La loi Deixonne et les débats sur l’enseignement des langues régionales dans la vie politique française

NOUVET Antoine, La loi Deixonne et les débats sur l’enseignement des langues régionales dans la vie politique française, Maîtrise [Claude Pennetier, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 241 p.

La loi Deixonne est la première reconnaissance officielle de l’existence de langues régionales en France, en tant qu’autorisation donnée aux breton, basque, catalan et occitan d’être enseignés à l’école primaire, aux collèges et lycées ainsi qu’à l’université. Elle souligne un assouplissement de la traditionnelle politique culturelle centralisatrice et unanimiste nationale qui associe depuis la Révolution les langues régionales à la réaction et à l’Église. Maurice Deixonne, rédacteur et rapporteur de cette loi, en est l’illustration même. Hostile en 1945, la Rue de Grenelle se résout à accepter cet enseignement en 1951. Pourtant, en 1953, la méfiance est toujours de mise. L’application de la loi se heurte à de nombreux obstacles. Mais cette difficile exécu­tion était envisageable dès la conception de cette loi, rythmée par quatre ans de rudes combats au sein et en dehors du Parlement. La loi Deixonne n’est en réalité qu’une reconnaissance bien timide de ces langues régionales, limitée à l’École et excluant le corse, le flamand et l’alsacien. L’alsacien parvient néanmoins en 1952 à obtenir un statut particulier, étranger au cadre de la loi Deixonne, mais tout de même très proche dans l’esprit de sa rédaction. Cette période ne marque alors qu’un assouplissement dans le jacobinisme des pouvoirs publics. La loi n’est qu’une concession mitigée n’accordant qu’une faible satisfaction à la revendication linguistique régionale, essentiellement bretonne, évoluant pourtant dans un contexte totalement apolitique. L’hostilité au pluralisme linguistique est toujours présente en France. La loi Deixonne n’échappe pas à cet état de fait. Elle n’est qu’une récupération stratégique, mais habile, de mots d’ordre émanant de régions culturellement spécifiques réclamant une reconnaissance de leur particularisme. Motivée par une initiative à l’origine communiste, cette Loi n’en est qu’une pâle version. Elle consacre avant tout la victoire du français et sa primauté. Les langues régionales ne se voient offrir qu’une place bien étroite. La loi Deixonne n’annonce pas une nouvelle politique nationale, qui continue à confondre unité et unanimisme. Par contre, en tant que première brèche expérimentale, elle augure d’une nouvelle revendication. Celle-ci peut désormais s’appuyer sur un texte législatif et légitime, pour demander plus. La loi Deixonne offre la perspective d’une radicalisation des demandes et d’une politisation de mouvements menant alors vers une revendication pouvant réclamer un certain autonomisme.