Les dockers au commerce à Boulogne-sur-Mer

COPPIN Estelle, Les dockers au commerce à Boulogne-sur-Mer, Maîtrise [Antoine Prost, Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993, 205 p.

Ce mémoire est essentiellement fondé sur les interviews de dix dockers retraités ou préretraités qui ont accepté de raconter leur vie sur le port de commerce de Boulogne-sur-Mer et qui représentent un échantillon de 10 % des dockers au commerce actuellement retraités ou assimilés. Ces témoignages oraux nous ont permis d’appréhender la façon dont les dockers se représentent leur corporation et leur métier.

Les dockers au commerce se sentent différents des autres catégories d’ouvriers boulonnais. Depuis la Loi du 6 septembre 1947, ils sont devenus indépendants, du patronat local et national puisque leur embauche se fait par l’intermédiaire du B.C.M.O. qui gère, les demandes des entreprises de manutention. Les dockers professionnels ont ainsi une priorité absolue à l’embauche par rapport respectivement aux occasionnels, aux fils de dockers et aux « sans carte ». Le travail au commerce est organisé en équipe de dockers dont le nombre varie selon les périodes. Cette équipe est comme une famille de substitution pour les nouveaux (en majorité des fils de dockers) qui s’intègrent sous la férule des anciens. Ceux-ci leur apprennent les rudiments du métier, mais, surtout, certaines valeurs auxquelles ils doivent adhérer s’ils veulent rester, sur le quai. Ainsi, il faut prendre, si on ne l’a déjà, sa carte de la CGT et accepter la discipline que le syndicat, en situation de monopole, fait régner et qui impose de participer aux différents mouvements de luttes et de solidarité traditionnels, dans le milieu docker. Le salaire jusqu’à trois fois supérieur à celui d’un ouvrier de marée, la liberté des dockers qui travaillent en moyenne entre quinze et dix-huit jours par mois en doublant les horaires quotidiens, le chapardage, sont des éléments qui renforcent le sentiment de constituer un milieu privilégié qui toutefois ne cesse de revendiquer son appartenance au monde des ouvriers. Ce mode de vie professionnelle impose collectivement une pratique familiale marquée par la présence quasi obligatoire de l’épouse au foyer, mais interfère de moins en moins sur le choix de l’éducation des enfants qui devient strictement individuel et montre un changement de mentalité important puisque les fils ne sont plus forcément les héritiers du métier de leur père.