L’image de la banlieue dans le journal Le Monde de décembre 1980 à juillet 1984

FICOT Élodie, L’image de la banlieue dans le journal Le Monde de décembre 1980 à juillet 1984, Maîtrise [Antoine Prost, Annie Fourcaut], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997, 180 p. et 58 p. d’annexes

La banlieue fait aujourd’hui l’objet de multiples études et débats, les violences qui se sont déroulées dans certains quartiers, et surtout leurs répercussions dans les médias sont à l’origine de cette tendance. À cause de cet intérêt médiatique, certaines représentations — bien souvent réductrices — ont été données de la banlieue, car elles étaient conformes au cours de l’actualité. L’histoire de la banlieue est d’ailleurs ponctuée de représentations qui divergent selon les époques, mais qui font bien souvent référence à la peur, celle des marges urbaines.

Ce mémoire se propose d’étudier la représentation de la banlieue au travers d’un quotidien d’informations générales, Le Monde. La chronologie délimitée commence avec les violences dans les banlieues lyonnaises, durant l’été 1981, et les premières mesures gouvernementales leur faisant suite. Cette étape dans les politiques de la ville correspond à une première période qui s’achève en quelque sorte en 1984 avec la création d’un Comité interministériel pour les villes et d’un Fonds Social Urbain (FSU), quelques mois avant la démission du gouvernement Mauroy en juillet de la même année. Tous les numéros du Monde entre décembre 1980 et juillet 1984 ont été dépouillés, les articles retenus devant répondre à des critères de sélection objectifs les plus larges possible. Une fois terminée la recherche proprement dite, certaines réalités sont clairement apparues au niveau du traitement de la banlieue dans Le Monde : d’une part, la diversité et la pluralité des présentations, d’autre part, la densité des articles et l’imbrication du sujet dans des thèmes différents. C’est pourquoi il a semblé nécessaire de privilégier le contenu des articles plutôt que d’établir des comparaisons chiffrées entre les différents thèmes abordés : ces données n’ayant qu’un intérêt partiel et devant être interprétées avec précaution, surtout en ce qui concerne l’« événementiel ». En effet, pendant cette période, la violence dans certains quartiers propulse la banlieue sur la scène médiatique, mais c’est aussi au niveau du politique que s’explique cette médiatisation : le début des années quatre-vingt est marqué par les premières mesures de la politique de la ville, ainsi que par le déroulement de deux élections : les présidentielles en 1981 et les municipales en 1983, dont les retombées — aussi bien concrètes que symboliques — ne se font pas attendre. Ainsi, l’élection de François Mitterrand représente un véritable changement aux yeux du Monde qui, par l’intermédiaire de son directeur Jacques Fauvet, a soutenu le candidat socialiste et salué son élection. Les espoirs soulevés le 10 mai 1981 sont d’ailleurs inséparables d’une certaine vision de la banlieue telle qu’elle apparaît dans Le Monde : il s’agit du lien presque permanent établi par le quotidien entre la banlieue et l’immigration, c’est à travers la défense des immigrés que la banlieue et ses problèmes sont amplement évoqués dans le quotidien.

Défense des immigrés, goût manifeste pour le politique, intérêt pour la vie régionale en l’Ile-de-France sont les aspects par lesquels on aborde la banlieue dans les pages du Monde. Par cette pluralité qui définit la banlieue, le quotidien n’a pas contribué à la stigmatisation de cet espace géographique. L’originalité, enfin, de cette vision, tient à la permanence de la notion d’identité : une quête qui témoigne des difficultés éprouvées par les communes à lutter contre la domination de la ville. Mais si la banlieue apparaît comme un lieu d’exclusion, elle témoigne aussi par la richesse de la vie associative comme par les multiples expériences conduites, des possibilités qu’elle offre en tant qu’espace qui se construit encore.