La participation musulmane au syndicalisme chrétien d’Algérie

MASURE Ophélie, La participation musulmane au syndicalisme chrétien d’Algérie, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Franck Georgi], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 260 p.

En mai 1945, à la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), comme dans toutes les organisations syndicales françaises, après leur dissolution par décret du 16 août 1940, le temps est à la reconstruction. La relance de l’activité de la CFTC est marquée par l’espoir de voir émerger un syndicalisme chrétien de masse qui implique une ouverture aux autres confessions religieuses. C’est dans la continuité du mouvement né en métropole que l’Union régionale de la CFTC, fondée dans les années 1920 par Alexandre Chauler, trouve un nouvel élan dynamique en terre d’Islam. Dans un pays où le rapport démographique est d’un Européen pour huit musulmans et où les valeurs chrétiennes ne touchent directement qu’une infime partie de la population, les dirigeants algériens prennent conscience, dès le lendemain de la Seconde Guerre mondiale, de la nécessité de la participation musulmane au syndicalisme chrétien. L’Union algérienne devient pour la CFTC un « terrain d’essai » de la cohabitation des confessions religieuses sur la base des principes de la « morale sociale chrétienne ». Mais l’ouverture du recrutement promet d’être difficile dans un pays faiblement industrialisé et syndicalisé et où l’analphabétisme demeure obstacle de premier ordre ; elle nécessite de la part des dirigeants chrétiens un ajustement du cadre de formation et des formes de propagande. Progressivement, la présence de musulmans à la CFTC d’Algérie se fut de plus en plus importante et pose un problème d’orientation idéologique au moment où, en métropole, une crise idéologique divise majoritaires attachés à une conception traditionnelle du syndicalisme chrétien et minoritaires favorables à une évolution vers un syndicalisme plus représentatif de l’ensemble des travailleurs. Au milieu des années 1950, à la crise idéologique s’ajoutent les problèmes issus de la guerre d’Algérie ; la présence de musulmans impose alors à la CFTC d’Algérie d’adopter des positions nuancées sur les événements qui prennent en compte autant les intérêts des Européens que ceux des musulmans. Mais les passions s’élèvent et la division communautaire pénètre la Centrale autour de la question du maintien ou non d’une Algérie française. Malgré l’échec global de la construction d’une « union fraternelle » des communautés algériennes, quelques dirigeants européens « convertis » à l’idée d’une évolution vers l’indépendance tentent d’assurer l’avenir de l’esprit syndical chrétien en terre d’Islam par la défense des travailleurs musulmans. Dissoute après l’indépendance, la CFTC parvient pourtant à léguer à l’Algérie nouvelle le modèle d’une action syndicale et revendicative orientée dans l’intérêt de tous les travailleurs assurée par la lutte conjointe de quelques dirigeants, militants et adhérents, européens et musulmans réunis.