Dim dam dom : le magazine féminin télévisé des années soixante

CORNEILLE Lucile, Dim dam dom : le magazine féminin télévisé des années soixante, Maîtrise [Pascal Ory, Myriam Tsikounas], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 167 p.+ 159 p. d’annexes

1965 : la Grande-Bretagne adopte le système métrique et la minijupe de Mary Quant.

En France, de Gaulle est réélu président, Sylvie Vartan épouse Johnny Hallyday, Jean-Luc Godard tourne Pierrot le Fou, et l’ORTF prend un coup de jeune avec Dim dam dom

Pourquoi Dim ? Pourquoi Dam ? Pourquoi Dom ? Dim, parce que l’émission mensuelle est diffusée un dimanche, Dam parce qu’elle est d’abord destinée aux dames et Dom parce qu’elle s’adresse aussi aux hommes.

Alors chef de la rubrique « Actualité » à Elle, Daisy de Galard sait à merveille se servir de son expérience de journaliste pour traduire par le film ce qu’elle maîtrise au travers de la photo et de l’écriture : séquences courtes, élégance, sophistication, désinvolture. Et pour couronner le tout, une bonne dose de snobisme. Et un zeste d’érotisme. Mais à ne pas confondre avec la vision qu’en ont quelques magazines actuels. Chez Daisy de Galard, on ne donne pas dans la gauloiserie vulgaire, mais dans la subtilité raffinée.

Émission-culte coïncidant avec l’enthousiasme d’une génération en révolte contre le « lady look » et le vieux chic, magazine des modes, Dim dam dom saisit et traque son époque à coup de reportages, d’interviews portant sur des sujets aussi graves et frivoles que la beauté, la guerre, le soufflé aux violettes de Mapie de Toulouse-Lautrec, les religieuses parlant chiffons à Jacques Lanzmann, la dame de shantung vue par Just Jaeckin ; en un mot, la vie faite d’instants et de rencontres détonantes : Geneviève Dormarm et Jean-Christophe Averty questionnent un négociant en baignoires, Agnès Varda filme Louis Aragon et Elsa Triolet, Françoise Sagan se prête au roman-photo illustré par Françoise Fabian, Daniel Ceccaldi, Maurice Rouet.

Plus qu’un ton, Dim dam dom c’est un style fondé à la fois sur l’absence de cloisonnement entre le « culturel » et le « pratique », mais aussi, sur l’art du contraste, des emplois à contre-emploi. Marguerite Duras chargée des grandes interviews, se frotte à un marquis garagiste et nouveau riche, Jacques Chazot tend le micro à Mademoiselle « Chanel », grenouille ratatinée acariâtre, François Weyergans filme Delphine Seyrig en photographe névrosée, Marie Laforêt donne un cours de maquillage, Jean Rochefort et Françoise Hardi jouent les poupées russes dans un conte de Noël écrit par Roland Topor…

L’irrespect est de règle, le second degré triomphe avant l’heure, et les décalages constants sont souvent violents comme en témoigne le reportage sur la guerre du Viêtnam monté sur la bande-son du langoureux Dream.

Must des années yé-yé, véritable caléidoscope, Dim dam dom révèle les courants forts (l’unisexe, le futurisme…) sans table ronde ni star d’attachée de presse, mais avec des images fortes, mobiles, urgentes, signées Peter Knapp, Gérard Pirès, François Jonvelle… Sur les trois cents réalisateurs qui ont collaboré à la série, deux-cents ont fait leurs premiers pas à Dim dam dom (Jacques Rozier, Claufe Zidi, Guy Seligmann, Paul Seban, Guy Job…). Parmi les autres débutants, Bernadette Lafont, Marlene Jobert, Romy Schneider, jouaient pour un soir les speakerines de charme…

Si le taux d’écoute ne dépassait pas les dix pour cent, il fallait être et être vu à Dim dam dom. Car Dim dam dom, c’était avant tout une coopérative de talents.