L’émergence du syndicalisme révolutionnaire dans la chapellerie parisienne (1874-1903)

TALBOT Baptiste, L’émergence du syndicalisme révolutionnaire dans la chapellerie parisienne (1874-1903), Maîtrise [Antoine Prost, Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1995, 149 p.

Cette étude s’attache, en trois temps, à restituer l’évolution du syndicalisme ouvrier dans la chapellerie parisienne durant le dernier tiers du XIXe siècle. Pour des raisons de sources, elle est centrée sur la plus ancienne et la plus importante des organisations syndicales chapelières parisiennes.

Durant la période 1871-1903, l’industrie parisienne du chapeau connaît de profondes transformations liées principalement à sa mécanisation. Ces mutations se traduisent sur le plan syndical par la multiplication à partir de 1887 d’organisations rivales aux effectifs réduits. Cette crise n’est surmontée qu’au début des années 1900 quand le « vieux syndicat » parvient à rallier les nouvelles catégories de la profession. Le mouvement de grèves évolue en fonction de cette double mutation économique et syndicale. Avant 1887, il connaît une montée en puissance. La grève est alors autant offensive que défensive. La crise de 1887 brise cet élan : les rares grèves survenant dans les années 1890 sont pour la plupart défensives. Au début des années 1900, du fait de l’amélioration de la conjoncture, le mouvement des grèves reprend de l’ampleur et s’affirme comme offensif.

L’action du principal syndicat chapelier parisien ne se limite pas aux questions corporatives. Essentiellement par le biais de ses militants, il intervient également dans les luttes pour la transformation globale de la société. Révolutionnaires, les militants-chapeliers parisiens voient dans la propriété collective des moyens de production, la réponse à la question ouvrière. Ils rallient d’abord le parti possibiliste : le bulletin de vote est à leurs yeux l’instrument du renversement du capitalisme. La scission que connaît le parti en 1890 les fera rejoindre les partisans de Jean Allemane. Leur participation aux activités du POSR les amène à considérer que la transformation globale doit se faire par la grève générale. Cette conception syndicaliste de la révolution les conduit enfin à intégrer la CGT en 1901. Le cas de la chapellerie parisienne se révèle particulièrement éclairant sur la fonction de forme transitoire assurée par le parti allemaniste pour une partie du mouvement syndical français, entre une conception politique et une conception syndicale de la révolution sociale.

Jusqu’au début des années 1890, les chapeliers parisiens considèrent luttes immédiates et luttes globales comme indépendantes les unes des autres, voire comme antinomiques. Le développement d’une vision syndicaliste de la révolution les conduit finalement à les trouver complémentaires. À son niveau, le syndicat des chapeliers parisiens réalise ainsi la synthèse syndicaliste révolutionnaire.