Les industriels chocolatiers Menier et la presse de Seine-et-Marne. 1891-1934

NAIMSKI Laure, Les industriels chocolatiers Menier et la presse de Seine-et-Marne. 1891-1934, Maîtrise [Lucette Le Van-Lemesle, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 240 p.

Emblème intemporel du « chocolat Menier », la petite fille nattée de l’affichiste Firmin Bouisset dissimule un empire industriel dont le cœur productif se situe à une vingtaine de kilomètres au nord-est de la capitale. Singulier village des bords de Marne, Noisiel s’ordonne au fil des XIXe et XXe siècles sous la houlette de la dynastie patronale Menier, en un triptyque réfléchi : usine modèle, cité ouvrière, ferme-pilote.

Consacrée « Première chocolaterie du monde » à l’Exposition universelle de Chicago en 1893, l’usine Menier véhicule conjointement une image de savoir-faire et de prospérité. Noisiel et les Menier se donnent à voir tant par la prééminence d’un tourisme d’entreprise que par une récurrente présence dans la presse professionnelle. Plusieurs décennies durant, la cité Noisiel se trouve par ailleurs au centre d’un débat dont la vigueur témoigne de l’importance que partisans et adversaires accordent au projet des industriels chocolatiers de Seine-et-Marne : Instrument privilégié pour la perception de l’empire agro-industriel Menier, la presse locale fut ainsi la source essentielle d’une recherche qui s’inscrit dans le cadre plus large d’une démarche collective. En participant à une histoire redécouverte au cours des années 1970 grâce à un regain d’intérêt pour l’archéologie industrielle du XIXe siècle, notre sujet d’étude s’agrège à une production écrite déjà riche. De nouveau revisitée, l’histoire des industriels noiseliens est ici abordée sous un angle particulier qui suppose une réflexion en termes d’histoire entrepreunariale dynastique.

Figure centrale de notre étude, la troisième génération des Menier est soumise à notre regard par le prisme de quatre gazettes de Seine-et-Marne. Premier constat, au cursus honorum politique de Gaston Menier (1853-1934) figure de proue de cette troisième génération, répond une inflation de disco électoraliste, œuvre d’une presse partie prenante de la vie politique locale. Promues au rang d’organes électoraux liés de manière contractuelle à l’industriel Gaston Menier, les gazettes locales exploitent simultanément l’image du bon patron père de ses ouvriers et de l’usine modèle, en un temps où la question sociale est au cœur du débat politique national.

Au lendemain de la Première Guerre mondiale, le temps du consensus est à l’ordre du jour et se substitue à un désintérêt croissant de la presse locale à l’encontre de l’expérience Menier.

Au-delà des immuables polémiques surgissant immanquablement à chaque période d’élections, le Briard, journal socialiste provinois, fondé en 1887 par Adolphe Vernant, se démarque au début du siècle par son combat en faveur du syndicat de la chocolaterie. Véritable document historique, ce dernier permet de pénétrer le site usinier, d’entrer au cœur de l’atelier par l’entremise d’une abondante correspondance ouvrière. Générant une réflexion sur les rapports presse-mouvement ouvrier, ces lettres anonymes sont de prime abord l’occasion de découvrir une parole ouvrière intense et riche qui traversa le siècle.