La mobilisation de rue et la crise de mai 58

ERNAULT Christophe, La mobilisation de rue et la crise de mai 58, Maîtrise [Antoine Prost, Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 162 p.

La crise de mai 1958 qui voit revenir au pouvoir le général de Gaulle est souvent étudiée sous ses aspects politiques et institutionnels, tant il est vrai que l’influence des personnalités y fut déterminante. Mais, aussi limitée soit-elle, la mobilisation populaire qui l’accompagne permet de mieux percevoir la réaction des Français à cette situation qui annonce la fin de la IVe République.

Partagés entre opposants et partisans de De Gaulle, deux camps s’affrontent à distance, sans toutefois réellement influencer le cours des choses. En effet, pour les premiers, les dissensions entre partis politiques et entre syndicats, ajoutées au manque de propositions alternatives, empêchent une mobilisation imposante et durable. Pour les seconds, l’absence de stratégie globale de mobilisation malgré la concrétisation de leurs aspirations, ne leur permet pas de jouer un rôle vraiment décisif.

Par ailleurs, et au-delà de sa portée immédiatement politique, la mobilisation de mai à juillet 1958 revêt un aspect de lutte de mémoire, en partie autour de la personne de De Gaulle. Comme à la Libération, on observe, dans les deux camps, la volonté de se légitimer en ayant recours au passé. Si les anti-gaullistes font souvent référence à des ancêtres historiques, c’est autour de la résistance, notamment le 18 juin, que la polémique perdure et que la tentative de récupération politique est la plus forte.

Enfin, dans un contexte plus large, cette mobilisation de rue s’inscrit dans l’histoire des manifestations et permet d’observer les mœurs et pratiques adoptées par chacun des protagonistes, qui montrent ainsi leur plus ou moins grande familiarité avec l’acte manifestant, et aussi de préciser sa place intermédiaire au sein de l’évolution de la mobilisation de rue en France au XXe siècle, entre nationalisation et régionalisation, pacification et répression, tout en confirmant l’éloignement des partis politiques des stratégies de rue.