle d’un pionnier du cinéma qui, côtoyant ceux de la télévision, tente de trouver une nouvelle fraîcheur et un renouvellement esthétique. Durant presque dix ans, Marcel L’Herbier est le dépositaire d’une cinéphilie à la télévision. Par ailleurs, l’implication totale de ce personnage, ô combien atypique au sein d’une télévision en plein développement, permet d’apprécier la constitution de cette dernière, les interrogations qu’elle suscite ainsi que ses relations avec le cinéma.

La collaboration de L’Herbier à la télévision, à l’heure où l’on oppose ces deux techniques déjà concurrentes, vise à leur réunion et s’applique à définir les spécificités de cette dernière. Par voie de presse, Marcel L’Herbier s’attelle donc à la caracté­risation de ce cinéma total qui est aussi un cinéma de lecture et qui doit, selon lui, aboutir à une nouvelle esthétique cinématographique ainsi qu’à une nouvelle économie du cinéma français. Ce faisant, il lance trois cycles de cinémathèque à la télévision ; des émissions-concours durant lesquelles sont présentés des réalisateurs et de grands films de cinéma. Aux téléspectateurs de distinguer ceux qui leur ont paru les meilleurs sur le petit écran. Ces émissions consacrées aux réalisateurs, aux scénaristes et aux compositeurs de musique de film installent L’Herbier à la télévision alors qu’il réalise en direct, fin 1953, Adrienne Mesurat d’après Julien Green, son dernier projet cinématographique. Cette dramatique télévisée précède quatre autres mises en scène, avec la compagnie Renaud-Barrault, Jean Poiret et Michel Serrault notamment. De fin 1954 à fin 1956, ses séries sont plus documentaires. En 1956-1957, il lance Cinéma en Liberté, une émission d’analyse filmique. Rencontrant des difficultés administratives, il revient à des séries de type magazine telles que Héros Imaginaires et surtout Signes de Vies. À partir de l’été 1959, Marcel L’Herbier s’attache définitivement au cinéma en organisant à chaque saison estivale, et ce jusqu’en 1961, un « critérium » consacré au jeune cinéma, au film fantastique et au cinéma d’amateur. 1960 et 1961 sont également les années de sa dernière série Télé-Ciné-Club, émis­sion consacrée aux genres cinématographiques et à l’étude de grands cinéastes. Sa collaboration avec la télévision s’achève brusquement en octobre 1961 sur ordre de la direction générale de la RTF : on lui reproche d’avoir diffusé un extrait jugé licencieux d’un film de Claude Autant-Lara : Le Blé en Herbe. Simultanément, entre mars 1958 et mai 1961, L’Herbier accompagne sa démarche d’une action administrative en étant nommé au comité de Programme de Télévision. Il va très énergiquement essayer d’en optimiser le fonctionnement et de veiller au respect de ses attributions, notamment sur la question de la programmation des films du commerce.