La presse catholique face à Pierre Mendès-France (1953-1956)

RIEU Philippe, La presse catholique face à Pierre Mendès-France (1953-1956), Maîtrise [Lucette Le Van-Lemesle, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1990, 230 p. + annexes

Pierre Mendès-France reste une référence dans la vie politique française. Moins connue est son influence sur un groupe d’intellectuels chrétiens (F. Mauriac, etc.) ou de militants catholiques (la CFTC notamment). Il était intéressant, alors de se demander quelle avait été l’attitude de la presse catholique face à celle figure marquante de la IVe République, ceci pendant la grande période mendésiste (1953-1956). A-t-elle soutenu les entreprises d’un homme qui n’avait pas, au départ, la carte de visite idéale pour la séduire (l’homme est radical, juif, ancien franc-maçon) ?

Pour répondre à celle question, pour avoir un panorama assez complet des différentes sensibilités d’une presse encore très puissante (3 500 supports !), le choix, difficile, s’est porté sur une lecture systématique de La Croix, du Pèlerin, d’Esprit, de Témoignage chrétien et de La Vie Intellectuelle. Deux autres hebdomadaires interviennent aussi dans celle recherche bien qu’étant situés en dehors de la sphère strictement catholique : L’Express pour le « Bloc-Notes » de François Mauriac, incontournable, et Rivarol au ton très intégriste sous la plume de Jean Madiran.

La confrontation entre un homme radical épris de modernité, qui ne laissait personne indifférent, et une France encore en partie rurale et catholique, permet de dresser le tableau d’un catholicisme en pleine mutation. Deux réactions dominent :

– Celle, plutôt positive, de la gauche chrétienne. Pierre Mendès-France, grâce à un style novateur, plus personnel et surtout très moral, accède au pouvoir au bon moment pour séduire des chrétiens épris de progrès social et questionnés par les problèmes coloniaux : il existe un vide politique consécutif à la droitisation du MRP ainsi qu’à la désaffection des grands parus traditionnels (SFIO, PC, Parti Radical, etc.). Des militants déçus par la démocratie chrétienne participent ainsi à la vague mendésiste, expriment le désir d’œuvrer pour davantage de laïcité et soutiennent la construction encore informelle d’une « nouvelle gauche ».

– Les réactions des journaux davantage liés à la hiérarchie (La Croix, Le Pèlerin) sont beaucoup moins positives. L’accueil du Président radical est plutôt froid. En effet, pour la première fois depuis 1947, le MRP est absent du gouvernement et ne dirige plus les Affaires étrangères. Sur fond de crise européenne (problème de la CED), c’est la crainte d’un complot visant à écarter les chrétiens du pouvoir qui est largement exprimée.

La communauté catholique, que nous quittons en 1956, après la victoire relative du Front Républicain, est plus divisée qu’auparavant : polémiques engagées à travers la presse sur la liberté politique du chrétien, cristallisation des critiques autour de l’attitude d’un MRP irréductiblement hostile à la personne de Pierre Mendès-France, etc. Cet éclatement est confirmé par les élections et sondages de l’année qui laissent entrevoir un comportement politique des catholiques beaucoup plus hétérogène.