Résumés des mémoires de maitrise – Années 1990

1999

ANTISTE Alex, Monographie du centre de chèques postaux de Paris : 1945-1968, Maîtrise [Antoine Prost, Christian Chevandier], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 258 p.

À l’image du succès remporté après la Seconde Guerre mondiale par le service français des chèques postaux, créé par l’administration des PTT en 1918, le centre des chèques de Paris a connu, entre 1945 et 1968, une croissance exceptionnelle de son trafic et de ses effectifs, à une époque jus­tement où le secteur tertiaire administratif et la petite fonction publique étaient en plein essor. L’étude des origines, des conditions de vie et de tra­vail et du syndicalisme du personnel postier de Paris-Chèques, nous a per­mis de participer à l’histoire syndicale de la fonction publique et aux champs de recherches ouverts récemment sur l’histoire sociale du travail des femmes.

Quelle était la condition sociale réelle de ces postières ? Pour répondre à cette question qui recoupe toutes les dimensions de notre étude, nous avons consulté les documents des Archives Nationales et les archives syndi­cales accessibles sur ce sujet. Trop lacunaires et fragmentaires, ces sources ont été complétées par une série de témoignages d’anciens employés du centre, et par des archives privées, dont un journal exceptionnel tenu au jour le jour, par un militant CFDT de Paris-Chèques pendant toute la durée de la grève de 1968.

Il est apparu finalement que cette administration particulièrement concernée par les exigences de productivité, et qui ne parvenait que diffici­lement à réunir les effectifs nécessaires à l’écoulement du trafic, employait des jeunes femmes de milieux populaires, originaires après 1950, pour la plupart de province, et du sud-ouest en particulier. Ces dernières, unies par le sentiment du déracinement, connaissaient à Paris 1es difficultés maté­rielles et pécuniaires des salariées les plus modestes de la capitale. Mais elles jouissaient néanmoins des avantages liés à leur statut de fonctionnaire et des possibilités de promotion ou de mutation, qui leur étaient offertes par l’administration des PTT. Dans un centre où l’organisation était rationali­sée et taylorisée, la majorité des agents d’exécution, vérificatrices ou méca­nographes étaient de véritables OS du tertiaire, qui subissaient, parfois au détriment de leur santé, la fatigue nerveuse causée par un rythme de travail toujours soutenu. Les autres, chefs de groupe, ou employées dans certains services annexes, effectuaient, elles, un travail un peu moins pénible, et plus valorisant. Quant au syndicalisme des chèques, il était marqué par des divi­sions profondes, et confronté à un personnel féminin peu marqué par l’esprit fonctionnaire et plutôt passif. Il a toutefois bénéficié, à partir des années 1950, du travail efficace de nouvelles militantes très actives et sou­cieuses de défendre les revendications spécifiques des jeunes femmes du centre. C’est d’ailleurs en partie la raison pour laquelle, après la grève d’août 1953, très bien suivie, l’état d’esprit des employées évolua considérablement leur participation aux actions syndicales augmenta d’une manière significative. La grève victorieuse de 1968 marqua d’ailleurs l’apo­gée et le couronnement des nombreux mouvements organisés à Paris-Chèques à partir du début des années 1960. À son issue, en effet, la prin­cipale revendication du personnel d’exécution, à savoir, la réduction du temps hebdomadaire de travail, fut enfin satisfaite. Ce qui contribua ainsi largement à l’amélioration de leurs conditions de travail.

Particulièrement représentatif des grandes « usines administratives » françaises du secteur tertiaire de l’après-guerre, le centre de chèques postaux de Paris a ainsi abrité, de 1945 à 1968, un personnel dont les origines et les conditions reflétaient tout à fait la prolétarisation alors générale des employés de bureau. Néanmoins, même aliénant, ce travail d’employée à la chaine permettait à ces jeunes postières d’accéder aux avantages offerts par le statut de fonctionnaire. Ce qui, pour des jeunes femmes de milieux modestes, suffisait le plus souvent à satisfaire leurs aspirations et pouvait même constituer une réelle promotion.

BALTA Virginie, Les fêtes de la coupe du monde de football à Paris, 9 juin-14juillet 1998, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 125 p.

L’étude a été réalisée essentiellement à partir de sources audiovisuelles. Elle s’efforce de dresser une typologie des fêtes se déroulant à Paris pendant la Coupe du monde de football et aboutit à une classification en trois grands types de fêtes qui ont marqué l’espace parisien du 9 juin 1998 au 14 juillet 1998.

À leur début, les festivités parisiennes furent circoncises à l’univers des supporters de football alors qu’à l’issue du parcours victorieux de l’équipe de France, on a assisté à trois jours de « fête nationale » qui ont dépassé le cadre de l’engouement purement sportif. La liesse a transcendé toutes les barrières sacrales et ethniques de la population française qui s’est alors reconnue comme appartenant à un groupe défini. L’ampleur de ce phéno­mène a surpassé les prévisions des organisateurs politiques de la Coupe du monde. Les fêtes à dimension universaliste organisées pour l’ouverture du Mondial furent un échec. En revanche, les manifestations spontanées se sont inscrites dans la tradition des grandes fêtes parisiennes bien que leurs causes puissent apparaître en rupture avec cette histoire. Chacune d’elles a présenté des aspects traditionnels et d’autres novateurs en comparaison aux fêtes parisiennes depuis la période révolutionnaire. L’analyse des fêtes de la XVIe Coupe du monde de football à Paris permet de proposer une redéfi­nition des fêtes.

BOISBEAU Hélène, De La Guilde au TEP ou d’un théâtre d’amateurs à un théâtre national, 1951-1972, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 152 p.

Le projet d’évoquer la monographie de La Guilde, troupe française de théâtre, dans un temps récent, celui de l’après-guerre et de ses utopies, répond à la volonté de rechercher dans le théâtre des cinquante dernières années les mythes fondateurs de la conception de troupe en France, et d’en analyser l’idéologie communautaire, à travers celle de théâtre populaire.

Parallèlement, en plaçant un travail d’équipe au centre de cette recherche, à une époque où le théâtre est plus que jamais projeté dans une dimension discursive et dogmati9-ue, il s’agissait de faire le tri dans l’éclec­tisme théorique des écoles du théâtre français, notamment en les question­nant sous l’angle de l’investigation historique, à partir de la notion de légi­timité. Autrement dit, qui — groupe — se fonde sous l’autorité de qui — indi­vidu ou groupe — ou de quoi — groupe ou théorie — et dans quels temps — théoriques ou idéologiques ?

La vie de la compagnie se déroule de 1951 à 1972 et revêt diverses formes. À ses débuts, c’est une troupe de comédiens amateurs qui se sont rencontrés dans une salle de patronage du XXe arrondissement de Paris. Après leur victoire au concours des Jeunes Compagnies, ils créent un théâtre, le Théâtre de Ménilmontant, encore en activité, qui tente de fonctionner comme un théâtre privé, avec le souci de rentabilité en moins. Cette situation ne peut se prolonger sans avoir recours aux subsides de l’É­tat. La troupe se réfère alors au théâtre conçu comme un service public.

Par la suite, sous l’égide du Ministère des Affaires culturelles nouvelle­ment institué, la compagnie devient le centre de création théâtrale de la nouvelle et unique Maison de la culture parisienne en 1963, le Théâtre de l’Est parisien ou TEP. Ses dirigeants, Guy Rétoré, Arlette Téphany, Pierre Taupier, sont aussi ceux de la troupe. L’étude s’achève avec la saison 71-72 avant la mise en œuvre des nouveaux statuts du TEP devenu théâtre natio­nal.

À travers cette monographie transparait la volonté continue des déci­deurs de La Guilde d’appeler l’intervention de l’État tout en se gardant de sa tutelle ou de tout autre, renouant ainsi avec la tradition des fous du roi, tour à tour courtisans et miroirs satiriques de la monarchie.

L’histoire de La Guilde, c’est peut-être celle de la Grenouille…

BRUN Amélie, Ruptures et reconversions des dirigeants de la fédération de Paris du PCF des années 70-80, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Claude Pennetier], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 234 p + annexes

Soucieuse de suivre l’évolution de la capitale dont le niveau socioculturel est de plus en plus élevé et encouragé par le climat d’ouverture qui règne dans Paris, la fédération communiste de Paris multiplie les contacts avec la population parisienne depuis le début des années 70 et bénéficie d’une influence importante. La rupture du Programme commun en 1977 et la défaite de la gauche aux élections législatives de 1978 mettent fin à cette ascension. En effet, après ces échecs successifs, le parti décide de revenir à des positions plus « orthodoxes ». Le 11 janvier 1979, le Bureau politique du PCF condamne fermement la politique menée dans la capitale par les dirigeants fédéraux qu’il juge opportunistes. Persuadés que leur orientation est nécessaire pour renforcer l’influence du parti, les membres du Secrétariat fédéral s’unissent et refusent l’autorité nationale. Ils démissionnent successivement de leurs hautes fonctions entraînant derrière eux des membres du Comité fédéral. Tous sont exclus du PCF au début des années 80.

Onze anciens dirigeants nous livrent leurs témoignages sur leurs recon­versions politiques et professionnelles. Âgés de 30 à 50 ans, ils doivent faire face à de profonds bouleversements, malgré la rupture, ils restent forte­ment marqués par leur passé de militant communiste et continuent à s’in­vestir dans la société, en luttant dans un mouvement critique, en adhérant à un autre parti politique, en participant à des associations, des clubs de discussions, des revues… Les anciens permanents se lancent à la recherche d’un nouvel emploi, une épreuve difficile où l’expérience acquise dans les rangs du parti se révèle très utile. Le cheminement de ces anciens cadres parisiens leur permet de se reconstruire progressivement une identité.

CANNET Juliette, L’inventaire général des Monuments historiques et des Richesses artistiques de la France à travers trois exemples régionaux : la Bretagne, l’Île-de-France et le Poitou-Charentes, 1964-1997, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 213 p.

La création de l’Inventaire général des Monuments et des Richesses artistiques de la France en 1964 (par la loi n° 62 900 du 4 août.1964) s’est faite dans un contexte particulier : un ministère des Affaires culturelles récent avec André Malraux à sa tête et l’élaboration du IVe plan de développement économique et social.

Sa vocation était d’« étudier, recenser et faire connaître » les différents éléments du patrimoine français. Dès l’origine de l’inventaire général, les créateurs de cette entreprise (André Chastel et différents membres du cabinet d’André Malraux) furent d’accord pour donner à l’inventaire une dimension régionale. Il eut donc deux niveaux d’exécution, l’un national représenté par la Commission nationale et l’autre par des Commissions régionales.

L’inventaire général se présentait comme une entreprise scientifique et homogène qui devait donner une image du patrimoine local. Les Commissions régionales ne furent pas créées toutes en même temps. Le ser­vice régional de l’Inventaire en Bretagne fut créé dès 1964, celui du Poitou-Charentes en 1968 et enfin celui de l’Île-de-France fut un des der­niers, avec sa création en 1980.

À l’époque de sa création, l’inventaire général se présentait comme un outil de connaissance du patrimoine et contribuait ainsi à faire découvrir et préserver une identité culturelle régionale. Aujourd’hui, il est devenu un outil d’intervention dans les politiques locales d’aménagement du territoi­re. Il est inséré dans un cadre institutionnel (les Directions régionales des Affaires culturelles). Et chaque région utilise l’Inventaire général suivant ses moyens et ses besoins.

La mise en place d’outils méthodologiques de plus en plus performants (l’utilisation de dossiers électroniques, la mise en place de serveurs sur Internet, la création de CD-ROM) pour le travail d’inventorisation permet aux services régionaux de suivre l’ambition de l’inventaire général, celle de faire connaître le patrimoine et de donner aux collectivités territoriales des données précises sur les richesses du patrimoine de proximité.

On constate en effet que les collectivités territoriales travaillent sur les politiques de développement culturel et que l’Inventaire peut devenir pour elles, un outil d’intervention sur le plan culturel, mais aussi urbanistique et touristique. Ainsi, chaque service régional réagit différemment devant les demandes des collectivités.

CHABERT Aurélien, La ligue des droits de l’homme face aux dictatures européennes et au problème des réfugiés politiques 1931-1937, Maîtrise [Jean-Louis Robert-G. Morin], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 140 p.

La Ligue des droits de l’homme, association de défense des droits des citoyens, s’engage logiquement dans le combat contre les dictatures euro­péennes et en faveur des réfugiés politiques au cours des années trente.

Rassemblement d’intellectuels de gauche, la Ligue réfléchit aux moyens à mettre en œuvre pour contrecarrer l’expansion du fascisme et à l’attitude à adopter face à elle au fur et à mesure des événements internationaux. Les exactions en Italie, la montée puis l’avènement du nazisme en Allemagne, l’émeute du février 1934 en France, le réarmement allemand, l’agression italienne en Éthiopie et la remilitarisation de la Rhénanie en 1935, et enfin la guerre d’Espagne en 1936 sont autant d’événements qui mobilisent les ligueurs et font évoluer leur position.

Le combat antifasciste se conjugue à la volonté de préserver la paix en Europe. Cependant, à l’image de la gauche française, la Ligue se heurte à la contradiction opposant d’une part le combat antifasciste et d’autre part la défense de la paix. De 1931 à 1937, la division entre une majorité pacifiste, mais partisane de la sécurité collective puis, en 1937, d’une politique de fermeté a l’égard des dictatures à la suite de l’échec de la non-intervention en Espagne, et, une minorité ultra-pacifiste prête à tout sacrifier pour la paix, se creuse et aboutit à une scission au sein de l’association au cours de l’été 1937.

Parallèlement à ce débat, la Ligue, force de pression morale et politique, met en œuvre un certain nombre d’actions dans le droit fil de la lutte contre le fascisme : les exactions contre les opposants aux régimes dictatoriaux sont vigoureusement dénoncées, et surtout l’association agit largement en faveur des réfugiés politiques en mettant en place des structures d’accueil et d’aide juridique tout en faisant pression sur les pouvoirs publics français dans le but d’obtenir des garanties pour la préservation du droit d’asile.

CIVET Jean-François, Les députés résistants et l’Algérie sous la IVe République (8 mai 1945-3 juin 1958), Maîtrise [Jean-Louis Robert, Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 322 p.+ annexes

Les députés résistants sous la IVe République forment l’ossature des chambres des députés successives malgré une diminution sensible de leur nombre : baisse de 72 % à 60 % des élections d’octobre 1945 à celles du 2 janvier 1956. Ils ne se distinguent pas par une capacité commune à voter certains textes sur l’Algérie avant ou pendant les « événements ». L’Algérie ne semble pas susciter dissidence avant et pendant les « événements » jusqu’en 1957 : celle-ci n’existe qu’au niveau de personnalités remarquées surtout lors de l’expérience mendésiste, même si leur attachement à l’Algérie fut plus précoce pour certains (Temple, Fonlupt-Esperaber, Bouret influents lors du statut). Ils ne se sont pas uniquement définis en fonction de la situation algérienne que seules les élections de janvier 1956 mettent au premier plan. L’extension des pouvoirs spéciaux à la métropole provoque la première rupture significative en raison des atteintes portées à la défense des libertés individuelles : 26 socialistes ne prennent pas part au vote et une partie significative du MRP s’abstient dont deux Compagnons de la Libération, Tejtgen et de Menthon. D’autres, comme Henri Ulrich et Francine Lefebvre s’engagent dans un processus d’opposition. L’indécision du gouvernement Bourgès-Maunoury explique l’émergence d’une autre opposition qui dénonce l’impuissance du régime et son incapacité à conserver l’Algérie française, conduite par des Compagnons de la Libération comme Dronne ou P. André. Les événements de mai seront, pour ce second front, déterminants, forçant les indépendants indécis à rejoindre les anciens soutiens mendésistes (Kir, Temple, Moustier, fils de I’un des quatre-vingts) ou les opposants aux lois-cadres qui ont pour porte-parole Pierre Montel. Une spécificité résistante dans un camp ou dans l’autre n’est pas décidable. Des personnalités résistantes dissidentes, Daniel Mayer, George Bidault ou François Reille-Soult fondent leur argumentation sur leur résistance, notamment l’opposition à Munich pour l’ancien président du CNR. Savary ne se justifie pas par son passé résistant et comme Fonlupt-Esperaber, intéressé par l’Algérie, il songera à se présenter aux élections législatives de 1958 en Algérie, position singulière au sein des minorités.

CLOSETS (de) Sophie, La commission de contrôle des œuvres cinématographiques face au cinéma français de fiction, 1956-1960, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 260 p.

Ce mémoire se propose d’étudier la commission chargée de contrôler, c’est-à-dire de censurer tout ce qui était projeté sur les écrans en France, en se concentrant sur les longs-métrages français de fiction réalisés entre 1956 et 1960, période-charnière à la fois parce qu’elle voit la France, engagée dans le conflit algérien, changer de République, mais aussi parce que, pour la dernière fois de son histoire, la censure cinématographique se durcit, alors qu’émerge un style cinématographique plus libre, celui de la Nouvelle Vague.

La commission de contrôle des œuvres cinématographiques, rattachée au Centre National de la Cinématographie, avait donc la charge de délivrer ou non le visa d’exploitation des films, visa qui autorisait la projection des films devant tous les publics ou l’interdisait aux mineurs de moins de 16, puis de 18 ans, ainsi que le visa d’exportation des films français à l’étranger, décisions qui pouvaient avoir de douloureuses conséquences financières pour les producteurs. L’étude de cette commission, de son fonctionnement comme de ses agissements à la fin des années cinquante permet donc d’envisager l’attitude de l’État face aux films et à la représentation qu’ils proposaient de la société française et de ses problèmes sociaux et politiques.

Le fonctionnement au quotidien de la commission montre que, derrière une rigueur ostentatoire dans le respect des règles, grande était la part laissée à l’appréciation des membres de la commission, membres issus des ministères et de I’administration qui contrôlaient cette institution, malgré les efforts des représentants du cinéma pour que la parité de la commission fût effective. Il incombait donc aux représentants de l’administration publique de s’assurer, au prix de coupures et d’interdictions, que l’Etat, ses institutions comme ses choix politiques, fût respecté dans la production cinématographique française. Mais, autant la commission était intransigeante quand il s’agissait de politique, autant elle acceptait une relative Iiberté sur le plan des mœurs. Les négociations que tentaient les producteurs des films pour faire lever les interdictions auprès de la commission, et du ministère de l’Information, autorité de tutelle qui prenait en définitive les décisions, soulignent le poids des avis pris par une commission, qui voulait plus instaurer une autocensure dans le monde du cinéma qu’imposer ses vues par des interdictions ou des coupures, solution qui imposait aux représentants de l’État de désigner précisément leurs normes du « représentable ». La censure cinématographique entre 1956 et 1960 faisait également l’objet de vifs débats entre partisans d’un contrôle plus sévère et défenseurs d’une vraie liberté d’expression cinématographique ; son étude révèle donc à la fois les clivages d’une société française en mutation et l’image de ces bouleversements dans le cinéma français tel que le voyaient les représentants de l’État, tenants de l’ordre social et politique.

DANDÉ Serge, Le PCF et l’autogestion. Du rejet à l’adhésion (1968-1979), Maîtrise [Jean-Louis Robert, Franck Georgi], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 229 p.

La thématique autogestionnaire émerge en France avec le mouvement de Mai 1968 et occupe tout au long des années 70 une place importante. C’est ce qu’atteste, à un double niveau, son insertion progressive dans les discours des principales organisations politiques (PSU, PS et PCF) et syndicales (CFDT et CGT) et sa place dans les luttes-phares de la décennie notamment celle de Lip. Des organisations ouvrières, le PCF est celle qui inscrit le plus tardivement l’autogestion dans sa stratégie. C’est seulement en 1979, lors de son XXIIIe Congrès, que le parti communiste se dote explicitement d’une stratégie autogestionnaire, près de dix ans après le PSU et la CFDT et quatre ans après le PS. Pour autant, de 1968 à 1979, le PCF n’a été ni également ni constamment opposé à l’autogestion. Au contraire, son attitude se modifie progressivement.

Trois périodes peuvent être dégagées. De décembre 1968 à mars 1973, le PCF rejette purement et simplement l’autogestion dans un contexte où elle ne lui apparaît pas représenter une menace sérieuse. Premier parti de la gauche, parti de la classe ouvrière, c’est un PCF assuré par la puissance de ses positions — électorales et militantes — qui discute de l’autogestion et polémique contre les courants s’en réclamant. En revanche, dès l’été 1968, les communistes cherchent à intégrer dans leur programme les aspirations de mai. Notamment, le PCF adapte son discours et développe ses positions sur la gestion démocratique et l’autonomie de gestion qu’il oppose à l’autogestion. La défaite de la gauche aux élections législatives en mars 1973 sanctionne le recul des communistes au profit des socialistes. Dès lors, et jusqu’en mars 1977, le PCF cherche à empêcher l’émergence d’un pôle autogestionnaire autour d’un PS crédibilisé aux yeux des militants se revendiquant de l’autogestion. À cette fin, le parti communiste se réclame lui -­même des exigences antiétatistes et antibureaucratiques de l’autogestion, sans pour autant s’y référer dans ses documents, afin de dénier toute possibilité d’en faire un élément de ralliement pour la gauche non communiste. À partir de mars 1977, le PCF se proclame autogestionnaire. Sa conversion à I’autogestion est contemporaine de la campagne en faveur d’une réactualisation du programme commun de la gauche que la crise économique oblige à remanier. Conçue essentiellement comme un moyen d’éviter que l’autogestion soit utilisée comme un contre-feu dans le débat qui s’annonce difficile sur le seuil minimum de nationalisations, l’adhésion au PCF offre également l’avantage de permettre un rapprochement avec la CFDT que les communistes comptent utiliser afin de créer un rapport de forces suffisant pour arracher une politique de nationalisations ambitieuse. La défaite de la gauche aux élections législatives de mars 1978 conduit le PCF à assimiler l’autogestion dans sa stratégie afin de justifier une nouvelle approche de l’union misant sur les liens à la base et rejetant tout accord au sommet.

Le ralliement progressif des communistes à l’autogestion est dicté par les circonstances. Ce n’est pas la confrontation idéologique avec les courants se réclamant de l’autogestion qui convainc le PCF à se rapprocher des positions autogestionnaires, mais le développement d’un pôle autogestionnaire contestant son hégémonie sur la gauche française qui pousse le PCF à se convertir à l’autogestion. L’absence de conséquence sur sa politique et sa pratique souligne cette adhésion formelle du parti communiste aux idéaux autogestionnaires. Ainsi, lors de la campagne des élections présidentielles de 1981, l’autogestion est-elle totalement absente du programme et des discours de Georges Marchais. L’érosion rapide des idées autogestionnaires entre 1979 et 1980, qui touche non seulement le PCF mars l’ensemble des formations s’en réclamant dans les années 70, questionne la réalité de l’adhésion de nombreux courants à l’autogestion et les motivations qui les avaient conduits à s’en réclamer.

DELAS Thierry, Les infractions à la législation économique et le marché noir dans le département de la Seine, 1942-1943, Maîtrise [J.­L. Robert-Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 301 p.

Ce mémoire permet d’avoir un aperçu très partiel de la vie économique du Paris de fin 1942, au travers des dossiers du service départemental de contrôle économique (SDCE). Cette vue partielle est due au nombre limi­té de dossiers consultés, la courte période observée, mais également au couple « infraction/constatant ». En dépit de ces restrictions, on peut dis­tinguer certaines grandes lignes :

Il permet de voir, en partie, le fonctionnement du SDCE, de ses liaisons verticales et horizontales. Bien que l’organigramme de cette organisation ne soit pas réellement connu, on peut appréhender les différentes structures de cette instance de répression. Sa collaboration et, en partie, la subordination du service de répression des fraudes au SDCE montrent le caractère « original » de l’organisation du contrôle départemental de la Seine. Le mémoi­re ne montre pas en revanche les relations avec les autres services spécialisés dans la répression des infractions économiques, présents dans la capitale.

Il permet d’appréhender l’application des lois et arrêtés sur le « terrain » et les sanctions appliquées. Le gouvernement de Vichy et son prédécesseur ont élaboré un ensemble cohérent de textes pour restreindre la consomma­tion et les prix avec des buts différents. Ces textes, aménagés tout au long de la période, sont résolument inscrits dans une logique répressive de plus en plus forte. En estimer l’application sur le « terram », dans ses différents aspects, est toutefois assez difficile.

Il montre un échantillon composé presque exclusivement de commer­çants de détail (sous toutes ses formes) et de particuliers parmi lesquels on note une proportion assez forte de « sans profession » et de chômeurs. Toutes ces personnes ont des motivations différentes. Les types de consta­tation diffèrent aussi suivant les infractions. Les informateurs sont à l’ori­gine de la quasi-totalité des trafics découverts, alors que la vérification du respect des règlements par les détaillants est le plus souvent le fait du contrôle systémati9.ue ou au hasard des magasins et autres lieux de vente. Entre ces deux extrêmes, on remarque l’action des gardiens de la paix, sous diverses formes (arrestations dans le métro ou la rue, contrôle de bouti­quiers, etc.). En fonction de la catégorie d’activité à laquelle appartient la personne, on peut dégager des caractéristiques générales de leurs actes délictueux. Les hausses illicites, assez souvent associées à des défauts d’éti­quetage pour les commerçants, sont réprimées différemment suivant leur secteur d’activité. Cette différenciation est également présente pour les « trafics » des commerçants ou des particuliers. Les particuliers commettent un ensemble d’infractions très diversifiées, où prédomine l’infraction au ravi­taillement. À I’achat dans des fermes pour le ravitaillement personnel, la vente à la sauvette pour survivre, on peut opposer les véritables trafics et parfois le soupçon d’une activité illicite plus large qu’ils ne l’avouent dans les procès-verbaux.

DONZELLE Béatrice, « Charonne » vu par la presse d’information écrite, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 207 p. + annexes

Le 8 février 1962, une manifestation intersyndicale anti-OAS pour la paix en Algérie, interdite, se solde par 8 morts parmi les manifestants, étouffés dans la bouche de métro Charonne. Cet événement appartient aujourd’hui à la mémoire collective. Quel est le rôle de la presse écrite nationale et régionale de la métropole dans son ancrage dans le souvenir ?

La forte médiatisation du drame de Charonne provoque pour premier effet visible un immense élan populaire lors des obsèques des victimes, le 13 février au Père-Lachaise. Par rapport au 8 février, la foule a décuplé, et ar opposition aux débats — selon les thèmes récurrents de la jeune Vème République : Algérie, montée du fascisme, répression, péril rouge, censure — qui ont suivi la manifestation nationale, impose I’unanimité. Les journaux lui accordent encore plus de place dans leurs colonnes que la soirée du 8 février.

Si aujourd’hui les témoins de cette époque ont gravé dans leur mémoire la foule digne et silencieuse du 13 février, plus que celle — revoltee — du 8, la presse y est pour quelque chose. Elle a d’abord, volontairement ou non, amplifié le mouvement de protestation en le médiatisant, puis inscrit dans les esprits — de manière plus intense encore — l’immensité imposante de la foule des obsèques.

FIRMIN Matthieu, Les Cahiers de mai, 1968-1974, entre journalisme et syndicalisme, Maîtrise [Antoine Prost, Franck Georgi], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 211 p.+ annexes

Publication issue des événements de Mai 1968, les Cahiers de Mai ont paru jusqu’en 1974. Créés par une équipe hétéroclite, rassemblée autour de Daniel Anselme, personnage charismatique, militant professionnel, les Cahiers de Mai se donnent comme objectif initial de rassembler des témoignages ouvriers sur des conflits d’entreprises s’étant déroulés en mai-juin 1968. Ces témoignages devaient permettre de mieux comprendre cette période annonciatrice, selon eux, de profonds changements pour le monde au travail et les pranques syndicales. Mai 1968 est donc I’événement de référence devant indiquer le chemin du changement social.

Les militants des Cahiers de Mai ont vu dans les nombreux conflits du travail, ponctuant la période 1968-1974, l’expression des changements annoncés par les événements de Mai 1968. Ils constatent cependant que les ouvriers rencontrent de nombreuses difficultés pour comprendre leurs mouvements. L’une de ces difficultés est la compréhension et l’expression des raisons véritables de leurs grèves. Les militants proposent donc à ces ouvriers une méthode d’enquête collective qui doit permettre de définir les raisons du conflit et de les exposer dans des textes collectivement rédigés. Les Cahiers de Mai soulignent ainsi le rôle capital que doit jouer l’information dans un mouvement social. Une information claire, précise et collectivement vérifiée est selon eux un élément essentiel de réussite à toute grève. Ce travail d’enquête et d’information est également, selon les militants des Cahiers, un moyen de renouveler les pratiques syndicales de l’époque. Puisant ses racines dans l’anarcho-syndicalisme, le syndicalisme d’action directe, les Cahiers de Mai prônent un syndicalisme autonome et géré par les ouvriers. Le groupe Cahiers de Mai a participé à de nombreux conflits d’entreprises, mais deux d’entre eux ont fait l’objet d’une mobilisation particulière : ceux de Penarroya et Lip. Deux grèves-modèles correspondant aux ambitions des militants des Cahiers.

FOUBERT Alexandra, Les écomusées en Île-de-France : une fonction sociale (1977-1998), Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 112 p. + annexes

L’idée de constituer des collections concernant les traditions et les coutumes d’une région ou d’un pays remonte à la fin du siècle dernier dans les pays scandinaves. Ces collections étaient rassemblées dans des musées appelés musées de folklore ou d’arts et traditions populaires. Ce type de structures muséales apparaît en France dans les années 1930 sous l’impulsion de Georges-Henri Rivière, qui crée le Musée des Arts et Traditions populaires à Paris, ancêtre des écomusées. Ces derniers se développent dans les années 1970 au sein des Parcs naturels régionaux et reflètent les modes de vie des hommes dans leur environnement naturel et social.

Mais en Île-de-France, la fonction des écomusées apparaît quelque peu différente de la fonction originelle. Celle-ci est désormais axée sur l’étude des comportements sociaux. On peut donc se demander quels sont les facteurs qui ont engendré cette modification de la notion de base. Les écomusées d’Île-de-France, région récente et en constante mutation, mettent en avant les difficultés d’intégration des populations dans les villes nouvelles ainsi que les problèmes liés à l’intégration sociale (rapports entre des individus issus de groupes sociaux différents). Le travail de l’écomusée consiste à rassembler les populations, qui apprennent à se connaître par le biais d’expositions et d’animations où elles sont à la fois sujet et acteur de ces manifestations à caractère socioculturel. Les écomusées en Île-de -­France se caractérisent donc par une action sociale et culturelle dans le but d’améliorer les relations sociales, ce qui les différencie des autres écomusées dont les thématiques sont davantage axées sur les traditions et les coutumes du passé.

FOURMAS Stéphane, Le centre de séjour surveillé de Voves (Eure-et­-Loir), janvier 1942-mai 1944, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 220 p.

Le centre de séjour surveillé de Voves a été créé en janvier 1942 en application du décret du 18 novembre 1939 relatif aux mesures à prendre à l’égard des individus dangereux pour la sécurité publique. Aménagé dans un ancien camp de prisonniers de guerre, le centre est placé sous le contrôle des autorités françaises et plus particulièrement sous la « haute autorité » du préfet d’Eure-et-Loir. Lors des travaux d’aménagement, le camp est scindé en deux parties et les internés peuvent vivre dans une large autonomie à l’écart de l’administration. Ils sont surveillés par des gardes civils et des gendarmes français dirigés par un chef de camp.

Le Centre devait être spécialisé, à l’origine, dans l’internement des militants communistes de la région parisienne. Ce sera, en fait, une population masculine bigarrée composée de trois catégories de détenus : les « politiques », les « indésirables » et les « droits communs ». La forte population communiste permet d’imposer dans le camp un mode de fonctionnement efficace : l’amélioration des conditions de vie, la création d’une « Univ. » et l’activité clandestine sont organisées de manière collective.

Le régime d’internement est rude : les « prélèvements » d’otages menés conjointement par les Français et les Allemands, les transferts vers des destinations parfois inconnues sont autant de menaces qui pèsent sur les internés. Les libérations seront motivées par le ralliement de certains à la politique de Pétain, mais pour d’autres, l’évasion sera la seule issue. Le 6 mai 1944, 42 individus s’évadent du camp par un tunnel. Ce sera l’une des plus spectaculaires évasions de la Seconde Guerre mondiale. Le 9 mai 1944, le centre est dissout et les 407 internés restants sont déportés vers Neuengamme, en Allemagne du Nord.

GAILLARD Sundy, Résister sous l’occupation, résister à Auschwitz, résister à l’oubli. De Charlotte Delbo au convoi du 24 janvier 1943, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999.

L’approche d’une autre conception de la Résistance à travers le parcours des femmes du convoi du 24 janvier 1943, sur une période allant de l’Occupation à l’agrès-guerre. Un angle d’étude définissant trois formes de résistances : sous I’Occupation (1939-1942), à Auschwitz (1943-1945), à l’Oubli (1946-1971).

La vie de C. Delbo, une analyse sociologique de ces résistantes, une définition de leurs fonctions et de leurs rapports au principe de « fonctionnalité » (F. Marcot) permettent d’envisager des spécificités propres à la « femme-résistante », essentiellement d’ordre social. Ces femmes sont arrêtées pour la plupart dans les filatures policières du groupe de résistance intellectuelle de G. Politzer.

Une étude de la procédure Nacht und Nebel permet de mettre en avant des éléments suggérant l’incompatibilité du parcours des 31 000 en tant que NN. Et l’étude du « cycle de la déportation » (D. Peschansky) c’est-à­-dire depuis l’arrestation, de ce petit groupe de Françaises (230), nous donne à voir la conception d’une résistance de solidarité, puis de survie au sein du système concentrationnaire et d’extermination nazi.

Le retour des déportés fut difficile, et l’œuvre de C. Delbo a eu dans le temps un parcours peu différent de celle de Primo Lévi. L’expérience des 1000, marginal dans l’histoire de la déportation, nous amène à deux interrogations. D’une part, sur notre rapport actuel à I’Holocauste et le rôle inéluctable de l’historien dans la conservation de sa mémoire. D’autre part, sur l’évolution du témoignage écrit à travers la trilogie d’Auschwitz et après (1946-1971) et sur la place accordée à l’Holocauste dans cette mémoire consciemment portée à notre connaissance.

GODIN Julien, La politique du logement à Gennevilliers, acteurs et formes de la construction, 1945-1963, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Annie Fourcaut], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 251 p + annexes

Le paysage de Gennevilliers dans les années soixante est fortement marqué par les grands ensembles. Pourtant, en 1945, Gennevilliers n’est encore qu’une petite ville industrielle et pavillonnaire, en partie détruite pendant la guerre. Comment cette transformation radicale s’est-elle opérée en moins de vingt ans ?

À la libération, la ville doit faire face à deux préoccupations différentes : elle doit se reconstruire, mais aussi penser à son aménagement et aux logements de ses habitants. Dès la fin des années quarante, la réalisation d’un grand ensemble d’habitations est envisagée. Ce projet nécessite la mise en place de nouvelles structures et le début des années cinquante est donc consacré à la création d’un organisme de construction, à l’acquisition des terrains et à l’obtention des financements. Cependant, ni les démarches administratives ni la politique menée par l’État, qui favorise davantage la reconstruction des forces productives plutôt que la construction de logements, ne sont adaptées à la réalisation d’un tel projet si bien que près de dix ans après la fin de la guerre, aucun nouveau bâtiment n’est encore construit à Gennevilliers. En 1953-1954, un changement s’amorce. Le problème du logement devient la préoccupation première de l’État qui met en place un ensemble d’instruments législatifs adapté à la situation : le financement de la construction est réformé et un système de primes visant à encourager l’initiative individuelle se développe, des concours de constructions tels que l’opération « million » sont organisés au niveau national et donnent lieu à des réalisations de plus en plus standardisées, l’acquisition des terrains nécessaires à la réalisation de groupes d’habitations est facilitée par la « loi foncière ». La commune de Gennevilliers profite de toutes ces réformes pour construire : durant les années cinquante, près de 700 logements sont édifiés en différents points de la ville, sous la forme d’une dizaine de petits ensembles d’habitations. Simultanément débute également la construction de grands ensembles de plus de mille logements : l’ensemble des Agnettes — mis à l’étude dès 1949 — puis celui du Fossé de l’Aumône — qui participe à des concours de construction — sont réalisés dans la secon­de moitié des années cinquante. Conçus au départ comme de simples groupes de logements, ils acquièrent au fil des projets des caractéristiques nouvelles et tendent à devenir des quartiers autonomes. Toutes ces réalisations ne suffisent cependant pas à faire face à l’énorme croissance démographique de la commune et, à la fin de la période, le projet du Luth — établi dans le cadre d’une ZUP pour un total de plus de 3000 logements — est mis à l’étude.

L’analyse comparée de ces différents ensembles amène à s’interroger sur la division chronologique de la période en termes d’histoire urbaine et, plus particulièrement, à se demander si reconstruction, construction d’ensembles de tailles modestes puis réalisation de grands ensembles sont des phénomènes indépendants ou si, au contraire, il existe un lien fort entre tous ces concepts, en particulier à Gennevilliers.

GREMONT Johann, La guerre d’Éthiopie dans la presse française, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 373 p. + annexes

Le 4 octobre 1935, les troupes mussoliniennes franchissent la frontière d’Éthiopie, se lançant dans une difficile conquête qui s’achève néanmoins, et malgré les tentatives de sanctions édictées par la SDN à partir du 18 novembre contre la péninsule fasciste, par la victoire de la Nouvelle Rome sur le Négus, le 5 mai 1936.

Occultée dans une historiographie privilégiant les événements qui se sont déroulés alors sur le sol européen, la guerre d’Éthiopie — malgré sa brièveté — a cristallisé les espoirs et les craintes d’une presse française qui s’est bien souvent servie de ce conflit pour appuyer ses convictions politiques. Comment la presse a-t-elle alors abordé ce conflit, quels thèmes a­t-elle traités ? Au-delà de la simple image véhiculée sur le royaume méconnu du Négus, la question coloniale, l’existence de la SDN et donc de la sécurité collective avec l’épisode des sanctions, le fascisme italien, la lutte entre « fascistes français » et « bellicistes de gauche » passent au crible des journalistes qui ont cru à l’imminence du déclenchement d’un nouveau conflit mondial. Il en ressort trois positions, bien que des nuances parfois très fortes apparaissent dans chacune d’entre elles et que des repositionnements se font jour au fil de l’évolution du conflit. La presse de gauche adopte ainsi une attitude globalement humaniste, universaliste, sanctionniste, antifasciste, ambigüe face à la colonisation. La droite quant à elle se positionne comme l’antithèse de la gauche : raciste, colonialiste, particulariste, antisanctionniste, et admiratrice du fascisme italien. Les catholiques, enfin, nagent entre deux eaux. Globalement favorables au royaume du Lion de Judas, ils s’opposent unanimement aux nationalistes italophiles, mais adoptent une attitude plus ambigüe à l’égard du fascisme italien et surtout face à l’universalisme genevois. Durant ce conflit, ils essaient tout de même de se démarquer de la dichotomie droite/gauche.

