La représentation de la vieillesse dans le journal de l’Union des vieux de France (1946-1995)

GOUZON Clément, La représentation de la vieillesse dans le journal de l’Union des vieux de France (1946-1995), Maîtrise [Michel Pigenet, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 157 p.

À travers cette étude, nous avons tenté de mettre en valeur les caractères originaux du processus de formation d’une association de vieux militants communistes, l’Union des Vieux de France, au cours de la deuxième moitié du XXe siècle et souligné combien ce groupe, dont l’activité est centrée sur la défense d’intérêts communs et la revendication catégorielle, doit son existence collective à la législation sociale. Né après la deuxième guerre mondiale, au moment de la mise en place de la Sécurité sociale, le groupe se donne, dans l’espace publie, des représentations de lui-même qui sont intimement liées aux étapes de formation de la politique de la vieillesse en France.

L’aspiration à la retraite dans le mouvement associatif a représenté une demande sociale primordiale. Elle était perçue comme la revendication d’un droit à l’existence dans les vieux jours, fondée sur le droit à une créance sur la société qu’ouvre une vie de labeur. Cette demande sociale a été formulée dans le cadre de la création des institutions de retraite. Après la mise en place de la Sécurité sociale, l’association polarise sa lutte sur l’amélioration des critères sur lesquels repose le droit à la retraite. L’enjeu fondamental du débat sur la vieillesse, au cours des années 1946-1977, est celui du développement d’un droit social à la retraite. Les problèmes de la vieillesse ont tendance à être subsumés au débat sur le montant du revenu de substitution. De là découle la représentation militante et protestataire de la vieillesse donnée par les hommes de l’association.

Le rôle joué par la Commission d’Étude des problèmes de la vieillesse, instituée par les pouvoirs publics en février 1962, est déterminant. Cette vaste consultation, la première de ce genre, a donné aux différents agents agissant dans le champ de la vieillesse le moyen de s’unifier autour d’une problématique commune, l’insertion sociale de la vieillesse. En même temps qu’ils y puisent des langages et des concepts communs, ils y trouvent une légitimation publique de leurs interventions.

Pour l’association, le second enjeu du débat sur la vieillesse, au cours des années 1978-1995, devient celui de la définition d’un mode de vie spécifique de la vieillesse. Les mesures de participation sociale, de maintien à domicile, et plus largement de loisirs et de défense du pouvoir d’achat ont pour fondement les débats autour de cet enjeu. L’action sur le mode de vie devient, à partir du Congrès de Grenoble en octobre 1978, un véritable projet d’insertion sociale de la vieillesse. Il importe d’agir désormais sur le mode de vie, en vue d’aider celle-ci à prolonger le plus longtemps possible une vie normale, autonome et insérée.

Ce retournement de perspective va de pair avec l’élaboration d’une nouvelle définition de la vieillesse. Cette dernière n’est plus simplement perçue en tant que retraite comme droit à l’inactivité pensionnée, mais aussi en tant que position sur l’échelle des âges ouvrant de nouvelles possibilités d’insertion sociale. La vieillesse, faite d’images multiformes, revêt désormais deux significations : l’âge de la retraite (« le troisième âge ») et la grande vieillesse (l’âge de la dépendance). La formule habile du troisième âge doit être comprise comme l’introduction d’une seconde jeunesse, intercalée entre l’âge adulte, dans les limites de la vie active, et une authentique vieillesse. La première vieillesse est résolument active et autonome.

La dernière étape de la vie est désormais écartelée, non seulement par des réalités plus diversifiées que jamais, mais aussi par des images collectives de plus en plus fragmentées.