La vision du futur chez les anarchistes en France durant l’âge d’or de l’Anarchie (1894-1907)

RIEHL Alexandre, La vision du futur chez les anarchistes en France durant l’âge d’or de l’Anarchie (1894-1907), Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 251 p.

En 1894, conscients de l’inanité des attentats individuels, les anarchistes désemparés se cherchent des repères. Le grand sursaut révolutionnaire des opprimés n’a pas eu lieu. Au contraire, conspués par cette population, pour laquelle ils s’imaginent combattre, pourchassés, marginalisés, les compagnons doivent impérativement réaffirmer leurs valeurs communes sous peine de perdre toute identité. C’est le sentiment de posséder une vision commune très spécifique du futur qui leur tient lieu de ciment idéologique. Le mouvement anarchiste français sort cependant rapidement de la semi-clandestinité dans laquelle les « lois scélérates » l’avaient plongé.

Les militants ont la volonté de trouver des formes nouvelles de militantisme pouvant rompre avec le romantisme révolutionnaire et s’ancrer dans le réel tout en refusant de faire la moindre concession idéologique. Les compagnons s’orientent vers des chemins différents. Certains apportent au syndicalisme leur dynamisme, d’autres considèrent que la révolution future doit se préparer au quotidien, tant par la propagande par l’exemple que par l’éducation. Pendant l’âge d’or de l’anarchisme, de 1894 à 1907 (date de séparation définitive entre anarchistes et syndicalistes-révolutionnaires), les militants sont constamment projetés dans le futur, dans l’attente d’une révolution en laquelle ils veulent garder espoir. L’étude de ces tentatives est donc bien au cœur de la réflexion sur la vision du futur. De plus, une telle étude ne peut faire l’impasse sur la vision anarchiste de la société idéale, qualifiée de société harmonique.

Le parti pris d’histoire sociale permet, au-delà de l’étude importante des réactions face au tournant de siècle, d’aborder le mouvement anarchiste sous un angle plus intime. Dans ces conditions, il est impératif, lors d’une étude de la vision anarchiste du futur au tournant du siècle, de prendre en compte tous les producteurs de symboles. Ainsi, construisant une histoire des représentations, il est essentiel de privilégier constamment les sources, qu’elles soient brochures ou presses militantes, almanaCRHMSS ou chansons. Sans chercher à en tirer des données objectives, l’étude des divers composants de l’imaginaire anarchiste a semblé plus importante. Il s’avère que la vision du futur s’intègre dans un véritable « oniro-type » où les compagnons projettent tous leurs espoirs, et leurs fantasmes.