De l’engagement au détachement : itinéraire d’un dirigeant communiste, Claude Poperen

MARÉCAILLE Aude, De l’engagement au détachement : itinéraire d’un dirigeant communiste, Claude Poperen, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Claude Pennetierl, Univ. Paris 1 CHS, 2002, 3 volumes 173 p.+ 191 p. d’annexes + inventaire des archives

L’itinéraire de Claude Poreren, né le 31 janvier 1931 dans le Maine-et-Loire, au sein d’une famille très marquée par la lutte pour la République et l’école laïque, est celui d’un ouvrier métallurgiste qui s’est engagé dans l’action syndicale avant de devenir un dirigeant communiste d’envergure. Militant d’abord à l’Union de la jeunesse républicaine de France et à la Confédération générale du travail de la Régie des usines Renault de Boulogne-Billancourt, il accède rapidement à la direction de la Fédération des travailleurs de la métallurgie et du Parti communiste français. Militantisme de terrain, ouvrier métallurgiste, expérience comme dirigeant, mais aussi capacité de résister à la dissidence d’un membre de sa famille (son frère Jean, avec lequel il n’hésite pas à rompre), autant d’éléments qui ont joué en sa faveur et l’ont révélé aux yeux de la direction communiste.

Cette étude est un genre biographigue, une façon personnelle d’aborder la vie de Claude Poperen en essayant d’analyser la rencontre entre l’homme et le Parti. Il ne s’agit ni d’une biographie officielle, ni d’une biographie autorisée, mais bien d’une biographie historique basée sur la volonté de comprendre un environnement, d’où l’usage des entretiens oraux (de Claude Poperen et d’autres témoins), et d’étudier les différentes phases de l’évolution du PCF, d’où l’usage des archives à la fois privées (celles de Claude Poperen) et officielles (« bio » du PCF, l’Humanité, brochures, etc.).

Ce parcours politique nous a amené à nous demander dans quelle mesure l’itinéraire d’un individu, un permanent communiste, un fonctionnaire de parti permet d’éclairer le fonctionnement d’une organisation comme le PCF, de mieux saisir les rouages de son appareil, de percevoir les rites et les codes de cette « contre-société » selon le vocabulaire kriegelien. Cette problématique générale a été guidée par des interrogations plus précises : quels mécanismes de sélection amènent un individu à exercer les plus hautes fonctions dirigeantes au sein d’un parti, le PCF ? Quel est le quotidien du permanent, du « professionnel de l’idéal » ? Surtout question essentielle, que nous révèle son itinéraire particulier sur les mécanismes décisionnels et les centres du pouvoir, mais aussi sur les modes de marginalisation au sein d’un parti qui se veut fondamentalement égalitaire et équitable ? Enfin, comment, peu à peu envahi par le doute, Claude Poperen en vient-il à se poser des questions et à les poser, rompant ainsi avec une règle implicite (celle de l’unité de la direction) et ouvrant la voie à sa marginalisation ? Choisissant d’abord la contestation interne (les Reconstructeurs communistes), quelles raisons le poussent finalement à rompre avec le Parti auquel il a consacré toute sa vie ? Quelle signification revêt une telle rupture ?

Cette étude pose, plus globalement, le problème de la destinée du cadre ouvrier au sein du PCF. Claude Poperen se devait-il nécessairement de monter ? Une chose est sûre, il confère une « caution ouvrière » au Parti. À cela s’ajoutent des particularités évidentes, telles que la construction d’une identité individuelle, identité qui lui sert de protection contre l’univers familial et ce qu’il peut avoir de dangereux à un moment donné. Cette identité, c’est incontestablement une identité ouvrière. En outre, il bénéficie d’une certaine légitimité, due à son activité de dirigeant syndical compétent. Claude Poperen est donc un cadre ouvrier qui s’est construit comme tel, mais qui jouit d’une réelle assise. Aujourd’hui encore, il reste avant tout un militant actif, qui garde toujours I’espoir de créer une nouvelle force politique à gauche.