MARTINAZZO Estelle, Les intellectuels de gauche et le Parti socialiste SFIO de 1944 à 1954, Maîtrise [Pascal Ory, Gilles Morin], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 168 p.
1944 ouvre une nouvelle ère, celle de l’engagement politique des intellectuels.
Plus qu’un point de départ, la période est l’aboutissement de la situation durant l’entre-deux-guerres, tournant majeur de l’histoire des clercs. Il est néanmoins une grande différence : ce sont dès lors les intellectuels de gauche qui dominent les débats, s’exprimant au travers de multiples revues. Le journalisme apparaît ainsi comme l’un des meilleurs moyens de s’engager, c’est pourquoi nous avons retenu la presse de gauche comme source principale de cette étude. Sur la scène politique, l’hégémonie du Parti communiste est incontestable : les intellectuels y adhèrent massivement après la guerre. La SFIO et ses dirigeants sont donc en constante concurrence avec les communistes. Cette animosité certaine ne fait que s’accentuer sur toute la période. On connaît mieux la manière dont les intellectuels se sont exprimés au sein du PCF à cette période ; l’attitude des intellectuels de gauche vis-à-vis de la SFIO est moins connue, tant d’un point de vue politique que concernant la doctrine. Les rapports de l’intellectuel à la politique sont ambigus. En témoignent les rapports au Parti socialiste. L’histoire de la période fait apparaître des ruptures successives, que l’on peut expliquer comme une désolidarisation des intellectuels vis-à-vis du Parti.
Si jusqu’en 1954 la SFIO ne peut rivaliser avec le Parti communiste pour les intellectuels qu’elle a attirés, il ne faut pas se méprendre en affirmant qu’ils n’existent pas en son sein. La difficulté de cette étude est de comprendre ce que représente l’intellectuel socialiste : peut-on le définir comme l’intellectuel communiste ? Par bien des aspects, il apparaît que l’intellectuel socialiste — membre du Patti ou très proche de ce dernier — se définit lui-même par opposition à l’intellectuel communiste.
Pour ce qui est des destins individuels, six parcours permettant de définir un intellectuel socialiste ont été choisis. Paul Rivet, Pierre Rimbert et Jean Rous peuvent être qualifiés de « dissidents », car ils affirment leur mécontentement lorsqu’ils le jugent nécessaire, ce qui vaut à Paul Rivet de rompre avec la SFIO en 1948 par exemple. Enfin, trois autres intellectuels apparaissent comme très liés au Parti sur ces dix armées d’étude, André Philip, qui est aussi un homme d’État, Jean Texcier le fidèle militant et enfin Charles-André Julien, l’historien. Ce dernier est la preuve avec Ernest Labrousse, Odette Merlat et d’autres, de l’importance des universitaires et plus précisément des historiens dans le mouvement. Ce qui nous permet d’affirmer que le rôle du clerc au sein de la SFIO est très lié à celui de l’éducation politique des militants.