La représentation de Dreux et son traitement médiatique de 1983 à 1993 à travers trois titres de la presse quotidienne nationale : Libération, l’Humanité, Le Figaro

LIERVILLE Anne-Lise, La représentation de Dreux et son traitement médiatique de 1983 à 1993 à travers trois titres de la presse quotidienne nationale : Libération, l’Humanité, Le Figaro, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Claude Pennetier], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 209 p.

Septembre 1983 : Dreux, ville moyenne de la région centre, focalise l’attention de la presse des médias et du monde politique. La ville est en effet le théâtre d’une lutte électorale particulière. Le Front national, un parti aux scores jusque-là confidentiels, mais à l’idéologie clairement délimitée participe à la joute politique. Entre les deux tours se noue une alliance entre les partis de droite traditionnelle et le FN, face à une gauche en perte de vitesse. L’accord droite/extrême droit défraye la chronique. L’enjeu local prend une dimension nationale. « L’affaire » de Dreux est constituée. Elle s’achève sur la victoire sans appel de la coalition droite/extrême droite au deuxième tour (55,33 %) sur la liste d’union de la Gauche. Pour beaucoup, le FN et l’extrême droite signent là leur sortie du désert. Dreux est promue au rang de ville laboratoire du FN. À cette image se juxtapose celle d’une ville symbole des questions liées à l’immigration. Un thème qui, depuis les élections générales de mars 1983, agite la classe politique et médiatique.

Si Dreux devient une cible médiatique pendant les partielles de septembre 1983, elle a effectué ses premiers pas dans le monde médiatique aux élections générales de mars de la même année. Là, déjà, le FN faisait partie intégrante du paysage politique local. Mieux, ce parti avait été, dès le premier tour, intégré au sein d’une liste de droite modérée. Et pourtant, cet accord électoral entre le RPR et le FN ne suscite pas alors de réelles prises de position. Au second tour, c’est alors l’UDF qui rejoint la liste commune droite/extrême droit. L’objectif de l’opposition municipale est clair : renverser le maire sortant, Françoise Gaspard, socialiste, brillamment élue lors des municipales de 1977. Cet objectif n’est pas atteint puisque le maire sortant est reconduit dans ces fonctions, malgré un scrutin très serré. Le scrutin enfin est annulé sur décision de justice. La ville s’offre un troisième tour de scrutin.

La presse, les politiques, sans ignorer les termes de l’accord de mars, n’y accordent qu’une importance relative. En septembre, l’affaire de Dreux devient une ligne de clivage au sein de la presse et du monde politique.

La représentation de Dreux dans la presse se situant au carrefour du social et du politique, nous avons porté une attention particulière au contexte dans lequel l’image de la ville s’élaborait. En outre, nous avons tenté de mettre en perspective le traitement médiatique de Dreux sur une période de dix ans. Les élections de mars 1983, les partielles de septembre, le décès, en novembre 1988, de Jean-Pierre Stirbois, principal acteur des alliances de 1983 et numéro deux du FN, et enfin les élections législatives de mars 1993, constituent les quatre jalons de notre étude. Les élections de 1993 — ultime étape de notre analyse — voient un renversement d’alliance. Le Front national, en la personne de Marie-France Stirbois (l’épouse et successeur du leader décédé), est devenu indésirable et se heurte à un « Front républicain » entre la gauche (en partie) et la droite.

Dreux a effectué sa percée médiatique au moment où le débat se polarise autour des questions liées à l’immigration et l’insécurité. Ces deux thèmes voient leur trai­tement médiatique et politique évoluer dans la période qui nous intéresse. De même, le rapport de forces sur la scène politique se modifie considérablement, et l’entrée et la consolidation du FN pendant ces dix ans ne sont pas étrangères à ces mutations. L’examen de la construction d’un objet médiatique (ici, la représentation de Dreux), l’évolution de son traitement à travers dix ans de vie politique constituent le fondement de notre analyse.