Vacances et loisirs des instituteurs dans l’entre-deux-guerres d’après la presse syndicale

FERNIOT Sophie, Vacances et loisirs des instituteurs dans l’entre-deux-guerres d’après la presse syndicale, Maîtrise [Jacques Girault, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991, 260 p. + annexes

Le maître d’école, durant l’entre-deux-guerres (1919-1939), apparaît comme un personnage hors du commun. Sa culture, son mode de vie, et plus encore le temps de liberté dont il dispose avec plus de dix semaines de congé, sont autant de singularités qui suscitent la gêne, parfois la honte chez le maître, l’admiration et l’envie chez ses contemporains. Car l’opinion publique qui le juge communément par les loisirs dont il jouit, l’exclut souvent de l’ensemble des travailleurs.

En réaction à cette opinion négative, le maître multiplie les activités « utiles » hors de la classe. Il enrichit sa pédagogie en lisant, en fréquentant théâtres, cinémas et expositions, en s’initiant à des activités manuelles diverses ; du dessin à l’entretien d’un jardin, en proposant aux élèves de former une troupe théâtrale. L’instituteur encadre les jeunes dans les colonies de vacances, les patronages ou les coopératives scolaires. Les congés syndicaux eux-mêmes sont une pierre supplémentaire à sa mission au service de l’école.

Personnage d’exception, l’instituteur le confirme par le rôle de précurseur qu’il joue au sein de la société française en matière de gestion des loisirs. En 1936, lorsque les Français bénéficient des premiers congés payés, ils marchent sur les traces laissées par le maître d’école profitant de ses découvertes touristiques, fréquentant les lieux qu’il a inaugurés (sports d’hiver, stations balnéaires, sites étrangers). Ils adoptent ses hébergements, de la maison familiale à l’hôtel. Ils profitent de ses inventions ; le guide touristique, le classement des hôtels selon le nombre d’étoiles…

L’instituteur, fort de son expérience des voyages, franchit l’étape décisive et devient lui-même organisateur de loisirs. La création d’un organisme de tourisme propre à offrir des vacances accessibles à tous, « Vacances et Tourisme pour Tous », préfigure les organisations de loisirs, les tour-opérateurs qui abondent de nos jours. Jusqu’aux vacances à thème culturel que le maître d’école avait également inventées durant l’entre-deux-guerres, cinquante ans avant la formidable révolution des loisirs de la fin du vingtième siècle.