Juif et résistant : genèse d’une identité

BINISTI Patrick, Juif et résistant : genèse d’une identité, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993, 148 p.

L’historiographie révèle une problématique jusque-là ignorée ou occultée : la recherche identitaire juive au travers de l’intérêt porté à la Résistance juive.

Vers la fin des années soixante, et de façon plus marquée encore à la charnière des années 1970-1980, le débat se cristallisa sur la question de l’identité. En effet ; définir la judéité revenait éventuellement à donner sa spécificité à la Résistance juive. Se penchant sur ce débat, les historiens crurent reconnaître les traits pertinents du processus de construction de mémoire. Les témoins s’opposèrent à cette interprétation perçue comme un effet de style propre aux intellectuels. De fait, émergeait le clivage entre discours savant et dominant tenu par l’Université, et le savoir empirique issu du vécu. Les historiens désiraient des concepts opératoires. Les acteurs luttaient pour défendre une mémoire, une représentation, une spécificité juives.

La recherche identitaire est le fruit de cette lutte. Les notions de groupe social, communauté, peuple, furent alors abordées. Apparurent les dimensions personnelles et multiformes de la judéité laissant en suspens toute tentative de généralisation, de définition absolue.

Ces conclusions floues conduisirent à réfléchir sur le thème de la mémoire collective. Les questions s’orientèrent donc vers les raisons politiques, historiques et psychologiques qui auraient amené ce groupe humain à reconstruire un passé à partir d’un événement transmué en élément fondateur d’une mémoire : la Résistance juive.

Un bref historique révéla que la « communauté » juive était passée du désir d’assimilation à une méfiance à l’égard de la France. Désormais, les Juifs ne pouvaient plus se projeter dans le pays des Droits de l’Homme ; l’image de la Révolution émancipatrice avait été brisée. La définition de la judéité, redevenant le principal élément identitaire, fut alors véhiculée en partie par le sionisme et bientôt par l’État d’Israël.

Les raisons psychosociologiques sont de l’ordre de la sauvegarde d’une culture et de la perpétuation du sentiment d’appartenance à un groupe qui se sent, dans le fond, dénué d’éléments définitionnels.

Enfin, l’étude comparative de la presse juive et de la presse générale démontre l’intérêt « intra-communautaire » que suscite le sujet. Ce phénomène prouve combien l’enjeu de mémoire est primordial, et combien la Résistance juive est chargée de significations qui dépassent le cadre strictement historique.