Les modèles culturels véhiculés par les contes du Petit Parisien, 1935-1937

ROUX Marianne, Les modèles culturels véhiculés par les contes du Petit Parisien, 1935-1937, Maîtrise [Antoine Prost, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1987, 315 p. + annexes

L’étude de 280 contes publiés dans le Petit Parisien durant les trois années 1935, 1936, 1937, lus par un million de lecteurs (tirage du Petit Parisien en 1935) augmentés de leurs proches, sert de point de départ dans ce mémoire à une lecture socio-culturelle de la France des années trente. Le conte offre un divertissement au quotidien faisant appel à l’expérience et touchant à l’imaginaire.

À partir de ces 280 récits, produits par 44 auteurs différents, on peut reconstituer l’univers élaboré par le conte. La France et le Paris de l’époque dominant massivement, les histoires des contes se fondent entièrement sur le portrait d’un ou de quelques individus et de leurs rapports professionnels, socio-économiques, familiaux, entre sexes. Cet univers est construit sur des valeurs dont les modèles culturels sont l’expression. En trois grands points (mentalités collectives, comportements privés dans le cadre et autour du mariage, comportements sociaux dans la vie professionnelle et matérielle), cette étude caractérise la société fictive du conte de la manière suivante : – hiérarchisation et sexisme, où pouvoir de l’argent et pouvoir masculin sont affirmés, domination des institutions sur les citoyens, des patrons sur leurs employés. – passivité et fatalisme, à travers le respect craintif des pouvoirs précédents, la lecture occulte qui est faite du sens de la vie, la résignation devant les échecs professionnels, amoureux, et qui témoignent d’un pessimisme explicite ou voilé, – interprétation morale de toute action ou pensée des personnages, qui met en évidence des valeurs refuges telles la nature protectrice et nourricière, l’autosatisfaction des besoins dans un circuit économique perverti, le pater­nalisme du patron, de l’homme de loi et du politique. – amour et argent, comme nerfs principaux des histoires du conte.

Cet univers français, urbanisé, tertiaire, préoccupé surtout des apparences, des conven­tions sociales, tant dans la pratique du mariage que dans l’approche du rôle du citoyen ou l’exhibition assez constante du niveau de vie des personnages, se révèle superficiel et ne tient pas compte de l’actualité : la vie militante et syndicale, les réformes sociales, la richesse culturelle de la génération « fleur bleue » des années trente, les conditions de travail en usine, la montée des fascismes et racismes, tout cela n’apparaît pas. Le déclin du conte, concomitant à la chute des tirages du Petit Parisien, reflète en partie l’inadéquation à la société des années trente de ces modèles conservateurs.