La guerre d’Éthiopie a donc mobilisé toutes les énergies journalistiques nationales, abordant des questions parfois bien éloignées du soleil blanc d’Addis-Abeba.

HERVÉ Frédéric, Délibérations des censeurs du cinéma de la Libération, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 160 p. + annexes

Bien que reconnue, la liberté d’expression s’est souvent vue entravée par l’État. Dans l’immédiat après-guerre, c’est d’autant plus le cas pour I’expression cinématographique que le cinéma est alors le plus puissant des médias. À la Libération, le contrôle des films est confié à une commission réunissant des représentants ministériels et des gens de cinéma. L’étude exhaustive des dossiers de censure pour la période 1944-1950 permet donc de dresser l’inventaire des interactions entre l’État et la profession sur fond de reconstruction et de décolonisation, de gaullisme puis de tripartisme, de guerre froide, surtout.

Il a tout d’abord fallu mettre en lumière la composition de la censure. On y trouve des figures du Front populaire sur le retour, à commencer par Georges Huisman, le président de la commission, mais aussi des rescapés de la censure de Vichy. La délégation des professionnels est, quant à elle, très marquée par le Parti communiste. La censure dispose d’outils divers, depuis l’interdiction aux moins de 16 ans jusqu’à l’interdiction totale en passant par les coupures, les restrictions à l’exportation. La statistique montre que l’utilisation de ces modes d’interventions varie, en fait, selon la conjoncture politique, selon les griefs formulés à l’encontre du film, ou encore selon sa nationalité. Ainsi, malgré ses déclarations de principe libérales, la profession s’est servie de la censure pour combattre la pénétration du cinéma américain. Les ministères ont refoulé la production stalinienne. Tous ont défendu l’ordre moral et une certaine vision de la guerre, de l’occupation, de la résistance.

De quel genre cinématographique relève cette vie quotidienne des censeurs du cinéma de la Libération ? Du burlesque lorsqu’un représentant ministériel claque la porte et en appelle à « son ministre » contre le laxisme de la commission. Du polar quand Jeander règle ses comptes avec Viviane Romance à coup d’interdiction à l’exportation. De la comédie de mœurs gui voit Sadoul vilipender « le sexe et la mitraillette ». De la science-fiction lorsqu’on gomme le pacte germano-soviétique dans un documentaire racontant la guerre. Du western enfin, car la dernière séance, celle qui fait éclater la Commission paritaire le 3 mai 1950, aurait pu être tournée par un Sergio Leone !

HERVET Sébastien, Le parti socialiste SFIO et la mine, 1945-1951, Maîtrise [Jean-Louis Robert, G. Morin], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 274 p.

Ce travail voudrait mettre en lumière, en dépit de la focalisation opérée par l’historiographie contemporaine sur la force de l’implantation communiste dans les bassins miniers, la place réelle qu’occupèrent les socialistes dans ces bassins de 1945 à 1951. S’interroger, en somme, sur l’effectivité de l’idée de déclin des socialistes au sein du monde minier, après la Libération. On a d’abord montré l’existence d’un système de représentations socialistes de la mine, axé sur une héroïsation à la fois du mineur résistant, du premier des ouvriers et du pionnier « des vraies luttes d’antan ». Une image que les socialistes forgèrent dans une plus grande adéquation avec les mentalités minières. Elle imposa ses contraintes, mais le symbolique permit à la SFIO de renforcer son intégration au sein de la culture minière et réciproquement ; tout en accroissant davantage encore la prépondérance de la mine sur la scène politique. Ensuite, on a cherché à montrer que les besoins d’encadrement et de légitimité — caractères intrasèques de la mine — marquèrent et la sociologie, et les réseaux socialistes au sein de cet univers. Le principe selon lequel seul celui qui est descendu au fond peut s’exprimer conduisit à accorder une place de premier plan aux mineurs dans les structures d’encadrement du parti. Une évolution que l’on retrouva dans les réseaux d’encadrement avec, certes, après la perte au syndicat des mineurs, une reconstruction du réseau syndical d’abord sur des structures propres à SFIO, puis sur FO, dont les liens avec les socialistes furent plus étroits qu’ailleurs ; mais surtout dans le réseau associatif périphérique au monde du travail qui constitua un des grands traits de l’implantation de la vieille maison au sein de la mine. L’importance de ce réseau donna la mesure de l’implantation des socialistes au sein des bassins miniers. Nous y trouvâmes la confirmation que dès 1947 la SFIO avait retrouvé les municipalités qu’elle avait concédées en 1945 aux communistes ; « le municipalisme » restant le premier pilier d’un socialisme minier.

Le second pilier était désormais le député qui, grâce aux nationalisations, devenait l’homme-clef de l’action en faveur des mineurs, d’autant que, dès 1947, les socialistes avaient retrouvé le contrôle des commissions législatives et des ministères afférents à la mine. Mais cette position, après un temps de latence durant la bataille de la production, les plaça en face de deux des grèves les plus importantes de la corporation, menées par le PCF. Leur impact sur la SFIO méritait d’être nuancé. La conclusion d’un effacement des socialistes au sein de la mine, au sens de ces trois thèmes, représentations, implantation et action, n’était donc pas confirmée. Bien au contraire, au seuil d’un second temps — celui de la formation de la CECA — les socialistes, bien présents sur le terrain, allaient devoir gérer la fin de l’exploitation minière.

HIRIART Justine, La censure de films évoquant la guerre d’Algérie et ses conséquences sur la mise en marge du conflit par le cinéma français, Maîtrise [Antoine Prost, Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 274 p. + annexes

Dans la mémoire des défenseurs de la liberté d’expression du cinéma, la guerre d’Algérie occupe une place de choix, celle peu enviable d’un des moments les plus rigoureux de la censure politique. À en croire nombre de journalistes, chercheurs, cinéastes, la virulence particulière de l’État à l’encontre de toutes les productions évoquant le conflit aurait empêché les cinéastes français de mettre en scène la réalité, douloureuse à plus d’un titre, d’une guerre toujours vivante aujourd’hui dans les mémoires des acteurs du conflit.

Pourtant, entre 1958 et 1999, plus de quarante films — soit en moyenne un film par an — sont produits sur le sujet. Évoquant très tôt le désarroi des appelés du contingent plongé dans un univers étranger et lointain, le cinéma français aborde progressivement les aspects les plus polémiques, de l’attitude problématique de l’armée française à la torture pratiquée comme une arme de guerre, en passant par le départ forcé des « pieds-noirs » ou l’engagement des « porteurs de valise ». Partant de ces constatations on est en droit de s’interroger sur la réalité et l’efficacité de cette censure étatique tant décriée : ne serait-ce qu’un mythe, destiné à faire valoir I’engagement de certains cinéastes et à justifier le silence des autres ?     

C’est à cette interrogation que nous avons cherché à répondre dans notre étude, en examinant deux aspects complémentaires de la question : y eut-il réellement de la part de l’État français une volonté d’éviter que le conflit apparaisse au cinéma ? Et, le cas échéant, cette censure était-elle adaptée à son objet, ce qui revient à considérer les répercussions de cette pratique sur la profession du cinéma et les films eux-mêmes ?

Les bornes chronologiques de la guerre d’Algérie correspondent à une montée en puissance du cinéma, tant quantitativement (l’audience des salles obscures est alors à son apogée) que qualitativement (le film tend à sortir de sa gangue de divertissement, voire de « spectacle de curiosité », pour être associé aux « beaux-arts »). L’État français, dans son attitude à l’égard des films évoquant la guerre d’Algérie, semble prendre acte du double phénomène : alors que l’organe de censure centrale, la Commission de Contrôle cinématographique, ne semble pas s’être manifesté au cours du conflit indochinois qui s’achève, il va s’appliquer à réduire la portée de la majorité des images évoquant la « poudrière » algérienne, en jouant de tous les moyens mis à sa disposition, tandis que le législateur restreint encore le cadre légal de la liberté d’expression cinématographique (par le décret du 18/01/1961 réformant le fonctionnement de la censure). Jusqu’en 1964, la censure étatique s’en prend ainsi non seulement aux films évoquant directement la guerre, mais aussi aux allusions timides, et même aux productions qui, sans référence explicite, traitent de thèmes afférents. Par la suite, le contrôle de l’État tend à s’assouplir. D’abord faute d’objets susceptibles de générer la polémique, puis, à partir de 1970, à la faveur de directives visant à ne plus exercer de contrôle politique sur le cinéma. Parallèlement, tandis que la censure centrale agissant au nom de l’intérêt général tend à se libéraliser, apparaissent de nouveaux modes de pression, privés cette fois, créant d’autres types d’entraves à l’exploitation des films évoquant le conflit algérien : contrôle répressif par la voie des tribunaux, et surtout groupuscules politiques ou associatifs d’anciens acteurs du conflit qui, par le biais d’attentats, de manifestations ou de menaces cherchent à interdire certaines productions. De fait, la censure politique tant décriée à propos de la guerre d’Algérie n’a été réellement effective qu’au cours des années de guerre et de l’immédiat après-guerre. Mais cette censure initiale a pourtant des répercussions à plus long terme, activant dans l’industrie cinématographique une autocensure encore à l’œuvre dans la période la plus récente. La crainte de sanctions de la censure, relayée par la suite par les pressions violentes de groupes privés, la désaffection du public pour ce type de films conduisent les divers professionnels du cinéma à considérer les projets avec circonspection. Tout au long de la période étudiée, les difficultés à trouver un producteur, un distributeur ou un exploitant pour les films évoquant la guerre deviennent la règle, jusqu’aux cas extrêmes des films « fantômes », jamais réalisés faute de moyens. Plus systématiquement encore, la peur de ne pas rentabiliser les fonds investis conduit les financiers à n’allouer que de faibles sommes pour ces films.

Finalement, malgré le nombre important de productions, faute de moyens et d’engagement de la part des industriels, l’image de la guerre d’Algérie dans le cinéma français reste univoque et met de côté — à de rares exceptions près — de nombreux aspects du conflit (de la part proprement politique à la représentation de la lutte pour l’indépendance algérienne, en passant par la représentation des harkis ou des brutalités policières en métropole…) enracinant le silence de la société et le cloisonnement des mémoires des anciens acteurs du conflit, et exauçant ainsi les vœux de la censure de guerre qui visait à l’oubli de cette période trouble.

HUBART Hélène, Urbanisation et équipement postal : les bureaux de poste en proche banlieue parisienne (milieu du XIXe siècle-fin des années 1930). Le cas du nord-est de l’ancienne Seine, Maîtrise [J.­L. Robert-Annie Fourcaut], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 145 p + annexes

Les équipements postaux figurent parmi ceux dits de proximité qui jouent un rôle important dans la vie quotidienne des habitants des espaces urbains. Il parait intéressant d’envisager les rapports entre l’urbanisation et l’implantation de ces établissements postaux dans les espaces urbains, afin de voir comment cette urbanisation influence les créations d’infrastructures postales. Ce sont essentiellement les bureaux de poste qui sont pris en compte, par le biais de leur création, mais aussi de leur fonctionnement (catégories de bureaux, services offerts, horaires…). De plus, lorsque les sources le permettent, les boites aux lettres sont également prises en considération.

L’espace retenu pour étudier ce rapport entre urbanisation et création d’équipement postal est le quart nord-est de l’ancienne Seine. Il s’agit d’un espace de proche banlieue, fortement urbanisé, surtout à partir de la seconde moitié du XIXe siècle. C’est donc le point de départ de I’étude, qui s’achève à la fin des années 1930. Ces bornes chronologiques permettent de mettre en évidence les différences entre la fin du XIXe siècle et la période de l’entre-deux-guerres, tant du point de vue de l’évolution de l’urbanisation, que de la politique de l’Administration des Postes en matière d’équipement des espaces urbains.

Les thèmes abordés sont variés : politiques de l’Administration des Postes en matière d’équipement, impact de l’urbanisation sur les types d’établissements postaux, sur la localisation de ces équipements au niveau local, sur les horaires d’ouverture, sur le personnel… L’influence de la proximité de Paris ne doit pas être négligée, ainsi que les activités spécifiques qui se développent dans les communes. Sont également abordées les nouvelles préoccupations des autorités postales, qui passent parfois avant les questions concernant les bâtiments, notamment dans l’entre-deux­-guerres. En définitive, l’étude permet de voir comment l’Administration des Postes réagit face au phénomène massif d’urbanisation dans la proche banlieue parisienne de la fin du XIXe siècle à la fin des années 1930, et comment elle s’adapte à cette nouvelle situation tout en prenant en compte d’autres facteurs, telles les difficultés budgétaires.

JEANNE Matthieu, Le PSU et l’autogestion, Maîtrise [Jean-Louis Robert­Franck Georgi], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 203 p. + annexes

Le Parti Socialiste Unifié est né en 1960 principalement autour de l’opposition à la Guerre d’Algérie. Il rassemble des personnalités politiques qui se réclament du socialisme dans toutes ses tendances : des trotskystes, des radicaux mendésistes, des chrétiens, des anticléricaux. En Mai 68, le mouvement social voit naître de nouvelles revendications et surgir de nouveaux débats idéologiques. Parmi ces derniers, l’autogestion — débattue depuis quelques années dans des cercles intellectuels restreints — fait figure de « mot-clé » du mouvement grâce à la CFDT, notamment, qui popularise la revendication. L’idéologie, encore floue, exprime la volonté de redéfinir les rapports sociaux de l’ensemble de la société en supprimant la hiérarchie dans l’entreprise et en développant les formes de démocratie directe.

Notre étude a pour objectif d’analyser la lente adoption de l’idéologie autogestionnaire par le PSU. Nous nous sommes appuyés sur la presse du parti, principalement Tribune Socialiste, sur des entretiens avec d’anciens responsables nationaux, et sur deux fonds d’archives de groupes locaux. Au lendemain de Mai 68, le parti est bouleversé par l’arrivée de nouveaux mili­tants plus radicaux. Le PSU débat sur l’opportunité d’une révolution socia­liste et affiche sa réserve sur l’autogestion, sous l’influence des courants dits « gauchistes » qui assimilent l’idéologie à la participation. Après deux longues années de crise que traduisent des débats acérés, le PSU s’engage en décembre 1972 dans la promotion du socialisme autogestionnaire.

L’autogestion revêt alors au sein du PSU un caractère fortement identitaire. Elle apparaît comme une utopie fédératrice qui permet de rassembler les différentes tendances du parti. Elle offre surtout au parti une identité forte face au puissant Parti Socialiste de François Mitterrand. Mais le PSU, qui souhaitait être un pôle de reconstruction de la gauche fondé sur le socialisme autogestionnaire, peine à transformer son implantation dans les luttes sociales en résultats électoraux. En 1974, au lendemain des élections présidentielles, il échoue devant l’influence croissante du PS et sa volonté d’intégrer le courant socialiste autogestionnaire. Le PSU se scinde aux Assises du Socialisme en octobre 1974. En perdant un certain monopole politique sur l’autogestion, il abandonne une partie de son identité. Le départ de Michel Rocard et de ses proches marque une « première mort » du PSU, mais aussi la fin d’une première ère de l’autogestion dans la gauche française.

JOHAIS Romain, Les discours de politique étrangère du président Georges Pompidou (1969-1974), Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 175 p.

L’idée générale de notre recherche est de démontrer qu’à travers le discours de politique étrangère, exercice qui possède ses règles très précises, Georges Pompidou a su affirmer un style personnel, sans renier les grandes lignes définies par le Général de Gaulle en matière de politique extérieure. Si le contenu de ces allocutions est marqué du sceau de l’héritage gaullien, Pompidou ne s’est pas réduit à une simple subordination : il a adapté certaines questions à I’évolution du contexte international et a surtout développé des thèmes chers à de Gaulle (la francophonie, la politique méditer­ranéenne). Certains (comme une attention toute particulière pour l’économie) lui reviennent même entièrement. Mais c’est sans conteste dans le ton que l’émancipation de Pompidou a pris sa pleine mesure, à la fois résultante d’un contexte intérieur (la fragilisation du régime) et extérieur (la dégradation de l’image de la France) qui exigeait un changement d’attitude, mais aussi de la nécessité de se démarquer de son prédécesseur. Ainsi, au lyrisme, à l’emphase et aux envolées du tribun de Gaulle, qui trouvait dans les allocutions de politique étrangère un espace idéal pour laisser éclater son extraordinaire prestance oratoire, Pompidou oppose un style clair, précis, sans excès, mais efficace et didactique, inséparable de son sens diplomatique et de sa facilité à séduire l’auditeur. Pompidou étonne surtout par sa propension à adapter ses discours, à moduler le ton qu’il insuffle à ses interventions en fonction de l’homologue qu’il rencontre.

Notre étude est scindée en deux grands axes. Le premier privilégie une approche générale au cours de laquelle nous tentons de définir l’affirmation du style de Pompidou, en dégageant la part du legs et la part de changement, autrement dit à situer la continuité et à mettre en valeur les ruptures. Le second, construis autour d’unités régionales cohérentes, montre comment Pompidou met le discours au service de la diplomatie. Il tente donc d’inscrire ces discours dans une perspective historique, en montrant en quoi ils aident à la compréhension des rapports entre la France et ses partenaires et surtout en soulignant leur rôle dans les relations internationales.

À travers cette étude, nous avons voulu montrer de quelle manière Pompidou a fait du discours de politique étrangère une expression de sa personnalité et une force de son pouvoir.

JOUET Caroline, La conception de la ville à l’exposition universelle internationale de 1900, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Annie Fourcaut], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 208 p. + annexes

Il n’y a pas encore, à vrai dire, de conception de la ville présentée à l’exposition universelle de 1900, signe du balbutiement, encore en 1900, de l’urbanisme. Toutefois, au travers de l’étude de l’architecture des pavillons, de la topographie de l’exposition et du contenu de certaines sections (Habitat social, Hygiène, Transport…) des conceptions partielles et limitées apparaissent.

LABOUREAU Raphaël, Les voyages du Général de Gaulle en URSS (1966), Pologne (1967) et Roumanie (1968), l’illustration d’une politique française d’ouverture, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 229 p.

Les voyages du général de Gaulle en URSS, Pologne et Roumanie à la fin des années 1960 s’inscrivent dans une période d’apogée du rapprochement de la France gaullienne avec l’Est.

Dans le premier chapitre sont étudiées les relations de la France avec les pays visités de 1958 à 1966 ou comment, dans un contexte de guerre froide, une politique d’ouverture a été élaborée, puis, une normalisation rapide des rapports effectuée. Le deuxième chapitre est consacré aux rapports de Charles de Gaulle avec l’Union soviétique, la Pologne et la Roumanie, et à ses buts. Sont étudiées l’image du général de Gaulle dans ces pays et sa volonté de lutter contre les blocs pour la paix et l’indépendance nationale de tous, à commencer par celle de la France. Dans le troisième chapitre est étudiée l’organisation des voyages – ou les préparations technique et intellectuelle, pointilleuses, de la France en représentation. Les rencontres entre les deux pouvoirs et avec les peuples visités sont étudiées dans le quatrième chapitre. On y voit la rencontre de dirigeants, de pays, mais aussi de blocs, et l’accueil fait au général de Gaulle par les populations. Le cinquième chapitre est consacré aux discours officiels de Charles de Gaulle et à leur expression des liens de la France avec le pays visité et des buts gaulliens. Dans le sixième chapitre sont étudiés les entretiens et les textes et accords signés pendant les visites, avec l’examen des trois grands sujets de discussion : les relations bilatérales, la détente internationale et l’obsession allemande. Le dernier chapitre est consacré à l’étude des résultats des voyages, au lendemain des visites, puis à moyen terme aux limites à la poli­tique d’ouverture gaullienne malgré des résultats positifs.

LACOSTE Graciela, La solidarité aux réfugiés politiques chiliens : la mobilisation des O.N.G., des syndicats et des municipalités (1973-1984), Maîtrise [Michel Dreyfus], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 185 p.

Le 11 septembre 1973, une junte militaire au Chili, dirigée par le général Pinochet, renverse le gouvernement du président socialiste Salvador Allende, en place depuis 1970. Les militants et partisans du régime socialiste, dès lors menacés, prennent le chemin de l’exil. La France en vertu de sa tradition et de sa constitution offre une terre d’asile à un certain nombre d’entre eux. Le flux des réfugiés (920 par an) demeure régulier tout au long de notre période : 753 personnes la première année, un pic entre 1977 et 1978 avec 1082 réfugiés. En France, la réaction au coup d’État est si forte que des militants de gauche, syndicalistes, maires, s’attachent à accueillir les immigrés et à les assister sur les plans politique, moral et matériel. Ainsi, les représentants du syndicalisme chilien obtiennent-ils les moyens d’installer à Paris un bureau de travail.

Des organisations non gouvernementales, telles que la jeune France, Terre d’Asile, la CIMADE, le Secours Populaire, réunies en coordination, parviennent à faire appliquer une loi sociale. Celle-ci était destinée aux démunis nationaux, désormais elle offre aux Chiliens la possibilité de bénéficier des structures sociales françaises (foyers de jeunes travailleurs). Elles les aident également à effectuer leurs premières démarches administratives d’insertion dans la société française.

À l’aide d’urgence succèdent des soutiens plus ponctuels et un accueil dans la longue durée (intégration dans la société française par un logement, un emploi, l’alphabétisation, etc.). Mais à partir de 1977, on observe une évolution de la nature de l’immigration : de politique, elle est devenue à majorité économique. Dès lors, Ies deux vagues d’immigrés s’organisent localement pour tenter de reconstituer des réseaux de solidarité, même si l’engagement politique des premiers arrivants apparaît comme un obstacle à une interpénétration.

Les années 1980 marquent une rupture : en effet, certains exilés sont autorisés à rentrer chez eux, car la politique de la junte s’assouplit. On observe alors que les flux diminuent. Enfin de compte, on observe le même phénomène que pour d’autres immigrations politiques, la solidarité aux réfugiés n’a pas été unilatérale : l’immigration politique chilienne s’est traduite, à différentes échelles, par des échanges intenses entre Français et Chiliens.

LANGE Charlotte, Renouvèlement de la communauté juive de la région parisienne après l’arrivée des Israélites d’Afrique du Nord (1956-1967), Maîtrise [Jean-Louis Robert, Michel Dreyfus], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 252 p.

Après la Seconde Guerre mondiale, le réveil du nationalisme arabe provoque l’indépendance des états maghrébins sous tutelle française depuis des décennies, de façon plus ou moins pacifique en Tunisie et au Maroc, ou par un véritable conflit armé en Algéne. Dans ce contexte de bouleversement politique, économique et culturel, les communautés juives de ces pays subissent un choc redoutable. Aux secousses de la décolonisation s’ajoute le développement du conflit israélo-palestinien qui vient encore compliquer la situation de ces minorités, contraintes de quitter leur terre natale pour gagner Israël ou la métropole.

À partir de 1956, les flux en provenance du Maghreb en France prennent une ampleur particulière et vont crescendo jusqu’en 1965 : en moins de dix ans, la communauté de Paris et de sa banlieue doit intégrer 150 000 réfugiés maghrébins, ce qui double son volume initial et révolutionne la carte traditionnelle de l’implantation juive du district parisien. La communauté de la capitale concentre alors tous ses efforts sur ces nouveaux venus qu’elle se fait un devoir d’accueillir de manière décente, aussi bien à court terme, par un système de soutien social efficace qu’à long terme, par la construction d’édifices adaptés à une population très attachée aux traditions religieuses. Parc redoublement d’efforts sous l’égide du Fonds social Juif Unifié (FSJU), le Judaïsme parisien, affaibli par ses blessures de guerre, se trouve bouleversé sous tous ses aspects tant aux niveaux religieux, socio­culturel, commercial ou éducatif que dans sa physionomie extérieure. La rencontre de deux communautés, l’une française de tradition ashkénaze [Juifs d’origine européenne – Allemagne, Russie, Pologne, etc.], l’autre séfarade Uuifs des pays orientaux et méditerranéens], imprégnée d’influences culturelles orientales, est donc source d’enrichissement, mais aussi de grandes difficultés et de tensions.

LE CORRE Véronique, Les femmes dans l’organisation FO de 1950 à 1967 : des femmes libres, indépendantes et féministes, Maîtrise [Michel Dreyfus-G. Morin], Univ. Pans 1, 1999, 242 p + annexes

De 1950 à 1967, les militantes de Force ouvrière mènent un combat permanent pour la défense des intérêts des travailleurs et contre les préjugés ancestraux des militants, faisant des militantes des éléments antisyndicaux. Dans l’univers syndical plutôt masculin, les militantes s’imposent comme une composante essentielle, bouleversant les convictions des mili­tants et offrant un syndicat plus démocratique. Elles réussissent alors à faire entrer les problèmes féminins dans la sphère syndicale et surtout qu’ils soient traités collectivement. Si ces problèmes ont du mal à passer dans la presse syndicale entre les années 1950 et 1960, de 1961 à 1967, nous voyons se multiplier des articles dans FO Hebdo sur la condition féminine ou le travail féminin. Hésitant devant le changement, FO cède peu à peu devant la force de caractère de ces militantes. Isolées, peu nombreuses à obtenir des responsabilités syndicales (en 1967 les adhérentes FO repré­sentent 20 % du nombre des affiliés), elles sont l’incarnation de généra­tions de femmes qui veulent être autonomes, égales devant les hommes et surtout défendre leurs idéologies. Qu’ont-elles en commun ? Elles ont écrit des articles, tenu des réunions syndicales, construit un destin d’exception, transgressé les principes masculins. Mais si ces femmes sont en marge, elles ne sont pas des marginales. Elles visent à être reconnues. Cependant, l’histoire des militantes FO prouve bien que le combat reste encore à faire pour que les femmes soient plus représentées dans les instances syndicales de Force ouvrière. FO a du mal à faire siennes les revendications des militantes. Leurs militantes sont encore très peu nombreuses à obtenir des res­ponsabilités syndicales en 1967.

LEDERMAN David, Les Polonais de la Brigade internationale Dabrowski internés dans les camps en France et en Afrique du Nord. Destins et itinéraires, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 225 p. + annexes

L’internement des Brigadistes internationaux polonais, connus sous le patronyme de Dabrowszczacy dans les camps du sud-ouest de la France et en Afrique du Nord dans le cadre institutionnel et politique de la IIIe République puis du Gouvernement de Vichy, est longtemps resté méconnu voire occulté, alors qu’au nombre de 1000, ce groupe représentait le sixième des internés Brigadistes internationaux des camps et plus du quart du contingent polonais ayant combattu en Espagne.

J’ai tenté de reconstituer les itinéraires qui les ont conduits des camps à la liberté, outre le corpus de l’évasion pour rallier la Résistance française. C’est ainsi que dès l’été 1940, des négociations par l’entremise de Bogomolov, ambassadeur de l’URSS en France, avaient permis le convoyage en Union soviétique — en mars 1941 — des internés ayant acquis la citoyenneté soviétique, en vertu des frontières du 28 septembre 1939. D’autres, demeurés prisonniers de la France de Vichy, furent transférés à Djelfa, en Afrique du Nord, en 1941 et 1942 et firent l’objet après la libération de l’AFN, en novembre 1942, d’intenses tractations entre alliés. Ils durent cependant attendre six mois leur libération et leur incorporation dans les armées alliées ou leur transfert en URSS où ils furent versés pour certains dans l’Armée Rouge alors que d’autres serviront dans l’Armée polonaise formée en URSS à l’initiative de Staline par le Général Berling sous la férule idéologique du ZPP (Union des Patriotes Polonais).

Au total, le tiers des ex-internés des camps du sud-ouest de la France est revenu en Pologne en qualité de libérateurs aux côtés de l’Armée Rouge et de l’Armée Berling. Ils allaient ainsi servir d’instrument de la prise de pouvoir par les communistes aidés par les Soviétiques et des cadres de la jeune Pologne populaire.

LÉRON Sophie, La Fédération nationale des clubs de loisirs Léo Lagrange (1950-1970). Une organisation socialiste ? Maîtrise [J.­L. Robert, Michel Dreyfus], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 162 p.

En 1950, Pierre Mauroy est Secrétaire national des Jeunesses socialistes. Il tente de reconstruire ce mouvement, qui — suite à sa dissolution en juin 1947 — a perdu de nombreux adhérents. N’arrivant pas à recruter sur ses seules positions politiques, Pierre Mauroy est à l’initiative de la création, en 1950, de la Fédération nationale des clubs de loisirs Léa Lagrange. Cette organisation est alors animée par les Jeunesses socialistes, encadrée par des membres de la SFIO et destinée à bénéficier d’une plus large audience auprès des jeunes en leur proposant des activités de loisirs.

Cette étude s’attache à examiner les conditions de la création de la Fédération, ses objectifs et les moyens mis en œuvre pour les atteindre. Partant d’une liaison forte avec la SFIO, la Fédération est amenée progressivement à s’en détacher officiellement, se définissant après sa reconnaissance d’utilité publique en 1958 comme une organisation « socialiste au sens le plus élevé du terme ». Dans les années soixante, l’ancrage de la Fédération dans la vie associative municipale, la professionnalisation de ses cadres locaux et sa participation à de nombreuses structures de cogestion avec les pouvoirs publics l’amènent à s’institutionnaliser. Ainsi, la Fédération apparaît comme une organisation ouverte à tous, prestataire de services, tout en tentant de préserver son ambition initiale : être un mouvement engagé.

LOZE Caroline de, Images d’un parti politique : les cartes d’adhésion au Parti socialiste italien de 1905 à 1992, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Michel Dreyfus], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 159 p.

À l’approche des fêtes du centenaire du PSI, en 1991, les membres de la Section propagande et communication du Parti ont édité en fac-similé les reproductions de toutes les cartes d’adhésion annuelle distribuées de 1905 à 1992 (avec une seule interruption de 1940 à 1943). Ces cartes sont les signes matériels de l’appartenance au PSI. Elles sont des objets politiques qui servent l’organisation et le fonctionnement du Parti. Elles ont une triple fonction : administrative, symbolique et de reconnaissance (ou d’identification). Elles sont les vecteurs d’une propagande essentiellement contenue dans l’image reproduite sur chacune d’elles. Le PSI est certaine­ment l’un des premiers partis à reconnaître et affirmer le pouvoir des images, et à leur donner une place importante dans ses documents, en par­ticulier sur ses cartes d’adhésion.

À partir d’une étude systématique de l’iconographie, ce mémoire tente de déterminer les sources, les influences, les éléments de rupture et de continuité gui transparaissent sur les cartes ; ils permettent de définir l’évolution de l’imagerie socialiste pendant près d’un siècle, et de retracer les grandes étapes de l’histoire du PSI, mais surtout l’histoire que le PSI a voulu recréer pour lui-même. En d’autres termes, cette étude cherche à voir en quoi — des allégories fin de siècle des origines à la fièvre commémorative des années 1980, en passant par l’écho du choc des deux guerres mondiales — les cartes du PSI offrent une lecture originale de l’utilisation de l’image en politique à travers ce siècle. L’écart est ainsi maintenu entre ce qui serait une histoire politique et ce qui serait une histoire des images.

LUNEL Magali, Bertrand Tavernier, témoin de son temps, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 186 p.

Ce mémoire a pour objet d’étude le cinéaste français Bertrand Tavernier. Il s’attache à montrer en quoi celui-ci pourrait être un « témoin de son temps » au travers de son œuvre.

Tavernier est aujourd’hui un metteur en scène à succès autant qu’une personne publique, connue aussi bien pour ses films que pour ses différentes prises de position. Défenseur infatigable de toutes les formes de cinéma, et du cinéma français en particulier, il est également un citoyen engagé qui lutte contre toute forme d’injustice. Réalisateur prolifique (vingt-et-un longs-métrages de 1974 à 1999), Bertrand Tavernier est catalogué dès son premier film, L’Horloger de Saint-Paul, comme un cinéaste « classique ». Son œuvre est pourtant éclectique : il aborde aussi bien la Régence, la Première Guerre mondiale, que la criminalité des jeunes d’aujourd’hui ou le désarroi de la police. Il n’hésite pas non plus à mettre en scène des sujets ambigus ou polémiques qui laissent à certains un sentiment de malaise. Œuvre éclectique donc, mais qui n’en est pas moins cohérente : quelques thèmes reviennent ainsi de façon récurrente. Ils sont regroupés dans ce mémoire en deux catégories : « les angoisses et les doutes » et « l’inégalité des individus face au pouvoir ». Sous ces thématiques, Bertrand Tavernier met en scène des indignations (injustices, dysfonctionnements de la société…) ou des sentiments (la peur de vieillir, l’angoisse de s’éloigner de ses enfants, etc.) communs à nombre de personnes, mais aussi souvent très personnels au cinéaste. Sa caméra se tourne vers ce qui le touche, ce qui l’émeut ou le choque le plus au sein de la société dans laquelle il vit.

Tout le travail de ce mémoire était de définir s’il y avait dans l’œuvre de Bertrand Tavernier, témoignage, et quelle en était la nature. On a pu déjà parler de l’implication personnelle présente dans les sujets traités. L’analyse montre que cette implication a un impact sur le regard du réalisateur. Ce regard qu’il porte sur le monde autour de lui reflète une certaine réalité, une réalité partielle. Il l’expose comme on expose ses propres convictions ou ses propres sentiments, avec la même sincérité. Sa production est donc subjective, et si l’on se réfère à la définition donnée en introduction, Tavernier est bien un témoin de son temps, et ce à part entière : il assure qu’une chose est vraie, certaine, du moment qu’il l’a vue, entendue ou perçue.

MARIE Cécile, Le rôle de l’École dans l’intégration des enfants d’origine immigrée. Les Centres de Formation et d’information sur la Scolarisation des Enfants de Migrants, Étude comparative des centres de Caen et de Créteil (1975-1998), Maîtrise [Jean-Louis Robert] Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 181 p.

L’objectif de cette étude est de voir en quoi l’École a été utilisée comme outil d’intégration, dans notre société, des enfants d’origine immigrée. Par le terme intégration nous entendons le fait de respecter leur langue et culture d’origine et donc de rompre avec la volonté assimilationniste qui caractérisa la France coloniale. Il s’agit également d’enseigner aux enfants le respect des différences culturelles, les valeurs laïque et républicaine, fondement de notre démocratie et, enfin, l’exercice de la citoyenneté avec les droits, mais aussi les devoirs qui lui sont inhérents. Plus précisément, nous avons étudié le principal dispositif mis en place au sein de l’Éducation nationale et visant à l’intégration de ces enfants : les CEFISEM. En les fondant en 1975, René Picherot a souhaité donner aux enseignants une connaissance des cultures allogènes et plus particulièrement méridionales et créer des outils pédagogiques répondant aux problèmes spécifiques posés par la scolarisation massive d’enfants non francophones et primo-arrivants (scolarisation massive consécutive aux mesures liées au regroupement familial). Ces centres atypiques, novateurs et ambitieux, sont uniques en Europe et n’ont jusqu’ici fait l’objet d’aucune recherche universitaire. En les étudiant, nous avons voulu comprendre le contexte de leur création (création qui relève d’une initiative individuelle), leur mode de fonctionnement et leurs missions.

Mener une étude comparative nous a permis de constater des évolutions différentes selon les centres en fonction de l’importance quantitative de la population scolaire d’origine immigrée dans l’Académie concernée et des convictions des formateurs. En effet, à l’aube de l’an 2000, il y a davantage de jeunes issus de l’immigration que d’enfants primo-arrivants. Ainsi, pour de nombreux pédagogues et chercheurs, la question de l’intégration serait non plus liée à des problèmes d’ordre linguistique et culturel, mais à des problèmes sociaux. Or, si tel était le cas, les missions des CEFISEM ne seraient plus adaptées à la réalité des problèmes rencontrés par les enseignants. D’autre part, il était important de comprendre les raisons de l’actuel dysfonctionnement de cette structure qui ne jouit d’aucune existence institutionnelle. Il semble qu’elle ait difficilement survécu au départ, du ministère, de ses fondateurs. Enfin, nous avons fait état des réflexions menées sur le bien-fondé et le devenir de ces centres.

MARTIN Frédéric, La gauche non communiste et la Fédération de la Gauche Démocrate et Socialiste, de l’élection présidentielle de 1965 aux élections législatives de 1968, Maîtrise [Jean-Louis Robert, G. Morin], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 132 p.

Le 10 septembre 1965, la Fédération de la Gauche Démocrate et Socialiste est créée. La veille, François Mitterrand a annoncé sa candidature à la présidence de la République. La FGDS regroupe la SFIO — en pleine crise d’effectifs — le PRRRS (Parti radical) — qui ne parvient pas à conserver un positionnement clair entre la gauche et le centre — et la Convention des Institutions Républicaines (CIR) qui est un regroupement de clubs et qui représente une nouvelle génération, généralement, peu expérimentée. Cette union s’est concrétisée à l’occasion de l’élection présidentielle, par la nécessité de bipolariser le scrutin, en vue de figurer au second tour. Cependant, la FGDS reste en retrait de la campagne, pour ne pas être présentée comme un simple accord électoral. Cette union et la campagne du candidat unique de toute la gauche, François Mitterrand, conduisent à la mise en ballotage du Général de Gaulle.

Forte de ce résultat, la Fédération se consolide. Elle se dote de structures nationales et départementales et d’un programme commun. Cependant, la fédération reste un appareil national. Les fédérations départementales n’ont que très peu de pouvoir, et les partis sont encore les centres de décision. Aux élections législatives de 1967, la Fédération propose un candidat unique par circonscription et passe, avec le Parti communiste et le Parti socialiste unifié, un accord de désistement pour le second tour. Cette stratégie d’union, qui avait porté ses fruits en 1965, donne à la gauche une bonne raison d’espérer. La gauche, dans son ensemble, gagne soixante sièges par rapport aux élections de 1962. Cependant, si les résultats électoraux sont bons, les débats internes tournent court. Il est très difficile pour les organisations fédérées de trouver un compromis sur les questions les plus sensibles, par exemple, la question des adhérents directs. Après le « succès » relatif de François Mitterrand à l’élection présidentielle de 1965, de nombreuses demandes sont parvenues à la FGDS pour adhérer sans passer par les anciennes familles. La SFIO semble très réticente à ces adhé­sions, elle qui possède l’avantage du nombre, en termes d’effectifs. Également, la question des alliances ne réussit pas à être tranchée. Certes, les contacts avec le Centre démocrate tournent rapidement court, cependant, les radicaux refusent de voir les communistes comme un partenaire privilégié. L’avenir de la Fédération reste problématique. Si tout le monde s’accorde à réclamer la fusion, chacun y va de ses revendications. Finalement, la Fédération éclate à la suite de Mai 68 et des élections législatives de juin. Absente tant physiquement qu’intellectuellement des événements de mai la Fédération semble n’apparaître qu’au moment de la conférence de presse de François Mitterrand, le 29 mai 1968. Dans cette conférence le député de la Nièvre pose sa candidature à la présidence de la République, en cas de vacance du pouvoir. Cette déclaration est mal accueillie par l’opinion. Le Général de Gaulle dissout l’Assemblée nationale, les Français votent majoritairement pour le pouvoir en place et François Mitterrand assume l’échec de la gauche. Les vieux partis ne trouvant plus dans la Fédération ce qu’ils étaient venus y chercher — le succès — ils se retirent. Toutefois, ils ne peuvent faire l’économie d’une réflexion sur leur avenir.

