Le Grand Orient de France et la question féminine à la Belle Époque (1900-1914)

CODACCIONI Anne, Le Grand Orient de France et la question féminine à la Belle Époque (1900-1914), Maîtrise [Antoine Prost, Lucette Le Van-Lemesle], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997

Le Grand-Orient de France est l’obédience maçonnique la plus connue à la Belle Époque. Soucieux de faire table rase du passé, il est animé par l’idée de progrès social et croit en la possibilité de régénérer la société. Il était dès lors intéressant de chercher à connaître si la maçonnerie du Grand-Orient s’ouvrait à de nouvelles problématiques concernant la femme et les rapports entre les sexes.

À partir de l’étude des congrès régionaux et des convents entre 1900 à 1914, nous avons circonscrit quatre grands thèmes : les droits politiques et le travail des femmes, la prostitution et la police des mœurs, le mariage, et enfin, véritable abcès de fixation pour l’Ordre, l’admission des femmes dans la maçonnerie. Les maçons ont profondément intériorisé les schémas en vigueur et les normes de l’idéologie dominante concernant la femme. Ils la confinent dans un modèle fondé sur le concept de la nature. Elle est définie par sa fonction sexuelle, reproductrice et maternelle (la figure de la mère domine d’ailleurs toute cette étude). Les différenciations sexuelles (entraînant logiquement une différence de fonctions) sont nettement mises en valeur pour écarter la femme de la société… et de l’univers maçonnique. Certes, si les maçons prônent l’égalité entre les sexes dans bien des domaines, une éducation laïque est envisagée comme préalable à toutes réformes politiques, civiles, matrimoniales en faveur de la femme. Pour l’heure, la femme reste dans tous les cas sous l’emprise — bienveillante — de l’homme. En définissant une nature féminine, le propos maçonnique s’inscrit donc comme une pensée normative, et adhère à une théorie conservatrice du monde et de la société.