Maliens à Aubervilliers : le foyer de travailleurs des Fillettes, années 1960 à nos jours

HAGUENAUER Lucie, Maliens à Aubervilliers : le foyer de travailleurs des Fillettes, années 1960 à nos jours, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Marie-Claude Blanc-­Chaléard], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 165 p. + 41 p. d’annexes

Ce mémoire, principale ent fondé sur des recensements nominatifs de 1975 et 1982 des archives internes au foyer et des entretiens avec les résidents, a pour but de faire réapparaitre cet espace à l’écart et invisible. Bien que très médiatisée ces dernières années, l’immigration noire africaine est confrontée à des conditions de vie précaires dont le foyer est une image significative. Les résidents du foyer de la rue des Fillettes sont en majorité des Soninkés en provenance de la région de Kayes au Mali. Ils font partie des premiers flux en provenance d’Afrique noire. Nous avons essayé d’analyser en quoi ce foyer et ses résidents sont représentatifs d’une immigration masculine en foyer.

L’histoire des résidents commence par une analyse des réseaux et des chemins migratoires entre le Mali et le foyer de la rue des Fillettes.

Le foyer de travailleurs migrants est pour l’État un moyen de contrôle et pour les immigrés un moindre mal. Tant dans l’esprit de l’État que dans celui des travailleurs, il est un lieu d’habitat provisoire auquel ils ne peuvent se soustraire. L’exclusion du foyer introduit dès ses origines la notion de ghetto. Malgré l’emplacement du lieu dans une commune communiste, la ghettoïsation s’accentue au fil des années. Le foyer de travailleurs de la rue des Fillettes, construit pour une courte période, est condamné à durer en l’absence de solutions d’avenir. Surpopulation, dégradation et insalubrité caractérisent cet espace.

De l’assignation au logement en foyer, à l’appropriation des lieux, il existe des dynamiques ouvrières et ethniques aux Fillettes. En effet en foyer de travailleurs Noirs africains, la vie s’organise autour de la communauté. Ce mode de vie prend plusieurs formes : caisses villageoises, solidarité, entraide, associations qui prolongent le projet d’origine tourné vers le Mali et procurent à la famille l’argent pour survivre. Le foyer s’organise dans l’entre-nous et donne l’impression d’être un petit enclos à part dans la ville. Le ghetto est donc à la fois signifié par l’exclusion, la dégradation et par les formes internes d’organisation sociales, religieuses et économiques. La vie communautaire est autant une invention des résidents qu’une importation des modes de vie villageois.

Le foyer est en conclusion un lieu de mémoire ouvrière, un lieu de vie, et de convivialité.