La FGDS n’a pas eu le devenir qu’elle escomptait, mais elle fut une base pour la recomposition de la gauche nouvelle. La SFIO se modernise en devenant le Parti socialiste et le PRRRS disparaît au profit de deux partis, l’un de gauche, l’autre du centre. Quant au parti communiste, il bénéficie également de l’action de la Fédération. Isolé à gauche, depuis 1947, il est redevenu, en deux ans et demi, un partenaire pnvilégié avec lequel un programme commun de gouvernement est envisageable.

MAUREL Chloé, Le cœur du quartier Saint-Merri dans l’entre-deux­-guerres. Ilot d’insalubrité n° 1, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 225 p + annexes

Vers le milieu des années trente, la municipalité fit procéder à la démolition d’un ensemble de vieilles maisons délabrées, malfamées, et souvent insalubres : il s’agissait des quelques pâtés de maisons qui constituaient le cœur du quartier Saint-Merri, un des plus vieux quartiers de Paris, au centre de la ville, sur I’emplacement de l’actuel centre Pompidou. Nous avons décidé de nous pencher sur cette portion de quartier, de reconstituer l’état des lieux, les conditions matérielles de logement d’alors, et la vie des habitants. L’enjeu de notre recherche était de confronter la réalité, souvent mal connue des observateurs de l’époque, avec les représentations du secteur alors couramment répandues dans l’opinion. Nous avons donc analysé dans une première partie les caractères du secteur et de sa population ; en deuxième partie, nous avons étudié la question de I’insalubrité, qui causait le grand souci des édiles et les a conduits à faire démolir le secteur ; en troisième partie, nous avons analysé les diverses représentations qu’en faisaient à l’époque les observateurs extérieurs comme les habitants eux-même (du moins le peu d’anciens habitants dont nous avons réussi à recueillir le témoignage). Le secteur étudié était composé d’un ensemble de maisons vétustes, souvent dégradées, aux logements petits et entassés ; les conditions d’hygiène étaient très sommaires et la tuberculose, au début du siècle, atteignait des taux records, au point que le secteur était désigné sous le nom d’îlot d’insalubrité n° 1. La population était de niveau social très bas. Les conditions de vie étaient très pénibles. Nombreux étaient les ouvriers peu qualifiés, hommes célibataires, instables, vivant le plus souvent en hôtel meublé, surtout dans la partie nord du secteur ; dans la partie sud, l’habitat était plus familial, plus stable, et les activités plus variées, avec la présence de nombreux petits commerces et petites entreprises. La démolition du secteur a brisé ce cadre de vie particulier, et a entrainé la dispersion des habitants, tandis que les responsables municipaux se divisaient sur la façon dont il convenait de reloger la population et sur l’utilisation du terrain démoli. En fait, la volonté de démolition de ce secteur s’expliquait par l’inquiétude qu’inspirait à l’opinion cette population pauvre et souvent marginale. Dans les représentations de l’opinion, les thèmes qui reviennent le plus souvent sont I’aspect sordide et inquiétant des maisons délabrées, des ruelles sombres et sales, ainsi que la fascination pour leur caractère malfamé. En revanche, les anciens habitants interrogés donnent plutôt l’image d’un lieu pauvre certes, mais convivial, familial, où sociabilité et solidarité étaient très développées. Ce lieu populaire possédait donc de multiples facettes, et c’est pour cela qu’il a aussi inspiré de nombreux écrivains et poètes.

MAZURIER Emmanuel, La place de l’image dans le discours historique. Les Annales, 1935-1998, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 206 p.

Ce mémoire est un travail d’historiographie, dans le sens où il s’appuie sur une étude des productions d’historiens dans la revue des Annales, depuis 1929 jusqu’à nos jours. Mais surtout il a la particularité de s’appuyer sur l’image, prise en tant que représentation du discours historique de la revue.

La place attribuée aux images, caractérisée par une marginalité récur­rente, n’en est pas moins importante, parce qu’elle véhicule, des valeurs sociales et culturelles, inhérentes au domaine de l’édition, et qui mettent en jeu « les conditions de production du discours », selon les mots de Michel De Cerreau. En effet, l’image intervient quand la représentation des sources de l’historien est rendue nécessaire, du point de vue de la démonstration du fait historique ; et l’image intervient dans ce cas comme une preuve supplémentaire, voire incontournable. Aussi, l’image est-elle vectrice de l’innovation de l’écriture de l’histoire. Toutefois, parce qu’elle incarne des caractéristiques inconscientes des mentalités des sociétés passées, elle met en jeu des questions propres à la mémoire de la perception visuelle. Et, à ce niveau, il s’agit de distinguer clairement le visuel de l’imaginaire, lequel est un critère qui permet au récit de s’élaborer. Cet enjeu, au sens où I’entend l’historien des Annales, met l’accent sur la matérialité de la source, prise en tant que trace pourvue de valeurs authentiques, propre à fournir des informations véritables.

Cet enjeu est resté une constante du discours des Annales, mais au prix de remises en causes liées à la conjoncture intellectuelle du XXe siècle. Des théories de Pierre Francastel, durant les années 50-60 sur « l’objet figuratif », qui aboutissent à « la sociologie de l’art », en passant par celles de Louis Marin qui, durant les années 70, a initié les bases critiques du langa­ge de l’image, le contexte de l’histoire des représentations demeure une pro­blématique en proie à des antagonismes, que Roger Chartier évoque en termes d’exergue de l’histoire socioculturelle.

MONTICOLO Laurence, Le Front National et les femmes (1972-1995), Maîtrise [Jean-Louis Robert-Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 152 p.

Notre étude se propose d’analyser le discours que le FN tient sur les femmes, selon une démarche à la fois thématique et argumentative. Autrement dit, au lieu de nous limiter à une dénonciation stérile du FN en tant que parti machiste, nous avons renté de définir et d’analyser les tenants et aboutissants de sa politique familiale et féminine, en I’occurrence ses enjeux manifestes ou latents. Discours antiféministe et sexiste, l’image de la femme qui s’en dégage est toujours associée à un projet politique qui va bien au-delà d’une simple conception conservatrice des relations entre les sexes, fondée sur la domination masculine et sur le système patriarcal.

En effet, et c’est là tout l’intérêt de notre étude, sur ce terrain prétendument apolitique de la construction de la féminité autour de l’univers symbolique de la famille, du foyer et de la maternité, ce sont de multiples revanches qui s’expriment, révélant des enjeux éminemment politiques. Il nous a fallu identifier les énonciateurs, définir leur appartenance idéologique, le FN se présentant en effet comme un parti composite aux sensibilités diverses. Notre étude se propose donc aussi de déceler les éléments de continuité et/ou de rupture en ce qui concerne l’élaboration de ses représentations de la femme. Y a-t-il un dénominateur commun unissant ces divers groupes, malgré leurs divergences idéologiques ?

Ce parti d’extrême droite se distingue des antiféministes ordinaires, dans la mesure où sa vision des femmes et de leur place dans la société lui offre l’occasion de justifier son idéologie raciste qui consiste à éliminer tous les éléments indésirables souillant la pureté et la grandeur d’une France mythique : les juifs, les francs-maçons, les immigrés, les homosexuels, les idéologues égalitaires. Le recours au mythe de l’éternel féminin, qui impose l’idée d’une « nature » féminine éternelle, vient au secours d’une vision antidémocratique et antimoderniste, le FN réalisant par là un consensus entre les différentes familles idéologiques catholiques intégristes et traditionalistes, nationalistes révolutionnaires, nostalgiques de Vichy et de l’ordre nazi, anciens membres de l’OAS, solidaristes, légitimistes, qui s’accordent à faire des femmes françaises le pilier et l’instrument de leur politique nationaliste, identitaire et de défense de la « race » blanche.

PARIZOT Fernand, Le Service Diplomatique des Prisonniers de Guerre (SDPG) ou la Mission de Georges Scapini (1940-1945), Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 179 p. + annexes

Durant l’été, quarante plus d’un million et demi de soldats et d’officiers français : abasourdis par la soudaineté et l’ampleur de la défaite, prenaient le chemin des camps en Allemagne. La Couvention de Genève de 1929 sur le traitement des prisonniers de guerre prévoyait qu’un pays neutre surveillerait les conditions de la détention et mènerait les négociations avec la puissance détentrice (des prisonniers) sur les éventuelles libérations. Les États-Unis, dès la déclaration de guerre, en septembre 1939, avaient été chargés de ce rôle.

Les Allemands rendirent vite la tâche impossible aux Américains et, dès novembre 1940, ils transférèrent à la France, avec l’accord empressé du gouvernement de Vichy, les responsabilités de la Puissance protectrice. Dans ce cadre, le Service Diplomatique des Prisonniers de Guerre (SDPG) a été créé spécialement pour mener les négociations, notamment sur les libérations et sur I’application des termes de la Convention de Genève. Mais, face à la puissance absolue des vainqueurs, il était rapidement consta­té que les prisonniers n’étaient en définitive pour les nazis qu’un réservoir de mains-d’œuvre et d’otages qui leur garantissaient la bonne « compréhension » de Vichy. Dans un tel contexte, les marges de manœuvre du chef du SDPG, Georges Scapini, ambassadeur, aveugle de la Grande Guerre, étaient forcément réduites. Il mena pourtant sa difficile mission avec un indéniable succès, réussissant même I’exploit de sauver tous les prisonniers juifs. Scapini, par son habileté négociatrice, par une obstination toute tendue vers la défense des captifs, comme le soulignent toutes les archives consultées, évita de dramatiques représailles. Finalement, l’armée prisonnière rentrait saine et sauve, le tiers des prisonniers avait même été libéré avant la fin du conflit.

Le bilan sous-entend, bien évidemment, des compromis, des déclarations imprudentes, des louanges à la Révolution nationale. Mais, c’est peut-être — et malgré son acquittement en 1952 par un tribunal militaire — de sa fidélité jamais démentie au Maréchal, et pour l’obstinante et sulfureuse étiquette « Vichy » qu’elle impliquait, dont souffre encore aujourd’hui la mémoire de Georges Scapini dans le souvenir de nombreux anciens prisonniers de guerre.

PÉRIO Philippe, La cour martiale de Grenoble (2 septembre 1944) : histoire et représentations, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 148 p.+ annexes

L’image est connue : un jeune milicien attaché au poteau d’exécution attend la mort. Nous sommes à Grenoble le 2 septembre 1944. Fait prisonnier trois mois plus tôt par une formation AS commandée par un saint-cyrien, le Capitaine E. Poiteau, dit « Stéphane », il appartenait au peloton des élèves-aspirants de l’École Nationale des Cadres de la Milice, installée depuis mars 1943 dans le château de Saint-Martin-d’Uriage. À cet égard, son origine sociale (vieille noblesse du Sud-Ouest, catholique et nationaliste : son père est un ancien combattant de la Grande Guerre) caractérise assez justement le type de recrutement pratiqué à Uriage.

Mais ce qui retient notre attention aujourd’hui ce n’est pas tant l’exemplarité de l’engagement du milicien Bouvery que la façon dont, depuis le milieu des années soixante, la photo de son exécution a peu à peu investi magazines et livres d’histoire pour devenir comme le symbole de l’épuration. Ce phénomène nous l’avons particulièrement observé et mesuré à travers l’étude du magazine de vulgarisation historique, Historia, et des albums commémorant le cinquantième anniversaire de la Libération.

Bouvery apparaît alors le plus souvent comme l’incarnation « histo­rique » de ce personnage de fiction inventée par Modiano et Louis Malle, Lacombe Lucien ; il est l’image vivante de cette figure imposée de l’épuration (à côté de celles de la tondue et du trafiquant au marché noir), le petit-milicien-qui-paye-pour-les-autres. Et s’agissant d’établir les raisons de cette élection, ayant examiné pour finalement les écarter, les arguments techniques ou pécuniaires (par exemple les droits d’auteur), c’est une formule empruntée à Roland Barthes — formule pleine d’une évidente irrévérence — qui nous en fournit le pourquoi : « La photo est belle, le garçon aussi ».

PERRODIN Emmanuel, De l’image de l’URSS dans la « Révolution prolétarienne, 1925-1939, Maitrise [Michel Dreyfus], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 159 p.

Cette étude s’attache à montrer comment les acteurs, le « noyau » de la Révolution prolétarienne, revue syndicaliste-communiste de 1925 à 1929, puis syndicaliste-révolutionnaire de 1930 à 1939, fondée par des exclus du Parti communiste pour l’aider à le redresser de l’extérieur, a évolué vis-à-vis de l’URSS de 1925 à 1939. Monatte, Louxon, Chambelland et Rosmer — entre autres — sont ainsi passés de l’espérance à la résignation, pour finalement imposer leur revue en tant qu’une des tribunes des plus originales de I’anti-stalinisme.

L’argumentation s’articule autour de trois points. Le premier insiste sur le regard avant tout politique que le « noyau » porte sur la Russie. En effet, pour lui, et à raison, la cause du mal communiste français réside, tout comme son remède, à Moscou. Et de 1925 à 1930, date à laquelle la Révolution prolétarienne devient « syndicaliste révolutionnaire », l’étude montre le processus qui les mènera vers une certaine désillusion. Jamais, en effet, le stalinisme ne signifiera communisme dans leur esprit. Le deuxième point s’étend sur l’aspect pris par la Révolution prolétarienne dans les années 1930, celui d’un refuge duquel il est aisé de lancer de nombreux appels, ainsi que sur l’importance de « chroniqueurs-témoins » tels que Victor Serge et surtout Yvon (Robert Guiheneuf), lequel numéro après numéro, de 1934 à 1937, dévoile avec la régularité de l’implacable constatation de la réalité la société soviétique jusque dans sa nudité. Le troisième point tente d’extraire deux fils rouges des questions précédentes en mettant en évidence le rôle de Quartier latin ouvrier joué par la Révolution prolétarienne et en analysant les liens que la revue entretient avec Léon Trotsky et Romain Rolland. La revue s’impose en fait comme une agora originale au sein des réseaux de l’opposition de l’« hydre rouge », puisqu’elle la transpose sur le terrain syndical.

RAUZY Antoine, L’apparition et l’extension des comités de soldats en France dans les années 70 (mai 1974-mars 1976), Maîtrise [Antoine Prost­Franck Georgi], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 176 p.+ annexes

Le 16 mai 1974, à l’occasion des élections présidentielles, un appel signé par cent soldats était rendu public dans Rouge et Libération. Ce fut l’acte de naissance du mouvement des comités de soldats. En septembre, la manifestation de Draguignan suivie du procès de trois des manifestants renforça la combattivité dans les casernes et le début de l’année 1975 vit se démultiplier les initiatives, les débats et les comités. Une phase de stabilisation suivit, marquée par le développement des liens entre comités et sections syndicales et par les réformes engagées par Yvon Bourges et Marcel Bigeard. À la rentrée 75, les comités de soldats tentèrent de franchir un seuil qualitatif et de se coordonner nationalement dans la perspective d’un syndicat de soldats. Ils en furent empêchés par le gouvernement qui saisit la Cour de Sureté de l’État. Les inculpations de 53 personnes, les arrestations et les perquisitions dans les locaux d’organisations syndicales provoquèrent une importante réaction dans le mouvement ouvrier. Le climat s’apaisa peu à peu au début de l’année 1976, mais les perspectives étaient profondément modifiées pour les comités.

Les comités regroupaient entre quatre et six soldats en moyenne, parfois quelques dizaines, souvent deux ou trois. Ils étaient animés par des jeunes militants d’extrême gauche et composés en grande partie de sursitaires, anciens étudiants. On en dénombra entre 80 — de 100 de mai 1974 à mars 1976 — d’une durée de vie de quelques mois en général. Ils étaient surtout présents dans l’armée de terre et le contingent, et situés dans l’est de la France et en Allemagne. Ils fonctionnaient localement de manière totalement pragmatique. Nationalement et régionalement, ils s’organisaient par le biais des organisations politiques. Les comités de soldats défendaient un ensemble de revendications matérielles et politiques. Ils s’employaient aussi à dénoncer l’armée « au service de la bourgeoisie » et à rapprocher le contingent de la classe ouvrière. N’importe quelle brimade ou incident offrait une occasion pour agir et les bulletins de comités furent le moyen privilégié de cette action. Les comités ont constitué un mouvement qui, bien que faible, fut national. Soutenus dans certains de leurs objectifs par une grande partie des soldats, ils obtinrent des améliorations de la condition militaire, même si en 1976 ils n’étaient pas parvenus à développer un mouvement antimilitariste massif dans les casernes.

RIEHL Alexandre, La vision du futur chez les anarchistes en France durant l’âge d’or de l’Anarchie (1894-1907), Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 251 p.

En 1894, conscients de l’inanité des attentats individuels, les anarchistes désemparés se cherchent des repères. Le grand sursaut révolutionnaire des opprimés n’a pas eu lieu. Au contraire, conspués par cette population, pour laquelle ils s’imaginent combattre, pourchassés, marginalisés, les compagnons doivent impérativement réaffirmer leurs valeurs communes sous peine de perdre toute identité. C’est le sentiment de posséder une vision commune très spécifique du futur qui leur tient lieu de ciment idéologique. Le mouvement anarchiste français sort cependant rapidement de la semi-clandestinité dans laquelle les « lois scélérates » l’avaient plongé.

Les militants ont la volonté de trouver des formes nouvelles de militantisme pouvant rompre avec le romantisme révolutionnaire et s’ancrer dans le réel tout en refusant de faire la moindre concession idéologique. Les compagnons s’orientent vers des chemins différents. Certains apportent au syndicalisme leur dynamisme, d’autres considèrent que la révolution future doit se préparer au quotidien, tant par la propagande par l’exemple que par l’éducation. Pendant l’âge d’or de l’anarchisme, de 1894 à 1907 (date de séparation définitive entre anarchistes et syndicalistes-révolutionnaires), les militants sont constamment projetés dans le futur, dans l’attente d’une révolution en laquelle ils veulent garder espoir. L’étude de ces tentatives est donc bien au cœur de la réflexion sur la vision du futur. De plus, une telle étude ne peut faire l’impasse sur la vision anarchiste de la société idéale, qualifiée de société harmonique.

Le parti pris d’histoire sociale permet, au-delà de l’étude importante des réactions face au tournant de siècle, d’aborder le mouvement anarchiste sous un angle plus intime. Dans ces conditions, il est impératif, lors d’une étude de la vision anarchiste du futur au tournant du siècle, de prendre en compte tous les producteurs de symboles. Ainsi, construisant une histoire des représentations, il est essentiel de privilégier constamment les sources, qu’elles soient brochures ou presses militantes, almanachs ou chansons. Sans chercher à en tirer des données objectives, l’étude des divers composants de l’imaginaire anarchiste a semblé plus importante. Il s’avère que la vision du futur s’intègre dans un véritable « oniro-type » où les compagnons projettent tous leurs espoirs, et leurs fantasmes.

SAINT-GAUDENS Jean-François, La commune de l’Hay-les-Roses et les lotissements pendant l’entre-deux-guerres, Maîtrise [Annie Fourcaut], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 153 p.+ annexes

Pendant l’entre-deux-guerres, la banlieue parisienne connaît une expansion urbaine sans précédent : son accroissement annuel passe de 36 000 habitants en 1911-1921 à 94 000 habitants en 1921-1931. D’habiles spéculateurs vont profiter de cette poussée démographique et de la crise du logement parisien pour les couches populaires ; ils vont découper d’anciens terrains agricoles en parcelles, pour revendre des lots bon marché aux personnes désireuses d’améliorer leur condition de logement. Ces lotissements qui s’établissent sans aucun équipement représentent une forme urbaine nouvelle, caractéristique, par son ampleur, de la banlieue de cette époque. L’état défectueux de ces quartiers qui ne comportent ni eau, ni gaz, ni électricité, pas même une voirie convenable, provoque la colère de ce que l’on appelle alors les mal-lotis. L’intervention législative en matière d’urbanisme des pouvoirs publics commence timidement par le vote des lois de 1919 et de 1924. Il faut attendre le 15 mars 1928 pour qu’une loi efficace soit votée et mette un terme au sous-équipement de ces quartiers. La commune de l’Hay-les-Roses, qui fait alors partie du département de la Seine, est l’un des territoires de la banlieue parisienne touchés par l’implantation des lotissements. Entre 1900 et 1936, la population de la commune passe de 816 à 7707 habitants.

L’objectif du mémoire est de cerner l’impact de ces nouveaux venus qui s’installent dans des espaces résidentiels nouveaux aux marges les plus reculées du territoire communal. Cette implantation anarchique et massive des lotissements change radicalement le paysage de la commune ainsi que sa composition socio-démographique. Pour bien comprendre la rapidité et l’ampleur des changements qui affectent la commune, ainsi que la richesse épistémologique de questions liées aux lotissements, nous avons fait intervenir des sources très diversifiées. L’étude des lotissements ne se limite pas uniquement à l’aspect urbain du phénomène, mais essaie d’envisager, de façon la plus large possible, les interactions qui se tissent entre le territoire communal et ces nouveaux espaces de l’habitation. Interactions qui aboutissent, à la fin de la période, à la constitution d’une commune aux fonctions nouvelles, aux paysages urbain et politique nouveaux, peuplée en grande partie d’habitants venus s’installer entre 1919 et 1939.

SALVI Vincent, Simone Signoret. 1946/1960 : la construction d’un personnage, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 170 p.

On s’est proposé pour cette recherche d’étudier Simone Signoret non sous l’angle de la biographie, mais sous celui du personnage filmique et historique tel qu’il est apparu et tel qu’il fut perçu par ses contemporains au cours d’une période qui s’échelonne de 1946 à 1960, période qui trouve son unité dans l’élaboration progressive d’un mythe qui ne deviendra effectif qu’après 1960, année de remise de l’oscar. L’étude de la filmographie de l’actrice, source brute, et celle de la presse, le tout observé à la lumière d’une analyse critique de son autobiographie, ont donc naturellement constitué les deux axes majeurs d’une recherche dont l’objectif était avant tout de travailler sur la représentation à l’époque du personnage Signoret. Sous l’apparente hétérogénéité de la période, on a pu faire apparaître, dans un contexte de transition cinématographique et historique, l’évolution contrastée d’une actrice à la recherche d’une identité propre qui ne soit pas réductible à la simple somme de ses films.

Sa rencontre avec un mythe déjà constitué, Yves Montand, devait tenir dans notre exposé une place prépondérante en raison des modifications structurelles qu’elle induit sur I’image du personnage étudié. Après une première phase d’accession à la célébrité sous les traits de la prostituée au grand cœur, Simone Signoret quitte en effet son mentor Yves Allégret pour devenir Madame Montand. Elle gagne encore en respectabilité en devenant pour un temps l’égérie du cinéma de qualité. Le troisième temps de notre exposé est alors consacré à la mutation douloureuse d’une actrice qui parvient tant bien que mal à imposer une nouvelle figure d’actrice engagée, prenant le risque d’amener son personnage sur la voie de l’authenticité.

THALER Anne, L’office national d’immigration de 1946 à 1956 : la tentative de contrôle absolu des flux migratoires européens vers la France, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Michel Dreyfus], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 191 p.+ annexes

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, pour des raisons à la fois conjoncturelles et structurelles, la France se trouve à nouveau confrontée à une pénurie main-d’œuvre. Comme après le précédent conflit, elle est obligée de faire appel aux travailleurs étrangers. Or, parallèlement aux grandes réformes de la Libération, le gouvernement provisoire entend revoir complètement le traitement des problèmes migratoires. Le texte fondamental définissant la nouvelle politique de l’immigration est l’ordonnance du 2 novembre 1945. Elle énonce, entre autres mesures, deux décisions importantes : la création de l’office national d’immigration (ONI), remplaçant les anciennes sociétés privées pour la sélection et le recrutement des travailleurs étrangers ; l’attribution à cet organisme public du monopole de l’introduction en France des immigrés. En effet, les pouvoirs publics souhaitent voir dorénavant les flux migratoires vers le territoire national entièrement contrôlé par l’État afin de mettre un terme aux problèmes liés à l’immigration clandestine.

Dans cette étude, nous avons cherché à savoir si l’ONI répond, au cours de ses dix premières années d’existence, aux missions qui lui sont confiées. Mais nous nous sommes aussi interrogés sur le bien-fondé de son monopole. Or, l’analyse montre qu’en dehors même des deux premières années, marquées par un échec complet, l’ONI ne satisfait que partiellement aux exigences minimales. S’il assure convenablement la protection de la communauté nationale ainsi que celle des étrangers, il ne parvient pas à maitriser la totalité de l’immigration, qui se trouve sous sa responsabilité. Nous expliquons avant tout ce résultat par l’impossibilité de réaliser un tel contrôle, lorsque les principaux acteurs du processus migratoire (employeurs et travailleurs) s’y montrent globalement réticents.

THOMÉ Morgan, Le mouvement social de novembre et décembre 1995 à travers les journaux télévisés de TF1 et France 2, Maîtrise [Antoine Prost, Michel Dreyfus], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 412 p.

Le mouvement social de novembre-décembre 1995 a frappé les esprits. Ces grèves et manifestations, les plus massives en France depuis 1968, sont l’objet de nombreuses interprétations. Ce mémoire propose une analyse de la couverture des événements réalisée par les journaux télévisés entre le 15 novembre, date de la présentation du plan Juppé à l’Assemblée nationale, et le 21 décembre, jour du sommet social de Matignon symbolisant la fin du conflit. Nous observons comment le travail des journalistes de télévision s’est limité aux symptômes du mouvement social, oscillant entre une caricature des manifestants et des grévistes et une simplification des enjeux du mouvement social. Cette recherche décrypte la construction de l’information télévisée des journaux de « 20 heures » et montre comment d’un plébiscite d’une réforme gouvernementale, le journal télévisé devient le lieu d’une représentation de la contestation. Manipulateurs, mais aussi manipulés, les journaux télévisés ont présenté durant les trois semaines du conflit une image d’un monde syndical en pleine ébullition. Une recomposition du paysage syndical s’est opérée autour d’un slogan : « Tous ensemble » contre le plan Juppé. Nous analysons la construction d’images et de représentations des acteurs syndicaux qui s’est révélée au fil des journaux télévisés depuis la base jusqu’aux leaders des grandes centrales que sont Nicole Notat, Marc Blondel et Louis Viannet. Nous verrons également la mise en avant d’une catégorie de grévistes, les cheminots, lesquels — grâce au blocage des transports — sont devenus les « vedettes » du feuilleton social de novembre et décembre 1995. En contrepoint du discours consensuel des journaux télévisés, des extraits du Soir 3, des Guignols de l’Info et de documentaires réalisés en novembre-décembre 1995 offrent une tout autre vision du conflit.

TRESPEUCH Anna, Deux vies, une éthique : Dominique et Jean­Toussaint Desanti, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 397 p.

Depuis la fin des armées trente, Dominique et Jean-Toussaint Desanti sont acteurs à temps plein de la vie intellectuelle française. Mais leur parcours est aussi chaotique que le XXe siècle dont ils ont choisi d’épouser les espoirs les plus fous comme les désillusions les plus douloureuses.

Nés respectivement en 1919 et en 1914, ils se rencontrent à la rue d’Ulm en pleine montée des périls fascistes. Cette lycéenne aux origines russes, fascinée par les surréalistes et ce normalien corse philosophe — et mathématicien à ses heures perdues — sont révolutionnaires dans l’âme…

Un an après leur mariage, la guerre les plonge dans l’inacceptable. Dès le retour du front, avec un groupe d’amis — dont Jean-Paul Sartre —, ils résistent à l’occupant. Mais c’est au sein des réseaux communistes de Résistance, à partir de 1943, que leur action devient déterminante. À la Libération, gonflés par l’espoir de changer le monde et convaincus que seul le Parti communiste en les moyens, ils l’adoptent comme une nouvelle famille. Pour en être dignes, ils redoublent d’ardeur à tuer en eux le « vieil homme ». Ainsi le philosophe se fait un devoir de problématiser l’application du Jdanovisme aux sciences exactes. Dominique met ses talents litté­raires au service du Parti : la journaliste condamne le titisme, justifie les procès à l’Est, mais en 1956, le rapport Khrouchtchev est le déclic qui leur fait prendre conscience que leur identité d’intellectuels est en danger : ils décident d’assumer la rupture avec ce « parti pas comme les autres ». Le couple entreprend alors sa traversée du désert : il faut se reconstruire un univers social, professionnel et surtout une dignité intellectuelle. C’est durant cette période qu’ils élaborent une éthique sur mesure : ils continuent d’exprimer la révolte contre ce que d’autres acceptent avec pragmatisme. Ainsi Dominique s’engage dans le tiers-mondisme puis dans le féminisme ; Jean-Toussaint suit ses étudiants sur les barricades de Mai 1968. Mais désormais, l’engagement s’appuie sur une idéologie toute personnelle. À travers les ouvrages historiques et les romans de Dominique, transparait une soif de décrypter les mécanismes de ce siècle. La philosophie de Jean-Toussamt, en dehors de son apport fondamental à l’épistémologie des mathématiques, s’articule autour du seul projet qui lui semble essentiel : mettre en jeu tout son savoir. Chez l’intellectuel, l’équilibre entre le confort spéculatif et l’urgence de l’action est précaire, mais, ensemble, ils ont choisi de jouer les funambules — ou les « flambeurs », selon l’expression de Jean-Toussaint — jusqu’au bouc.

VÉNY Muriel, Propositions du Parti socialiste sur les médias audiovi­suels, de la réforme de l’ORTF (7 août 1974) à la cohabitation de 1986, Maîtrise [Jean-Louis Robert, G. Morin], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 113 p. + annexes

Le principal objet de ce mémoire consiste à analyser l’évolution de la pensée socialiste en matière de médias audiovisuels, entre la réforme de l’ORTF du 7 août 1974 et la cohabitation de 1986. Cette évolution ne peut s’expliquer que si l’on tient compte de la structure du Parti socialiste, qui se caractérise par une fédération de courants. L’approche de la conception des socialistes en matière d’audiovisuel a pu être déterminée à partir de trois grandes périodes.

Entre 1974 et 1978, le PS dans l’opposition prône un grand service public de l’audiovisuel, seul capable d’assurer les conditions d’un véritable pluralisme, et marque sa volonté de mettre en œuvre une « décentralisation » de la radiotélévision afin de faciliter la liberté d’expression de la société civile. En cela, le Parti socialiste se présente comme le premier défenseur du monopole public contre toute tentative de privatisation perçue dans la réforme de l’ORTF élaborée sous le Président Valéry Giscard d’Estaing. La deuxième période (1978-1981), dont les bornes marquent deux échéances électorales importantes (les élections législatives de mars 1978 et présidentielles de mai 1981), se caractérise par l’engagement d’une partie des militants socialistes aux côtés des « radios libres ». Ce nouveau combat amène le Parti socialiste à reconsidérer la question du monopole du service public de l’audiovisuel dans la mesure où les nouvelles radios voient dans ce monopole un moyen de paralyser la diversification des sources d’émission. Entre 1981 et 1986, la politique audiovisuelle du Parti socialiste provoque un total bouleversement du paysage audiovisuel français, en ouvrant un plus large espace de liberté. Elle se caractérise par la création de radios locales privées ainsi que de chaînes de télévision privées, provoquant ainsi les conditions du démantèlement du service public de la radiotélévision.

Au regard de la nette évolution des positions du PS en matière de médias audiovisuels, notre intérêt s’est essentiellement porté sur les discussions internes du parti afin de comprendre le cheminement de la réflexion des socialistes dans ce domaine.

WISNER Anne-Clémence, Antoinette, magazine féminin de la CGT de 1955 à 1969, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Michel Dreyfus], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 132 p.

À partir de 1955, la CGT publie une revue syndicale destinée aux femmes salariées, intitulée Antoinette. La création de cette revue au milieu des années cinquante — alors que les mouvements féminins sont en sommeil — par une organisation syndicale, qui n’a pas toujours su accueillir les femmes en son sein, peut surprendre au premier abord. Cependant, depuis 1946 la CGT s’est dirigée progressivement vers la prise en compte spéci­fique des femmes salariées. Afin de s’adresser plus facilement aux femmes, la CGT va se doter d’une commission féminine, mais elle va également décider la création d’Antoinette, revue mensuelle destinée à être vendue massivement. En réalité, dans les années cinquante, cette revue va être très occupée à défendre les prises de position communistes. La mère de famille et la ménagère vont tenir une place centrale dans ses articles, puis, dans les années soixante, elle va participer activement au débat sur les modalités du travail féminin qui occupe la société française.

L’étude d’Antoinette, de 1955 à 1969, permet de constater la vitalité du secteur féminin dirigé par Madeleine Colin, mais elle nous permet également de remarquer que ce secteur féminin reste entièrement subordonné aux directives confédérales. Bien loin d’être tentée par le féminisme qui émerge dans la seconde moitié des années soixante, Antoinette privilégie la lutte des classes par rapport à la lutte des sexes. On peut également conclure de cette étude que même si au niveau confédéral il existait une volonté de s’adresser aux femmes de manière particulière et d’aborder leurs problèmes, les organisations syndicales à l’échelon fédératif, départemental ou local, et ses militants se sont montrés très réticents dans la pratique.

 Malgré son originalité — qui consiste à être la seule revue à s’adresser aux femmes dans leur vie professionnelle — et les efforts constants de l’équipe rédactionnelle pour la rendre attrayante, Antoinette ne va pas réussir à rencontrer les travailleuses, les ventes vont plafonner à 74 000 en 1965, ce qui ne représente qu’une petite proportion des syndiquées à la CGT.

1998

AGUINALIN Pierre-Olivier, Le Barreau au service d’une ambition politique : Maître Jean Zay à Orléans dans les années trente, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1998, 147 p.

Jean Zay, avant d’être le ministre de l’Éducation Nationale de Léon Blum en 1936, est l’un des acteurs les plus brillants et les plus influents de l’histoire politique du Loiret sous la Troisième République. En effet, le 8 mai 1932, Jean Zay est élu, à l’âge de 28 ans, député radical de la première circonscription du Loiret.

Cependant, pour éclairer une carrière politique aussi rapide qu’exceptionnelle, il n’a pas été vain de suivre Jean Zay dans son parcours professionnel et dans la construction de sa carrière politique par le biais de son métier d’avocat. En effet, si Jean Zay souhaite, très tôt, dès l’âge de quatorze ans, faire de la politique, il reste au jeune avocat inscrit au barreau d’Orléans le 17 décembre 1930, à concrétiser ce projet.

Comment un jeune avocat, sous la Troisième République, peut-il alors entrer en politique ?

L’étude d’une profession — celle d’avocat dans les années trente — et de son image sociale à travers l’expérience de Jean Zay répond à cette interrogation ; la carrière professionnelle de celui-ci apparaît effectivement indissociable de ses ambitions et de ses combats politiques précoces.

Son métier d’avocat lui confère, il est vrai, une autorité reconnue et une réelle notoriété, de par ses compétences juridiques et son talent oratoire qu’il ne manque pas d’exposer lors des procès d’Assises grâce auxquels Jean Zay devient un acteur important de la vie orléanaise. Cette relation privilégiée avec le public et l’amorce d’un cheminement politique jalonné d’étapes : la carrière d’avocat en est une et Jean Zay sait la mettre au service de son ambition politique.

Jean Zay connaît effectivement la place éminente occupée par les membres du barreau dans les circuits relationnels et de pouvoir que sont, dans les années trente, les syndicats professionnels. Aussi, à travers ses relations avec le monde syndical et professionnel — la Fédération Artisanale du Loiret notamment — son métier d’avocat et tout particulièrement son activité de conseil juridique sont orientés vers un apprentissage et une conquête du pouvoir politique.

C’est dans ce cadre propice à l’action politique que Jean Zay gagne la reconnaissance de ses futurs électeurs, assurant ainsi son succès politique.

ARBUTINA Vadim, L’image de l’ouvrier à travers les documentaires télévisés entre 1958 et 1967, Maîtrise [Antoine Prost, Annie Fourcaut], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1998, 220 p.

À la fin des années cinquante, les Français découvrent véritablement le petit écran. La télévision entre en masse au sein des foyers dans le cadre de la société de consommation naissante. Les téléspectateurs se passionnent alors pour le sport, les variétés, le journal télévisé, les magazines d’information et de société (Cinq colonnes à la une, Zoom, Panorama).

Ce sont les documentaires tirés de ces magazines d’information que nous avons choisi de décortiquer pour comprendre, analyser et décrire la société ouvrière des années soixante.

L’idée que les documentaires télévisés sont le reflet plus ou moins réaliste de la société semble bien évidemment réductrice, au regard du travail de la censure dans les années soixante. Pourtant les documentaires sont dans la réalité sociale. À la télévision, on n’hésite pas à parler des problèmes du logement français. On s’étend sur les modes de vie, de travail et de pensée des ouvriers. On s’attache aussi à décrire le bien-être que peut procurer la société de consommation (loisirs, biens matériels, culture…). Pourtant, dans un film, quel que soit son projet (décrire, distraire, critiquer, dénoncer, militer…) la société n’est pas proprement montrée, elle est mise en scène. Ainsi, une image peut créer une illusion, au moins partielle, sans être la réplique exacte de son modèle. C’est l’un des problèmes centraux lorsque l’on aborde la notion des représentations. Il convient alors — et c’est sans doute ce qui a été le plus difficile dans notre travail — d’essayer de réaliser non pas une lecture du film à partir de la société, mais une lecture possible de la société à partir des sources filmiques.

BARROT Sandra, L’association des Marocains en France (AMF) : une adaptation aux évolutions du projet migratoire des immigrés marocains (1968-1986), Maîtrise [Antoine Prost, Michel Dreyfus], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1998

Le sujet, portant sur le milieu associatif immigré marocain, traite du positionnement d’une association par rapport à la communauté immigrée qu’elle est censée défendre et représenter pour la période 1968-1986. Il s’agit de comprendre comment l’association a fait évoluer sa conception de la défense des immigrés marocains et les moyens mis en œuvre pour organiser cette dernière. Dans un second temps, le sujet traite de la nature des rapports de l’AMF avec les différents acteurs sociaux et politiques français. Enfin, l’étude replace l’association au sein du mouvement associatif immigré et retrace l’évolution du travail de coordination entre les différentes associations d’immigrés en France et en Europe.

En effet, l’association a orienté ses moyens d’action en fonction des évolutions du projet migratoire des immigrés marocains, adaptant ses revendications aux changements découlant de l’évolution structurelle de l’immigration maghrébine, survenue entre la fin des années 1960 et la première moitié des années 1980.

