RAUZY Antoine, L’apparition et l’extension des comités de soldats en France dans les années 70 (mai 1974-mars 1976), Maîtrise [Antoine ProstFranck Georgi], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 176 p.+ annexes
Le 16 mai 1974, à l’occasion des élections présidentielles, un appel signé par cent soldats était rendu public dans Rouge et Libération. Ce fut l’acte de naissance du mouvement des comités de soldats. En septembre, la manifestation de Draguignan suivie du procès de trois des manifestants renforça la combattivité dans les casernes et le début de l’année 1975 vit se démultiplier les initiatives, les débats et les comités. Une phase de stabilisation suivit, marquée par le développement des liens entre comités et sections syndicales et par les réformes engagées par Yvon Bourges et Marcel Bigeard. À la rentrée 75, les comités de soldats tentèrent de franchir un seuil qualitatif et de se coordonner nationalement dans la perspective d’un syndicat de soldats. Ils en furent empêchés par le gouvernement qui saisit la Cour de Sureté de l’État. Les inculpations de 53 personnes, les arrestations et les perquisitions dans les locaux d’organisations syndicales provoquèrent une importante réaction dans le mouvement ouvrier. Le climat s’apaisa peu à peu au début de l’année 1976, mais les perspectives étaient profondément modifiées pour les comités.
Les comités regroupaient entre quatre et six soldats en moyenne, parfois quelques dizaines, souvent deux ou trois. Ils étaient animés par des jeunes militants d’extrême gauche et composés en grande partie de sursitaires, anciens étudiants. On en dénombra entre 80 — de 100 de mai 1974 à mars 1976 — d’une durée de vie de quelques mois en général. Ils étaient surtout présents dans l’armée de terre et le contingent, et situés dans l’est de la France et en Allemagne. Ils fonctionnaient localement de manière totalement pragmatique. Nationalement et régionalement, ils s’organisaient par le biais des organisations politiques. Les comités de soldats défendaient un ensemble de revendications matérielles et politiques. Ils s’employaient aussi à dénoncer l’armée « au service de la bourgeoisie » et à rapprocher le contingent de la classe ouvrière. N’importe quelle brimade ou incident offrait une occasion pour agir et les bulletins de comités furent le moyen privilégié de cette action. Les comités ont constitué un mouvement qui, bien que faible, fut national. Soutenus dans certains de leurs objectifs par une grande partie des soldats, ils obtinrent des améliorations de la condition militaire, même si en 1976 ils n’étaient pas parvenus à développer un mouvement antimilitariste massif dans les casernes.