Le féminisme de La Voix des Femmes (1917-1937)

GOHAUD Juliette, Le féminisme de La Voix des Femmes (1917-1937), Maîtrise [Antoine Prost, Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1998, 199 p.

Notre travail a consisté à mettre en valeur la richesse d’une pensée féministe dite « radicale » ou « intégrale » à travers l’étude de La Voix des femmes, journal féministe indépendant, paru sans interruption de 1917 à 1937.

Fondée en pleine guerre, La Voix des femmes se proclame féministe, mais s’impose aussi comme journal pacifiste. Cette particularité en fait alors un journal complexe dont la ligne féministe n’est pas toujours clairement définie. Dès son lancement, des hommes et des femmes socialistes, pacifistes ou féministes convaincus, déçus par l’Union Sacrée et décidés à militer pour l’émancipation féminine, apportent leur concours au journal. Cette multiplicité de collaborateurs, qui se succèdent au cours des vingt années de parution, est un des traits caractéristiques de La Voix des femmes. À de nombreux égards, celle-ci apparaît comme une « tribune » libre, ouverte aux idées avant-gardistes, attentive aux évolutions du mouvement pacifiste très actif à cette époque.

La Voix des femmes mène donc une lutte sur deux fronts. Elle se bat pour l’égalité entre hommes et femmes, pour la légitimité du travail féminin, pour l’entrée des femmes dans les syndicats et pour la reconnaissance de la libre-maternité. Son pacifisme reste essentiel dans sa démarche. Aussi défend-elle sans concession la paix et reste-t-elle sensible aux idées internationalistes. Prônant l’antimilitarisme et la réconciliation entre les peuples, elle évolue progressivement vers un pacifisme plus absolu et plus offensif dès les armées trente.

La Voix des femmes est également un groupe militant, organisé et structuré. Dès 1920, elle précise les objectifs de sa propagande en créant sa propre école de propagandistes et en se constituant en société d’éducation féministe et socialiste. Bien que son féminisme soit naturellement orienté à gauche et que sa sympathie à l’égard du Parti communiste soit évidente dès l’armée 1921, La Voix des femmes choisit néanmoins de préserver son indépendance. Elle a donc le mérite de poser le problème de l’autonomie des luttes féministes par rapport aux luttes politiques et d’apporter la preuve du nécessaire engagement des féministes dans la vie politique de leur époque.