Le service social de l’enfance entre les deux guerres : préservation et éducation

BONNOT Colette, Le service social de l’enfance entre les deux guerres : préservation et éducation, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997, 234 p.

Le Service social de l’enfance en danger moral, créé en 1923, à la demande de certains magistrats, permet l’application des dispositions prises par la loi de 1912, instituant une juridiction spéciale pour les mineurs délinquants et en danger. Il constitue un rouage décisif dans la protection de l’enfance par l’aide qu’il apporte aux magistrats dans leurs prises de décisions, aux familles et aux enfants qu’il est chargé de préserver et d’éduquer. Association privée loi 1901, il accomplit une mission de service public dans le contexte bien particulier de l’entre-deux-guerres, période de bouleversements économiques et de changement des mentalités. Le Service social de l’enfance se voit chargé d’une triple mission : faire sur l’enfant et son entourage des enquêtes sociales et familiales ; proposer des solutions au juge ; exécuter certaines mesures adoptées. Il s’occupe simultanément d’affaires de correction paternelle, de déchéance et de délinquance.

Inspiration philanthropique, influence américaine, réalisation féminine caractérisent ce Service marqué profondément par un souci de professionnalisation qui n’exclut pas le recours à un bénévolat complémentaire de son action. Son action vise à infléchir le système législatif et les structures socio-économiques du pays afin que cet ensemble soit mieux adapté aux besoins des classes populaires et des milieux défavorisés auxquels, en majeure partie, il s’adresse.

Avec le souci constant de former ses assistantes sociales, de réfléchir sur ses méthodes, de profiter des expériences étrangères, de créer des structures lui permettant de mener à bien son action et de susciter la naissance d’autres associations du même type, le Service social de l’enfance cherche inlassablement à apporter une aide efficace aux mineurs dont il s’occupe afin de les préserver des effets néfastes des carences familiales et de favoriser leur insertion sociale et professionnelle.

Cette volonté de normaliser des situations déviantes vise certes à protéger l’enfant, mais tout autant la société dont il est susceptible de troubler le bon ordre. Tout le travail des professionnelles va être néanmoins de transformer le regard que porte la société sur ces enfants qui inquiètent et de mettre en évidence que, victimes de leurs conditions de vie, ils sont plus malheureux que coupables et ont besoin d’attention et de soins.

Dénonçant les carences et les dysfonctionnements de l’État en la matière, le SSE cherche à obtenir des pouvoirs publics la possibilité de remplir une mission que seuls alors assurent des services privés. Ceux-ci constamment remis en cause dans leur existence par des difficultés de financement, dons et cotisations des membres assurant l’essentiel des besoins en l’absence de subventionnement public régulier. Cet aspect de la problématique État-association est souligné à la fois par les Services privés et certains hauts fonctionnaires du gouvernement.

Cependant, malgré les difficultés matérielles évoquées, la quasi-indépendance financière de l’association, la solidité de ses appuis et l’élan donné par ses fondateurs lui ont permis de se maintenir, de croître et d’entreprendre des actions novatrices à son gré. Son institutionnalisation progressive n’a pas arrêté son développement : son domaine d’action et ses compétences se sont élargis au regard des besoins repérés et avec l’intégration des connaissances et des techniques nouvelles. Cette progression qui s’appuie sur des assises anciennes lui a assuré jusqu’alors une place de choix dans le domaine de la protection de l’enfance où elle représente actuellement dans le cadre judiciaire, le service privé le plus important de la région parisienne.