Le patronage Saint-Pierre-Saint-Paul d’Ivry-sur-Seine et l’Œuvre de la jeunesse de Charenton (1918-1939) : étude comparative de deux organisations de jeunesse catholique de la banlieue parisienne

HOIBIAN Guillaume, Le patronage Saint-Pierre-Saint-Paul d’Ivry-sur-Seine et l’Œuvre de la jeunesse de Charenton (1918-1939) : étude comparative de deux organisations de jeunesse catholique de la banlieue parisienne, Maîtrise [Claire Andrieu, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1995, 230 p.

Les paroisses catholiques Saint-Pierre de Charenton et Saint-Pierre-Saint-Paul d’Ivry-sur-Seine ont, dès la fin du XIXe siècle, mis en place des œuvres de jeunesse qui se développeront durant tout l’entre-deux-guerres. Celles-ci seront parmi les plus importantes organisations de jeunesse des deux communes. L’étude comparative du patronage de la paroisse d’Ivry-Centre et de l’Œuvre de Jeunesse de Charenton a permis de mettre à jour la spécificité de l’apostolat auprès de la jeunesse d’une commune ouvrière et celui s’adressant à des jeunes d’une commune dominée par la petite bourgeoisie.

L’influence du milieu sous les formes d’organisation, les buts et les activités, est réelle. À Charenton, la majorité des membres de l’OJC ont plus de quatorze ans. Ce sont principalement des jeunes scolarisés. Le poids des adultes (« Le Cercle des Anciens ») est tout aussi déterminant et révélateur d’une paroisse où la vie religieuse est peu affectée par la déchristianisation grandissante des milieux ouvriers. À l’inverse, à Ivry, les difficultés rencontrées pour retenir les jeunes apprentis et ouvriers font que le patronage reste une organisation regroupant pour l’essentiel des enfants de 7 à 14 ans. Rares sont les plus âgés continuant à suivre les activités du patronage. La population encadrée n’est donc pas la même et cela influe bien évidemment sur les activités et les finalités des œuvres de jeunesse.

Certes les missions restent les mêmes. Il s’agit dans les deux œuvres de chercher à maintenir le maximum de jeunes dans l’orbite paroissial et ainsi de les amener à rester pratiquants.

La formation des jeunes catholiques est l’un des axes prioritaires de ces œuvres. Cependant, elles vont connaître à ce sujet une évolution opposée. Alors que l’OJC est dans les années vingt sous l’influence des idéaux du catholicisme social, l’introduction de la Jeunesse Ouvrière Chrétienne sera un échec. L’Œuvre de la Jeunesse de Charenton perdra son aspect militant. Le patronage Saint-Pierre-Saint-Paul connaîtra, lui, une évolution inverse. Sclérosée par un climat extrêmement hostile à l’Église catholique, l’introduction certes tardive des mouvements de jeunesse (scoutisme, JOC, JEC), dans les années trente, transformera ce patronage en une organisation plus ambitieuse et plus offensive.

Parallèlement, les prêtres, directeurs de ces œuvres, vont essayer de protéger les jeunes catholiques des influences néfastes du monde extérieur. La grande différence entre les deux œuvres est la place accordée à Ivry à la socialisation politique des jeunes catholiques. Dans ce fleuron du communisme municipal, le patronage va être l’un des outils pour contrer l’influence des communistes sur la population. Dans les rubriques réservées aux œuvres de jeunesse, la municipalité, les organisations de jeunesse des « sans-dieu » seront sans cesse dénoncées. Dans cette commune, les catholiques réagirent à l’anticléricalisme virulent par des discours anticommunistes constants. L’objectif est de fournir une argumentation aux enfants pour qu’ils puissent s’affirmer catholiques à l’extérieur des locaux du patronage. La politique de la « main tendue » n’aura que peu d’effet sur ce climat délétère. La dénonciation des idées communistes recouvre donc un aspect beaucoup plus concret à Ivry qu’à Charenton qui reste une commune en marge de la banlieue rouge. L’Œuvre de la Jeunesse de Charenton dénoncera plus fortement les aspects jugés négatifs de l’évolution de la société française.

Les moyens utilisés pour attirer les jeunes furent nombreux. Une multitude d’activités de toutes sortes a été proposée au sein de ces œuvres. Bien souvent précurseurs, les catholiques vont proposer des activités sportives, culturelles, ludiques extrêmement variées. Ce qui fera du local des œuvres l’un des foyers d’animation, l’un des lieux de vie les plus dynamiques de ces communes. Ce seront, par exemple, les premiers organismes des deux villes à créer des colonies de vacances. L’étude de ces patronages ne se limite donc pas à leur aspect confessionnel, mais cherche à présenter l’ensemble des facettes de ces organisations. Elle révèle aussi leurs capacités à évoluer et à s’adapter aux demandes des jeunes.