Trois principaux stades d’adaptation qui constituent les trois parties du mémoire se dégagent : dans un premier temps (1968-1975), l’association s’adresse à des travailleurs immigrés célibataires, venus provisoirement en France dans le but de travailler ; elle se place en opposition à la politique française en matière d’immigration et n’effectue qu’un travail de collaboration ponctuelle avec les associations d’immigrés en France. Dans un second temps (1976-avril 1981), l’association s’adresse à des familles d’immigrés ayant pour projet un établissement définitif en France ; elle affirme alors un caractère contestataire à l’égard des pouvoirs publics français et participe à la mise en place d’un front de défense des immigrés, en développant le travail de coordination avec les associations d’immigrés. Dans un troisième temps (mai 1984-1986), elle essaie de s’adapter aux revendications formulées par les jeunes issus de l’immigration, qui constituent les nouveaux acteurs des populations immigrées en France ; elle tente de développer une politique de concertation avec les pouvoirs publics, en cherchant notamment à établir une représentation capable de constituer un interlocuteur reconnu par ces derniers à l’échelle du mouvement associatif immigré en général.

BISCARRAT Patricia, Les lotissements de l’entre-deux-guerres à Brétigny-sur-Orge, Maîtrise [Antoine Prost, Annie Fourcaut], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1998

Le dynamisme de l’urbanisation de la région parisienne pendant l’entre-deux-guerres est un vaste sujet dont les causes et les effets ont souvent été traités. La pénurie des logements à Paris, une législation peu contraignante et l’amélioration des transports ferroviaires sont des causes du développement des lotissements en banlieue. Ce mémoire présente le cas particulier de la commune de Brétigny-sur-Orge, située à une trentaine de kilomètres au sud de la capitale, qui est moins lotie que d’autres localités de la Seine-et-Oise.

La consultation des archives communales et départementales, ainsi que les témoignages d’anciens lotis, permettent de constater de quel type d’urbanisation il est question pour la commune de Brétigny-sur-Orge. L’habitat s’y est développé grâce aux lotissements dispersés suivant un axe nord-sud, de part et d’autre de la ligne de chemin de fer du Paris-Orléans. L’implantation de la gare a été déterminante pour la localité où de nouveaux habitants se sont installés. Le peuplement des lotissements est dû à un afflux massif de provinciaux vers la banlieue ainsi qu’à un nombre non négligeable de personnes venant de la Seine et de la Seine-et-Oise. Brétigny-sur-Orge voit sa population se détourner peu à peu du travail de la terre, sans qu’il ne disparaisse complètement. Les lotis sont principalement des employés et des ouvriers travaillant aux Établissements Clause et au chemin de fer. Les sources écrites et orales montrent d’une part, la participation des lotis à l’aménagement de leur terrain, de leur pavillon et de leur quartier, et la vie dans un lotissement ; d’autre part, les réactions face aux difficultés rencontrées. L’assimilation des habitants s’effectue à travers les relations de voisinage et de quartiers. La sociabilité entre les lotis se constate dans les loisirs qu’ils pratiquent ensemble. Ainsi, l’accession à la propriété est rendue possible à une classe modeste qui, en partie grâce au chemin de fer, a pu profiter de l’espace et de la nature, tout en restant proche de la capitale.

BORDAIS Muriel, La coopérative agricole de stockage de la Brie 1931-1945, Maîtrise [Antoine Prost, Michel Dreyfus], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1998, 124 p.

Le début des années trente est marqué par une crise généralisée, mais aussi par une grave crise agricole affectant les prix de toutes les productions avec plus ou moins d’importance. En ce qui concerne les céréales, et surtout le blé, le prix du quintal chute de façon vertigineuse pour atteindre le seuil d’environ 74,50 F le quintal en 1935 (l’année la plus critique). Dans les départements pratiquant la monoculture intensive, cette crise est durement ressentie, comme c’est le cas pour la Seine-et-Marne (produisant essentiellement des céréales et des betteraves).

C’est dans ce contexte que naît la Coopérative agricole de stockage de « la Brie » en 1931, dans un réflexe de défense de la céréaliculture briarde. Les premières années sont très difficiles, la CGT n’est pas écoutée puis se retrouve décapitée. Suit une belle renaissance, permise par le climat du Front populaire. Les cégétistes deviennent enfin de véritables partenaires sociaux pour la direction d’Air France. La « drôle de guerre » fait s’évaporer les effectifs ; quelques responsables parviennent néanmoins, en vertu de leur connaissance du personnel, à se faire admettre et tolérer des fonctionnaires placés par Vichy. Et encore une fois, le syndicat renaît de ses cendres avec la Libération. Promu par les faits, représentant incontournable de l’entreprise auprès des pouvoirs publics, il les lance dans la participation à la reconstruction de la Compagnie. Les intérêts syndicaux et ceux de l’entreprise se confondent totalement, jusqu’à ce que les antagonismes politiques et économiques reprennent le dessus en 1947 : les cégétistes basculent dans la lutte totale contre la direction, au moyen de la grève massive. Mais en fin de compte, à l’orée des années 1950, le syndicat en ressort exsangue, d’autant plus que la scission syndicale, et la concurrence d’un groupe, Force ouvrière Air France, le frappent durement. La CGT dispose néanmoins d’un autre front pour se faire entendre et poser des revendications : le Comité d’entreprise, qu’elle a façonné dès 1945. Devenu un enjeu majeur, le CE constitue un outil concret pour mettre en place des œuvres sociales et gagner l’assurance des salariés. Les années 1950 sont donc employées à une redéfinition des positions du syndicat dans l’entreprise : travail sur les revendications locales, appui dans les ateliers, bureaux, lutte au pied à pied contre la direction générale et Force ouvrière au sein du Comité central d’entreprise. Vers 1960, les assises de l’organisation sont confortées, et le climat idéologique de résistance à la politique gaulliste permet d’imposer de nouveau un rapport de force à la direction d’Air France. La CGT orchestre arrêts de travail massifs et grèves perlées dans des sites éloignés géographiquement les uns des autres et socialement différents. Les points forts ne sont plus seulement les ouvriers des hangars de révision de l’aéroport international de Paris-Orly, cœur vital de la compagnie nationale. On peut compter également des syndiqués actifs chez les manutentionnaires et employés de la gare de fret d’Orly-Sud, dans une proportion un peu moindre chez les cols blancs et agents commerciaux del’aérogare d’Orly, et encore dans des centres mineurs au Bourget, Courbevoie, Marseille-Marignane ou Toulouse-Montaudran…

À la fin des années 1960, la CGT semble donc avoir mené avec succès diverses mutations, s’imposant dans l’entreprise atypique, éclatée et hétérogène qu’est Air France, avec l’aide souvent décisive du Comité d’entreprise, comme un élément à part entière de la compagnie nationale. De ce portrait ressort une CGT diverse, traversée de multiples crises en 1935, 1947-48, souvent remise en cause, engagée à la fois dans la politique et les débats posés par les révolutions du transport aérien, qui finalement a su s’adapter aux exigences du travail aérien.

DANELLE Valérie, Les cheminots de Saint-Quentin à partir des listes nominatives du recensement de 1911 : un groupe aux origines sociales et géographiques et au comportement social homogènes, Maîtrise [Antoine Prost, Christian Chevandier], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1998

Les cheminots saint-quentinois apparaissent à travers l’étude du recensement de 1911 et de leurs actes d’état civil comme un groupe homogène tant par leurs origines sociales et géographiques que par leur comportement démographique et social. Peu nombreux à être eux-mêmes fils de cheminots, ils sont majoritairement issus du monde paysan et ouvrier, réalisant en cela une certaine ascension sociale, qui est généralement déjà faite lors de leur mariage ou se réalise peu de temps après. Ils choisissent des épouses de mêmes origines sociales et géographiques qu’eux. Si ces origines diffèrent, ce n’est que géographiquement et, dans ce cas, les épouses sont principalement saint-quentinoises ou axonaises. Mariés et pères de famille, les cheminots sont bien intégrés à la société de leur temps comme l’attestent leur comportement démographique malthusien et la qualité de leurs témoins au mariage, peu nombreux à être également membres du milieu ferroviaire. Le groupe des employés de chemin de fer de la ville n’est pas, contrairement à l’idée reçue, un groupe à part qui s’auto-reproduirait et vivrait replié sur lui-même, bien que certaines structures sociales, économiques et culturelles leur soient exclusivement réservées.

L’originalité du cas de Saint-Quentin est donnée par un recrutement très localisé ; cependant, les ouvriers de la voie ne sont pourtant pas d’origines paysannes.

DARD Jérôme, Histoire des questions d’histoire à l’agrégation depuis 1949, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1998, 173 p.

L’objectif de ce mémoire est de présenter un bilan didactique des questions d’agrégation d’histoire et des conditions du déroulement du concours. Nous avons tenté une analyse des différentes questions historiques et professionnelles, en recherchant une logique du travail des jurys dans la préparation des agrégatifs.

On se convaincra de la façon très large dont l’histoire est aujourd’hui pratiquée, en parcourant les listes des programmes et des sujets, où la variété ne manque pas de signification. En effet, la répartition équilibrée des questions entre les thèmes, les pays et les siècles, révèle l’esprit général de l’agrégation. On constate que, malgré la diversité des thèmes et des époques étudiés, c’est l’unité de culture et de méthode historique qui fonde la particularité du concours. L’élargissement et l’enrichissement des réflexions proposées permettent aujourd’hui aux professeurs d’appréhender l’HISTOIRE comme un ensemble. Les hiérarchies ne sont plus tranchées ; les questions du programme même lorsqu’elles sont à dominante thématique, ne sont jamais indépendantes. En quelque sorte, on pourrait dire que l’histoire apparaît plurielle. Il ne s’agit plus d’imposer un nouveau genre historique, à son tour hégémonique, mais au contraire de favoriser un processus cumulatif du questionnaire. Nous avons voulu démontrer que l’évolution des questions d’agrégation correspond à une discipline non pas en « miettes », car plus qu’une histoire éclatée, l’histoire se révèle transversale, générale.

L’étude des rapports met en évidence l’évolution de l’enseignement de la discipline. Par rapport aux modèles stricts de compétence, s’ajoute la reconnaissance des valeurs personnelles et pédagogiques des candidats. Le mythe d’un concours uniquement basé sur l’érudition s’étiole. L’agrégation est un concours de haute culture générale interdisciplinaire, non un test d’érudition en tel domaine étroitement déterminé. Face aux changements d’échelle survenus pendant la période, la surprenante longévité du concours s’explique peut-être justement par le renforcement d’un modèle de sélection « élitiste et ouvert » au sein duquel on refuse de dissocier valeur scolaire et pédagogique et compétence abstraite.

L’histoire des questions de l’agrégation est celle d’une institution, véritable clef de voûte de l’enseignement supérieur où les interrogations, recommandations et explications des jurys agissent comme une instance de légitimation, en pérennisant les normes et les valeurs d’une discipline que l’on veut transmettre.

DESTACAMP Claire, Les instituteurs du Cher et leurs organisations professionnelles du début du siècle aux années vingt (1900-1922), Maîtrise [Antoine Prost, Claude Pennetier], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1998

À l’aube du XXe siècle, l’exercice du métier d’instituteur, dans le Cher comme ailleurs, présente certaines difficultés. Peu payés, assujettis à l’État et à l’administration locale, les instituteurs subissent aussi parfois des pressions cléricales ou politiques. C’est en ce début de siècle qu’ils prennent conscience avec plus d’acuité de la nécessité de développer des organisations corporatives en vue de leur défense et de celle de leurs intérêts professionnels. Le département du Cher participe entièrement de ce mouvement. Cependant, jusqu’en 1914, l’organisation syndicale reste très minoritaire et la majorité des instituteurs est regroupée au sein de l’Amicale, structure dont les méthodes et les objectifs diffèrent du syndicalisme proprement dit. Après-guerre, une impulsion est donnée et le syndicalisme gagne les éléments jusque-là réfractaires. Dès lors, l’existence de deux syndicats dans le département, l’un de tendance révolutionnaire et l’autre réformiste, pose la question de leur fusion qui, à la fin de la période étudiée, reste impossible. En 1922, on assiste à l’enracinement du syndicalisme réformiste chez les instituteurs et à la désorganisation des révolutionnaires.

L’étude du groupe des instituteurs du Cher et de leurs organisations corporatives et syndicales entre 1900 et 1922 montre un corps professionnel profondément uni par des origines sociales et de formation professionnelle communes, et par une similitude de vie due à l’exercice d’un métier aux difficultés multiples. Cette homogénéité a donné lieu à un regroupement corporatif important qui leur permet d’obtenir des résultats réels et de nettes améliorations dans leur vie professionnelle tant sur le plan local que national. Cependant, la question de l’adhésion de l’ensemble des instituteurs au mouvement corporatif et syndical est plus complexe. Il apparaît que les instituteurs sont, dans leur grande majorité, favorables à l’idée syndicale si celle-ci se limite à la défense de leurs intérêts corporatifs. Respectueux de la légalité républicaine, peu d’entre eux conçoivent la lutte syndicale comme étant avant tout une lutte sociale. D’autre part, leur adhésion passe avant tout par le paiement de la cotisation et peu d’entre eux s’engagent réellement dans la lutte. Le syndicalisme des instituteurs du Cher est avant tout le fait de militants peu nombreux qui ont donné leur vie au combat syndical.

Pour ce travail, nous avons d’abord fait une étude statistique du corps processionnel des instituteurs (origines géographiques, sociales, formation, situation familiale), en consultant un échantillon de dossiers personnels d’instituteurs enseignant dans le département entre 1900 et 1922 : pour l’étude de la naissance et de l’évolution des regroupements corporatifs et syndicaux, nous nous sommes basés, sur le fonds d’archives du SMEL du Cher (correspondance syndicale, circulaires syndicales et fédérales, courrier administratif) ainsi que sur les bulletins des différentes organisations étudiées.

FONITCHEFF Mylène, Politique culturelle en banlieue : un concours de chorégraphie à Bagnolet, Maîtrise [Antoine Prost-Annie Fourcaut-Noëlle Gérôme], Univ. Paris 1, 1997, 155 p.

Le concours « Ballet pour demain » créé en 1969 à l’initiative du danseur Jaque Chaurand et organisé par la municipalité communiste de Bagnolet doit permettre à de jeunes chorégraphes de présenter leurs essais. Ils affluent nombreux, s’expriment sur des musiques et sujets contemporains, présentent un nouveau langage chorégraphique. C’est un détonateur pour la danse moderne en France qui s’affranchit progressivement des influences allemandes et américaines.

Le concours est parfois un point de départ pour la carrière des chorégraphes. Son impact reste néanmoins limité par manque de structures et de moyens mis à la disposition de la danse au niveau national. Cette constatation donne lieu à l’organisation de débats dans le cadre du concours. Professionnels de la danse y rencontrent élus communistes. Le député Jack Ralite porte leurs revendications devant l’Assemblée Nationale en 1976. Bagnolet devient capitale de la danse et tente d’en faire profiter ses habitants. Des réflexions et actions sont ainsi menées à l’occasion du concours dans le but de sensibiliser le public local.

Le rôle du concours est à nuancer sur le plan chorégraphique. Il accueille peu d’étrangers, de provinciaux et se ferme progressivement aux amateurs. Certaines tendances sont plus spécialement représentées, en outre, le poids du classique reste fort. La victoire de la gauche aux présidentielles marque un tournant pour le concours. Ceux qui revendiquaient en 1976 souhaitent désormais collaborer à la politique du gouvernement. En novembre 1981, la ville organise les Assises de la danse afin de définir les besoins de cette dernière. Elles sont à l’origine de la création d’une commission ministérielle en 1982. Les buts initiaux sont atteints, les chorégraphes sont découverts, reconnus et encouragés. Dès lors, le concours s’essouffle, les élus municipaux et le créateur s’opposent sur sa redéfinition. Le départ de ce dernier, en 1985, marque la fin du concours.

GENESTE Christelle, Cheminots de la misère : les origines géographiques et sociales des cheminots de Villeneuve-Saint-Georges à partir du recensement de 1911, Maîtrise [Antoine Prost, Christian Chevandier], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1998

Étudier les origines géographiques et sociales des agents de la Compagnie du Paris-Lyon-Méditerranée travaillant à Villeneuve-Saint-Georges c’est s’intéresser au recrutement du personnel ferroviaire, au mode de fonctionnement d’un univers ouvrier particulier et déterminer si les cheminots vivaient dans un monde clos.

Curieusement, à ce jour, une telle problématique est rare et les données sur le recrutement social des agents du chemin de fer manquent à la connaissance du monde ferroviaire. Faute de sources utilisables en partie, une telle étude a été retardée ; les délais de communicabilité atteignent parfois 100 ans, en l’occurrence pour la consultation des actes d’état civil dont notre approche nécessitait l’utilisation.

Ainsi, à partir des listes du recensement de 1911 et des actes d’état civil des cheminots de Villeneuve-Saint-Georges, c’est non seulement l’évolution d’une simple bourgade de pêcheurs en une véritable cité cheminote que nous avons mise au jour, mais aussi les différents schémas des migrations cheminotes qui, loin de prétendre dégager le profil type de tels mouvements géographiques, tentent de nous en présenter les causes. Fortement localisés le long de l’axe ferroviaire de la compagnie du PLM, les cheminots proviennent de la France entière témoignant de l’ère d’influence de ce réseau, mais également des diverses crises qui ont traversé le XIXe siècle. Le chemin de fer semble servir d’exutoire aux populations confrontées aux difficultés du siècle.

Enfin, largement dépendants de ces migrations, il s’agissait de dépeindre le statut et le comportement social de ces familles à la veille du premier conflit mondial ; c’est-à-dire tenter d’apercevoir les mécanismes d’ascension sociale, les relations humaines entre le monde ferroviaire et la communauté urbaine de Villeneuve-Saint-Georges. Ici c’est à la fois la faiblesse du recrutement endogène des cheminots qui transparaît, étroitement liée à l’utilisation que le personnel ferroviaire faisait du PLM (il servait, semble-t-il, de tremplin social), mais aussi l’impression d’un univers clos, vivant sur lui-même (le fonctionnement de la compagnie y contribuant) par le fort taux d’homogamie sociale dans le choix du conjoint et par la concentration des quartiers d’habitation.

GHIATI Jihan, La Politique de l’éducation nationale en Algérie sous Vichy de juin 1940 à novembre 1942, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1998

Le gouvernement de Vichy s’installe au pouvoir après la défaite de juin 1940, avec pour objectif non pas la reconstruction du pays, mais avec le but de « refaire la France » au moyen d’une « révolution nationale ».

La IIIe République est fustigée par le nouveau régime ; les principes de liberté, égalité, laïcité qu’elle représente sont honnis par Vichy. Il s’agit pour le maréchal Pétain et son gouvernement de créer un homme nouveau qui servirait sans défaillance l’État français.

Dans le programme de « rénovation nationale » établi par les idéologues vichyssois, l’Éducation nationale et la formation de la jeunesse font partie des priorités. En effet, si l’adulte qui a connu la IIIe République est perverti, l’enfant est malléable. Il représente l’avenir du régime de Vichy.

Nous nous sommes intéressés à l’action menée par le gouvernement de Vichy, les ministres successifs de l’Éducation nationale et l’administration coloniale dans les départements algériens. L’Algérie bénéficie en juin 1940, d’une relative autonomie politique. Aussi, dans ce contexte particulier, nous avons tenté de comprendre quelle politique de la jeunesse y a été conduite ; si des mesures différentes de celles prises en métropole ont été mises en place. Nous nous sommes également attachés à analyser si la politique scolaire engagée sous le régime de Vichy s’inscrit en continuité ou en rupture avec la politique coloniale menée jusqu’alors en Algérie, par la IIIe République. Pour cela, nous avons essentiellement consulté les archives du gouvernement général de l’Algérie, relatives à l’instruction publique et aux Beaux-arts. Notre étude n’a pas pour ambition d’être exhaustive. En effet, les difficultés d’accès aux archives concernant la période de Vichy n’ont permis d’avoir qu’un point de vue partiel sur les événements.

GOHAUD Juliette, Le féminisme de La Voix des Femmes (1917-1937), Maîtrise [Antoine Prost, Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1998, 199 p.

Notre travail a consisté à mettre en valeur la richesse d’une pensée féministe dite « radicale » ou « intégrale » à travers l’étude de La Voix des femmes, journal féministe indépendant, paru sans interruption de 1917 à 1937.

Fondée en pleine guerre, La Voix des femmes se proclame féministe, mais s’impose aussi comme journal pacifiste. Cette particularité en fait alors un journal complexe dont la ligne féministe n’est pas toujours clairement définie. Dès son lancement, des hommes et des femmes socialistes, pacifistes ou féministes convaincus, déçus par l’Union Sacrée et décidés à militer pour l’émancipation féminine, apportent leur concours au journal. Cette multiplicité de collaborateurs, qui se succèdent au cours des vingt années de parution, est un des traits caractéristiques de La Voix des femmes. À de nombreux égards, celle-ci apparaît comme une « tribune » libre, ouverte aux idées avant-gardistes, attentive aux évolutions du mouvement pacifiste très actif à cette époque.

La Voix des femmes mène donc une lutte sur deux fronts. Elle se bat pour l’égalité entre hommes et femmes, pour la légitimité du travail féminin, pour l’entrée des femmes dans les syndicats et pour la reconnaissance de la libre-maternité. Son pacifisme reste essentiel dans sa démarche. Aussi défend-elle sans concession la paix et reste-t-elle sensible aux idées internationalistes. Prônant l’antimilitarisme et la réconciliation entre les peuples, elle évolue progressivement vers un pacifisme plus absolu et plus offensif dès les armées trente.

La Voix des femmes est également un groupe militant, organisé et structuré. Dès 1920, elle précise les objectifs de sa propagande en créant sa propre école de propagandistes et en se constituant en société d’éducation féministe et socialiste. Bien que son féminisme soit naturellement orienté à gauche et que sa sympathie à l’égard du Parti communiste soit évidente dès l’armée 1921, La Voix des femmes choisit néanmoins de préserver son indépendance. Elle a donc le mérite de poser le problème de l’autonomie des luttes féministes par rapport aux luttes politiques et d’apporter la preuve du nécessaire engagement des féministes dans la vie politique de leur époque.

KESTEL Laurent, Les candidats du Front National aux élections législatives : 1986-1997, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1998, 158 p. + annexes

Parti embryonnaire, Le Front national entame une nouvelle étape de son implantation électorale avec les élections législatives de 1986. Comment celui-ci a-t-il, en une période relativement courte, trouvé ses candidats ?

Leur désignation et l’élaboration des professions de foi électorales procèdent des instances nationales. Les candidats présents aux élections législatives reflètent par ailleurs la stratégie politique du moment : volonté affichée de notabiliser le mouvement (et donc les candidatures) en 1986, repli idéologique incarné entre autres par des candidats issus des familles de l’extrême droite les plus radicales (nationalisme-révolutionnaire, négationnisme), et ce dès les élections législatives de 1993.

Malgré une popularisation croissante du vote FN, le Front national n’a pas modifié le profil sociologique de ses candidats. Leur représentativité semble figée à la photographie de l’électorat FN de 1984, à savoir le vote de la protestation bourgeoise. Largement entravée par les instances nationales, la participation des candidats se résume en une reprise — maladroite pour certains — de la rhétorique national-populiste de Jean-Marie Le Pen, dénuée le plus souvent d’inflexion locale et par la construction d’un profil de notable.

En définitive, si la carence en matière de personnel politique intermédiaire est bien réelle, celle-ci doit être nuancée par la solide implantation de 106 candidats, issus des élections législatives de 1988, tant au niveau électoral qu’au niveau des instances dirigeantes du mouvement.

LE PAJOLEC Sébastien, Les cités de banlieue au cinéma (1993-1997) : l’émergence d’un nouveau genre ?, Maîtrise [Antoine Prost, Annie Fourcaut], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1998, 163 p.

Depuis le début des armées quatre-vingt (les rodéos des Minguettes en 1981), la figure du grand ensemble, de la cité a envahi le champ médiatique ; images et discours (de journalistes, politiciens, chercheurs) se sont multipliés, superposés. Il faut rappeler ici que depuis son développement dans la seconde moitié du dix-neuvième siècle la banlieue a toujours constitué un objet privilégié de représentations, de projections des peurs fantasmées de la société (le topo au banlieusard délinquant, de l’apache au jeune d’aujourd’hui en passant par le loubard des années soixante). Notre travail part d’un double constat : le nécessaire apport de l’étude des films de fiction à l’histoire des représentations sociales d’une part, la sortie dans un temps rapproché d’une quinzaine de films français mettant au cœur de leur histoire la cité de banlieue, d’autre part. l’étude de ce corpus, composé des films sur les cités de banlieue entre 1993 et 1997, se déroule selon trois axes : la perception de la cité comme espace réel et symbolique, la représentation de la vie quotidienne dans le grand ensemble (vie familiale, relations de voisinage, vie scolaire, tensions jeunes/adultes, tensions raciales, présence policière), les significations culturelles de l’apparition de cette vague de films sur les cités de banlieue.

Au cours de notre recherche, plusieurs évolutions essentielles dans les représentations de la banlieue se sont dégagées. Tout d’abord, l’ambivalence du lien de la jeunesse des grands ensembles vis-à-vis de l’espace dans lequel elle évolue : on se situe constamment entre le désarroi, le rejet de la cité qui est alors vécue comme un handicap social, et l’appropriation identitaire d’un territoire que l’on occupe et domine au quotidien (la fameuse colonisation par les jeunes des espaces publics et collectifs du grand ensemble), ces stratégies territoriales sont la cause d’affrontements entre cités voisines, mais rivales, entre jeunes et policiers. Cette jeunesse est au cœur de la vie de la cité, elle génère l’émergence d’une véritable culture (pratiques de sociabilité, codes langagiers, musicaux, vestimentaires). Sa grande visibilité a pour contrecoup la disparition des adultes illustrée par l’éclatement de la structure familiale et la présence de stéréotypes négatifs (le policier, le raciste). On le note aussi dans l’évolution de la représentation de l’immigré : le « jeune de cité » succède ainsi dans l’imaginaire social à son père, l’ouvrier algérien de banlieue des années soixante-dix. Si les films possèdent des variantes, on retrouve à travers notre corpus un tronc commun de préoccupations (des séquences archétypiques comme celles en boîte de nuit, ou la mort d’un jeune) qui met en lumière un espace où règne la disqualification sociale (chômage des parents, des enfants), avec pour conséquence la violence (délinquance, drogue, bavures policières, émeutes). Enfin, nous avons cherché à mettre en perspective notre corpus dans le cadre à la fois d’un regain d’intérêt du cinéma français pour le fait social et de l’émergence de ce que l’on peut qualifier d’une nouvelle « culture de banlieue » dont la reconnaissance des diverses pratiques (rap, danse hip-hop, graffitis) est contemporaine du surgissement des films que nous avons étudiés.

MADEC Yohan, La grève de l’entreprise Penarroya de Lyon-Gerland du 9 février au 11 mars 1972 : une grève « significative » mythe ou réalité ?, Maîtrise [Antoine Prost, Franck Georgi], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1998, 235 p.

Les 105 travailleurs maghrébins de l’usine Penarroya, de Lyon-Gerland, se sont mis en grève illimitée le 9 février 1972, dans une stratégie commune avec deux autres raffineries de la société Penarroya, situées à Saint-Denis, et à Escaudœuvres. Composées à 95 % de travailleurs immigrés, leurs revendications sont axées sur les conditions de travail, les salaires, le logement, l’hygiène et la sécurité. La stratégie commune aux trois usines fait long feu, et les ouvriers de Lyon se trouvent seuls à occuper leur usine, devant les retraits successifs d’Escaudœuvres (impossible unité entre les travailleurs maghrébins et portugais) et de Saint-Denis (l’UL CGT ne soutenant pas le mouvement). Pourtant, après 31 jours de grève, les résultats obtenus sont particulièrement satisfaisants pour le logement et la sécurité. L’augmentation salariale ayant peu évolué par rapport à celle déjà accordée par la direction, lors de réunions effectuées pendant les mois de décembre et de janvier précédents (suite au premier cahier de revendications déposé le 27 décembre 1971).

Si les ouvriers ont pu négocier de tels compromis, ils le doivent d’abord à eux-mêmes, notamment par la présence d’ouvriers marocains déjà imprégnés des luttes ouvrières, et à l’organisation planifiée avant la grève, par un groupe de militants des Cahiers de Mai, assisté des permanents syndicaux de l’Union des Métaux CFDT. Cette préparation devait inverser le rapport de force en faveur des grévistes face à la multinationale que représentait la Penarroya. Une action de soutien fut engagée à ce titre, comportant un dossier d’information, un court métrage (reprenant le contenu du dossier précité), des liaisons avec le CDJA pour subvenir aux besoins alimentaires, et un comité de soutien afin de propager les revendications. Si l’organisation interne de la grève se veut démocratique et/ou collective, suivant les engagements prônés conjointement par les médiateurs du conflit (la FGM-CFDT et, les Cahiers de Mai), c’est surtout par l’impact du soutien populaire que cette grève est devenue la référence, traduisant l’émergence des travailleurs immigrés dans les conflits du travail. Car les revendications ont scandalisé l’opinion publique, par le relais de journaux contactés avant même le début du mouvement. L’objet des informations transmises et le traitement de celles-ci (notamment en comparant l’image moderniste que veut se donner Penarroya et les conditions de travail) ont eu pour effet de « populariser » le conflit au niveau national par le « scandale » que représentait un tel paradoxe et de telles conditions.

La grève de Penarroya est la première grande grève conduite essentiellement par des étrangers dans le cadre d’une entreprise et, paradoxalement, on peut émettre l’idée qu’elle en est aussi la dernière. Elle en devient un mythe, symbole du désir de reconnaissance des immigrés, impossible à reproduire et une réalité, prouvant qu’une grève de travailleurs immigrés est, avant d’être significative, dépendante d’éléments extérieurs.

MELQUIOND Anne-Lise, Vive la révolution et la question des femmes : 1968-1971, Maîtrise [Antoine Prost, Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1998

Ce travail propose de trouver quelle place « Vive la Révolution » en tant que groupuscule gauchiste laissait à l’émancipation des femmes comme principe théorique et pratique politique.

Par sa volonté de comprendre Mai 1968, « Vive la Révolution » s’inscrit dans un esprit contestataire influencé par la contre-culture américaine. L’analyse de la perception de Mai 1968 par les futurs militant(e)s de « Vive la Révolution » a permis de mettre en valeur les différentes pratiques politiques au sein même de l’UJCML. Ainsi s’opposent un courant fortement théorique composé essentiellement « d’ulmards », et un autre, formé en majeure partie d’étudiants de Nanterre et des Beaux-Arts, qui apparaît en revanche comme « festif ». Complexés, se sentant décalés par rapport aux « ulmards », ces militants sont à l’origine de « Vive la Révolution », les Normaliens participant en revanche à la fondation de la Gauche Prolétarienne. Il est donc probable que l’impact de Mai 1968, tout d’abord dans sa perception, a produit ce schisme au sein du maoïsme.

En découle la problématique essentielle du rapport entre la question des femmes et Mai 1968. La question des femmes est restée le parent pauvre de cette histoire. Dans une certaine mesure, nous avons été handicapées par le manque de sources écrites sur ce sujet. Les sources orales ont donc été précieuses pour appréhender ce phénomène. Les conclusions se sont avérées quelque peu surprenantes : alors que Mai 1968 est généralement considéré comme un mouvement qui remet en cause l’ensemble du corps social, cet événement n’a pas pris en compte la question des femmes. Ce phénomène s’explique en grande partie par la division sexuée des tâches dans les organisations révolutionnaires. Les femmes de « Vive la Révolution », en fondant un groupe non-mixte en septembre 1970, prennent conscience de leur oppression. « Vive la Révolution » permet cette prise de conscience par leur ouverture d’esprit et leur opposition à une conception figée de la lutte des classes. En publiant Ie premier journal de la contre-culture française, Tout !, « Vive la Révolution » permet pleinement la diffusion des revendications féministes. Mais l’autonomie des femmes va créer des tensions au sein du groupe, car les féministes mettent en lumière les contradictions des militants révolutionnaires entre une théorie qu’ils insufflent et une pratique qu’ils rejettent. De cette opposition entre les hommes et les femmes découle la dissolution de ce groupe en avril 1971.

MUNOZ Sullivan, Les transformations du monde de la chanson en France dans les années 1920 : enquête sur les milieux chansonniers au moment du passage à la modernité, Maîtrise [Antoine Prost, Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1998, 214 p.

Au cours de cette période, les représentations culturelles, les échanges, et les pratiques sociales liées à la chanson ont considérablement évolué, non seulement en se diversifiant extraordinairement, mais encore en subissant des mutations profondes de toute nature, et dans tous les domaines relatifs au phénomène chansonnier. Comment caractériser en effet cette époque, où coexistent les pratiquants d’une poésie de la nature, sentimentale et volontairement naïve, tels Xavier Privas ou Antonin Lugnier, et les jeunes futures vedettes des années 1930 ou de l’Après-guerre, qui ont pour nom Lucienne Boyer ou Mireille ? Que dire de la sociabilité chansonnière, au moment où le Caveau et les sociétés lyriques fondées sur un modèle semblable prétendent se maintenir dans la longue durée, mais où se constitue un milieu de professionnels de la chanson, essentiellement parisien, composé d’éditeurs, de directeurs de studios d’enregistrement, de musiciens et de directeurs artistiques, dont Georges Van Parys dans son livre Les Jours comme ils viennent (Paris, Plon, 1969) porte témoignage, et qui semble appelé, à terme, à prendre le pas sur toute autre forme de sociabilité chansonnière ? Enfin, quel est l’impact, dans les mentalités, du bouleversement qui est intervenu dans les modes de transmission de la chanson ? En effet, c’est au cours de cette décennie qu’apparaissent l’enregistrement électrique, la radiodiffusion, et le cinématographe parlant, et c’est en 1924, par exemple, que la firme Columbia s’installe en France, décidant du même coup de « monter », de manière volontariste, une écurie de futures vedettes, afin de pouvoir présenter un catalogue concurrentiel. Comment ces transformations ont-elles été accueillies, respectivement, par les hérauts de la modernité, et par les garants des valeurs anciennes en matière de chanson, et comment, enfin, ont-elles influencé les contenus du répertoire chansonnier ?

ORQUEVAUX Bérangère, La rentrée scolaire et le baccalauréat en première page dans la presse quotidienne de 1945 à nos jours, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1998, 145 et 51 p.

Chaque année, aux mois de septembre et de juin, nous pouvons constater une médiatisation à outrance de deux événements scolaires : la rentrée des classes et le baccalauréat. Télévision, radio et presse écrite, tous les médias nous informent de ces sujets par le biais de reportages et d’enquêtes. Plus particulièrement, de nombreux journaux nous abreuvent d’articles, leur consacrant même leur première page. Tout ceci traduit un attachement manifeste de la société à ces questions scolaires.

Ce mémoire repose sur cette constatation. Les enjeux sont de connaître les causes d’un tel enthousiasme médiatique, et de savoir depuis quand et pourquoi il est apparu. Pour répondre à ces interrogations, nous avons choisi comme support de travail la presse quotidienne. Plus précisément, nous avons étudié les premières pages de cinq quotidiens régionaux et nationaux depuis 1945, afin de cerner l’évolution du traitement de la rentrée et du baccalauréat. Un historique de chacun de ces événements scolaires a ainsi été dressé, ce qui, complété par les résultats des recherches, a montré une évolution définie par les phénomènes économiques et sociaux qui ont caractérisé la France depuis cinquante ans. De même, il a été établi une certaine constance de l’intérêt suscité par ces événements. Des marques d’évolution ont également été cernées au niveau de la rédaction des articles. Enfin, nous avons mis en évidence les caractères particuliers pris par la frénésie scolaire depuis les trente dernières années. Cette étude établit que la médiatisation de la rentrée scolaire et du baccalauréat est un phénomène récurrent depuis 1945 qui s’est accentué sensiblement depuis les années 1970.

PUIJALON Thomas, Histoire et sociologie du personnel communal de Boulogne-sur-Seine puis Boulogne-Billancourt de 1919 à 1939, Maîtrise [Antoine Prost, Claude Pennetier], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1998, 183 p.

De 1919 à 1939, la ville de Boulogne-Billancourt connaît un développement spectaculaire sur tous les plans. La croissance de cette ville de la banlieue parisienne est organisée par la forte personnalité de son maire André Morizet, qui fut adhérent à la SFIO jusqu’en 1920, puis au Parti Communiste jusqu’en 1923, au Parti Socialiste-Communiste jusqu’en 1928, année où il rejoint la SFIO.

Durant ces vingt années, le personnel communal de Boulogne vit et accompagne ces changements. Mais il connaît lui aussi des transformations profondes. Le nombre des employés augmente massivement pour atteindre environ 600 personnes en 1936. Les métiers se modernisent, s’adaptent à la croissance urbaine. Les services de la Ville se développent. Mais des zones d’ombres demeurent. Les progrès ne sont pas également répartis. Même si André Morizet s’efforce d’améliorer la condition sociale de ses employés, certaines catégories d’employés bénéficient peu de ces progrès. Les employés des métiers techniques ont des carrières qui progressent peu, leur titularisation est lente. Les inégalités sont flagrantes entre les services. Ces inégalités confèrent des visages variés au personnel de Boulogne. La diversité des carrières est patente : mais celle du recrutement l’est aussi. De nombreuses oppositions apparaissent dans ce domaine : Paris/Province, niveau social, niveau d’études…

Pourtant le syndicalisme réunit tous les employés ou presque, puisque la quasi-totalité des employés est syndiqués soit à la CGT, pour la majorité d’entre eux, soit à la CGTU. Ce fort taux est un moyen de pression vis-à-vis de la municipalité, que le personnel utilise à de nombreuses reprises. Les conflits sont multiples pour infléchir la politique du Maire en faveur des employés. Ils concernent aussi des questions de politique nationale. La communauté de vues qu’on attendrait entre une municipalité ouvrière et son personnel n’existe pas toujours. Les réalités de la gestion d’une ville imposent parfois des actes contraires aux convictions d’une personnalité telIe qu’André Morizet.

RAZON Boris, De la résistance spirituelle à l’engagement : le Comité inter mouvement auprès des évacués (Cimade) face à la Seconde guerre mondiale en France, Maîtrise [Michel Dreyfus], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1998, 284 p.

La Cimade est née en octobre 1939 de la volonté des mouvements de jeunesse d’inspiration protestante de « témoigner de l’Évangile auprès de la jeunesse française éprouvée par la guerre et de lui venir en aide sur le plan moral, social et éducatif ». Ces objectifs initiaux furent bouleversés par la guerre. Mais, à force de volonté, les équipiers Cimade parvinrent à venir en aide aux Alsaciens évacués, aux juifs internés dans les camps de Vichy, à organiser une filière d’évasion vers la Suisse et à créer un service de visiteurs de prisons pour venir en aide aux collaborateurs à leur tour enfermés. Ce mémoire a pour objectif de comprendre les motivations religieuses et sociales qui ont pu conduire les membres de la Cimade à passer de leur vocation de témoignage vers une forme spécifique de résistance. Le contexte politique et, notamment, les législations antisémites sont essentiels pour comprendre les enjeux propres à cet engagement. Par ailleurs, ces premières années de la Cimade furent chargées d’une très forte intensité émotionnelle du fait des situations extrêmement délicates auxquelles les équipiers furent confrontés. Il était donc nécessaire de préserver cette part émotionnelle, ces « ressentis » tant ils étaient partie prenante de la nature du témoignage de la Cimade. Enfin, analyser les premières années de la Cimade avait aussi pour objectif de mettre en valeur les enjeux d’une association dont les activités auprès des réfugiés et des immigrés n’ont jamais cessé pendant la seconde moitié du siècle.

