MATTHIEUSSENT Delphine, Les Français évadés de France par l’Espagne, novembre 1942-fin 1943 : repérage des principaux jalons, Maîtrise [Antoine Prost, et Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 307 p.
La recherche s’est d’emblée heurtée à deux obstacles majeurs : d’une part, l’absence quasi totale d’études sur la question de l’évasion de France par l’Espagne pendant la Seconde Guerre mondiale, d’autre part, le caractère lacunaire et hétérogène des sources dons nous avons disposé.
Nous avons cependant pu aboutir à certaines conclusions, notamment grâce aux sources du ministère des Affaires étrangères et du Service Historique de l’Armée de Terre (SHAT), sources que nous avons, dans certains cas, confrontées aux témoignages d’anciens évadés de France par l’Espagne.
Trois séries de questions se posaient : qui étaient les évadés de France, dans quelles conditions et pourquoi sont-ils passés en Espagne ? Quelles ont été les circonstances de leur séjour forcé en Espagne ? En quoi, et dans quelle mesure, ont-ils constitué un enjeu dans les relations entre les différents belligérants du second conflit mondial ?
Au-delà de certains éléments concrets, descriptifs, que nous avons tenté d’établir — notamment le nombre de Français évadés de France par l’Espagne au cours de l’année 1943, le profil socio-démographique de ces derniers, les conditions de leur internement en Espagne et les tensions politiques et diplomatiques engendrées par leur évasion — s’est posée la question de la spécificité de cet épisode et de sa signification.
Tout l’intérêt, mais aussi la difficulté, de l’étude de l’évasion de France par l’Espagne est en effet de donner un sens à une situation qui n’est que transitoire. La complexité des motivations des Français passés clandestinement en Espagne, l’absence d’antinomie entre le désir de se mettre à l’abri et celui de continuer le combat, met en évidence la spécificité de la situation des évadés français où ils passent la frontière : à ce moment précis, leur destin est encore indéterminé, ils ne sont que des combattants en puissance.
De ce fait, il est impossible d’insérer une catégorie « évadés de France » dans les classifications traditionnelles de FFI, FFL, Résistance intérieure, Résistance extérieure…, ménagées par l’historiographie de la Seconde Guerre mondiale. Cet épisode met ainsi en lumière la difficulté et la complexité des choix individuels à l’époque ; il souligne la vanité, dans certains cas, des classifications a posteriori.