La Mémoire des LIP

BEURIER Joëlle, La Mémoire des LIP, Maîtrise [Lucette Le Van-Lemesle, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 202 p

L’étude de la mémoire des Lip révèle une structuration en deux temps. Celle-ci se constitue tout d’abord, dans l’avant-Lip et les débuts du conflit de 1973, comme une mémoire collective euphorique, idéalisée et unique, organisé par « le goût du collectif ». Dans un mouvement inverse, pendant les périodes de la reprise, du second conflit et de l’après-Lip, s’affirme, puis se confirme, une lente décomposition du groupe, soumis à un devenir économique surtout, de plus en plus contraignant. Dès lors, le bloc de départ que constituaient les Lip se désagrège en une juxtaposition de groupuscules, parfois de clans (divergences internes au groupe des syndicalistes), et la mémoire unique et euphorique de 1973 devient sombre et plurielle ; enfin, l’étude de l’après-Lip révèle la disparition de toute mémoire de groupe. Les souvenirs sont le fait d’initiatives privées. La volonté de mémoire n’existe plus à l’échelle de la communauté. La mémoire des Lip a donc disparu.

La notion d’échec — ou de succès — a entièrement organisé la mémoire des Lip en une succession de mémoires distinctes. Ainsi, la mémoire collective est fille de la réussite de 1973 ; la mémoire commune est née des difficultés économiques et humaines propres au conflit de 1976 ; enfin, l’absence de mémoire de groupe est le résultat de l’échec final et de l’implosion du groupe.

L’étude de la mémoire des Lip a permis de nuancer plusieurs analyses sur les conflits eux-mêmes. Les souvenirs font ainsi le point sur un certain nombre de clichés, tels que l’autogestion, la démocratie, le rôle des syndicats ou la position des femmes.