REMY Olivier, Les ardennais sous l’occupation : de l’évacuation à la zone interdite (mai 1940-mai 1943), Maîtrise [Claire Andrieu, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1998, 178 p.

Dès l’annonce de la déclaration de guerre de la France à l’Allemagne le 3 septembre 1939, le département des Ardennes se prépare activement à évacuer sa population. Les autorités civiles et militaires mettent en place des mesures de sauvegarde et des plans de repliement et d’évacuation. Mais à la « drôle de guerre » succède rapidement le chaos. Le 10 mai 1940, les Ardennais sont contraints de fuir devant l’avancée allemande, et tous les plans établis deviennent caducs. En quelques jours, ce sont 300 000 personnes qui sont obligées d’arpenter les routes à la recherche d’un hypothétique abri. La Vendée et les Deux-Sèvres, désignées pour les recevoir, accueillent bien une partie de ces « réfugiés », mais dans l’affolement de mai, les civils ardennais se trouvent dispersés un peu partout sur le territoire français.

Le malaise issu de leur situation précaire est souvent profond, et il est l’un des facteurs déclenchant le retour plus ou moins rapide des évacués dans leur région d’origine. Le chemin est pavé de nombreux obstacles avec, notamment, le passage de la ligne de démarcation, située au nord de l’Aisne, entre la zone occupée et la zone interdite.

Malgré un retour souvent périlleux, le travail de reconstruction et le contexte particulier qui l’entoure, la population retrouve peu à peu sérénité et lucidité : les premiers pas vers une résistance plus active vis-à-vis de l’occupant, à partir du printemps 1943.

REY Emmanuelle, La dissidence socialiste à Londres : le groupe Jean Jaurès et le quotidien France (août 1940-août 1944), Maîtrise [Claire Andrieu, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1998, 218 p.

En juin 1940, face à l’avancée allemande, de nombreux Français s’exilent en Grande-Bretagne. Au sein de la communauté française de Londres, les notables de la presse anti-munichoise et les démocrates convaincus se réunissent. Le 19 août 1940, sous l’impulsion des journalistes Georges Gombault, Louis Lévy et du syndicaliste Henry Hauck est créé le Groupe Jean Jaurès afin de rassembler tous les socialistes français en Grande-Bretagne. Une semaine plus tard, paraît le premier numéro de France, dirigé par Pierre Comert, ancien chef du service de presse du Quai d’Orsay. Son journal demeure le seul quotidien français de Londres durant toute la guerre.

Le groupuscule composé par le Groupe Jean Jaurès, dont les membres les plus influents sont également les principaux rédacteurs de France, va très rapidement incarner la dissidence anti-gaulliste, s’affirmer en coulisses et trouver écho dans d’autres composantes de la société londonienne. Les socialistes dissidents, qui redoutent les prétentions politiques du général de Gaulle, son autoritarisme et son entourage, entretiennent des contacts avec les socialistes de France afin d’envisager la reconstruction politique d’après-guerre et de les avertir du danger potentiel que représente le Général, à leurs yeux. La détermination de ces opposants les isole de la majorité des socialistes ralliés à De Gaulle, Léon Blum en tête. Des émissaires du Parti Socialiste clandestin sont envoyés à Londres pour tenter de les rassembler autour de la cause de la France Libre, en vain. Seule, la venue de Daniel Mayer, secrétaire général du Parti Socialiste clandestin, permettra de trouver un compromis. Les dissidents radicaliseront néanmoins leur position face à l’affirmation du pouvoir gaullien à Alger, dès juin 1943.

SIGRIST Rachel, Les étrangers à Ivry-sur-Seine dans l’entre-deux-guerres (1921-1936) : étude socio-démographique de la population étrangère d’une commune de la banlieue rouge, Maîtrise [Antoine Prost, Claude Pennetier], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1998, 211 p.

Se basant sur les données résultant du dépouillement exhaustif des listes nominatives de recensement de 1921 et 1936 augmenté de documents nominatifs annexes, cette étude vise à tracer aussi fidèlement que possible le portrait de la population étrangère d’une commune doublement caractérisée par une très forte industrialisation qui en fait la « Saint-Denis du Sud » et une gestion municipale socialiste puis communiste mise en place dès 1896, et ceci en s’intéressant successivement aux caractéristiques démographiques, d’emploi, de résidence et d’insertion dans la population autochtone de ces étrangers.

Relativement peu nombreuse eu égard aux pourcentages d’étrangers des autres communes de la banlieue parisienne, composée majoritairement, malgré la diversité des provenances, de trois nationalités principales (Italiens, Belges, Espagnols) et de deux autres émergeant au cours de la période (Polonais, Portugais), la population étrangère ivryenne se révèle contrastée et connaît deux évolutions contraires au cours de l’entre-deux-guerres.

Population entrée en France dans un cadre non institutionnel, relativement stable (à savoir familiale, équilibrée entre les sexes), active et qualifiée dès 1921 par rapport à l’image traditionnelle de l’immigré, même si — restant en marge de la population autochtone du point de vue du logement et de sa localisation — elle croît dans l’entre-deux-guerres du fait de l’arrivée massive de jeunes célibataires. Durement frappés par la crise, mais retournant apparemment moins dans le pays d’origine que les émigrés présents dans d’autres régions françaises, bénéficiant en grand nombre des secours du fond de chômage ou travaillant plus fréquemment à l’extérieur de la commune dans des emplois moins qualifiés (sauf pour la deuxième génération, qui connaît une montée partielle dans la hiérarchie sociale), les étrangers présents à Ivry en 1936 se scindent en deux groupes : un premier, composé de la population la plus « instable », restant à l’écart d’une insertion dans la population autochtone ; un second, se rapprochant continuellement du « modèle national » jusqu’à se fondre dans la population ivryenne.

Cette population ne constituant pas uniquement un tout homogène, mais étant composée de communautés nationales, l’accent est mis sur les différences existant entre nationalités, permettant ainsi des comparaisons avec d’autres études concernant la région parisienne, mais limitées à la considération d’une unique nationalité.

SIMEON Frédéric, La Cimade et l’Amérique latine : 1970-1990, Maîtrise [Michel Dreyfus], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1998, 150 p.

La Cimade est une association née en 1939. Elle a été créée par des mouvements de jeunesse protestants dans le but de venir en aide aux déportés alsaciens puis aux juifs dans les camps de concentration français. Depuis cette date, la Cimade s’est impliquée dans de nombreuses luttes comme la réconciliation franco-allemande d’après-guerre, l’Algérie ou encore l’antiracisme. Les années 1970 voient apparaître en France un nouvel attrait pour l’Amérique Latine, suite à l’expérience au Chili d’un gouvernement d’union de la gauche de 1970 à 1973 puis au coup d’État du général Pinochet le 11 septembre 1973. La Cimade s’est intéressée comme la majeure partie des forces progressistes françaises aux événements ainsi qu’à l’ensemble des questions latino-américaines.

Trois éléments m’ont semblé particulièrement importants dans le cadre d’une étude des relations de la Cimade et de l’Amérique latine. Tout d’abord, la perception que la Cimade a pu avoir de ce continent du point de vue politique, social et religieux. Il est ressorti de ce travail que l’association a largement manifesté sa sympathie, dans un but de soutien aux luttes de libération, pour les mouvements et les idéologies de gauche, voire révolutionnaires : la Théologie de la Libération et l’Église des pauvres, les partis ou syndicats progressistes comme la Centrale unique des travailleurs chiliens (CUTCh), les luttes des Indiens, ou enfin, le gouvernement sandiniste au Nicaragua.

Mais, et c’est là le second constat que l’on peut faire, ces interventions se sont faites en gardant toujours à l’esprit le but que la Cimade s’est donné : allier aide humanitaire et combat politique tout en gardant son indépendance envers toute organisation. Avec le même objectif, la Cimade a conduit des projets de développement en Amérique latine avec des associations diverses de ce continent. Plusieurs principes ont guidé ces projets : la co-responsabilité des deux parties, la prise en charge par les populations concernées du développement, et, enfin, le caractère politique des projets dans une perspective de libération socio-économique, parfois anticapitaliste, et culturelle.

Enfin, cette action en Amérique latine a eu son pendant en France avec l’aide aux réfugiés politiques latino-américains, qui a été multiple et s’est étendue durant la totalité du séjour. En effet, elle a concerné les questions de logement, de santé, des bourses d’études, de recherche d’emplois et d’insertion, mais aussi le soutien dans les tentatives de retour chez eux des exilés.

Cette étude est donc riche d’enseignements quant à la nature de la Cimade ainsi qu’en ce qui concerne le problème de l’aide au Tiers-Monde et de l’action associative en ce domaine.

THUILLIER Mathieu, La politique sportive de la commune de Bobigny : 1960-1982, Maîtrise [Antoine Prost, Annie Fourcaut], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1998, 226 p.

L’objectif de ce travail est l’étude de la mise en place des moyens matériels et humains pour le développement de la pratique sportive à Bobigny. Il s’agit de mettre en lumière les différentes composantes de cette politique sportive : – le développement progressif du bureau des sports, chargé de gérer les dossiers administratifs traitant du sport. Il représente le bras administratif de la municipalité, permet les échanges entre les militants des clubs sportifs de la commune et les élus. Le bureau des sports a également la mission d’organiser les manifestations sportives impulsées par la municipalité ;

– l’accroissement du réseau d’équipements sportifs de la commune, qui s’est densifié tout au long de la période étudiée. Il comprend deux grands types d’équipements sportifs (les équipements couverts et les stades de plein air). Ce type d’infrastructure est indispensable à la mise en place d’activités sportives dans la commune ;

– la politique d’aide aux associations sportives dans leur pratique et les moyens mis en œuvre pour développer les cours municipaux de sport. Cette composante de la politique sportive a permis de dégager les partenaires privilégiés de la municipalité qui ont été chargés d’appliquer les idées municipales concernant le sport sur le terrain ;

– l’organisation de manifestations sportives (compétitions sportives, manifestations revendicatives…). Elles ont souvent un message revendicatif en filigrane. Elles permettent aussi à la commune de dynamiser son image.

Le cœur même du mémoire repose sur le sens apporté au développement du sport à Bobigny, commune gérée par une municipalité communiste depuis 1920. Les activités sportives ont-elles simplement été mises en place afin de divertir les Balbyniens ou faut-il percevoir la volonté d’instaurer un modèle particulier de sociabilité à travers la pratique des activités sportives ?

1997

ANDRIEU Claire, Les sociétés municipales de secours mutuels des XIXe et XXe arrondissements de Paris : 1865-1950, Maîtrise [Antoine Prost, Michel Dreyfus], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997, 309 p.

Les SSM municipales du XIXe et du XXe sont directement issues du décret impérial du 28 mars 1852, qui met en place un nouveau type de mutualité. En échange d’avantages réels, ces « sociétés approuvées » sont l’objet d’une lourde surveillance de la part du pouvoir. Celle-ci s’exerce de plusieurs manières. La plus caractéristique est la présence d’une nouvelle catégorie de sociétaires, les membres honoraires ou « membres bienfaiteurs » qui apportent leur caution morale et financière, sans bénéficier des prestations, et qui s’occupent de gérer la société. Le changement le plus profond concerne la composition sociologique de ces mutuelles. Elles ne regroupent plus des travailleurs exerçant la même profession pouvant avoir des intérêts communs à défendre. Le recrutement est désormais interclassiste, sur la base de la commune ou de l’arrondissement. Trois axes de recherche ont été développés. L’étude de deux de ces « sociétés approuvées » était l’occasion d’une analyse concrète de la mutualité impériale. On a pu constater l’étendue du patronage exercé par les membres honoraires, dont la proportion est même apparue, dans les cas des SSM du XIXe et du XXe, supérieure à la moyenne nationale, et sans lesquels ces deux sociétés n’auraient sans doute pas pu fonctionner. À ce patronage, s’ajoute celui de la municipalité, venant accroître la sécurité du système. Pourtant, malgré ces aides financières, ces deux sociétés rencontrent des difficultés constantes pour maintenir un équilibre entre cotisations et prestations. Ainsi, elles ont souvent été obligées de limiter la portée de leurs prestations. Autre point mis en évidence, tout dans leur fonctionnement quotidien (conditions d’admission, de radiation, critères qui déterminent l’obtention de telle ou telle prestation, nature des prestations, rites et pratiques de sociabilité, ou encore règle de fonctionnement) correspond à l’idéologie de la mutualité impériale, à savoir une volonté de moralisation, de responsabilisation de la classe ouvrière, et de contrôle, dans l’optique d’une réconciliation des classes. Enfin, la composition sociologique de ces deux sociétés diffère légèrement de l’image que l’on a habituellement des membres de ces « sociétés approuvées ». Leur recrutement apparaît plus « populaire », sans doute en raison des quartiers où elles sont implantées.

Le deuxième axe de recherche est le rapport de ces deux sociétés territoriales à la vie locale : vie économique, sociale, culturelle, voire politique. Sur un certain nombre de points (collaboration avec le personnel enseignant, lien avec d’autres organisations, participation à des manifestations locales, liens avec les édiles locaux), la SSM du XIXe apparaît mieux intégrée à son quartier que son homologue du XXe. Il a été intéressant de constater le niveau d’implication des édiles municipaux, notamment de relier cette implication à la volonté de conforter un mandat électif. Parmi les hommes politiques locaux, ayant eu un lien avec les SSM des XIXe et XXe on compte un nombre non négligeable de militants socialistes.

Enfin, l’histoire de ces deux mutuelles s’inscrit dans celle, plus large, du mouvement mutualiste français. La manière dont elles ont réagi face à l’intervention croissante de l’État dans le domaine de la protection sociale a été étudiée ainsi que leur adaptation à la mise en place progressive, tout au long du XXe siècle, d’une législation d’Assurances sociales obligatoire (de la loi des Retraites ouvrières de 1910, à la Sécurité sociale en 1945, en passant par les Assurances sociales de 1928-1930). Alors que la SSM du XIXe tente de se transformer pour survivre, adapte ses prestations, la SSM du XXe reste le plus souvent sourde à tous changements, la Sécurité sociale lui portant d’ailleurs le « coup de grâce » après la Seconde Guerre mondiale. Une approche chronologique sur une si longue période a permis de cerner le rythme de développement de ces deux sociétés qui paraît plus lent que celui du mouvement mutualiste au niveau national. Cette constatation vient confirmer l’hypothèse du faible développement de la mutualité parisienne.

L’analyse à la fois chronologique et thématique de la vie de deux SSM a permis d’éclairer l’histoire de la mutualité parisienne, de son développement et de ses composantes. Sur ce point, l’analyse des différences ayant existé entre les SSM du XIXe et du XXe, pourtant proches géographiquement, est venue enrichir notre étude. En outre, nous avons pu retracer l’histoire de la première mutuelle scolaire de la France — la SSM scolaire du XIXe, annexe de la société adulte — et présenter le fonctionnement de cette forme originale de mutualité, née à Paris et aujourd’hui disparue.

ARTAUD Céline, Le recrutement des élèves au Lycée Condorcet à Paris de 1887 à 1995, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997, 135 p. + annexes

L’histoire du lycée Condorcet — créé en 1804 — et le recrutement de ses élèves, de 1887 à 1995, ont été l’objet de notre étude. Nos principales sources ont été les fiches individuelles d’élève conservées depuis l’année scolaire 1887-1888 par l’établissement. Après avoir composé deux échantillons distincts représentatifs de l’ensemble du fichier des élèves et séparé les élèves du cycle secondaire et du cycle préparatoire, nous les avons interrogés afin de caractériser le recrutement géographique des élèves à l’aide de l’adresse de leurs parents et de leur établissement d’origine ainsi que leur origine socio-professionnelle grâce aux professions de leurs parents. Le recrutement des élèves varie selon le cycle d’enseignement considéré. Pour le cycle secondaire, les élèves habitent en majorité Paris alors que les élèves du cycle préparatoire résident surtout en banlieue parisienne. On peut donc qualifier le Lycée Condorcet de « lycée de banlieue », car il abrite un nombre important d’élèves habitant en banlieue pour les deux cycles (20 % des élèves pour le cycle secondaire). Au point de vue de l’origine socio-professionnelle, pour les deux cycles, les pères occupent — dans une grande proportion — une activité au sein de la catégorie des professions libérales et des cadres supérieurs. Pour les mères, dans un cas sur deux, elles exercent une activité pendant la dernière période étudiée. Elles sont les plus nombreuses au sein de la catégorie des employés. On ne constate pas de changement radical du recrutement, mais des modifications au sein de chaque catégorie étudiée. C’est pourquoi nous avons parlé de « stabilité du recrutement socio-professionnel ».

AUGIER Muriel, L’engagement en faveur des handicapés : nature, buts et moyens au travers de l’étude d’une association l’APF et de deux mouvements de lutte le MDH et le CLH (1973-1978), Maîtrise [Antoine Prost, Claude Pennetier], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997, 177 p. + 1 vol. d’annexes

L’APF (Association des Paralysés de France), le MDH (Mouvement de Défense des Handicapés), les CLH (Comités de Lutte des Handicapés), groupements créés par et pour les personnes atteintes de handicap physique, se sont engagés, de 1973 à 1978, de façon originale dans la préparation puis la mise en œuvre de la loi d’orientation du 30 juin 1975. L’APF, association reconnue d’utilité publique depuis 1945, a pour but l’amélioration du sort matériel et moral des handicapés physiques, par la mise en place de structures d’aides très diversifiées. Le MDH et les CLH créés respectivement en 1973 et 1974 sont de taille beaucoup plus modeste. L’un, issu d’une association d’étudiants handicapés, a pour but la réhabilitation des handicapés et leur participation à la vie de la cite, l’autre, les CLH, milite pour une véritable intégration des personnes handicapées.

Dans le contexte de l’après Mai 68 et du courant médical de la Réadaptation, l’orientation d’innovation sociale proposée par Valéry Giscard d’Estaing est le signe d’une volonté de remédier à la situation de nombreux exclus. En ce qui concerne les personnes handicapées, la loi du 30 juin 1975 prévoit des mesures relatives à l’ensemble de la vie des handicapés (octroi d’allocations, institution de commissions d’orientation scolaire et professionnelle, mesures relatives à l’accessibilité).

Vis-à-vis de la loi, l’APF joue un rôle de proposition auprès des pouvoirs publics, au sein d’un groupe de pression le « groupe des 25 », puis au sein du CNCPH (Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées) créé par décret à la suite de la loi. Au contraire, le MDH et les CLH militent contre cette loi qu’ils considèrent comme trop timide, voire comme un facteur d’exclusion. Le MDH choisit de faire appel à des interlocuteurs classiques : le gouvernement, les syndicats étudiants dont ils sont proches. Par contre, les CLH se cantonnent à des actions plus spectaculaires et provocatrices. Les différences de modes d’intervention et de prises de position envers la loi ont pour conséquence des oppositions entre APF et MDH/CLH, dont l’un des moments forts fut le siège de l’APF par les CLH, le 16 mars 1975.

Durant cette période, la réflexion menée sur l’exclusion n’aboutit pas à l’intégration réelle des handicapés, mais permet l’expression de nouvelles conceptions du handicap. La question du rôle et de la place des associations en faveur des handicapés est relancée (l’APF passe d’un mode de fonctionnement associatif à celui d’une entreprise morale). Par ailleurs, la professionnalisation des travailleurs sociaux coexiste avec le bénévolat, tous deux s’intégrant dans un système d’assistance dont les personnes handicapées sont dans leur grande majorité l’objet.

AUTIER Nicolas, La FNACA et la mémoire de la guerre d’Algérie, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997, 282 p.

Il n’existe pas aujourd’hui de mémoire nationale de ce que l’on appelle « la guerre d’Algérie ». Statut juridique contestable et contesté, absence de bornes chronologiques clairement établies, théâtre d’opérations aux limites floues, foisonnement de groupes d’acteurs passionnés et antagonistes, fluidité de l’appartenance à tel ou tel groupe, désintérêt rapide de la majorité des Français, volonté générale de jeter le voile de l’oubli sur un conflit qui affecta douloureusement les consciences, autant de facteurs qui se combinèrent et se combinent encore pour empêcher que la société française rassemblée puisse se retourner avec sérénité sur cet événement majeur de la vie du pays. Au contraire, la guerre d’Algérie a donné lieu à l’établissement de mémoires catégorielles, multiples, souvent antagonistes dont les conflits sont encore vivaces. Depuis les travaux d’Antoine Prost, le monde des anciens combattants n’a plus été étudié. Or, près de trois millions de Français firent leur service militaire pendant la guerre d’Algérie dans des conditions qui les marquèrent profondément. Sur la base de cette expérience, par intégration aux associations d’anciens combattants déjà existantes, se créa le mouvement des anciens combattants d’Algérie. Cas à part dans ce monde, la FNACA est la seule association à ne rassembler que des participants du conflit algérien et à ne se consacrer qu’à la défense de ce qu’elle juge être leurs droits légitimes. Or ceux-ci sont directement fonction du regard que l’on porte sur les événements d’Algérie, donc de la mémoire de la guerre d’Algérie.

Cette étude propose d’explorer cette exception du monde ancien combattant, du rapport a priori constitutif qu’elle entretint avec la mémoire de ce conflit, et de la façon dont elle s’inscrivit dans la constitution de ce qui n’est encore qu’une mémoire éclatée de la guerre d’Algérie.

BACHELOT Carole, Les socialistes en entreprise : une histoire des sections et groupes socialistes d’entreprise (1969-1981), Maîtrise [Franck Georgi], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997

Le Parti socialiste se présente traditionnellement comme le parti des travailleurs. Mais contrairement au Parti communiste, cette même tradition l’a longtemps fait privilégier les convergences interprofessionnelles de ses militants regroupés exclusivement dans des structures locales, sections et fédérations calquées sur les découpages territoriaux des communes et des départements.

En 1969, la refondation d’un Nouveau Parti Socialiste sur les restes d’une SFIO très affaiblie a semblé rendre nécessaire l’instauration de nouvelles structures. Ainsi, la création de sections et groupes socialistes d’entreprise offrant aux militants la possibilité de s’organiser sur leur lieu de travail devait-elle permettre au Parti de retrouver « sa chair ouvrière ». Il s’agissait pour le PS de reconquérir une légitimité populaire en redevenant un parti de masse, intervenant ainsi sur un terrain jusqu’ici considéré comme la chasse gardée du PCF. Des tentatives du même type avaient déjà été menées à l’époque du Front populaire (Amicales Socialistes) et de la Libération (groupes socialistes d’entreprise). Mais c’est seulement le congrès d’Epinay (1971), fondateur du parti socialiste de F. Mitterrand, qui a donné de véritables moyens à ce nouveau mode d’implantation accordant autant de pouvoir politique aux sections d’entreprise qu’aux sections locales.

Ce militantisme a dû affronter un contexte difficile (période de reflux pour la gauche de l’après-Mai 1968, alliance conflictuelle avec le PCF dans le cadre du Programme commun, crise économique chronique après 1973) et d’importantes dissensions internes au parti. Si le principe du militantisme en entreprise a été accepté officiellement dans les statuts, son application pratique s’est heurtée à la réticence des courants conservateurs héritiers de la tradition molletiste voyant dans l’entreprise le domaine réservé des syndicats. Il a en revanche constitué un véritable enjeu de pouvoir pour certaines tendances qui l’ont ardemment défendu : le CERES de J.-P. Chevènement au premier chef, mais aussi les poperénistes et les rocardiens.

Ayant réussi à établir une présence socialiste assez significative dans le monde du travail pour conférer au parti une plus grande représentativité populaire, cette forme de militantisme a sans conteste contribué à la victoire de 1981. Par l’étude de l’organisation et du fonctionnement du secteur Entreprises, de son comportement lors des consultations électorales et des grands événements jalonnant l’histoire du parti (signature et rupture du Programme commun, Assises du socialisme), et grâce au fil rouge qu’ont constitué ses propres publications (mensuel Combat Socialiste), on espère avoir montré la teneur politique de cette réforme structurelle. La mise en œuvre du militantisme en entreprise touchait à l’identité même du PS.

BATAILLER Stéphanie, La commission féminine confédérale de la CFDT (CFTC) dans les années 60 : pour une synthèse entre lutte de classe et lutte de sexe, Maîtrise [Michel Dreyfus], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997, 265 p.

Au début des années 60, de jeunes militantes responsables entrent à la Commission féminine confédérale (CFC) de la CFTC. Minoritaires, leur préoccupation première est de mener l’organisation à sa déconfessionnalisation au Congrès de 1964. Cependant, elles commencent à s’interroger sur la place des femmes dans le mouvement syndical et découvrent qu’elle n’est pas ce qu’elle devrait. Les militantes représentant pourtant la moitié du syndicat sont marginalisées. Cette situation est-elle inhérente à la CFTC ? à sa conception de la famille et à la place de la femme au foyer ? Elles recherchent alors les causes de cette situation et constatent que l’infériorisation des femmes dans l’entreprise reflète celle qui existe dans la société.

Comme les minoritaires masculins, les femmes de la CFC se tournent vers l’extérieur pour approfondir leur réflexion. Elles font appel à des intellectuelles comme Colette Audry, Evelyne Sullerot, et utilisent leurs études en sciences sociales sous un angle nouveau, celui de la condition féminine. La CFDT est à la recherche d’une orientation : le socialisme démocratique. Trois femmes de la commission, J. Laot, S. Troisgros et A. Jeantet travaillent avec la nouvelle gauche féminine, le Mouvement démocratique féminin qui réunit des femmes de la SFIO, du PSU, de la CIR… dont Colette Audry et Evelyne Sullerot. Toutefois, comme la CFDT, la commission fait preuve d’indépendance engagée vis-à-vis de la politique.

On dit habituellement que la femme est plus sensible que l’homme, que les femmes arrivent à comprendre par le cœur ce que la conscience a occulté. Les militantes décident de ne plus se positionner en tant que victimes, elles luttent avec les militants pour une reconnaissance de la fonction humaine. Elles tentent d’établir une synthèse entre lutte de classe et lutte de sexe. Elles réfutent l’utopie du rôle exclusif de la femme, épouse et mère, qui brime toute liberté, toute virtualité réelle de réalisation de l’être humain, et proposent l’établissement entre les deux sexes de relations constructives pour chacun, qu’une société socialiste pourrait seule créer.

L’ouverture progressive de la confédération aux problèmes des travailleuses a été parallèle à l’approfondissement de l’analyse critique de la société capitaliste et des perspectives socialistes. Au congrès de 1964, la nouvelle notion de non-discrimination est introduite dans les statuts ; grâce au Colloque de 1967 et à la persévérance de femmes de la CFTC, l’organisation reconnaît à la femme le droit de choisir librement une profession sans jugement de valeur ; puis, avec la dynamique des événements de 1968 et la remise en cause des structures de la société, la notion de libération de la femme devient un élément de la stratégie de l’organisation du Congrès de 1970.

BENBASSAT Laëtitia, Les manifestations Savary (de janvier à juin 1984), Maîtrise [Annie Fourcaut, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997, 258 p.

L’année 1984 vit la résurgence passionnée d’un conflit hautement institutionnalisé : celui qui oppose périodiquement les tenants de la laïcité et de l’école publique aux ardents défenseurs d’un enseignement privé, garant du pluralisme scolaire.

En trois mois, du dimanche 22 janvier au dimanche 4 mars, une mobilisation remarquable parvint à faire descendre dans la rue environ 2 000 000 de personnes dans différents départements français. Cinq manifestations avaient été organisées dans cinq grandes villes de France, stratégiquement choisies par les responsables de l’Enseignement catholique (principaux responsables des rassemblements) afin d’obtenir un mouvement qui aille crescendo ; ainsi de 70 000 manifestants à Bordeaux, on arrive à 800 000 participants à Versailles, en passant précédemment par Lyon (150 000 personnes), Rennes (400 000) et Lille (300 000). Le 24 juin, ce fut l’apothéose : 1 800 000 personnes, selon les organisateurs, défilèrent sur le pavé parisien, empruntant les principales artères de l’Est parisien, traditionnellement empruntées par les marcheurs prolétaires, le peuple de gauche, et « reprirent la bastille » envahie trois ans auparavant par les partisans victorieux de la gauche aux élections présidentielles. C’était la concrétisation de l’échec d’une politique de négociation patiemment menée par Alain Savary, ministre de l’Éducation nationale, depuis 1982. Conséquences de ce vaste mouvement de protestation contre la politique menée par la gauche : le projet de loi est abandonné, le premier gouvernement Mauroy démissionne, remplacé par le gouvernement Fabius.

Nous avons pénétré au cœur de ces manifestations afin d’en rechercher le sens profond, d’en cerner le déroulement après en avoir décrit l’organisation minutieuse. Ces rassemblements avaient pris une dimension spectaculaire, jamais atteinte précédemment. Pétitionnaires dans leur objet, elles ne revêtirent en aucun cas la forme de la manifestation-pétition : aucun débordement ne fut à déplorer, si bien que l’image offerte par les manifestants reste encore aujourd’hui celle de la force, de la détermination et surtout de la dignité.

BIGUET Sarah, L’image de l’ouvrier dans l’Œuvre et le National Populaire de janvier 1940 à juin 1944, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997, 174 p.

De janvier 1940 à juin 1940, les difficultés militaires croissantes de la France rendent le travail ouvrier indispensable à l’approvisionnement des armées. L’ouvrier est décrit comme le soldat de l’arrière. Pour assurer la victoire, il doit abandonner la doctrine de lutte des classes au profit de celle de collaboration des classes.

De juillet 1940 à avril 1942, l’ouvrier est représenté comme un prolétaire marginalisé, victime de la grande industrie. Le retour à la terre est considéré comme la solution pour échapper à la misère et au chômage. La révolution socialiste que veut mener Déat, constitue également une perspective de salut.

Le retour de Laval aux affaires en avril 1942 fait espérer à Déat une collaboration totale avec l’Allemagne. Le travail ouvrier est le moyen d’intégrer la France à l’ordre européen d’Hitler. Dans l’Œuvre et le National Populaire l’ouvrier reprend sa place de combattant, mais cette fois aux côtés de l’Allemagne. Toutefois, l’élitisme de la pensée de Déat limite la place de l’ouvrier dans l’organisation totalitaire à une simple force d’exécution, qui doit absolument être surveillée et encadrée.

Il n’y a pas une seule image forte de l’ouvrier, mais trois représentations successives marquées par le contexte historique, qui bien qu’hétérogènes s’articulent et se complètent pour construire à la fin de la période une vision totalitaire de la classe ouvrière. L’Œuvre et le National Populaire sont communément considérés comme les organes de la frange de gauche de la collaboration parisienne. Les hommes qui composent leurs rédactions se perçoivent comme de « nouveaux révolutionnaires » pourtant, dans leur logique révolutionnaire, l’ouvrier n’a pas sa place sinon comme force d’exécution.

BIHAN-YEZID Solenn, Le 70e anniversaire de Staline (1949) et sa mort (1953) dans les municipalités communistes de la Seine, Maîtrise [Antoine Prost, Claude Pennetier], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997, 155 p. + annexes

Le 21 décembre 1949, Staline a eu 70 ans. Pour fêter cet événement, le PCF a organisé une grande campagne de mobilisation : de nombreux messages et cadeaux ont été envoyés au chef d’État soviétique. Le 5 mars 1953, Staline est mort. Pendant plusieurs jours, le PCF a orchestré le deuil du « peuple de France ». Ces deux événements ont été célébrés en grande pompe, en particulier dans les municipalités communistes de la Seine. Ils marquent l’apogée du culte de Staline en France.

Cette étude analyse le phénomène du culte de la personnalité et son insertion dans la réalité française. À partir de sources émanant essentiellement du PCF, le mémoire décode l’image de Staline et son fonctionnement : ce n’est pas du tout la personnalité de Staline qui est au centre de ce culte, au contraire. La représentation de Staline est figée, stéréotypée, elle peut être décomposée en une série de figures et de fonctions. Plutôt qu’un dieu, Staline est considéré comme un héros exemplaire, c’est l’archétype du militant communiste.

Le culte de Staline recouvre une grande diversité. Tout d’abord, les participants viennent d’horizons différents, ils ne sont pas tous communistes. Ensuite, les sentiments qu’ils éprouvent pour Staline vont de l’admiration mesurée à l’idolâtrie caractérisée. Enfin, ce culte ne s’appuie pas sur une liturgie spécifique. II emprunte tantôt aux formes politiques ordinaires, tantôt à la tradition républicaine française, ou encore aux cérémonies soviétiques.

BONNOT Colette, Le service social de l’enfance entre les deux guerres : préservation et éducation, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997, 234 p.

Le Service social de l’enfance en danger moral, créé en 1923, à la demande de certains magistrats, permet l’application des dispositions prises par la loi de 1912, instituant une juridiction spéciale pour les mineurs délinquants et en danger. Il constitue un rouage décisif dans la protection de l’enfance par l’aide qu’il apporte aux magistrats dans leurs prises de décisions, aux familles et aux enfants qu’il est chargé de préserver et d’éduquer. Association privée loi 1901, il accomplit une mission de service public dans le contexte bien particulier de l’entre-deux-guerres, période de bouleversements économiques et de changement des mentalités. Le Service social de l’enfance se voit chargé d’une triple mission : faire sur l’enfant et son entourage des enquêtes sociales et familiales ; proposer des solutions au juge ; exécuter certaines mesures adoptées. Il s’occupe simultanément d’affaires de correction paternelle, de déchéance et de délinquance.

Inspiration philanthropique, influence américaine, réalisation féminine caractérisent ce Service marqué profondément par un souci de professionnalisation qui n’exclut pas le recours à un bénévolat complémentaire de son action. Son action vise à infléchir le système législatif et les structures socio-économiques du pays afin que cet ensemble soit mieux adapté aux besoins des classes populaires et des milieux défavorisés auxquels, en majeure partie, il s’adresse.

Avec le souci constant de former ses assistantes sociales, de réfléchir sur ses méthodes, de profiter des expériences étrangères, de créer des structures lui permettant de mener à bien son action et de susciter la naissance d’autres associations du même type, le Service social de l’enfance cherche inlassablement à apporter une aide efficace aux mineurs dont il s’occupe afin de les préserver des effets néfastes des carences familiales et de favoriser leur insertion sociale et professionnelle.

Cette volonté de normaliser des situations déviantes vise certes à protéger l’enfant, mais tout autant la société dont il est susceptible de troubler le bon ordre. Tout le travail des professionnelles va être néanmoins de transformer le regard que porte la société sur ces enfants qui inquiètent et de mettre en évidence que, victimes de leurs conditions de vie, ils sont plus malheureux que coupables et ont besoin d’attention et de soins.

Dénonçant les carences et les dysfonctionnements de l’État en la matière, le SSE cherche à obtenir des pouvoirs publics la possibilité de remplir une mission que seuls alors assurent des services privés. Ceux-ci constamment remis en cause dans leur existence par des difficultés de financement, dons et cotisations des membres assurant l’essentiel des besoins en l’absence de subventionnement public régulier. Cet aspect de la problématique État-association est souligné à la fois par les Services privés et certains hauts fonctionnaires du gouvernement.

Cependant, malgré les difficultés matérielles évoquées, la quasi-indépendance financière de l’association, la solidité de ses appuis et l’élan donné par ses fondateurs lui ont permis de se maintenir, de croître et d’entreprendre des actions novatrices à son gré. Son institutionnalisation progressive n’a pas arrêté son développement : son domaine d’action et ses compétences se sont élargis au regard des besoins repérés et avec l’intégration des connaissances et des techniques nouvelles. Cette progression qui s’appuie sur des assises anciennes lui a assuré jusqu’alors une place de choix dans le domaine de la protection de l’enfance où elle représente actuellement dans le cadre judiciaire, le service privé le plus important de la région parisienne.

BOSCALS DE REALS Charles, Le journal d’entreprise de la RATP : 1972-1985, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997, 132 p. + annexes

L’objet de cette étude est de décrire et d’analyser l’image que le journal d’entreprise RATP Informations, poursuivi sous le nom d’Entre Les Lignes, renvoie des agents de la RATP de 1972 à 1985. Ce périodique émanant de la direction de la Régie, est distribué à un double public à la fois interne et externe. À travers chaque numéro, la publication offre une représentation de la place et du rôle attribués aux salariés. L’étude est conduite en trois phases successives (1972-1977, 1978-1981, 1982-1985) qui correspondent à trois formules différentes de la publication.

RATP Informations paraît pour la première fois en juillet 1972. C’est un trimestriel de 4 pages imprimées en noir et blanc, dont la première parution intervient durant une période où l’entreprise étend ses réseaux et modernise ses techniques d’exploitation. Dans le même temps la RATP tend à revaloriser son image tant à l’extérieur qu’à l’intérieur de l’entreprise. Le journal qui à son origine n’a pas reçu d’objectifs préétablis s’impose rapidement comme un outil qui reflète les modernisations et prépare les agents à ces mutations. La publication rassemble ses lecteurs autour d’une image moderne et technique de l’entreprise. Elle privilégie l’information générale et laisse dans l’ombre les aspects humains. Les thèmes touchant au travail et à la personnalité des salariés, les sujets socioprofessionnels trouvent difficilement leur place dans un organe distribué à un public diversifié. En 1978, Entre Les Lignes est dédoublé. Le cahier général compte 8 pages imprimées en couleur et contient des articles touchant à l’entité globale de la RATP. Le cahier socio-professionnel, réservé aux seuls agents, compte 4 pages illustrées en noir et blanc. Le contenu porte sur la vie professionnelle des agents. Le journal a été structuré. Le cahier général renvoie une image dynamique de l’évolution globale de l’entreprise. Le cahier socio-professionnel permet d’approfondir les sujets concernant la vie des agents à la Régie. Les articles représentant les salariés dans leur activité sont désormais séparés de ceux liés à l’activité générale de l’entreprise. Le cahier socio-professionnel peut paraître appauvri par son illustration en noir et blanc. La rédaction prend en compte la nécessité d’humaniser la publication, mais elle ne parvient pas à décrire le personnel sous des traits dynamiques. En 1992, la forme et le fond de la publication sont profondément remaniés. Le journal d’entreprise adopte à nouveau une formule unique. Entre Les Lignes change de format, modifie l’organisation de ses rubriques et passe de 12 à 32 pages imprimées en couleur. L’information y est plus approfondie que dans les formes précédentes du périodique. Le journal traite avec un souci équivalent les différentes catégories d’information. La rédaction engage un effort de transparence et de pluralisme et renvoie une image dynamique des différentes facettes de l’activité de l’entreprise et du travail des salariés.

À sa création, l’organe essaie de façonner une image de l’entreprise afin de la revaloriser auprès des agents. En 1985, la publication informe le personnel de l’actualité de l’entreprise tout en répondant à ses préoccupations sociales et humaines. L’objectif d’Entre Les Lignes est de renvoyer une image qui corresponde à la vie professionnelle des agents et à la perception qu’ils ont de l’entreprise dans leur poste de travail. On voit la maturation progressive d’un outil qui, au fil des numéros, tend à donner un reflet objectif de l’activité des agents de la RATP.

