La collaboration entre le cinéaste et l’historien dans les films historiques français

MORRISSEY Priska, La collaboration entre le cinéaste et l’historien dans les films historiques français, Maîtrise [Pascal Ory, Myriam Tsikounas], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 2 vol. 288 p.

Ce mémoire étudie les relations qui s’établissent entre le cinéaste et l’historien au cours de l’élaboration d’un film historique. Le corpus comprend les films suivants : La Marquise d’O et Perceval Le Gallois d’Éric Rohmer, Les Camisards, Moi, Pierre Rivière… et Un Médecin des Lumières de René Allio, Que la fête commence et La Passion Béatrice de Bemand Tavernier, Le Retour de Martin Guerre de Daniel Vigne et enfin Le Nom de la Rose de Jean-Jacques Annaud. Tous ces réalisateurs ont apporté un soin particulier à la mise en scène du passé, mais tous n’ont pas eu recours aux services d’un conseiller historique. Ainsi, Bertrand Tavernier et Éric Rohmer expliquent-ils dans leurs entretiens (source principale de ce mémoire) pourquoi ils préfèrent travailler seuls.

Cette étude s’inscrit dans un contexte à la fois cinématographique (nouvelles formes de représentation de l’histoire) et historiographique (médiatisation de l’histoire et de l’historien), car l’une des nouveautés de cette décennie tient justement dans l’apparition au générique de chercheurs, universitaires renommés et reconnus.

La collaboration cinéaste-historien est multiforme : l’historien peut être un ami et participer à l’écriture même du scénario (ex. : Jean-Pierre Peter et Arlette Farge pour Un Médecin des Lumières), travailler en équipe au sein d’une grosse production internationale (ex : Jacques Le Goff, Jean-Claude Schmitt, Michel Pastoureau, Françoise Piponnier, etc. pour Le Nom de la Rose) ou encore être requis pour donner quelques renseignements précis et ne pas être cité au générique (ex. : Michel Pastoureau pour Perceval Le Gallois). Il existe donc une palette assez large des fonctions du conseiller historique. Au sein de cette étude, a été considéré comme conseiller historique l’historien véritablement engagé (signature d’un contrat, rémunération) et mentionné au générique technique du film.

Dans un premier temps, sont exposés les enjeux de la reconstitution tant du côté du réalisateur que de l’historien : quelles formes artistiques et politiques le cinéaste veut-il donner à sa mise en images du passé ? Pourquoi le réalisateur fait-il appel à un conseiller historique ? Pour quels motifs l’historien accepte-t-il de jouer ce rôle ? Dans un deuxième temps, la transmission du savoir scientifique est étudiée dans toutes ces configurations : échanges oraux, dossiers, nature du savoir transmis, fonctions qu’endosse le conseiller (juge, garant, réservoir d’anecdotes). Cette patrie analyse également le fruit de cette collaboration tant du point de vue de l’artiste que du chercheur. Enfin, dans la troisième partie, les limites et conflits de cette collaboration sont examinés : quelles frustrations éprouve l’historien ? Quels genres de conflits sont survenus lors de ces échanges ? Il convenait ici de s’appuyer sur l’étude de Paul Ricœur sur le récit fictionnel et le récit historique (Temps et Récit, t. I, II et III).