COMBES Malika, L’IRCAM et le pouvoir politique 1970-1991, Maîtrise [Pascale Goetschel, Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 176 p.+ annexes
Institut de Recherche et de Coordination Acoustique/Musique, centre de « recherche musicale », est créé en 1977 au sein du Centre GeorgesPompidou. La création de cet institut est le résultat d’une demande, datant de 1970, du président de la République Georges Pompidou au musicien-chef d’orchestre de renommée internationale, Pierre Boulez, de mettre en place un département musique dans ce centre pluridisciplinaire. Elle a pour conséquence le retour en France de ce dernier, qui se considérait alors en « exil » et vivait en Allemagne, du fait d’un conflit autour de la création de la direction de la Musique qui l’avait violemment opposé à Marcel Landowski.
Par ailleurs, l’institut qu’il met en place s’inscrit dans le courant de l’« informatique musicale ». La naissance de l’IRCAM marque ainsi une étape de la reconnaissance d’une nouvelle approche de la création musicale et de son intégration dans le catalogue musical de l’État. Dans la politique dite de « recherche musicale » instaurée vers 1975 par le directeur de la Musique Jean Maheu, l’institut de Pierre Boulez dispose d’une place centrale.
Cette situation privilégiée, le monopole que tente d’instaurer Pierre Boulez dans ce milieu, et qui est rendu possible grâce à ses appuis politiques et aux moyens considérables attribués à l’IRCAM, vont faire objets de polémiques dès la création de l’institut. Ces débats amènent bien souvent à une réflexion plus générale sur le rôle de l’État dans notre société et sur les conséquences des décisions prises par une intervention directe du pouvoir, au niveau central, en matière d’art. L’intervention de l’État est-elle légitime dans le domaine de la Culture, dans la création artistique, qui relève d’abord de l’individu ?
Les polémiques émanent parfois de la sphère politique. Ainsi, le directeur de la musique Maurice Fleuret, sous le premier septennat Mitterrand, s’oppose à Jack Lang lorsqu’il dénonce la position hégémonique l’IRCAM et affirme la volonté de rééquilibrer les aides à la « recherche musicale ».
Au début des années 1990, une crise importante éclate au sujet de l’IRCAM. Or le conflit s’est déplacé. En effet, l’institut adopte une politique d’ouverture qui désamorce Ies critiques. Outre les accusations traditionnellement portées sur la musique contemporaine, c’est Pierre Boulez qui est visé par cette polémique. L’on dénonce son omniprésence dans les affaires musicales de la France, et notamment dans les projets de l’Opéra Bastille et de la Cité de la Musique.
Les liens privilégiés avec le pouvoir politique que l’on reproche à Pierre Boulez et à l’IRCAM existent bien. L’IRCAM s’est toujours trouvé en adéquation avec une orientation donnée en politique culturelle, celle de Georges Pompidou et de Michel Guy, puis celle de Jean Maheu, celle de Jack Lang. L’institution fut ainsi plébiscitée en tant que modèle.
C’est que Pierre Boulez est unique, il dispose d’une image forte en France, et surtout, à l étranger. Le pouvoir politique a besoin de lui comme Pierre Boulez a besoin du pouvoir politique, afin d’assurer à la France un rayonnement français en matière de culture et de musique.
Aujourd’hui l’IRCAM est toujours une institution reconnue et dynamique ; il est important pour un compositeur d’y effectuer un stage, et ses travaux sur le son sont pris en compte par la communauté scientifique. Prise en charge par un administrateur, elle ne crée plus de polémiques et tend à devenir une association plus banale.