BUI Gwenegan, La guerre d’Indochine et ses répercussions dans les débats de la SFIO (1945-1954) : éthique de responsabilité ou éthique de conviction ?, Maîtrise [Antoine Prost, Michel Dreyfus], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997, 176 p.

À la Libération, la France estime pouvoir tenir son rang dans le concert des grandes Nations. De l’avis du plus grand nombre, c’est aussi grâce à son Empire colonial que la France renaîtra de ses cendres. La SFIO partage cette analyse, c’est pourquoi elle s’engage et soutient la naissance de l’Union Française en 1946. La SFIO est au cœur de la vie politique française, elle participe pleinement au gouvernement provisoire et à la République naissante, en particulier par l’intermédiaire de son groupe parlementaire qui, en position charnière, est en mesure de faire et de défaire les gouvernements. C’est le plus illustre des socialistes d’alors, Léon Blum, qui gouverne la France lorsque l’Indochine s’embrase au soir de l’insurrection de Hanoï, le 19 décembre 1946.

Parallèlement, les tensions internationales croissantes se répercutent sur le climat politique. À gauche, le PCF se radicalise, l’engagement de la CGT lors des grèves de 1947 est total. À droite, le général de Gaulle crée le RPF et critique le régime « des partis ». La SFIO se sent prise au piège entre ces deux forces. Au nom de la défense du régime républicain, la SFIO participe à la Troisième Force. Cependant, les socialistes se divisent et les conflits se multiplient : entre le groupe parlementaire et le comité directeur, entre le secrétaire général et les ministres socialistes, entre la SFIO et son organisation de jeunesse… Néanmoins, les socialistes s’alignent toujours sur les positions gouvernementales, refusant de provoquer une crise institutionnelle sur l’Indochine. La distance séparant la métropole de l’Indochine, la reconstruction de la France, le non-engagement du contingent, la double pression communiste et gaulliste sont autant de justifications de l’attitude commune des socialistes. La gauche anticoloniale de la SFIO, qui a porté Guy Mollet au poste de secrétaire général en 1946, est progressivement évincée à travers le départ de personnages comme Jean Rous, Yves Déchezelles ou Léopold Sédar Senghor. La défense du régime républicain prend le pas sur les convictions.

Les élections législatives de 1951 provoquent un revirement de la SFIO face à cette guerre. Le recul électoral du PCF et du RPF met entre parenthèses une éventuelle menace pesant sur le régime. La SFIO entre en opposition avec le gouvernement MRP. La politique des principes revient au goût du jour. Les socialistes s’interrogent sur les solutions à apporter : internationalisation du conflit ? Abandon pur et simple de l’Indochine ? Intervention d’un médiateur ? Les événements se précipitent. La chute de Diên Biên Phu pousse la SFIO à soutenir l’expérience Mendès-France. Conformément à son discours d’investiture, l’accord de paix est signé le 20 juillet 1954. La guerre d’Indochine prend fin pour le plus grand soulagement des socialistes.

BOURDAUD’HUI Dorine, La revue Critique de 1962 à 1969, Maîtrise [Antoine Prost, Claire Andrieu], Univ. Paris 1,1997, 193 p.

Cette étude s’attache tout d’abord à comprendre et à définir la revue Critique « Revue générale des publications françaises et étrangères », fondée en 1946 par Georges Bataille, et reprise à sa mort (1962) par Jean Piel. Elle couvre les années 1962 à 1969. Elle analyse Critique d’un point de vue tour à tour qualitatif et quantitatif, fondé sur les sommaires, des archives et des entretiens, sous trois angles : ses origines, ses caractéristiques principales « A la découverte de Critique » puis ses aspects humains « La revue Critique : un espace intellectuel ».

Cette recherche se situe dans la problématique de l’examen des principales lignes éditoriales et caractéristiques humaines de cette revue. Elle met en évidence la volonté d’interdisciplinarité et d’internationalisme. En outre, elle souligne l’importance de son directeur, Jean Piel, dont l’emprise est forte. Ses qualités de repérage, soulignées par les témoins comme exceptionnelles, lui permettent toutefois de composer une équipe rédactionnelle considérée avec le temps comme un remarquable échantillon des représentants intellectuels de « l’air du temps » : Foucault, Barthes, Serres, Deguy, Charpentrat. Cette équipe sait faire appel, pour chacun des articles, aux meilleurs spécialistes dont les profils sont divers, s’adresse à un lectorat relativement élitiste, et s’appuie sur une machine éditoriale, Minuit, assez souple. Tous ces facteurs font de Critique une revue sans équivalent durant les années 60.

BUNIM Shmuel, Lettres de lecteurs, chroniques et faits divers d’un quotidien yiddish : le Parizer Haynt (La journée parisienne) 1926-1932, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997, 159 p.

Des ouvrages et des articles nombreux ont été consacrés à la communauté juive immigrée en France, depuis la fin du XIXe jusqu’à la veille de la Seconde Guerre mondiale. L’expérience d’immigrés juifs dans un pays d’accueil à « fort indice d’intégration » a été traitée aussi bien par les historiens que par les sociologues et les littéraires. Chassés par les mutations politiques et économiques, la misère et les exactions antisémites, les immigrants arrivés d’Europe de l’Est au lendemain de la Première Guerre mondiale sont parvenus à conserver en France leur particularité propre en y transposant des institutions nées dans les pays d’origine. Toutefois, la société immigrée n’était pas la copie aveugle de la communauté juive des grands foyers juifs des pays d’origine. Les structures créées ont été les vecteurs d’un double processus : l’intégration parmi la communauté d’immigrés existante et celle du pays d’accueil.

Un des instruments de leur intégration fut la presse en yiddish qui fournit — parfois le jour même de son arrivée — des points de repère à l’immigré. D’abord par l’entremise d’une langue familière et ensuite, par la référence aux principaux courants du judaïsme dont cette presse était porteuse. Elle a été abondamment citée dans les études sur la communauté immigrée, mais elle n’a pas été étudiée en tant que miroir de cette communauté en devenir, et le rôle qu’elle voulait s’assigner n’a pas été mis en évidence. C’est dans ce double aspect, miroir et image de soi, que s’inscrit ce mémoire.

À l’intérieur du champ chronologique qui couvre une période jouissant d’un calme politique relatif, le Parizer Haynt présente les avantages, et tout à la fois les désavantages, d’une source unique. Pour les immigrés, ce temps-là, rythmé par l’activité économique qui régit leur vie quotidienne, dessine l’espace existentiel du groupe.

Ce mémoire est une contribution à l’histoire de ce journal en cernant la vie des immigrés dans son aspect quotidien comme elle apparaît dans un organe de presse yiddish. Le journal est donc interrogé pour reconstituer une image de cette communauté. Pour ce faire, les pages intérieures du Parizer Haynt où sont relatés faits-divers et chroniques, ainsi que les diverses formes de dialogue avec son lectorat, ont été examinées. Ces dernières rubriques, plus que toutes les autres, ouvrent une fenêtre sur une société, au travers des préoccupations individuelles et des structures qu’ils se sont données.

CODACCIONI Anne, Le Grand Orient de France et la question féminine à la Belle Époque (1900-1914), Maîtrise [Antoine Prost, Lucette Le Van-Lemesle], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997

Le Grand-Orient de France est l’obédience maçonnique la plus connue à la Belle Époque. Soucieux de faire table rase du passé, il est animé par l’idée de progrès social et croit en la possibilité de régénérer la société. Il était dès lors intéressant de chercher à connaître si la maçonnerie du Grand-Orient s’ouvrait à de nouvelles problématiques concernant la femme et les rapports entre les sexes.

À partir de l’étude des congrès régionaux et des convents entre 1900 à 1914, nous avons circonscrit quatre grands thèmes : les droits politiques et le travail des femmes, la prostitution et la police des mœurs, le mariage, et enfin, véritable abcès de fixation pour l’Ordre, l’admission des femmes dans la maçonnerie. Les maçons ont profondément intériorisé les schémas en vigueur et les normes de l’idéologie dominante concernant la femme. Ils la confinent dans un modèle fondé sur le concept de la nature. Elle est définie par sa fonction sexuelle, reproductrice et maternelle (la figure de la mère domine d’ailleurs toute cette étude). Les différenciations sexuelles (entraînant logiquement une différence de fonctions) sont nettement mises en valeur pour écarter la femme de la société… et de l’univers maçonnique. Certes, si les maçons prônent l’égalité entre les sexes dans bien des domaines, une éducation laïque est envisagée comme préalable à toutes réformes politiques, civiles, matrimoniales en faveur de la femme. Pour l’heure, la femme reste dans tous les cas sous l’emprise — bienveillante — de l’homme. En définissant une nature féminine, le propos maçonnique s’inscrit donc comme une pensée normative, et adhère à une théorie conservatrice du monde et de la société.

DAL DEGAN David, La CGT, la CGTU et les immigrés italiens de 1922 à 1935, Maîtrise [Michel Dreyfus, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997, 174 p.

L’entre-deux-guerres voit la rencontre d’une immigration italienne alors à son apogée et d’un mouvement syndical divisé. Appréhendée en termes numériques, l’histoire de cette rencontre est celle d’un rendez-vous manqué : seule une faible proportion d’Italiens osa braver les répressions policière, patronale et fasciste pour franchir la porte d’un syndicat. De leur côté, les syndicats ne firent pas toujours preuve de l’internationalisme censé animer le mouvement ouvrier.

Pourtant, en dépit de la peur de la répression et du manque de bienveillance des syndicats français, les Italiens n’en furent pas totalement absents. La CGT et la CGTU furent donc confrontées à des adhérents d’un genre particulier. La CGT prétendait les intégrer en son sein au même titre que les Français. Elle a néanmoins, pour une large part, confié l’organisation des Italiens à des dirigeants en exil de la CGT italienne. La CGTU, elle, récusait le concept de nation et ne voulait voir que des prolétaires. Elle aurait donc dû refuser de regrouper les étrangers selon des critères nationaux. C’est pourtant en partie ce qu’elle fit avec les comités intersyndicaux de langue étrangère. La CGT et la CGTU ont donc été amenées à s’affranchir quelque peu de leurs partis pris idéologiques pour prendre en compte la réalité : il n’était pas possible d’organiser les étrangers comme les Français. Outre le fait qu’ils étaient étrangers, les Italiens avaient la particularité d’être originaires d’un pays vivant sous le joug d’une dictature. Cela induisait un rapport particulier au syndicalisme : le fascisme avait été antisyndical, le syndicalisme ne pouvait être qu’antifasciste. Il l’était même en tant que tel, dans la mesure où adhérer à un syndicat était en soi une profession de foi antifasciste. L’antifascisme, en tant qu’élément fédérateur, a aussi pu contribuer à placer les Italiens à l’avant-garde de ceux qui aspiraient à l’unité syndicale.

DALEGRE Cyril, Les lotissements à Sainte-Geneviève-des-Bois dans l’entre-deux-guerres, Maîtrise [Antoine Prost, Annie Fourcaut], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997, 202 p. + 1 vol. d’annexes

Le phénomène des lotissements pour l’ensemble de la banlieue parisienne, durant la période de l’entre-deux-guerres est bien connu. Les études sur la crise du logement, les problèmes d’aménagement, l’implication de l’État, les populations des lotissements sont nombreuses. Elles nous renseignent largement sur cette question des lotissements, dont le développement prend des proportions considérables entre les deux guerres, et permettent d’en cerner les multiples causes et effets. Ce mémoire présente le cas particulier de la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois, située dans le sud de la banlieue parisienne, à l’époque dans le département de la Seine-et-Oise. Son originalité réside dans le gigantisme de certaines réalisations, occasionnant ainsi des changements nombreux, remarquables et durables. Le plus important est de transformer, en l’espace de 20 ans, un petit village rural où la forêt est dominante, en l’une des communes les plus loties, si ce n’est la commune la plus lotie de Seine-et-Oise. On explique les raisons de cette explosion à Sainte-Geneviève, son ampleur et ses effets. L’intérêt est également de dégager les permanences, les points communs et les divergences avec d’autres communes à lotissements, ou avec les grandes tendances générales observées pour toute la banlieue. De même, certaines originalités concernant la population notamment, fortement marquée par une présence étrangère, rendent l’étude du cas génovéfain particulièrement intéressante. Ce mémoire permet donc de voir quelles sont, sur le terrain, les conséquences précises du processus de lotissement d’une commune, considéré comme un véritable fléau, mais qui a aussi pour une très large part contribué à faire de Sainte-Geneviève-des-Bois la ville qu’elle est aujourd’hui.

DUBREUIL Fabrice, La mise en place des Sections administratives spécialisées et des Sections administratives urbaines et leur action à Alger pendant la guerre d’Algérie (1955-1962), Maîtrise [Claire Andrieu, Olivier Wieviorka], Univ. Paris 1, 1997, 190 p.

Prenant conscience, au cours de l’année 1955, que la situation politique, et bientôt militaire, leur échappe, les responsables français en Algérie mettent sur pied une structure qui, selon les dires mêmes de l’un de ses artisans, doit permettre de « reprendre en main la population ». Ce sont les Sections Administratives Spécialisées et les Sections Administratives Urbaines. Ces entités mixtes, civiles et militaires, ont la charge d’assurer le suivi administratif des populations de leurs circonscriptions (recensement, orientation vers les services compétents…), ce qui ne va pas sans susciter un certain nombre de tensions entre elles et les pouvoirs en place (préfectures, mairies). Elles doivent aussi venir en aide à un peuple qui constitue un enjeu de la guerre entre les Français et l’ALN : aide médicale gratuite, aide « sociale », alphabétisation, travaux d’amélioration de l’habitat. Les chefs de SAS et de SAU ont également pour mission d’utiliser leur position stratégique au contact de la population pour renseigner l’armée et avoir une action « psychologique » sur les habitants de leur secteur. L’hésitation entre les secours apportés à une population civile victime de la guerre et les activités de renseignement au service d’une armée dont ils sont officiers constitue le moteur essentiel de l’histoire de ces hommes. Dans cette situation inconfortable, les officiers SAS bénéficiaient d’une grande liberté. Leurs opinions et perceptions personnelles ont certainement joué un grand rôle dans l’accomplissement de leur tâche et dans leur arbitrage entre aide et répression.

L’étude du cas d’Alger montre le décalage entre les intentions d’une politique de développement économique, social et culturel et des réalisations qui laissent la première place aux opérations de propagande.

EYCHART Baptiste, Itinéraire d’un intellectuel : J.-R. Bloch et la guerre d’Espagne, Maîtrise [Antoine Prost, Claude Pennetier], Univ. Paris 1, 1997, 198 p.

Bloch fut parmi les intellectuels français de gauche, un de ceux qui s’investirent le plus en faveur de la République espagnole, lors de la guerre civile qui opposa cette dernière au général Franco. L’engagement de Bloch revêtit des aspects différents (conférences, pétitions, articles…), mais fut toujours guidé par la conviction que la cause qu’il défendait était juste. Elle s’insérait dans celle plus large de la lutte contre l’expansion du fascisme à l’échelle internationale, pour la démocratie, le progrès social et la république. Ce projet correspondait à celui de l’Internationale Communiste, lorsqu’elle opta explicitement pour la politique dite des « Fronts Populaires ».

Bloch avait esquissé dès 1934 un rapprochement avec le mouvement communis­te international, s’enthousiasmant pour les réalités de l’Union soviétique et soutenant les différentes sections nationales du Komintern. À la fin des années trente, il choisit finalement de réadhérer au PCF, décision sur laquelle il ne reviendra pas jusqu’à sa mort, en 1947.

La guerre civile espagnole a été d’une grande importance dans le parcours intellectuel et militant de J.-R. Bloch. Nous avons essayé d’élucider son rapport à ce conflit, rapport qui fut un contact direct et physique, mais aussi un travail intellectuel. Qui rencontra-t-il ? Que savait-il du conflit ? Qu’y trouva-t-il ? Que fit-il pour soutenir la République ? Ce rapport éclaire le sens de l’engagement de Bloch auprès de l’Espagne républicaine, car il révèle ses grands questionnements de Bloch sur les enjeux de cette première moitié de siècle.

Étudier l’importance de la guerre d’Espagne dans les positions politiques de Bloch de 1936 à 1939 nécessite donc de déterminer la nouveauté du phénomène par rapport à des réflexions, des interrogations (ce que j’ai appelé des « problématiques ») antérieures aux faits eux-mêmes. Trois thématiques importantes existaient chez Bloch bien avant la guerre civile. Elles révélaient des problèmes qui n’avaient jusqu’ici, pour l’écrivain, pas trouvé de solution satisfaisante. Il trouva un embryon de réponse en Union soviétique, lors de son voyage pour le Congrès des Écrivains en 1934, mais ce fut la Guerre d’Espagne qui lui permit de dépasser ces problématiques.

Les événements espagnols nécessitent un changement quantitatif, mais aussi qualitatif de son militantisme. Il se rapproche du PCF puis intègre finalement le parti, parce qu’il lui semble que ce sont les communistes qui défendent de la manière a plus conséquente la cause de la République en France et dans le monde. Il lui paraît alors, que le communisme international est le mouvement le plus en osmose avec les nouvelles valeurs qu’il croit voir se réaliser en Espagne républicaine. Dans ce sens, la Guerre d’Espagne va provoquer une coupure dans l’existence de Bloch, fermant un chapitre et en ouvrant un autre.

FICOT Élodie, L’image de la banlieue dans le journal Le Monde de décembre 1980 à juillet 1984, Maîtrise [Antoine Prost, Annie Fourcaut], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997, 180 p. et 58 p. d’annexes

La banlieue fait aujourd’hui l’objet de multiples études et débats, les violences qui se sont déroulées dans certains quartiers, et surtout leurs répercussions dans les médias sont à l’origine de cette tendance. À cause de cet intérêt médiatique, certaines représentations — bien souvent réductrices — ont été données de la banlieue, car elles étaient conformes au cours de l’actualité. L’histoire de la banlieue est d’ailleurs ponctuée de représentations qui divergent selon les époques, mais qui font bien souvent référence à la peur, celle des marges urbaines.

Ce mémoire se propose d’étudier la représentation de la banlieue au travers d’un quotidien d’informations générales, Le Monde. La chronologie délimitée commence avec les violences dans les banlieues lyonnaises, durant l’été 1981, et les premières mesures gouvernementales leur faisant suite. Cette étape dans les politiques de la ville correspond à une première période qui s’achève en quelque sorte en 1984 avec la création d’un Comité interministériel pour les villes et d’un Fonds Social Urbain (FSU), quelques mois avant la démission du gouvernement Mauroy en juillet de la même année. Tous les numéros du Monde entre décembre 1980 et juillet 1984 ont été dépouillés, les articles retenus devant répondre à des critères de sélection objectifs les plus larges possible. Une fois terminée la recherche proprement dite, certaines réalités sont clairement apparues au niveau du traitement de la banlieue dans Le Monde : d’une part, la diversité et la pluralité des présentations, d’autre part, la densité des articles et l’imbrication du sujet dans des thèmes différents. C’est pourquoi il a semblé nécessaire de privilégier le contenu des articles plutôt que d’établir des comparaisons chiffrées entre les différents thèmes abordés : ces données n’ayant qu’un intérêt partiel et devant être interprétées avec précaution, surtout en ce qui concerne l’« événementiel ». En effet, pendant cette période, la violence dans certains quartiers propulse la banlieue sur la scène médiatique, mais c’est aussi au niveau du politique que s’explique cette médiatisation : le début des années quatre-vingt est marqué par les premières mesures de la politique de la ville, ainsi que par le déroulement de deux élections : les présidentielles en 1981 et les municipales en 1983, dont les retombées — aussi bien concrètes que symboliques — ne se font pas attendre. Ainsi, l’élection de François Mitterrand représente un véritable changement aux yeux du Monde qui, par l’intermédiaire de son directeur Jacques Fauvet, a soutenu le candidat socialiste et salué son élection. Les espoirs soulevés le 10 mai 1981 sont d’ailleurs inséparables d’une certaine vision de la banlieue telle qu’elle apparaît dans Le Monde : il s’agit du lien presque permanent établi par le quotidien entre la banlieue et l’immigration, c’est à travers la défense des immigrés que la banlieue et ses problèmes sont amplement évoqués dans le quotidien.

Défense des immigrés, goût manifeste pour le politique, intérêt pour la vie régionale en l’Ile-de-France sont les aspects par lesquels on aborde la banlieue dans les pages du Monde. Par cette pluralité qui définit la banlieue, le quotidien n’a pas contribué à la stigmatisation de cet espace géographique. L’originalité, enfin, de cette vision, tient à la permanence de la notion d’identité : une quête qui témoigne des difficultés éprouvées par les communes à lutter contre la domination de la ville. Mais si la banlieue apparaît comme un lieu d’exclusion, elle témoigne aussi par la richesse de la vie associative comme par les multiples expériences conduites, des possibilités qu’elle offre en tant qu’espace qui se construit encore.

GODEAU Eric, Ouvrières et ouvriers des manufactures de tabacs du Gros-Caillou et d’Issy-les-Moulineaux, 1880-1914, Maîtrise [Michel Dreyfus, Annie Fourcaut], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997, 197 p.

La manufacture de tabacs du Gros-Caillou, située dans le VIIe arrondissement de Paris, déménagea en 1904 à Issy-les-Moulineaux. Ce déménagement répondait à deux objectifs : la direction voulait adapter la manufacture au machinisme et à la rationalisation de la production, elle entendait aussi mettre un frein à l’essor du syndicalisme. L’entrée dans la modernité et l’émancipation des ouvriers furent les deux principales transformations qui affectèrent les manufactures de tabacs du Gros-Caillou et d’Issy-les-Moulineaux entre 1890 et 1914. L’employeur, c’est-à-dire l’État, et le personnel ouvrier composé de femmes à 84 %, en furent les acteurs. Quelle part revient respectivement à la Direction et aux ouvriers dans l’évolution des métiers des tabacs et des conditions de travail à la manufacture ?

Les ouvriers du Gros-Caillou et d’Issy étaient nés dans la plupart des départements français ; avaient entre 20 et 65 ans ; exerçaient des métiers divers (du simple manœuvre à la cigarière, il y avait une large gamme de métiers, de qualifications et de salaires) : autant de points qui contribuaient à les diviser. Mais le groupe ouvrier réagissait en classe quand il s’agissait de défendre ses intérêts. Autour du syndicat, les ouvriers luttaient contre l’arbitraire de la Direction, revendiquaient de meilleures conditions d’hygiène et de sécurité, défendaient le système de protection sociale. Comme tout employeur, l’État était en conflit permanent avec les ouvriers qui entendaient peser sur les décisions prises par la direction. Il voulait « tenir » le personnel ; d’autant plus que celui-ci était majoritairement féminin : l’ouvrière était l’éternelle mineure qu’il fallait éduquer. Néanmoins, l’État n’était pas un patron ordinaire, il offrait aux ouvriers de nombreux avantages : la garantie de l’emploi, des salaires féminins supérieurs à la moyenne, un système de protection sociale avancé (et en particulier la retraite)… autant de points qui faisaient des ouvriers des tabacs, et surtout des ouvrières, des privilégiés aux yeux de la classe ouvrière de l’époque.

HAOUDJI Gaëlle, Un groupe d’études et d’action politique : Objectif 1972, Objectif socialiste, 1967-1974, Maîtrise [Claire Andrieu, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997, 255 p.

Le groupe Objectif 1972 s’inscrit politiquement à l’intersection de la démocratie chrétienne et du courant socialiste, il est proche également des milieux associatifs et syndicaux. La recherche tente de mettre en lumière les contraintes qui orientent l’évolution de ce mouvement constitué en 1966 autour de Robert Buron et orienté à partir de novembre 1971 par André Jeanson.

À l’origine, il s’agissait d’analyser les revendications politiques d’un mouvement hors du jeu des partis et par cela, non tributaire de concessions diverses pour attirer les suffrages. Mais est-il possible à une petite formation en dehors des partis politiques majoritaires de donner de l’audience à ses idées ? Le groupe voulait contribuer à l’élaboration d’une société meilleure. L’« Objectif » est la création d’un « nouveau langage politique » permettant la constitution d’une force majoritaire en vue des élections présidentielles de 1972, à l’image de la grande fédération de G. Defferre envisagée en 1965. Se voulant prospectifs en 1966, ses membres sont pris de court par le départ du Général de Gaulle en 1969. Cependant, le groupe décide de poursuivre son activité en dépit de la reconstruction du parti socialiste. Objectif 72 ne se définit ni comme un club, ni comme un parti. À partir de 1972, Objectif Socialiste veut participer à la fois au courant de l’union de la gauche et au courant autogestionnaire. L’élément moteur du groupe fut-il uniquement l’aspiration à une société plus juste ?

JACQUIER Maya, L’organisation des salariés agricoles à la CFTC-CFDT : 1936-1968, Maîtrise [Franck Georgi, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997, 147 p.

L’organisation des salariés agricoles à la CFTC passe par la création de deux fédérations, successivement en 1936 et en 1944, réunissant, d’une part, les ouvriers agricoles, et d’autre part, les techniciens et le personnel des organisations agricoles. Ces fédérations fusionnent en 1962, créant la Fédération Générale de l’Agriculture, organisation qui connaît un développement important. Ce travail s’inscrit dans le cadre de la mutation du secteur agricole et dans celui de l’évolution de la CFTC.

L’étude conjointe des deux organisations, durant les années cinquante, a permis de confronter les difficultés des ouvriers agricoles face à l’exode rural et le dynamisme des travailleurs du secteur tertiaire en plein essor. Elle a permis également d’appréhender la diversité de la CFTC et les réactions graduelles de ses membres au mouvement de rénovation de l’organisation.

La création d’une fédération unique en 1962, avec l’invention de la notion de salarié agricole, correspond à une volonté de la CITC de réaliser des fédérations réunissant les salariés selon leur secteur d’activité, ainsi qu’à son désir de s’implanter dans l’Agriculture. Cependant, elle correspond aussi au besoin réel des travailleurs de ce secteur. Dès sa création, cette fédération voit croître le nombre de ses adhérents et remporte des succès sur le terrain revendicatif. L’organisation des salariés agricoles à la CFTC représente une réponse adaptée du syndicalisme à la spécificité du secteur agricole. Ainsi les travailleurs peuvent présenter leur fédération comme une organisation symétrique à celle des exploitants la FNSEA, et obtenir l’amélioration de leurs conditions de travail, encore très en deçà de celles des autres travailleurs.

JEANNE Vincent, Le service de censure de presse sous le régime de Vichy : juillet 1940-avril 1942, Maîtrise [Antoine Prost, Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997, 2 volumes, 187 p.

La mise en place d’un contrôle étatique de l’information, de manière officielle et à grande échelle, n’est pas une innovation du régime de Vichy. Mais en reprenant le service fonctionnant lors de la « Drôle de Guerre », Vichy va lui assigner un autre but : promouvoir un ordre nouveau. Quoi de plus lié à Vichy, en effet, que la censure de I’information. Une fois considérée la majeure partie des militaires, qui composaient l’essentiel des membres du service sous la IIIe République, c’est un personnel idéologiquement dévoué qui prend ses fonctions. Mais ce service, a priori essentiel au régime, traverse une crise continue sur le plan administratif qui s’étend sur toute la période étudiée. Relativement mal doté, il est en permanence soumis à la pression d’instances concurrentes, françaises ou allemandes.

Parallèlement, la censure de presse fait très tôt l’objet de multiples réformes. Devant l’uniformité de la presse, gravement nuisible à sa crédibilité et donc aux liens entretenus par le gouvernement avec la population, on tente de transformer les journalistes, manquant parfois d’enthousiasme et d’originalité, en une nouvelle sorte de propagandistes. Pour y parvenir, le régime accorde aux journaux une infime marge de manœuvre, en pariant qu’elle sera utilisée pour faire l’éloge du régime. D’emblée, dans une démarche hautement contradictoire, Vichy se plaçait donc dans une certaine forme de rapport de dépendance vis-à-vis des journalistes. L’étude des relations conflictuelles entretenues par quatre quotidiens avec la censure montre le peu de prise qu’ont pu avoir les réformes successives sur le comportement de certains organes de presse. C’est le signe de l’échec d’une politique de censure — qui ne se voulait pas seulement coercitive — et de la politique administrative qui lui était liée.

JOSEPH Mathilde, Image du poilu dans les revues des music-halls parisiens pendant la Grande Guerre : décembre 1914-décembre 1919, Maîtrise [Antoine Prost, Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997, 193 p.

À peine les music-halls sont-ils autorisés à rouvrir leurs portes en décembre 1914 que le troufion rigolard et bon enfant, bien connu des Parisiens se transforme en un « poilu » héroïque, exalté, confiant dans la victoire et résolument prêt à mourir pour la France, entouré de jolies femmes plus ou moins dénudées qui se pâment devant lui. Il apparaît dans des revues qui font courir le Tout-Paris comme les classes populaires, et dont le succès n’est pas encore entamé par le cinéma.

Avec lui fait irruption à Paris le monde des tranchées. Autour de lui se concentre l’attention des censeurs. Savoir quel fut ce personnage, s’il entretenait quelque rapport avec la réalité ou n’était qu’un vecteur de propagande, s’il fut applaudi ou hué, savoir quelle fut son évolution tout au long de la guerre, permet de poser le problème de la propagande auprès du peuple parisien et, également, celui de la relation affective entre Paris et le front. L’étude de l’image renvoyée par le personnage du poilu de music-hall, à Paris, est ainsi un moyen d’évaluer la place et l’importance du music-hall dans la littérature de guerre et, plus généralement, dans la formation de cette culture de guerre que les historiens s’attachent depuis peu à restituer.

Le spectacle populaire parisien, dont les revues sont un échantillon fut-il un vecteur de propagande, un élément du « bourrage de crâne » qui contribue au clivage entre l’arrière et l’avant ?

KERLEROUX Sébastien, La cité-jardins de Cachan dans l’entre-deux-guerres, Maîtrise [Antoine Prost, Annie Fourcaut], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997, 162 p.

La cité-jardins de Cachan fut construite en 1921-1923, à la suite d’une convention passée le 23 juillet 1920, ratifiée par une loi du 5 août 1920, entre le département de la Seine et la préfecture. Cette convention prévoyait la construction d’urgence de quatre cités-jardins dans le département afin de répondre, même modestement, à la grave crise du logement que connaissait alors la région parisienne. Onze autres cités-jardins furent construites entre les deux guerres par l’Office public d’habitations à bon marché du département de la Seine.

La cité-jardins de Cachan était composée de 274 logements individuels, regroupés dans 78 pavillons, conçus pour loger des familles nombreuses dans des conditions d’hygiène favorables. La cité eut jusqu’à 1600 habitants, à l’origine essentiellement des jeunes couples avec de nombreux enfants, puis la population vieillit et le nombre de personnes par logement alla en déclinant.

L’étude détaillée des trois listes nominatives de recensement de 1926, 1931, et 1936, montre la réalité du mélange social, objectif essentiel de l’Office, puisque l’on trouvait parmi les chefs de famille de nombreux ouvriers professionnels appartenant à « l’élite » ouvrière, quelques manœuvres, mais aussi des employés de différents niveaux, et quelques artisans. Mais le plus notable est la proportion toujours croissante des « fonctionnaires », et plus généralement des travailleurs à statut protégé : employés TCRP, PTT, PP, Ministères, Chemins de fer, ouvriers du livre…

Un autre objectif de l’Office était le développement parmi ses locataires d’une vie collective originale. Le nombre et l’activité des associations de locataires dans la cité de Cachan témoignent du succès de cette forme de sociabilité. Les services proposés y contribuèrent, en particulier le dispensaire. Le quartier était isolé du reste de l’agglomération par des terrains non bâtis ; cette vie associative intense fut l’un des facteurs de son intégration dans la commune.

LEON Baptiste, Un lieu de mémoire : le mur des Fédérés (1898-1936), Maîtrise [Franck Georgi, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997, 163 p.

Étudier le « Mur des Fédérés » comme lieu de mémoire de 1898 à 1936, c’est étudier les manifestations commémoratives de l’anniversaire de la « Semaine sanglante ». Pendant longtemps, ces démonstrations furent pour les socialistes et les communistes, les seules occasions légales de manifester dans la capitale. Un cadre spatio-temporel bien défini, une fréquence annuelle, un déroulement — par maints aspects — rituel, l’ancrage dans une tradition propre au peuple socialiste et communiste parisien, une place de choix dans la mémoire collective du mouvement-ouvrier français, faisaient des manifestations du « Mur des Fédérés » un objet d’étude singulier. L’étude repose sur des sources de différentes natures : dossiers et rapports de police aux Archives nationales et aux Archives de la Préfecture de police, mais aussi presse quotidienne socialiste et communiste : La Petite République de 1898 à 1904, l’Humanité de 1904 à 1936, et Le Populaire de 1921 à 1936.

Nous avons décrit ces manifestants qui, chaque année, s’efforçaient de sauver la « Semaine sanglante » de l’amnésie nationale ; puis, en portant notre attention du côté des organisateurs des manifestations, de ceux qui donnent du sens à l’action, nous avons essayé de comprendre les mécanismes et les raisons qui présidaient au déroulement des opérations ; dès lors, nous pouvions exposer les enjeux idéologiques et politiques d’un lieu de mémoire, témoin des relations mouvementées entre les différentes familles socialistes jusqu’à l’unité de 1905, puis entre socialistes et communistes après la scission de Tours. Il s’agissait de comprendre comment un lieu d’Histoire était devenu lieu de Memoire, mémoire de la Commune, mais aussi, comme en abîme, mémoire des manifestations du « Mur des Fédérés », elles-mêmes.

MAURIN Alix, Les cheminots de Trappes dans l’entre-deux-guerres : étude sociale, urbaine et politique, Maîtrise [Antoine Prost, Noëlle Gérôme], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997, 138 p.

Dans l’entre-deux-guerres, le développement des installations du réseau Ouest-État transforme Trappes, un petit bourg rural de Seine-et-Oise proche de Versailles en un véritable centre ferroviaire. L’implantation d’une population cheminote nombreuse bouleverse durablement les données sociales, urbaines et politiques de la commune : désormais, le groupe formé par les employés du chemin de fer et leurs familles y est prépondérant.

L’étude des cheminots, à partir des listes de recensements, permet d’apporter des éléments sur la formation de ce groupe social et professionnel nouveau dans la ville, sur l’évolution de l’identité des individus qui le composent tout au long de la période et sur leur recrutement. On n’a pas dégagé de profil type, mais plutôt le schéma d’une transformation des situations. Par ailleurs, l’existence d’une « société cheminote » est avérée et nous avons analysé les liens entre l’extension urbaine de Trappes, avec le développement des lotissements, et le façonnement de cette « société cheminote » relativement autonome et isolée, dont la réalité spatiale se manifeste dans les « quartiers cheminots ».

Enfin, nous avons étudié l’implantation du communisme à Trappes, tant du point de vue de l’organisation que de l’influence électorale, et le rôle majeur qu’y ont joué les agents du chemin de fer dont I’intégration dans la ville passe de façon générale par leur participation à la vie politique locale.

MAZEAU Guillaume, Le marquage symbolique de l’espace urbain et la mémoire de la seconde guerre mondiale à travers les noms des rues, 1943-1993, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997, 225 p.

L’étude de la mémoire des rues a fait apparaître trois périodes distinctes. La Libération (1943-1946) s’impose comme le premier et principal miroir déformant : brève, mais riche, elle fut teintée d’unitarisme autour du deuil, de la fête de la fin de la guerre et des espoirs nouveaux suscités par le concept de résistance. Elle vit aussi la constitution de la mémoire communiste.

La guerre froide et le moment gaullien (1947-1972) ont plutôt consacré un cloisonnement politique et social du souvenir. Cette organisation — chère à M. Halbwachs — a accompagné une répartition plus réfléchie du souvenir dans le décor urbain. Elle a en tout cas provoqué des conflits politiques comme l’a montré G. Namer dans Batallles pour la Mémoire. La Commémoration en France de 1945 à nos jours, Papyrus, 1983. Après I’effondrement de la mémoire communiste, le discours gaulliste a pu s’épanouir à travers une mythologie résistancialiste rassurante. L’exemple de Jean Moulin a montré que le souvenir officiel n’a vraiment été accepté que quand il répondait à une demande. Après 1973, la mémoire des rues a connu un essoufflement quantitatif, un morcellement et un renouvellement qualitatifs : l’ouverture du corpus dénominatif et le réveil de la mémoire juive en témoignent. Au fond, cette chronologie suit à peu près celle de H. Rousso même si les noms de rues ont fait preuve d’une ambiguïté spécifique, doués à la fois d’une hypersensibilité à l’actualité et d’une lourde inertie. Le regard rétrospectif a d’abord montré toute la diversité de la mémoire des rues : si les noms sont homogènes sur le territoire français, les acteurs de mémoire ont souvent tenté de s’approprier le souvenir national. Dans son article sur le nom des rues, D. Milo avait fait de la capitale l’inconditionnelle initiatrice des dénominations au niveau national ; en ce qui concerne la Seconde Guerre mondiale, Paris s’est, semble-t-il, plutôt borné à accompagner ou parfois à cristalliser un mouvement d’ensemble. Cette partie a aussi interrogé les usages symboliques de l’espace urbain, lieu de confrontation des identités sociales : le choix des voies publiques selon leur histoire, leur taille, leur situation et leur fréquentation touristique et socio-professionnelle organisent les mots et la syntaxe de plusieurs types de discours. Car si les contraintes matérielles ont joué un rôle, elles ont souvent pu être contournées.

Les conclusions surprennent peu : la mémoire des rues a célébré une France résistante et victorieuse. L’originalité des noms de rues a donc plus porté sur l’organisation de la mémoire en tant que support des représentations spatiales du social et du pouvoir : en transposant les dissensions nées de l’Occupation sur un plan symbolique, la mémoire des rues a, d’une certaine façon, participé au traitement du syndrome. Elle a d’autre part permis l’intégration d’une période peu glorieuse au syncrétisme national et républicain : le mythe fondateur a rassuré les Français et légitimé les régimes ultérieurs, car il a donné un sens à l’histoire.

Un regret : celui de ne pas avoir pu aborder les monuments et des autres lieux du souvenir, ce qui aurait été l’occasion de travailler sur un des éléments de la symbolique républicaine étudiée par M. Agulhon.

Les limites de notre travail semblent porter sur les sources utilisées : les grandes villes sont-elles représentatives de la mémoire nationale ? Le caractère elliptique, répétitif et semi-officiel des baptêmes de voies publiques ne restreint-il pas la portée de nos conclusions ? Les lacunes de certaines sources invitent enfin à la prudence et à l’autocritique.

NOËL Marie-Pascale, La naissance d’une commune en France : Les Ulis, Maîtrise [Antoine Prost-Annie Fourcaut], Univ. Paris 1, 1997, 251 p. + 1 vol. d’annexes

Au début des années 50, sur l’actuel territoire de la ville des Ulis, commune située sur un plateau à 25 km au sud-ouest de Paris, les terres labourées s’étendaient encore à perte de vue et appartenaient à deux petites communes de la Vallée de Chevreuse : Bures-sur-Yvette et Orsay.

