L’aventure du théâtre Récamier, 1958-1978,

PERRIGNON Pauline, L’aventure du théâtre Récamier, 1958-1978, Maîtrise [Pascale Goetschel], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 217 p.

Le théâtre Récamier ouvre ses portes en 1958. Il les referme vingt ans plus tard. À l’image de nombre de ces petites scènes privées de la capitale, le Récamier n’aura pas survécu à une désaffection progressive de son public, et à des déficits d’exploitation successifs. Emblématique de ce fait, l’itinéraire du Récamier recouvre également deux décennies de profonde évolution du paysage théâtral en France. Évolution dont il se ressent et dont il participe : ce théâtre accueille en effet quelques-unes des figures les plus marquantes de la seconde moitié du XXe siècle. Jean Vilar, Jean-Louis Barrault, Antoine Bourseiller en assument à un moment la direction. De même, de jeunes talents, pionniers d’un renouveau théâtral qui caractérisera les années soixante-dix, en offrent un avant-gout au Récamier. Un théâtre qui fait enfin la part belle à la création pour l’enfance et la jeunesse et se montre ainsi fidèle à la vocation de la Ligue del’enseignement qui en est propriétaire. Rares cependant seront les membres de ce mouvement à en promouvoir l’activité.

L’aventure du théâtre Récamier commence sous l’égide de Jean Vilar qui fait de cette scène un théâtre d’essai, succursale du TNP, réservée à la présentation d’œuvres de jeunes auteurs contemporains. Mais en 1961, Vilar s’en défait, au terme de deux saisons : son public ne l’a pas suivi, la critique ne l’a pas d’emblée soutenu. D’autant que celle-ci brandit alors la menace d’une sclérose artistique à laquelle Jean Vilar entendait remédier avec le Récamier. Le théâtre Récamier connaît dès lors, et jusqu’au tournant de 1968, des années décisives, quoi qu’il soit alors cantonné au rang de théâtre « garage » : de jeunes troupes peu connues y trouvent un lieu pour se produire, y explorent des voies nouvelles, y découvrent la production étrangère, préfigurant ainsi un théâtre repensé, tel qu’il le sera au lendemain de 1968.

Évincés de l’Odéon après les événements de mai, Jean-Louis Barrault et Madeleine Renaud trouvent un refuge au théâtre Récamier qu’ils habitent, quatre saisons durant, à partir de 1970. Destinant le Récamier à la recherche théâtrale et non à la représentation de pièces, Jean-Louis Barrault s’y résout cependant à l’occasion d’un cycle Beckett. Plusieurs œuvres y sont par la suite mises en scène par Roger Blin, Claude Régy notamment. Nommé à nouveau à la direction du théâtre des Nations en 1972, Jean-Louis Barrault fait alors du Récamier le siège de cette institution. Années d’effervescence donc pour le Récamier que celles marquées par la présence de Barrault en son sein. Mais celui-ci quitte les lieux en 1974 pour le théâtre d’Orsay, plus à l’échelle de ses ambitions.

C’est Antoine Bourseiller qui prend sa succession, et ce, jusqu’à la fermeture du théâtre quatre ans plus tard. À Récamier, il prend le parti d’un art « politiquement incorrect », mais les choix qu’il fait alors ne recueillent ni l’adhésion du public ni celle de la critique. De plus, la baisse de la subvention que lui accordait le ministère de la Culture lors de son arrivée, l’entente médiocre avec la Ligue de l’enseignement, enfin, la nécessité d’engager des travaux au sein d’un théâtre qui ne répond plus, depuis longtemps, aux normes de sécurité, amènent Antoine Bourseiller à plier bagage au début de l’année 1978. Le théâtre Récamier ferme définitivement ses portes. Plusieurs projets sont formulés, mais — de même qu’aucun travaux ne sont entrepris par la Ligue faute d’argent — ceux-ci ne verront jamais le jour. En 1983 enfin, la Ligue s’entend avec la Comédie Française qui transforme le théâtre Récamier en espace de répétition. Un contrat de neuf ans est alors conclu. Il sera renouvelé en 1992.