Jean Borotra (1898-1994) : au service de ses engagements

GAUTIER David, Jean Borotra (1898-1994) : au service de ses engagements, Maîtrise [Michel Dreyfus, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 227 p.

Jean Borotra présente un cas complexe de parcours dans le siècle, que ses engagements, ses prises de positions et son statut particulier rendent encore plus difficile à cerner.

Le nom de Jean Borotra évoque à beaucoup la figure d’une gloire sportive exceptionnelle. Il est en effet, avant toutes choses, un champion renommé, membre de la fameuse équipe des mousquetaires, qui dominèrent le tennis entre 1926 et 1933, et dont le palmarès, inégalé, a forgé une légende inaltérable.

Mais la vie du Basque bondissant ne s’arrête pas au simple aspect sportif. Issu de Polytechniques, il profite de ses voyages aux USA pour introduire les pompes à essence en France, et devient pour 50 ans un personnage de premier plan du monde de l’hydrocarbure français. Il mêle alors son activité professionnelle et sa passion sportive dans un rythme de vie effréné et étourdissant, qui ne l’empêche pas de s’inscrire dans d’autres domaines de la vie sociale.

Car Borotra s’engage politiquement dans son époque, fréquentant les grands de son monde grâce au tennis et profitant opportunément de sa renommée et de cette promiscuité pour s’affirmer dans l’action politique. Volontaire National et sympathisant Croix de feu, sa vie opère un brutal tournant en juillet 1940, lorsqu’il rejoint Vichy et devient selon le souhait de Pétain, Commissaire général à l’éducation générale et aux sports. Il adhère sans retenue à la philosophie de la Révolution Nationale à laquelle sa politique se réfère totalement. Toutefois, son farouche patriotisme lui commande d’observer la plus stricte orthodoxie vis-à-vis de la nation : il refuse obstinément toute idée de collaboration avec l’Allemagne nazie, et conçoit bientôt son rôle comme celui d’une préparation du pays à la revanche.

Cette position particulière lui vaut d’être évincé en avril 1942, puis rapidement arrêté et déporté en Allemagne en compagnie de Daladier, Reynaud, La Rocque, Jouhaux, après qu’une intervention personnelle du Roi de Suède auprès d’Hitler l’eut peut-être sauvé d’un sort tragique.

La République reconnaît les mérites de cet héroïque prisonnier et l’honore en conséquence, malgré les polémiques. Cela ne suffit pas à le distraire de ses idéaux originels. Fidèle à ses convictions, il rejoint l’Association pour défendre la mémoire du Maréchal Pétain. En outre, il parvient à consacrer sa politique sportive de 1940 au sein des comités de réflexions sur la question, en pleine France gaullienne. Refusant de comprendre que l’on puisse l’honorer tout en désapprouvant Vichy, Jean Borotra s’aveugle dans une conviction inaltérable, qui le mène à se maintenir au service de ses engagements, en dépit du bon sens