En parallèle, la disparition du caractère rural du nord de l’actuel département de l’Essonne, commencée durant l’entre-deux-guerres, tendait à se confirmer. La démographie accélérée et l’émigration vers la capitale et sa périphérie obligeaient l’État à concevoir des réaménagements successifs de la région parisienne. Ce fut l’ère des grands ensembles, des zones à urbaniser en priorité, celle des villes nouvelles. Dans ce contexte, Bures-sur-Yvette et Orsay, restées modestes pendant des siècles, devinrent villes de banlieue à forte vocation scientifique. En 1960, sous la pression de l’État, elles créèrent en commun une zone à urbaniser en priorité sur le plateau pour y canaliser l’urbanisation et en assurèrent la gestion à travers un District Urbain. La zone fut donc urbanisée, habitée et on lui donna un nom : Les Ulis. En février 1977, dans un contexte français où la politique de l’État tendait plutôt vers la fusion des communes, le préfet décida de faire des Ulis une commune à part entière.

Les Ulis fut une réalisation originale, charnière entre les zones à urbaniser en priorité et les villes nouvelles, et unique en son genre tant dans sa conception urbanistique que dans son accession à l’indépendance. 196e commune de l’Essonne, elle est aujourd’hui une des plus jeunes villes de France et seulement la deuxième commune créée en région parisienne au XXe siècle, en dehors des villes nouvelles. Notre étude tente de comprendre pourquoi et comment cette réalisation a eu lieu, en quoi elle est originale, mais aussi comment elle fut perçue de l’intérieur et de l’extérieur. Pour cela, nous nous sommes notamment appuyés sur les témoignages de nombreux acteurs et spectateurs de la naissance de cette viIIe qui fête cette année ses vingt ans.

PLASSE Mathilde, Représentations et interprétations d’un militantisme passé : mémoire de femmes engagées à la SFIO sous la Quatrième République (1945-1958), Maîtrise [Antoine Prost, Claude Pennetier], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997, 198 p. + annexes

En tant qu’il se définit comme une inscription volontaire dans les rouages d’un parti, par l’acceptation des valeurs et des finalités qu’il véhicule et la propagation de l’idéologie qu’il prône, le militantisme partisan apparaît comme une forme exigeante et fondamentale de l’implication politique. Cependant, peu de recherches s’intéressent à ce type d’engagement, et les femmes (sans doute parce que minoritaires donc moins représentatives) sont encore moins présentes que les hommes dans l’historiographie. Et la IVe République (1945-1958) constitue l’une des périodes pour lesquelles on s’est peu intéressé à l’inscription des femmes dans la vie politique. Pour l’organisation du corpus, la traditionnelle coupure en 1945, avec l’obtention du droit de vote et la reconstruction du Parti Socialiste SFIO, a été retenue comme opératoire. Cette étude s’est focalisée sur le cas de ce parti. Pour ce faire, elle a disposé de sources écrites partisanes (consultées à l’Office Universitaire de Recherches Socialistes), mais surtout d’une dizaine d’entretiens réalisés auprès d’anciennes militantes SFIO (militantes « de base », élues locales, fédérales et nationales, d’horizons géographiques et sociaux divers) qui constituent le matériau essentiel de cette approche. Le spécialiste d’histoire orale est ainsi parvenu à comprendre les tenants et les aboutissants (racines, conditions, modalités, niveau d’engagement, fonctions, obstacles rencontrés) de ce militantisme féminin, nullement objet de recherche jusqu’alors, mais qui a lui aussi contribué à écrire l’histoire du mouvement socialiste. Corollaire obligé des particularismes de l’histoire orale et des problèmes spécifiques liés à la mémoire (en tant qu’elle est reconstruction donc déformation du passé), cette étude veut être le reflet de la parole retrouvée de ces « ex » militantes, articulé le plus souvent possible avec la mémoire officielle émanant des archives partisanes. Elle montre comment une poignée de femmes autrefois militantes à la SFIO perçoivent et analysent a posteriori leur inscription dans l’univers militant et l’action militante Ce travail – à partir et au sujet de la mémoire militante – représente la première étape d’une recherche plus globale concernant une sociologie de la mémoire socialiste.

PONTNEAU Emmanuel, L’officialisation des radios libres en France : 1981-1984, Maîtrise [Antoine Prost, Annie Fourcaut], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997, 140 p.

L’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981 provoque un total bouleversement du paysage radiophonique français. En quelques mois, la modulation de fréquence devient le théâtre d’un formidable foisonnement d’émissions. La nouvelle majorité abolit le monopole d’État en matière de radiodiffusion et autorise la création de centaines de radios locales privées (RLP) sur l’ensemble du territoire national. Le développement exponentiel de ces « radios libres » met rapidement les pouvoirs publics dans une situation d’urgence. L’exemple italien — où la déréglementation a entraîné une incontrôlable cacophonie sur les ondes — incite le gouvernement à réglementer rapidement ce nouvel espace de liberté d’expression afin que celle-ci soit effective. En moins de quatre années, la France passe d’une situation quasi monopolistique à l’émergence d’un nouveau média radio où service public, radios périphériques, RLP associatives et stations commerciales se côtoient. Désormais, 1600 stations FM émettent en métropole et dans les Dom-Tom. Cette mutation s’est opérée en trois grandes étapes législatives : un premier stade de simples dérogations au monopole (décret du 9 novembre 1981) est suivi d’une véritable réforme du système audiovisuel (loi-cadre du 29 juillet 1982) qui met en place une instance indépendante (la Haute Autorité de la communication audiovisuelle) chargée d’accorder des autorisations d’émettre à des RLP de type associatif. Le virage commercial pris avec l’autorisation de la publicité (loi du 4 août 1984) annonce une professionnalisation du média FM qui entre ainsi dans la cour des grands où l’amateurisme n’a plus sa place.

L’émergence de ce nouveau média grand public attirait les convoitises politiques, économiques et individuelles. Aussi les principaux thèmes développés dans ce mémoire sont : le pluralisme, les luttes d’influences, le financement et l’autorisation de la publicité, l’application de la législation et son respect (avec une attention particulière portée à la situation des RLP parisiennes). L’intérêt des deux principales sources de cette recherche — comptes-rendus de la Haute Autorité et dossiers de Jérôme Clément, conseiller technique de Pierre Mauroy — repose sur le double rôle d’observateurs et d’acteurs joué par leurs auteurs. Ce mémoire, qui n’a pas l’ambition de faire le récit exhaustif de ces trois années charnières pour les RLP, tente d’apporter un éclairage inédit sur les mécanismes institutionnels qui se sont mis en place pour gérer l’officialisation des radios libres.

RENAUD Alexandre, Le chaos et la réforme : mise en place des Comités d’Établissement et du Comité Central de la SNCF, 1982-1986, Maîtrise [Antoine Prost, Michel Dreyfus], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997, 295 p

En 1982, les lois « Auroux » apportent un renouveau majeur des relations collectives dans le monde du travail. Entre autres changements, la loi du 28 octobre 1982 octroie de nouveaux moyens financiers, juridiques et matériels aux Comités d’entreprise. Cette même année, la SNCF arrive au terme de la convention qui lui avait donné naissance en 1937, et un débat est engagé entre la Direction, les syndicats et le ministère des Transports afin de décider de l’avenir des chemins de fer français. De ce débat et de la Loi d’orientation des Transports intérieurs (LOTI) du 31 décembre 1982, il résulte que la SNCF devient un Établissement public industriel et commercial (EPIC) à dater du 1er janvier 1983, et doit respecter le droit commun du travail en matière de négociations collectives et de représentation du personnel. À cause des spécificités techniques de l’exploitation ferroviaire et du poids de l’histoire sociale du monde cheminot, la SNCF était jusque-là restée en marge de ce droit commun. La réforme à engager s’annonce donc importante.

L’étude débute avec les lois Auroux et la « renaissance » que connaît la SNCF. Elle s’attache à l’intégration de cette nouvelle institution dans une organisation jusque-là marquée par le centralisme décisionnel, la division des tâches et une concertation sociale relativement limitée. Elle retrace la dynamique selon laquelle se sont heurtés puis conciliés l’impératif de réforme imposé par un texte de loi et l’inertie inscrite dans les structures et les mentalités d’un secteur professionnel aux pratiques séculaires. Elle relève la place prise par chacun des partenaires sociaux au cours de cette période ; les permanences et les ruptures des pratiques et des positions certes marquées d’intérêts politiques et matériels à court terme, mais également traversées par un ensemble de références et de réflexes que R. Barthes appelait des « mythologies ». Apparaît ainsi un monde cheminot craignant l’éclatement et qui, de haut en bas de la chaîne hiérarchique, se trouve enchâssé dans une organisation rigide du travail, protection contre le changement et handicap pour le renouvellement.

Cette étude s’inscrit dans un triple questionnement : premièrement, sur les interactions existant entre un texte de loi et son contexte d’application ; deuxièmement, sur l’importance de la concertation sociale et du poids de l’histoire des mentalités dans une dynamique d’entreprise ; troisièmement, sur la nécessité de concevoir l’histoire d’entreprise n comme une discipline majeure si l’on veut comprendre comment l’imbrication des pratiques professionnelles et sociales donne naissance à une culture d’entreprise qui pérennise les savoir-faire, implique aussi une part de résistance au changement et détermine un « tempo » du changement.

SAGASPE Sandra, Genèse de la construction et étude de la population initiale du grand ensemble de la Grande Borne à Grigny et Viry-Châtillon, Maîtrise [Antoine Prost, Annie Fourcaut], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997

Ce mémoire a été réalisé dans le but de briser certains préjugés propres aux grands ensembles, plus communément appelés à l’heure actuelle : cités. Ces groupes d’habitations collectives, comportant parfois plusieurs milliers de logements, ont fait l’objet dès les premières constructions, apparues au milieu des années cinquante, de vives critiques. Aujourd’hui les grands ensembles apparaissent comme des ghettos réservés aux couches les plus modestes de la société où règne la délinquance.

À travers l’exemple de La Grande Borne, situé en Essonne, il est possible de comprendre la complexité du phénomène de dégradation nommé « le mal des banlieues ».

En effet, La Grande Borne a été construite à la fin des années soixante. Son implantation a donc lieu en pleine période de remise en cause des grands ensembles. La Grande Borne se veut originale par son architecture et supérieure par sa qualité de vie. Située en majeure partie sur le territoire de Grigny, elle est bien accueillie par les habitants, mais refusée par la municipalité qui ne souhaite pas un tel développement urbain. La population initiale de La Grande Borne est très différente de celle de la cité actuelle, d’ailleurs La Grande Borne des premiers temps semble avoir été un lieu agréable où se rencontraient différentes catégories sociales.

Ce mémoire permet donc de donner un bref aperçu de ce grand ensemble au début de son peuplement, fort différent de celui dont on parle aujourd’hui.

SILEM Samira, Les publications de Pomme d’Api de 1966 à 1980, Maîtrise [Antoine Prost, Noëlle Gérôme, Annie Fourcaut], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997

Le mensuel Pomme d’Api créé en 1966 pour la catéchèse des tout-petits, s’adresse d’abord à un public de 4 à 6 ans, avant de s’élargir aux 3-7 ans dans les années 70. Il répond à une plus grande préoccupation des parents pour l’éducation enfantine. La revue propose aux enfants une conception d’éducation par le jeu et l’amusement (les histoires et les activités manuelles). La revue se veut gaie et vivante, elle entend instruire tout en divertissant et être le complément de la famille en apportant un appui pédagogique aux parents. Pomme d’Api souhaite intégrer l’image dans l’écriture du journal, pour des enfants qui vont se trouver plongés dans un monde où la communication visuelle est dominante. La relation entre parents et enfants repose moins sur l’autorité que par le passé, l’éducation tendant à devenir un apprentissage de la liberté.

De 1966 à 1980, il est intéressant de voir comment une telle revue s’adapte aux mutations économiques, sociales et culturelles, la fin de la prospérité et début de la crise, libéralisation des mœurs et recul des cadres idéologiques. La première partie du mémoire traite de la présentation, de la conception et de la diffusion de Pomme d’Api, avec un intérêt particulier pour les techniques, les hommes et les stratégies commerciales. La deuxième partie étudie l’objectif de Pomme d’Api, soit la socialisation des enfants dès leur plus jeune âge par une initiation chrétienne où on apprend en jouant, mais aussi une information pédagogique pour les parents.

Pomme d’Api a évolué. L’image de Bayard Presse (une maison d’édition de droite, catholique et conservatrice) et son message se sont adaptés à un public qui a évolué alors que la diffusion s’élargissait et que les mentalités se penchaient davantage sur l’enfant. La place de l’enfant dans la société se transforme avec le contenu du journal (les dessins, les textes, l’extension de la pagination avec la création d’un cahier pour les parents, etc.).

La revue a plus d’unité graphique à partir de 1973, depuis la venue d’un maquettiste dans l’équipe. La rubrique « éveil religieux » se transforme en fonction des nouvelles méthodes catéchistiques et du nouveau public beaucoup moins croyant et pratiquant que dans les années 60. Le journal se concentre sur les plus petits à la fin des années 70, en publiant par exemple Petit Ours Brun.

VERNANT Judith, La FNDIRP et la réintégration des déportés 1944-1960, Maîtrise [Antoine Prost, Franck Georgi], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997

Ce mémoire étudie les réalisations de la Fédération nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes en faveur de la réintégration des déportés dans l’immédiat après-guerre. La Fédération a ce projet dès sa création, comme en témoignent ses premières actions : l’aide au rapatriement et à l’accueil des déportés en France.

Le plan du mémoire essaie de restituer la logique de ce processus lent et complexe en le divisant en trois parties dont les thèmes se suivent et se confondent parfois. La première partie, Rapatrier et définir le rôle d’une fédération de déportés, est consacrée aux débuts de la Fédération ; elle reprend donc les premières étapes de sa fondation et présente ses premiers pas ; elle traite des conditions nécessaires à la réintégration des déportés, c’est-à-dire du rapatriement et de l’accueil, et de ce qu’implique sa nature de groupement de personnes ayant connu les mêmes souffrances. La deuxième partie, Soigner les malades, traite de la mise en place des outils indispensables au soin et d’abord du service médico-social de la FNDIRP, qui permet aux autres services de fonctionner. Les dirigeants et fondateurs du service social créent le dispensaire de la Fédération et participent activement aux études sur la « pathologie concentrationnaire » dont ils contribuent à faire une nouvelle discipline médicale. La Fédération ne peut prendre seule en charge la totalité des soins dont ont besoin les victimes de guerre, son service social joue donc aussi le rôle d’intermédiaire entre les malades et les responsables des établissements hospitaliers, et en particulier des sanatoriums. Mais le soin n’est pas le terme du processus. Les déportés doivent ensuite réintégrer la société et la Fédération se propose de les y aider. La troisième partie, Réintégrer la communauté humaine, étudie les actions de la FNDIRP dans cette direction, en mettant l’accent sur deux d’entre elles : la réadaptation professionnelle et l’aide à l’enfance. La première est matérialisée par la création du Centre « Jean-Moulin » à Fleury-Mérogis qui concilie l’apprentissage d’un métier et le suivi des convalescents. La seconde consiste surtout à envoyer des enfants en colonie de vacances ce qui fait écho encore une fois à l’idée de solidarité entre les membres de la Fédération.

1996

ANTELMI Valérie, Les incidents dans le métro parisien sous l’Occupation, Maîtrise [Noëlle Gérôme, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 335 p.

Avec l’entrée à Paris le 14 juin 1940 des troupes d’occupation de l’armée allemande, les Parisiens voient leur existence bouleversée : les troupes s’installent, organisent et parent la ville à l’heure allemande. Le quotidien des Parisiens s’adapte alors aux nouvelles conditions de la cité assiégée.

Le métro, élément essentiel de la vie parisienne, prend lui aussi un nouveau visage ; dorénavant, dans les trains surchargés se côtoient journellement membres de l’armée allemande et Parisiens.

La Compagnie du métropolitain parisien, assurant un service public indispensable à la région parisienne, intéresse les occupants ; les membres de l’armée allemande utilisent le réseau pour voyager, mais aussi ses installations, ses ateliers et son personnel pour le service de la Wehrmacht, comme par exemple la réparation des chars et autres véhicules de l’armée hitlérienne. De plus, un conseiller allemand est attaché en permanence à la direction des Transports en Commun de la Région Parisienne et supervise l’organisation de l’entreprise. Le métro est sous tutelle allemande.

Au-delà des bouleversements internes à la CMP, l’usager du métro ressent et observe chaque jour l’intrusion de l’occupant et son autorité sans faille. Les comportements s’ajustent alors au contexte, mais parfois une querelle éclate, une voix plus forte se fait entendre. La nature de l’ordre public en ces temps troublés devait bien entendu se conformer aux conditions nouvelles du Paris occupé. Un calme apparent devait être maintenu, les réfractaires au nouvel ordre bâillonnés, les délinquants arrêtés.

La Préfecture de la Seine demande alors au directeur de la CMP, Paul Martin, de lui faire parvenir régulièrement des rapports d’incidents s’étant déroulés dans l’enceinte du métro et menaçant directement la sécurité publique. Les relevés d’incidents, transmis à la Préfecture et de fait aux autorités allemandes, avaient alors valeur d’indices et fournissent aux autorités de précieux renseignements.

Aujourd’hui, tous ces relevés, conservés aux Archives de Paris dans le fonds du cabinet du Préfet, forment une source exclusive et complète d’une valeur exceptionnelle. En effet, par-delà les descriptions détaillées et parfois anecdotiques des incidents, se dégage à l’étude des rapports une notion de l’ordre public construite, des critères d’ordre inhérents au contexte tout à fait intéressants. Outre l’étude des incidents eux-mêmes, nous pouvons alors observer comment le métro à cette époque était le théâtre, mais aussi l’enjeu des diverses forces antagonistes.

APOCALE Sophie, Assistance et bienfaisance à Aubervilliers : 1893-1945, Maîtrise [Antoine Prost, Claude Pennetier], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 192 p.

Ce mémoire porte sur la bienfaisance et l’assistance à Aubervilliers de 1893 à 1945. Au fil des pages, nous avons tenté de décrire le développement de la législation d’assistance en France. Puis à l’échelle locale, nous avons analysé comment la commune organisait ses services d’aide au cours de ce demi-siècle. Enfin, nous avons tenté de comprendre qui étaient les Albertivilliariens pauvres et dans quelle mesure ils étaient aidés.

Cette triple interrogation a nécessité un travail à partir de sources multiples et variées. L’étude du corpus de lois d’assistance nous a permis de décrire les avancées sociales au plan national. La politique de bienfaisance et d’assistance de la commune a pu être analysée grâce aux délibérations du conseil municipal, du bureau de bienfaisance, de l’hospice et aux comptes et budgets de la municipalité. Enfin, la lecture de la presse (le journal de Saint-Denis principalement) et de quelques œuvres sur la banlieue en général et Aubervilliers en particulier, nous a permis de nous faire une idée sur la vie albertivilliarienne.

Ce travail sur l’assistance et la bienfaisance s’est heurté à plusieurs obstacles. En effet, il est difficile de définir le pauvre et la pauvreté, et de plus, sur certains points, les sources ont été insuffisantes (l’avis des principaux acteurs de cette étude, les pauvres, ne peut être connu).

Cependant, ce travail a permis de relativiser les débuts du Welfare State en démontrant la place prépondérante de la bienfaisance dans cette première moitié du XXe siècle, et les efforts des municipalités successives pour l’organiser. Ces efforts sont bien supérieurs à ceux énoncés dans « Gentils enfants d’Aubervilliers ».

BARRAU Grégory, Mai 68 et l’Église catholique : le clergé face au mouvement contestataire, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 163 p.

La contestation du printemps 1968 en France ne concerne a priori l’Église de France que de façon anecdotique ; si une contestation cléricale est visible pendant les événements, elle peut apparaître à première vue comme un effet secondaire du mouvement social, une aspiration libertaire particulière dans la trame des « événements ». Pourtant l’Église catholique se heurte à la contestation de façon brutale et sur deux plans différents.

On a pu considérer le mouvement social comme une « crise de civilisation », comme le diagnostiquait « à chaud » le Premier ministre Georges Pompidou ; en cela l’Église catholique, fondement traditionnel d’une partie de l’identité française, ne pouvait échapper à la remise en question. On ne trouve cependant guère de manifestations d’anticléricalisme dans les cortèges ou sur les barricades. L’Église a-t-elle encore à voir avec la société qui l’entoure ? C’est la question que l’institution se pose à elle-même, soulevant dès lors une grave crise du catholicisme, qui, dans la ligne du Concile Vatican II, se cherche une forme d’existence en phase avec son temps. L’attention plus grande et explicite portée au fait politique de la part du clergé catholique est un signe de cette recherche. La contestation de Mai prend donc cet écho inattendu dans l’Église, révélateur et accélérateur d’une crise religieuse.

Les événements de Mai peuvent apparaître aussi comme le déclencheur d’une contestation nouvelle. La frange progressiste du clergé catholique, proche des idées politiques de la gauche, voire de l’extrême gauche, se reconnaît dans le mouvement contestataire et s’en trouve dynamisée. Au cœur des événements, le noyau dur de la contestation de l’Église, se révélant comme un anticléricalisme religieux, se constitue et annonce les troubles à venir.

L’Église catholique n’a pas « fait Mai 68 », mais elle s’est trouvée impliquée irrémédiablement dans les événements. Aussi paradoxalement, si elle pouvait apparaître comme peu concernée par l’esprit du mouvement, l’Église fut sans doute l’une des institutions les plus touchées par les événements du printemps 1968.

BREZOT Hervé, La presse et la question des prêtres ouvriers de 1947 à 1954 : le traitement de l’affaire des prêtres ouvriers par la presse nationale française au lendemain de leur naissance jusqu’à leur condamnation, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 359 p.

Observer à travers le prisme de la presse nationale parisienne, élargie à la presse catholique, te qui nous est apparu comme « l’affaire des prêtres-ouvriers », de 1947 (entrée définitive à l’usine) à 1954 (condamnation de « l’expérience » par le Saint-Siège) et ainsi éclairer cette frange de l’histoire ouvrière et religieuse à la lumière d’une source qui lui était contemporaine, tel était le but de notre travail.

Nous espérions comprendre comment l’engagement d’une centaine de prêtres, engagement silencieux dans la classe ouvrière et le mouvement ouvrier en rupture avec une pastorale traditionnelle, est devenu, au fil de ces années, une affaire médiatique, un sujet de polémique tel que Rome y mit fin brutalement.

Les prêtres ouvriers passent inaperçus jusqu’à la fin des années quarante malgré leur consécration par le cardinal archevêque de Paris qui leur vaudra le seul intérêt de la presse catholique. Par la suite, la question des prêtres ouvriers fera la une de la presse à trois reprises et sur des périodes plus ou moins étendues.

En juillet 1949, ils apparaissent pour la première fois sous les feux de la presse « à sensation », à l’occasion de la condamnation par le Vatican de la doctrine communiste et de ses soutiens.

Du printemps à l’automne 1952, la sortie d’un roman, l’engagement médiatique des pères Barreau et Depierre dans le mouvement ouvrier, souvent aux côtés des communistes, la participation mouvementée de deux d’entre eux à une manifestation quasi insurrectionnelle, alimentent l’intérêt soudain que la presse leur porte. Passé le romantisme des premiers temps, les articles consacrés aux prêtres ouvriers constituent désormais des mises en accusation, des dénonciations, des critiques tendancieuses, des soutiens discutés et des appuis intéressés ou sincères.

Enfin, les désaveux et l’intervention de Rome rendus public a la fin de l’été 1953 marquent le coup d’envoi d’une campagne de presse sans précédent concernant une question religieuse. Il apparaît que « le problème » des prêtres ouvriers déborde du cadre strictement religieux dans lequel les voix autorisées de l’Église voudraient le contenir. Sur six mois, tous les journaux ont un commentaire, une révélation, une opinion à rendre publique. Le débat théologique est entretenu et les décisions de la hiérarchie catholique sont discutées tout autant par les journalistes proches des milieux catholiques que les laïcs les plus radicaux. Le 1er mars 1954, leur condamnation sera effective et irrévocable. Dès lors, la presse se désintéressera, progressivement, des suites de ce qui a été l’affaire des prêtres ouvriers.

BRUNO Anne-Sophie, Les dispensaires municipaux pendant l’entre-deux-guerres : l’exemple de la banlieue sud-est de Paris, Maîtrise [Claude Pennetier, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 213 p.

Cette étude des dispensaires municipaux de la banlieue sud-est de Paris pendant l’entre-deux-guerres s’attache tout particulièrement aux centres de santé des villes d’Alfortville, Choisy-le-Roi, Ivry-sur-Seine, Maisons-Alfort, Orly, Villejuif et Vitry-sur-Seine ; la diversité des statuts et des modes de fonctionnement rencontres permet l’introduction de points de comparaison. Au-delà de cette diversité, l’analyse des dispensaires municipaux révèle cependant de lien étroit unissant domaine médical, choix politique et réalité sociale. Si l’approche privilégiée ici relève davantage d’une histoire des idées que d’une histoire de l’opinion publique, faute de sources ayant trait à celle-ci, l’enjeu est de déterminer l’articulation entre les idéologies développées au sujet des dispensaires par certains milieux médicaux ou politiques et la réalité concrète des centres de soins municipaux.

Il s’agit donc de déterminer quelle forme spécifique de médecine publique le dispensaire tend à instaurer et quelle est la valeur de modèle qu’il a pu revêtir dans le système de santé français. Cherchant à définir son originalité non seulement par rapport au système hospitalier, mais aussi par rapport à la médecine libérale, le centre municipal de santé tend à instaurer une prise en charge complète de la santé par les pouvoirs publics, tant par le financement des infrastructures sanitaires que pour le remboursement au moins partiel, des soins ou pour leur exécution. Or, il semble que le choix fait en France, après la Libération, d’adopter un système mixte — reposant sur une intervention des pouvoirs publics en matière de remboursement ou de financement, mais maintenant le principe du libre choix du praticien, essentiellement le médecin libéral — n’ait laissé qu’une place marginale au dispensaire municipal ; le rôle du dispensaire reste lié, comme à ses origines, à la prise en charge médico-sociale des personnes situées en marge du système général de soins.

CANTEUX Camille, Le père Lhande et la banlieue parisienne, Maîtrise [Antoine Prost, Annie Fourcaut], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 213 p.

En 1927, 1930 et 1931, le Père Lhande, jésuite originaire du Pays basque, publie une trilogie sur la vie religieuse dans la banlieue parisienne intitulée « Le Christ dans la banlieue ». Ces ouvrages, qui se présentent sous la forme d’un reportage, décrivent les conditions de vie des banlieusards et de leur clergé dans un style coloré et enlevé.

Cette série d’enquêtes rencontre un succès immédiat et les multiples appels de leur auteur à la générosité des lecteurs sont largement entendus. Rapidement, les dons en faveur du clergé de banlieue affluent et l’œuvre du Père Lhande prend une ampleur imprévue.

À partir de la trilogie du « Christ dans la banlieue », et des archives privées du Père Lhande, retrouvées aux Archives françaises de la Compagnie de Jésus, nous avons étudié la relation du Père Lhande à la banlieue parisienne. À travers un bref examen de la biographie du Père Lhande, nous avons montré comment il en est arrivé à s’intéresser à la banlieue, et quelle place celle-ci a prise dans sa vie et dans son œuvre ; l’étude des publications du Père Lhande sur la banlieue permet de voir quelle image de cet espace elles ont diffusée. Enfin, les conséquences du succès du « Christ dans la banlieue » sont analysées avec précision, qu’il s’agisse de l’influence que le Père Lhande a pu avoir sur la façon dont la banlieue était perçue, ou du rôle de son œuvre sur les réalisations de l’Eglise dans l’entre-deux-guerres.

CÉPÈDE Frédéric, Les maisons d’édition du Parti socialiste SFIO, 1905-1939, Maîtrise [Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 129 p. + 73 p. d’annexes

En centrant notre recherche sur les maisons d’édition du Parti socialiste SFIO, de sa création en 1905 à la veille de la Seconde Guerre mondiale, nous souhaitions compléter les connaissances acquises en matière de propagande et d’éducation par écrit, et plus particulièrement par le livre et la brochure. L’organisation de ce secteur permet d’éclairer le mode de fonctionnement de ce parti, l’attention qu’il porte à la formation de ses adhérents, de ses militants et de ses cadres, et, en ce domaine, de comparer le discours et les actes.

Entre 1905 et 1914, la production « officielle » du Parti socialiste tourna autour de 3 à 4 brochures par an, puis entre 1921 et 1939, autour de 7. Force est de constater que jamais, au cours de la période, ses efforts ne lui permirent de mettre en place durablement une véritable maison d’édition. Il tenta d’organiser ce secteur, mais il se limita bien souvent à la tâche de propagande électorale, bien loin du programme d’action, rappelé par Léon Blum à la tribune du congrès de Tours en 1920, « d’éducation populaire et de propagande politique ».

Au regard de cette production éditoriale, on a aussi pu cerner le rôle des principaux leaders (Jules Guesde, Jean Jaurès, Léon Blum, Paul Faure…). Nous avons également pu constater que les grandes controverses (sur la guerre et la paix, le planisme,…) ne purent s’exprimer dans les éditions du Parti.

Le mode de fonctionnement en tendances et surtout la concurrence entre celles-ci freinèrent les initiatives du Parti. Cependant, celui-ci sut faire preuve, en certaines circonstances (en 1919, et entre 1934 et 1938), de plus de dynamisme. Dans le même temps, sur ses marges, des groupes et des éditeurs commerciaux tentèrent de pallier les carences unanimement dénoncées ! L’espace semblait donc exister pour permettre la création d’une maison d’édition, mais la volonté ou le pouvoir politique pour l’imposer firent défaut.

En annexe à notre mémoire, nous proposons un catalogue des éditions du Parti socialiste (éditions « officielles », mais aussi des courants, groupes, fédérations…), qui sans être exhaustif pour les éditions non « officielles », recense près de 900 titres de livres et brochures édités par les socialistes entre 1905 et 1939, mais aussi entre 1942 et 1969.

CHALANE Hakim, Les syndicalistes algériens de la régie Renault à Billancourt de 1954 à 1962, Maîtrise [Antoine Prost, Noëlle Gérôme], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 165 p.

La Société Anonyme des Usines Renault, nationalisée le 16 janvier 1945 par ordonnance, devient l’entreprise pilote dans les nouveaux rapports sociaux que l’État veut voir se mettre en place à la Libération. La relative liberté que connaissent les syndicats, et plus particulièrement la CGT qui y est majoritaire, et à travers elle le PCF par l’influente section Renault du parti, donne à cette entreprise un rôle majeur au niveau des revendications sociales. Dès 1914 et jusqu’à 1929, l’essentiel de l’immigration accueillie à la Régie est d’origine nord-africaine. Mais ce n’est que durant les années 1950, et parallèlement à l’accroissement de l’émigration algérienne entre 1947 et 1955, que l’effectif des ouvriers algériens progresse chez Renault. Les syndicalistes algériens ne se présentent pas en un seul bloc, et l’hégémonie du Mouvement pour le triomphe des libertés, créé en 1947 et divisé en deux courants, est remise en cause par l’apparition du Front de libération nationale avec le déclenchement de la guerre d’Algérie. La minorité communiste des Algériens adhérents au PCF constitue la troisième composante. En 1954, on retrouve par conséquent trois tendances les messalistes groupés au sein du nouveau parti de Messali Hadj (le Mouvement national algérien créé le 1er décembre 1954), ceux qui s’opposent à son hégémonie (les centralistes qui sont minoritaires en France et ont rapidement adhéré au FLN) et les communistes.

À travers l’étude des syndicalistes algériens de la CGT travaillant à la Régie Renault à Billancourt, nous avons cherché à comprendre comment ils ont affronté leur double identité, de militants nationalistes et de militants syndicaux, pendant la guerre d’Algérie. Quelles transformations la guerre a-t-elle opérées dans leurs discours et leur rapport au syndicalisme.

La guerre opère une redistribution des influences et des responsabilités à la faveur du FLN qui triomphe du MNA, pour le contrôle de l’émigration algérienne et pour la reconnaissance de son hégémonie dans la lutte pour l’indépendance. Ces règlements de compte se retrouvent de la Régie avec l’assassinat, le 24 septembre 1957, du responsable du syndicat indépendant messaliste (l’Union des syndicats des travailleurs algériens fondée le 25 décembre 1955), en la personne de Mellouli Saïd. En octobre, avec l’élimination d’une partie des cadres de l’USTA, les militants messalistes rejoignent plus ou moins volontairement l’Amicale générale des travailleurs algériens, émanation du FLN et représentation de l’Union générale des travailleurs algériens fondée le 24 février 1956. Organisé d’abord en cellule, le FLN à la Régie se structure avec la création de l’Amicale en février 1957 en Conseil d’entreprise, et s’assure le contrôle de syndiqués algériens, mettant fin au pluralisme des tendances. Les communistes algériens rejoignent eux aussi le FLN, suite au vote des pouvoirs spéciaux par les députés communistes le 12 mars 1956. Dès lors, le discours de ces hommes qui continuent à militer à la CGT, conserve un contenu social, mais devient plus revendicatif et agressif en ce qui concerne l’indépendance de l’Algérie. Le rajeunissement des dirigeants, la montée de nouvelles figures aux postes de responsabilité syndicale illustrent ce constat. Le FLN opère dans ce milieu une recomposition ou il n’y a plus de place pour le pluralisme. Le syndicalisme n’est plus que le rouage ouvrier de l’organisation politico-administrative du FLN. Il n’a pas vocation à inspirer la révolution, il doit lui servir de relais pour rechercher des soutiens auprès des organisations ouvrières, les informer, et former les futurs cadres du jeune syndicalisme algérien qui doit se mettre en place à l’indépendance.

COGEZ Bruno, Les zones d’éducation prioritaires (origines, projets, mise en place) : 1966-1985, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 168 p. + 58p d’annexes

Les Zone d’Éducation Prioritaires ont été proposées par Alain Savary dès le 1er juillet 1981 afin de démocratiser l’enseignement en France. L’étude porte sur la genèse de cette politique, de ses origines jusqu’à sa mise en place (ce travail est l’étude de la genèse d’une politique qui a depuis été grandement modifiée).

L’idée appartient au SGEN-CFDT au début des années soixante-dix. Elle avait été développée par un instituteur, Alain Bourgarel (responsable syndical de 1971 à 1975), qui s’était inspiré des « Educational Priority Areas » britannique (1967-1970) pour compléter la huitième catégorie de l’enfance inadaptée des « handicapés sociaux ».

Le Parti socialiste propose dès 1974-1978, une « école inégalitaire », notion proche des Z.E.P., grâce à Jean-Louis Piednoir (associé a la rédaction du Plan socialiste pour l’Éducation et ancien responsable syndical du SGEN). Mais ce projet ne fut mis en place qu’en juillet 1981 sous le nom de « zones prioritaires ». La transition entre le P.S. et Alain Savary fut l’œuvre de Christian Join-Lambert, chargé de mission en 1981 auprès du ministre. Mais cette politique de « discrimination positive » fit craindre à certains la fin de l’école de Jules Ferry et sa mise en place fut repoussée à 1982.

Les Z.E.P. étaient gérées par le groupe de pilotage ministériel de la politique des zones prioritaires, constitué dès 1982 sous la responsabilité de Pierre-Yves Duwoye (un groupe travaillant à l’évaluation régulatrice fut créé en 1984). Des liens furent établis avec la commission interministérielle « Dubedout » de développement social des quartiers. La mise en place de cette politique sur le terrain est étudiée à travers ses principales caractéristiques (carte des Z.E.P., évolution de sa population, moyens supplémentaires distribués, etc.).

Alain Savary avait proposé cette politique pour lutter contre inégalités sociales et plus particulièrement contre l’échec scolaire. Pour lui, cette politique reposait sur l’ouverture du système éducatif sur l’extérieur, sur la décentralisation et l’autonomie et enfin sur la cohérence avec l’ensemble de la rénovation du système.

COHEN Déborah, Judéités germaniques en exil : problèmes d’appartenance dans la France des années trente, Maîtrise [Bruno Groppo, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996

Les recherches sur les réfugiés du Troisième Reich dans la France des années Trente se sont concentrées pendant longtemps principalement sur deux catégories : les émigrés politiques proprement dits, d’une part, et l’émigration littéraire et artistique, de l’autre. On a eu tendance à oublier que la grande majorité des réfugiés était composée de Juifs, qui n’étaient ni des militants politiques ni des personnalités littéraires. Ce mémoire s’efforce de remédier en partie à cette lacune. Il s’intéresse principalement à ce groupe central, les réfugiés juifs, et à leur situation particulière dans la France des années Trente. Il montre, tout d’abord, l’extrême difficulté, pour ces exilés, d’être reconnus comme des réfugiés politiques par les pouvoirs publics français, puisque leur situation ne correspondait pas aux catégories traditionnelles utilisées en France pour définir les réfugiés politiques. Il étudie ensuite les problèmes d’appartenance et d’identité qui se sont posés à ces personnes, déchirées entre germanité, judéité et volonté de s’intégrer dans le pays d’accueil. En s’appuyant sur des sources très différentes, le mémoire montre comment, en dehors du champ politique, des solidarités de fait se sont construites et ont aidé ces réfugiés juifs à survivre.

La deuxième partie du mémoire aborde un aspect encore peu connu de l’exil allemand en France : la création et le fonctionnement de quelques colonies agricoles juives, qui avaient pour objectif de modifier la structure sociologique traditionnelle de la communauté juive pour répondre à la fois à l’argumentation antisémite et à un problème social. S’intéresser aux réactions suscitées par ces initiatives est aussi l’occasion de voir comment, en France et à cette époque, s’élabore le discours antisémite, au croisement de concepts globalisants et de l’actualité ponctuelle.

La dernière partie, consacrée aux enjeux idéologiques, étudie l’influence de l’émigration juive allemande sur la formation de l’antisémitisme qui se déploiera sous Vichy. Le souci dominant est alors de redéfinir la nation en en excluant les étrangers. De la stigmatisation de l’étranger juif à l’idée du Juif comme étranger au corps de la nation il n’y a qu’un pas. Face à cet antisémitisme en formation et se masquant encore, les Juifs allemands émigrés ne surent pas renoncer à leurs illusions et à leur volonté d’intégration.

COLLIN Élisabeth, Les ouvriers des ateliers du métropolitain, leurs actions, leurs revendications : 1949-1956, Maîtrise [Antoine Prost, Noëlle Gérôme], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 229 p.

Nous avons dressé un tableau de la vie politique et syndicale dans les ateliers d’entretien du métro de 1949 (date de la création de la RATP) à 1956 (début de la modernisation du matériel roulant). Les acteurs de cette vie syndicale sont les ouvriers, ils ont de nombreux avantages sociaux garantis par leur statut du personnel. Leur syndicalisation est très ancienne.

Après une présentation des différents ateliers, et des diverses lâches techniques que les ouvriers doivent accomplir sur les trains, nous avons dressé un portrait « « de ces ouvriers et de leurs syndicats. L’ouvrier type des années 50 est qualifié, le plus souvent d’origine provinciale, il travaille dans un atelier de taille moyenne (de 50 à 400 ouvriers) dans des conditions assez médiocres, et pour un salaire assez faible. Enfin, il est généralement syndiqué à la CGT. Il existe d’autres syndicats, minoritaires : FO, CFTC, et un syndicat autonome ouvrier. La CGT appelle souvent à l’unité d’action, mais les autres organisations la suivent assez irrégulièrement.

Les ouvriers s’associent dans des mouvements de protestation pour des raisons professionnelles, mais également pour des motifs politiques. Toutes les revendications n’aboutissent pas systématiquement à une grève. Les revendications très particulières aux ateliers restent presque toujours au stade des réclamations ; alors que les revendications plus générales à l’entreprise sur les salaires, les retraites, la durée du travail conduisent presque toujours à des arrêts de travail. Dans l’ensemble, les pétitions repoussent unanimement toutes les mesures d’économie que veut faire la RATP au détriment des travailleurs, et refusent toutes les réductions des avantages acquis. Enfin, les revendications à caractère politique ou syndical mènent souvent à des grèves.

Les ouvriers peuvent montrer leur mécontentement de différentes façons. Le plus souvent, ils commencent par rédiger une pétition qui expose les revendications, puis ils débrayent pour se faire entendre par la direction. Quand ces actions n’aboutissent pas et que la combativité reste forte, l’action se durcit : c’est la grève. Parfois les syndicats parviennent à s’unir, tous les ouvriers participent alors à la grève, et celle-ci dure plus longtemps (comme en 1951). La participation varie selon le type de grève, par exemple les grèves politiques rassemblent beaucoup plus que les mouvements pour les salaires. Enfin, des négociations souvent difficiles mettent un terme aux grandes grèves (1951, 1953, 1955).

Les résultats des actions montrent que dans les années 50, les syndicats jouent un rôle non négligeable dans l’amélioration de la condition ouvrière. La CGT possède une réelle faculté à mobiliser les ouvriers. Ces années d’après-guerre sont une période test pour la construction d’une unité d’action ouvrière. Cette unité paraît indispensable pour gagner les différentes luttes, mais on en découvre rapidement les limites.

COMESTAZ Yvan, Criminels et justiciers dans le cinéma français des années trente : analyse comparative de treize films réalisés entre 1931 et 1939, Maîtrise [Antoine Prost, Danièle Tartakowsky, Myriam Tsikounas], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 244 p.

L’objectif de ce travail est d’étudier, en comparant treize films, et en se limitant à leur étude « textuelle », la généalogie d’une figure du criminel qui atteint son apogée avec les personnages interprétés par Jean Gabin. Après une première partie sur l’évolution antérieure du thème criminel, la délimitation de la période (les années trente), du corpus (treize films de fiction) et l’exposé de la méthode d’analyse, une seconde partie est consacrée à repérer l’apparition d’un nouveau récit justicier : les formes du récit instituent le spectateur de ces films en juge et partie ; en conséquence, l’espace de la justice institutionnelle, le tribunal, est déréalisé et nié. La rue, la ville, le dehors sont institués nouveaux espaces de revendication et de justice (se pose alors le problème du réalisme). Dans une dernière partie sont étudiés directement les enjeux et les acteurs du conflit : d’un opposant global identifié à la société ou à la fatalité, on passe à la désignation claire d’ennemis à laquelle peut seul répondre le meurtre, qui s’en trouve justifié.

On a pu, finalement, observer une évolution en trois temps : dans la première partie des années trente, dans un décor mal défini, le criminel reste un marginal, dont les révoltes et les plaintes ne trouvent aucun moyen de s’exprimer sur la place publique, même pas par le meurtre ; autour de 1936, deux films de Jean Renoir essaient d’évoquer l’idée d’une justice collective qui va jusqu’à faire perdre au meurtre son caractère illégal ; mais dans un troisième temps, avec les films de la « période Gabin », en particulier ceux de Marcel Carné, un personnage populaire intégré à un décor urbain ouvrier (à présent seul monde possible) et récupéré par la dramaturgie du héros bourgeois est poussé, par des motifs principalement sentimentaux, à assassiner un personnage dont les atours de bourgeois dissimulent surtout l’inhumanité. L’exil ou Ie suicide du meurtrier symbolisent la socialisation de cette figure qui a intégré la morale auparavant déployée dans les tribunaux ; mais le meurtre est à présent pleinement justifié, puisqu’il vise à faire disparaître un être que sa caricaturale théâtralité (cf. Jules Berry), sa monstruosité, voue au bannissement de l’espace cinématographique, envahi par le corps parfait de Gabin.

DA CRUZ Alfrédo, Présence portugaise : l’immigration portugaise vue à travers un journal de l’Eglise catholique de France, Maîtrise [Annie Fourcaut, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 197 p.

Vatican II souligne la mondialisation des rapports entres les hommes et renforce le rôle des paroisses locales. C’est dans ce contexte qu’en France certains prêtres vont s’intéresser aux problèmes matériels puis culturels des immigrés, notamment les Portugais dont le nombre se multiplie dans les années 60. L’Archevêché de Paris charge alors Marie-Jean Mossand, ancien aumônier de la JOC, de coordonner les initiatives des prêtres en faveur des immigrés. Celui-ci rencontre à cette occasion Roger Maksud, encore séminariste, qui réalise un bulletin paroissial en portugais, intitulé « Présence Portugaise », dans le secteur d’Ivry et Vitry-sur-Seine.

Leur action va vouloir dépasser l’activité de l’Action Catholique Ouvrière, qui ne touche que les militants syndicaux, en s’adressant directement à la masse des Portugais. Cela n’ira pas sans frictions avec l’ACO, traditionnellement réticente à cette « incursion » des prêtres sur un terrain laïque. Ceux-ci refusent, en effet, de cantonner le travail pastoral au culte religieux, ce que, par ailleurs, fait déjà la Mission Portugaise en perpétuant la religion traditionaliste en cours au Portugal.

Mossand et son équipe définissent donc un champ d’intervention original en voulant toucher la grande masse des Portugais par l’esprit de Vatican II. On voit à travers « Présence Portugaise » différentes stratégies. D’abord, jusqu’en 1970, « Présence Portugaise » incite à l’engagement syndical, afin d’intégrer les Portugais à la société française, préalable à une bonne évangélisation. Mais par la suite, le journal met surtout l’accent sur la connaissance des événements politiques au Portugal et la reconnaissance de la culture d’origine des immigrés, ce qui s’accompagne d’un soutien aux associations portugaises.

DELOUS Olivier, Les anarchistes à Paris et en banlieue, 1880-1914 : représentations et sociologie, Maîtrise [Claude Pennetier, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 287 p.

Ce travail propose une approche des anarchistes du département de la Seine entre 1880 et 1914 et tente de démontrer la possibilité d’une prosopographie, à partir du Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français d’une part et des archives publiques, essentiellement policières, d’autre part.

Au préalable, une réflexion est menée sur les modes de représentation dont cette population est l’objet dans la société et notamment sur les mécanismes de construction d’un consensus très chargé négativement, qui n’est pas sans rapport avec la structure sociale du système des revendications. Le regard policier y est décrit dans sa double dynamique, l’une liée à sa fonction opératoire attendue et permanente de surveillance et de répression — qui se nourrit du consensus et l’entretient — l’autre, à la nécessité d’une évaluation au plus juste des nouveaux dangers anarchistes (anarcho-syndicalisme et antimilitarisme) et qui conduit le sommet de la hiérarchie policière à affiner sa perception du mouvement peu après l’ère des attentats, en lui concédant un ancrage historique séculaire et en écartant définitivement la thèse du complot terroriste.

Les 1 439 biographies retenues sont interrogées d’abord selon différents indicateurs, démographiques, géographiques ou socio-professionnels, pour autoriser une estimation des modes d’implantation et de diffusion des idées anarchistes dans le département durant toute cette période, ainsi qu’une analyse des traits significatifs du rapport des anarchistes au travail, à la famille, à la société. On peut alors dégager les éléments constitutifs d’une pratique politique originale — traversée par des tendances très diverses — à travers deux aspects fondamentaux : le mouvement d’une part et les milieux d’autre part. Sont ainsi présentées de façon complémentaire, mais distincte les tentatives d’organisation, les actions des anarchistes du département et une typologie des compagnons (selon leur degré d’investissement et leur adhésion à certaines tendances), le tableau synoptique des groupes et leur fonction, etc. En outre, une mention particulière est faite des rapports qu’entretiennent Paris et la banlieue, espaces d’expression anarchiste bien différents, notamment à travers les expériences de « milieux libres ». Enfin, nous sommes mieux à même d’analyser l’attitude des compagnons face à la Première Guerre mondiale et de quantifier leurs diverses positions.

DROZDOWIEZ Sophie, Jeanne Mélin (1877-1964). L’apôtre de la paix et l’ardente propagandiste féministe, Maîtrise [Antoine Prost, Michel Dreyfus], Paris 1, 1966, 273 p.

Née dans une famille d’industriels du nord-est de la France sept ans seulement après la guerre de 1870, rien ne présageait Jeanne Mélin à devenir une ardente militante pacifiste pendant près de quarante ans.

Dès ses premières années, elle apprend grâce à sa famille à « aimer la paix ». À l’âge de 18 ans, elle commence son apostolat dans l’organisation pacifiste « La paix et le désarmement par les femmes ». Les organisations pacifistes, féministes et le Parti socialiste obtiennent sa collaboration active.

Mais le déclenchement de la guerre ruine tous ses espoirs. Engagée dans un premier temps dans les œuvres sociales, Jeanne Mélin reprend son combat pacifiste dès 1915 au sein du « Comité international des femmes pour une paix permanente », future « Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté », qu’elle ne quittera plus jusqu’en 1927. Déléguée par cette organisation, elle participe aux Congres internationaux pacifistes de Zurich en 1919 et de Vienne en 1921. Nommée Messagère de la paix à la Conférence de La Haye en 1922, elle est envoyée auprès des gouvernements européens pour réclamer l’instauration d’une paix durable. Pendant la guerre et dans l’entre-deux-guerres, Jeanne Mélin demeure également une ardente militante féministe, au « Comité d’action suffragiste », à l’« Union française pour le suffrage des femmes » et au « Comité d’action pour le suffrage immédiat ».

En 1927, alors que la maladie de sa mère ralentit son activité, Jeanne Mélin se découvre une nouvelle passion, l’écriture.

La montée des menaces de guerre et l’ouverture prochaine de la Conférence pour le désarmement (1932) relancent l’activité pacifiste de Jeanne Mélin qui crée en 1931 le « Cercle Pax Occident-Orient » destiné à regrouper toutes les organisations pacifistes pour une action commune.

Mais à partir de 1935-1936, une vie familiale tourmentée et de graves problèmes de santé éloignent peu à peu Jeanne Mélin des grands combats alors que la menace allemande se dessine.

ERNAULT Christophe, La mobilisation de rue et la crise de mai 58, Maîtrise [Antoine Prost, Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 162 p.

La crise de mai 1958 qui voit revenir au pouvoir le général de Gaulle est souvent étudiée sous ses aspects politiques et institutionnels, tant il est vrai que l’influence des personnalités y fut déterminante. Mais, aussi limitée soit-elle, la mobilisation populaire qui l’accompagne permet de mieux percevoir la réaction des Français à cette situation qui annonce la fin de la IVe République.    

Partagés entre opposants et partisans de De Gaulle, deux camps s’affrontent à distance, sans toutefois réellement influencer le cours des choses. En effet, pour les premiers, les dissensions entre partis politiques et entre syndicats, ajoutées au manque de propositions alternatives, empêchent une mobilisation imposante et durable. Pour les seconds, l’absence de stratégie globale de mobilisation malgré la concrétisation de leurs aspirations, ne leur permet pas de jouer un rôle vraiment décisif.

Par ailleurs, et au-delà de sa portée immédiatement politique, la mobilisation de mai à juillet 1958 revêt un aspect de lutte de mémoire, en partie autour de la personne de De Gaulle. Comme à la Libération, on observe, dans les deux camps, la volonté de se légitimer en ayant recours au passé. Si les anti-gaullistes font souvent référence à des ancêtres historiques, c’est autour de la résistance, notamment le 18 juin, que la polémique perdure et que la tentative de récupération politique est la plus forte.

Enfin, dans un contexte plus large, cette mobilisation de rue s’inscrit dans l’histoire des manifestations et permet d’observer les mœurs et pratiques adoptées par chacun des protagonistes, qui montrent ainsi leur plus ou moins grande familiarité avec l’acte manifestant, et aussi de préciser sa place intermédiaire au sein de l’évolution de la mobilisation de rue en France au XXe siècle, entre nationalisation et régionalisation, pacification et répression, tout en confirmant l’éloignement des partis politiques des stratégies de rue.

GERMAIN Anne Emmanuel, Les origines de l’administration académique et départementale de la jeunesse et des sports, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 156 p.

Cette étude porte sur l’évolution de l’organisation administrative de la Jeunesse et des Sports du Front populaire à la IVe République.

Sous l’impulsion du Front populaire, Léo Lagrange crée un sous-secrétariat d’État à l’éducation physique, aux sports et aux loisirs, qui est rattaché au Ministère de l’Éducation nationale en 1937. Le manque de temps et les événements de 1939 empêchent le ministre de l’Éducation nationale, Jean Zay et Léo Lagrange d’organiser un corps d’inspection et de représentants quadrillant la France. Cependant, le gouvernement de Vichy met en place une administration étoffée dans le cadre de deux commissariats généraux distincts : – D’une part, le Secrétariat général à la jeunesse et ses délégations au sein de chaque région et département et dépendantes de celui-ci. – D’autre part le Commissariat général à l’éducation générale et aux Sports et ses directeurs à l’éducation générale et aux sports qui interviennent dans le cadre de l’académie et du département. Ainsi, des relais et des hommes, dont la fonction est à la fois d’accomplir la politique de la jeunesse et des sports et d’en contrôler l’application sont mis en place pendant cette période.

Une certaine continuité apparaît. En effet, le gouvernement de Vichy n’a pas une politique de rupture par rapport à l’œuvre accomplie par le Front populaire. Certains fonctionnaires restent en place, et l’on assiste à la poursuite des mesures prises ou prévues par ce dernier régime. Sous Vichy, les corps hiérarchisés de fonctionnaires issus des différentes administrations, à savoir l’instruction publique, le Secrétariat général à la jeunesse et le Commissariat général à l’éducation générale et aux Sports disposent d’un fonctionnement interne autonome qui leur est propre. Cependant, on assiste à des chevauchements de compétences dans le cadre de leur intervention. C’est pourquoi on s’efforce de mettre en place un système de collaboration afin d’assurer l’application effective des directives centrales.

À la Libération, ces deux Commissariats disparaissent et sont remplacés par deux nouvelles directions reprenant finalement leurs précédentes attributions. Corrélativement à ces changements de structures et de régimes politiques, une épuration des cadres administratifs a lieu, mais qui, au total, est limitée.

GIUDICELLI Romain, Le peuple et la guerre d’Espagne (1936-1939), Maîtrise [Antoine Prost, Michel Dreyfus], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 249 p + 15 p. d’annexes

En mars 1936, après la réunification de la CGT et de la CGTU, le quotidien Le Peuple demeura l’organe officiel de la centrale syndicale ; de ce fait, quatre mois plus tard, c’est bien en tant que tel qu’il commenta les premières nouvelles ayant trait à l’insurrection militaire espagnole. Cette réaction fut immédiate et occupa très vite une place très importante dans les pages du quotidien : il faut dire qu’en quelques jours à peine, le journal entreprit tout à la fois de défendre le gouvernement Blum contre les attaques de la presse de droite, de commenter les nouvelles confuses des premiers temps du conflit, et de clamer haut et fort sa solidarité avec les républicains espagnols. Ce dernier point l’amenant sans hésiter à condamner toute position de neutralité, fut-elle le fait du gouvernement de Front populaire. Dès lors, l’analyse du journal demeura identique jusqu’à la fin du conflit : la non-intervention était à « reconsidérer », et la solidarité avec les républicains devait être « agissante ».

Après l’étude de cette courte période initiale pendant laquelle le journal forgea sa position sur le conflit espagnol, s’attache à la double relation entre Le Peuple et la guerre d’Espagne : d’une part, le rôle que le quotidien joua dans le conflit, et, d’autre part, l’action de celui-ci sur l’identité du quotidien. Si Le Peuple fut bel et bien un acteur dans la guerre d’Espagne, son rang doit être mesuré à deux niveaux. À l’échelle de la guerre civile, l’aide apportée aux républicains par le biais des souscriptions lancées dans le journal par la CGT fut d’une infime modestie. Cependant, du point de vue de l’engagement du quotidien dans une solidarité sans faille auprès des combattants antifascistes espagnols, et étant donné les moyens dont il disposait pour le faire, Le Peuple ne ménagea pas ses efforts : campagnes de pression sur les gouvernements français, accueil des réfugiés, aides ponctuelles aux comités locaux, reportages sur place, et, surtout, permanence (même relative) de l’évocation du conflit malgré son enlisement En ce sens, son action fut d’une importance remarquable.

L’influence du conflit espagnol sur le journal confédéral, bien que moins spectaculaire, fut réelle. En effet, le divorce dans l’analyse de la situation internationale du gouvernement de Front populaire fut le premier signe de la fracture profonde qui marqua le mouvement syndical français dans l’immédiat avant-guerre. Les ex-confédérés se partageaient maintenant entre les centristes, qui prônaient une politique de fermeté à l’encontre des pays fascistes, et les pacifistes qui, du slogan confédéral « La Liberté et la Paix », ne retenaient que le deuxième terme. Ces derniers furent très largement minoritaires au sein du Peuple, et quand bien même ils y tenaient une place régulière, les articles pacifistes restèrent d’une rareté frappante. La direction du journal, qui recoupait celle de la Confédération, préféra taire les divisions tout en affirmant clairement sa position. Plutôt que de faire naître un débat sur les questions internationales. En cela, Le Peuple fut une excellente illustration de la tactique centriste de la CGT : nier les divergences pour mieux affirmer sa propre position.

GUILHERMIER Rémi de, Origines et emploi de l’action psychologique durant la guerre d’Algérie (1950-1960), Maîtrise [Antoine Prost, Noëlle Gérôme], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 217 p. + annexes

L’objet de ce mémoire est de présenter un point de la guerre d’Algérie, la propagande militaire française. Si l’activité de persuasion est intrinsèque à toute guerre, elle est érigée, sous le nom d’« action psychologique », en un véritable système lors du conflit algérien, touchant tous les secteurs de l’organisation civile et militaire du pays.

Un arrêt sur la guerre d’Indochine et ses conséquences sur la société militaire est indispensable. L’armée française, au contact du Viet-minh, y découvrit un nouveau type de lutte armée, d’inspiration marxiste, dans laquelle les populations sont l’enjeu des combats et la propagande une arme à part entière. De retour de Diên Biên Phu, elle théorisa cette forme de lutte sous le nom de guerre révolutionnaire, insistant sur l’importance des facteurs idéologiques dans les conflits de décolonisation et appelant la constitution d’organismes nationaux d’éducation et de persuasion des foules pour y faire face.

Nous nous sommes appuyés pour comprendre les mécanismes d’emploi de l’action psychologique en Algérie sur les archives militaires de la guerre. Les documents émanant du service central d’action psychologique de l’état-major, le « bureau psychologique régional » puis le « 5e bureau », nous éclairent sur le fonctionnement institutionnel, la thématique et les procédés de la propagande française. Ils permettent d’apprécier l’importance des ressources financières, humaines et matérielles dont disposent les services d’action psychologique. Enfin, confrontés aux témoignages d’officier et soldats chargés de la propagande sur le terrain, ils laissent transparaître le manque d’homogénéité qui marqua la conduite de l’action psychologique. C’est là une caractéristique majeure. La fracture fut grande en effet entre les directives de l’état-major et leurs applications locales. La propagande variait grandement selon les zones et les exécutants, tant dans ses principes d’emploi, ses thématiques, que ses méthodes.

Dirigée par les plus intransigeants défenseurs de l’Algérie française, l’action psychologique se confondit peu à peu avec une idéologie extrémiste, affranchie des consignes gouvernementales qui tendent, après le retour du général de Gaulle au pouvoir en 1958, à conduire l’Algérie vers l’indépendance. L’opposition à la politique du chef de l’État entraîna sa suppression. L’existence en Algérie d’un vaste système de propagande aux mains des militaires prit fin en 1960.

Expression d’une armée en crise face à la dislocation de l’Empire colonial français, solution apportée par des militaires obnubilés par la « subversion communiste » et en quête d’une nouvelle place pour l’armée au sein de la nation, l’action psychologique ne s’aurait être détachée du contexte géopolitique international. L’affrontement idéologique manichéen qui accompagnait la guerre froide amena, dans les années cinquante, au sein même des démocraties occidentales, l’avènement de la propagande politique au rang de priorité dans les systèmes défensifs nationaux.

HERRMANN Alec, L’image de la banlieue dans le roman noir français des années 1981 à 1995, Maîtrise [Annie Fourcaut, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 144 p.

Ce mémoire présente la rencontre d’une réalité urbaine, la banlieue et d’un genre littéraire bien particulier, le roman noir. C’est donc une histoire des représentations à partir de l’image de la banlieue dans le roman noir français des années 1981 à 1995 ; période particulièrement significative d’un changement dans l’histoire de la banlieue française et dans ses modes de représentations depuis une trentaine d’années.

On s’est demandé si, à une banlieue sujet, simple cadre et réalité géographiques dans les romans noirs des années 1980, on pouvait opposer dans les années 1990 une banlieue actrice affranchie d’un cadre urbain défini et autonome par rapport à une ville-centre avec laquelle la banlieue entretient des rapports de nécessaire subordination.

La recherche porte aussi bien sur les paysages de banlieue (localisations, infrastructures, habitations collectives et individuelles…) que sur les populations, les activités ou les problèmes de société que l’on rencontre dans les romans noirs dont l’action se situe en banlieue (dix-huit ont été soutenus).

S’il n’existe pas de véritable disparition du cadre urbain et si la banlieue apparaît encore et toujours subordonnée à la ville-centre, les romans noirs des années 1990 insistent plus sur la mise en place d’une société urbaine particulière où la drogue, la prostitution et la violence semblent transcender le simple cadre urbain que constitue la banlieue dans les années 1980.

La banlieue est le cadre idéal de déploiement du roman noir : triste, désolée, déstructurée, hier lieu de travail, aujourd’hui îlot de pauvreté, effrayant « no man’s land » sans lois où règnent l’indigence, la violence, le racisme, la drogue et où la sociabilité, la vie politique et associative ont pratiquement disparu.

Le roman noir est une source historique bien particulière, ardue parce que très dépendante du style même et des centres d’intérêt de ses différents auteurs existe beaucoup de différences entre des auteurs tels qu’Alain Demouzon ou Hervé Prudon par exemple et Didier Daeninckx qui ont été interviewés.

KAUFFMANN Grégoire, Jean Drault, un compagnon de Drumont dans la collaboration : 1940-1944, Maîtrise [Claire Andrieu, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 184 p.

Le nom de Jean Drault est aujourd’hui largement l’oublié. Directeur de La France au travail en 1940 et du journal de dénonciation Au pilori à partir de 1943, ce chantre de la collaboration a pourtant exercé une influence notable. Il est le fils spirituel et l’ancien compagnon d’Édouard Drumont, dont le livre La France juive (1886) constitue l’acte de naissance, en France, de l’antisémitisme moderne.

La défaite de la France fut pour Drault, âgé en 1940 de soixante-quatorze ans, une occasion de se remettre en selle et de donner à la lutte antijuive une « efficacité » autrement plus redoutable qu’au temps de La libre parole de Drumont. Surtout connu avant-guerre comme un auteur de livres à succès pour enfants, Jean Drault est considéré pendant l’Occupation comme le « doyen » du journalisme antisémite et il assure la « revanche posthume » du père de La France juive. En outre, il est le maître d’œuvre du « phénomène Drumont », qui se caractérise par toute une série d’actions (campagnes de presse, pressions auprès des autorités…) destinées à porter aux nues la mémoire du fondateur de La Libre parole.

Spécialisé dans la délation et l’appel au meurtre, Jean Drault donne sa pleine signification à l’héritage de Drumont, à une époque où les mesures préconisées par ce dernier à la fin du XIXe siècle trouvent soudain une application pratique. Engagé dans la voie d’un collaborationnisme total, Drault se veut le porte-parole d’une politique de surenchère dans le traitement de la « question juive ». Sa carrière illustre le cheminement d’une école de pensée qui devait trouver en Hitler son modèle. En contact étroit avec les services de propagande allemands, Jean Drault lie son sort à celui du Reich hitlérien. L’antisémitisme est l’élément constitutif de cette allégeance. L’itinéraire de Jean Drault entre 1940 et 1944 correspond à l’aboutissement d’une vie entièrement consacrée à la lutte antijuive.

KHAYAT Lynda, « La presse Nouvelle Hebdomadaire », magazine de la vie juive (1965-1971), Maîtrise [Danièle Tartakowsky, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 234 p.

La Presse Nouvelle Hebdomadaire, magazine de la vie juive paraît durant seize années, de mai 1965 à février 1981. Hebdomadaire jusqu’en 1968, puis bimensuelle, cet organe de presse compte 433 numéros, le plus souvent de douze pages. Notre étude porte sur la période allant du 8 mai 1965, date de sa création au 22 octobre 1971, date du changement de titre de cette publication. La Presse Nouvelle Hebdomadaire est issue du quotidien communiste de langue yiddish, Naïe Presse, créé en 1934.

Les travaux consacrés aux communistes d’origine juive, mettent l’accent à la fois sur le phénomène d’assimilation marquée s’exerce au sein du PCF et sur la non-reconnaissance de la partie juive de leur identité. L’étude de cet organe de presse spécifique appartenant au réseau extérieur du Parti communiste français vient relativiser ces affirmations. Le lectorat en majorité communiste de La Presse Nouvelle Hebdomadaire exprime à maintes reprises le besoin d’une telle publication. Ses lecteurs y cherchent des réponses à leur questionnement identitaire et des informations sur une actualité internationale les concernant plus particulièrement.

En effet, la période 1965-1971 est marquée à la fois par une aggravation du conflit israélo-arabe et par une dégradation de la situation des Juifs dans les pays socialistes, situation pouvant mettre à mal d’une part l’affirmation d’une identité juive et de l’autre un engagement communiste. Ces contradictions s’expriment dans La Presse Nouvelle Hebdomadaire. Malgré ces événements cet organe de presse perdure, car il constitue pour son lectorat bien plus qu’un journal de complément de complément ; il permet de réunir au cours de différentes initiatives un public donné et joue ici un rôle de substitut d’organisation.

LA ROCHETTE DE ROCHEGONDE Thibault, Poésie 40-44 : une revue littéraire contre Vichy, Maîtrise [Antoine Prost, Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 252 p.

Revue littéraire fondée par Pierre Seghers, Poésie 40 (puis 41, 42, etc.) a publié pendant l’Occupation des textes de nombreux écrivains, surtout de poètes, tels Aragon, Pierre Emmanuel ou Loys Mason. Bien que soumise à la censure de Vichy, elle est devenue alors — par un jeu subtil d’images et d’allusions — le foyer d’un discours très libre, opposé au régime de Pétain.

On a appelé ce jeu, cette manière de faire passer la subversion malgré la censure, la « contrebande ».

Comment cette contrebande a-t-elle pu fonctionner contre les autorités de Vichy ? Quels écrivains l’ont mise en œuvre et pourquoi y ont-ils été amenés ? Ce sont les trois questions auxquelles ce mémoire veut répondre, pour démontrer la spécificité de l’attitude des poètes, en France, pendant l’occupation allemande de 1940-1944.

LAFON Eric, Les manifestations de victoire du Front populaire en province, de mai à septembre 1936, Maîtrise [Danièle Tartakowsky, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 297 p.

Le Front populaire, au lendemain de son succès électoral (26 avril-3 mai 1936), prend la décision de célébrer sa victoire par une manifestation nationale le 14 juin. Cependant, pour des raisons de maintien de l’ordre dans la capitale, la célébration est repoussée à Paris au 14 juillet, la province étant invitée à maintenir la date initiale : la dimension nationale de la manifestation était-elle pour autant rompue ?

Sur les 813 manifestations que nous avons recensées, à partir d’une étude exhaustive de la presse de gauche (108 titres), 335 se déroulent le 14 juillet, 305 le 14 juin et 173 à une autre date. La date anniversaire de la fête nationale l’emporte donc, au détriment de celle fixée par les consignes parisiennes. Néanmoins, on constate un important effet de concurrence entre chacune de ces dates.

Il nous restait à pénétrer au cœur de ces manifestations et d’en rechercher le sens profond, d’en cerner le déroulement, après en avoir décrit l’organisation, et enfin d’y repérer les pratiques.

Il revient aux groupements politiques, syndicaux, associatifs, culturels et sportifs du Rassemblement populaire d’organiser la manifestation. Si l’esprit d’unité prévaut, des dissensions, voire des oppositions s’expriment, de la part des radicaux, dont certains demeurent hostiles aux mobilisations des partisans du Front populaire, en particulier quand les mouvements de grève persistent. D’une manifestation à l’autre, les élus, les membres des comités de Front populaire, les femmes, les jeunes, les groupements d’ouvriers et les anciens combattants sont tour à tour à l’honneur. Les démonstrations se diversifient (rassemblement, meeting, banquet), même si le cortège de rue domine, comme forme d’expression. D’une région à une autre, d’un département à un autre des spécificités sont présentes, du fait des traditions politiques, culturelles qui s’intègrent « l’identité Front populaire ». Cependant un modèle de manifestation domine, nourri des pratiques culturelles ouvrières et des symboles républicains.

On assiste alors à la réalisation d’une scénographie répétée (drapeaux, costumes des manifestants), d’une théâtralité commune (gestuelles, chants, allocutions, prestations du Serment), qui témoignent à travers tout le pays d’une identité culturelle et politique partagée et en construction. Les comptes-rendus parus dans la presse donnent à voir, en somme, l’organisation d’une même célébration qui, puisant dans le patrimoine républicain, change de nature pour devenir une procession commémorative. Proclamant sa souveraineté et sa légitimité, la manifestation de victoire du Front populaire remet en chantier cette République avec laquelle le mouvement populaire renoue afin de lui rendre son essence originelle.

LAVERGNE Sarah, La sociabilité des ouvriers de Montreuil-sous-Bois : étude monographique d’un quartier au début des années 1950, Maîtrise [Antoine Prost, Noëlle Gérôme], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 268 p.

Au début des années 1950, le sociologue Paul Henri Chombart de Lauwe réalise une enquête pour le département des recherches d’ethnologie sociale du Centre d’étude sociologique du CNRS dans certaines communes de Paris et de l’agglomération parisienne, dont Billancourt, le Petit-Clamart, Montreuil-sous-Bois. Cette enquête porte sur la vie quotidienne des familles ouvrières et se présente sous forme de dossiers organisés en rubriques (habitat, travail…).

Nous nous sommes intéressés en particulier aux 53 dossiers d’enquête réalisés auprès des ménages ouvriers de Montreuil-sous-Bois.

Les résultats de cette enquête ont été analysés par Paul Henri Chombart de Lauwe (La vie quotidienne des familles ouvrières) en 1956. Mais cette analyse privilégie l’étude des conditions matérielles des ménages (travail, habitat, consommation) et leurs conséquences psychologiques au détriment de la sociabilité, et ce, malgré l’abondance des données sur ce thème. Nous nous sommes donc proposé de mener l’étude de la sociabilité des ménages ouvriers de Montreuil, en relation avec les différents aspects de la vie quotidienne abordés, dans le questionnaire.

La première étape du travail consiste à montrer comment l’organisation de l’espace résidentiel (quartier industriel, commerçants, habitat collectif surpeuplé, mal équipé) favorise le développement d’une sociabilité importante fondée sur les commérages et les échanges de services.

Ensuite, il est apparu que l’extension des relations à la sociabilité locale était étroitement liée à la proximité du lieu de travail, à la présence des femmes et des jeunes enfants au foyer et à l’existence de réseaux d’entraide familiaux.

Enfin, l’étude des relations entre la sociabilité et l’aspiration des ménages met en évidence certaines tensions et frustrations (l’aspiration à résider en pavillon comme désir de s’abstraire du voisinage, aspiration à la mobilité sociale occasionnant des jalousies, coexistence difficile entre ouvriers algériens et ouvriers métropolitains).

LEHALLE Elsa, Le sens de la visite : les musées au service de la société et de son développement 1965-1985, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 207 p

En 1793, le musée devient res-publica, « chose publique » pour tous les citoyens français. Deux siècles plus tard, la question de cette « appartenance » ne semble pas résolue : le musée est-il un temple, réservé à une élite d’amateurs, ou peut-il s’ouvrir plus largement à tous ceux à qui il était destiné ?

L’institution, au tournant des années soixante-dix, connaît à la fois une crise de conscience et de croissance. Conscience au niveau international, que des objectifs et des moyens doivent être élaborés pour redéfinir le rôle du musée dans la société. Orateurs et fondateurs de cette « nouvelle muséologie », les pionniers américains, français, africains, exhortent les professionnels et les politiques à mesurer toutes les richesses inexploitées de la conservation des œuvres ou des objets ; comment transmettre des connaissances, diffuser un savoir à partir des œuvres du passé ? Comment associer une population à la définition de son histoire ?

Deux réponses à ces enjeux de survie des musées sont étudiées. D’une part les écomusées, dont les solutions sont construites sur une nouvelle définition : le musée-territoire, les visiteurs comme force de proposition du programme muséographique. D’autre part le mouvement international de la nouvelle muséologie qui, à partir de musées existants, repère et analyse toutes les avancées que fait ou devrait faire l’institution pour démocratiser ses actions.

La réflexion et les expériences nouvelles ont été menées principalement par des musées d’anthropologie (histoire, ethnologie) ; les musées d’art y ont été peu sensibles ; cette indifférence est due, sans doute, à la formation de leurs responsables, plus préoccupés par les œuvres que par les visiteurs.

À travers quelques expériences-clefs échelonnées sur vingt ans, nous avons souhaité présenter les causes (égalité d’accès à la culture, décentralisation, nouvelles technologies) de cette évolution et leur incidence sur la muséographie, l’accueil et la formation des publics.

LERMISSION Isabelle, L’imagerie de la Loterie nationale de 1939 à 1946, Maîtrise [Claire Andrieu, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 138 p.

La Loterie nationale a six ans en 1939 lorsque la France entre en guerre. C’est devenu une véritable institution, ses tirages sont publics et une abondante imagerie composée d’affiches, de billets entiers et du magazine Votre Chance édité par le ministère des Finances, est disponible dans tout le pays. Régulièrement renouvelée pour chaque tranche, cette imagerie fournit une image de la société française, de sa culture et de ses valeurs. Placée sous le contrôle du gouvernement, pendant la période 1939-1946, elle est l’objet d’une récupération afin de servir une propagande d’État dont le développement est intense. La Républque en guerre de 1939-1940 l’utilise pour mobiliser les Français, le régime de Vichy diffuse à travers elle l’idéologie de la Révolution Nationale. La IVe Republique, enfin, l’utilise pour réécrire l’histoire peu glorieuse de la France prônant l’occupation et pour encourager à la reconstruction.

Toutefois les régimes en font un usage différent. La IIIe République met en place une propagande ouverte, c’est-à-dire que l’image véhicule autre chose que le discours gouvernemental, la culture républicaine est libérale et abondamment représentée. Le régime autoritaire de Vichy met sur pied une propagande de type totalitaire, donc fermée à tout ce qui n’est pas sa propagande. La IVe République, enfin, laisse s’exprimer la culture libérale et républicaine, mais de manière limitée ; la propagande est ouverte, mais lourde. L’étude a permis de montrer que l’indépendance et la liberté des images émises par une entreprise commerciale soumise à l’autorité de l’État dépendent des circonstances et de la nature du régime en place.

LETOULAT Chloé, La commune de Champigny-sur-Marne et son personnel de 1912 à 1947, Maîtrise [Antoine Prost, Claude Pennetier], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 169 p.

Les communes ouvrières de la banlieue parisienne ont pour la plupart été étudiées par les historiens. Ces chercheurs se sont surtout intéressés aux différentes politiques municipales menées dans ces villes et à la politisation des populations locales. Cependant, une facette de l’histoire de ces communes laborieuses reste encore dans l’ombre. En effet, on connaît bien les maires en tant qu’élus ou dirigeants politiques, mais on continue à ignorer qu’ils sont aussi des « patrons ».

Pourtant la recherche menée sur la commune de Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne) a montré combien sont indissociables politique municipale et emploi communal. Car, entre 1912 et 1947, la marge d’autonomie des communes par rapport à l’État fut souvent étroitement liée à la nature des relations entretenues par les élus avec leurs employés. Et les agents municipaux campinois, loin d’être de simples administrateurs, ont toujours été, durant cette période, d’importants acteurs de la vie politique locale.

LEVY Céline, Les lotissements de l’entre-deux-guerres à Gif-sur-Yvette, Maîtrise [Antoine Prost, Annie Fourcaut], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 166 p.+ 38 p. d’annexes

L’essor de la banlieue parisienne fut particulièrement important, pendant l’entre-deux-guerres, essentiellement sous la forme des lotissements. Jean Bastié estime qu’en 1939, on pouvait compter 250 000 lots, concernant environ 700 000 personnes. L’augmentation de la population en région parisienne et le développement du chemin de fer sont les principaux facteurs ayant favorisé l’éloignement des classes moyennes de la capitale.

Les archives communales et départementales, conjuguées a des interviews d’anciens lotis, ont été la base d’une étude des lotissements à Gif-sur-Yvette. Commune de la vallée de Chevreuse, reliée à Paris par la ligne de Sceaux à partir de 1867, Gif-sur-Yvette est un bourg rural, où l’industrie est quasi inexistante. C’est le cadre d’une vallée verdoyante qui a su attirer une nouvelle population. Les archives administratives et l’enquête orale permettent de reconstituer comment les lotis ont aménagé leur quartier, leurs difficultés et leurs éventuelles réussites.

En effet, malgré le faible nombre de lotissements, les lotis et la mairie rencontrèrent de nombreuses difficultés. La vente de lots nus sans commodités (ni eau, ni viabilité, ni égouts, ni électricité ni gaz, n’étaient prévus) offrait la possibilité d’être facilement propriétaire. Ces modalités de vente ont d’ailleurs permis aux lotisseurs de réaliser d’avantageux bénéfices. Mais cette spéculation s’est faite au détriment des acheteurs et a conduit ces derniers à s’organiser en association. Parallèlement une sociabilité s’est naturellement développée, permettant une intégration progressive des lotis au sein du lotissement puis dans la commune. Le croisement des sources écrites et orales a permis de reconstituer l’aménagement de deux lotissements, et de saisir les liens et les activités que les lotis ont créés au quotidien.

MATTHIEUSSENT Delphine, Les Français évadés de France par l’Espagne, novembre 1942-fin 1943 : repérage des principaux jalons, Maîtrise [Antoine Prost, et Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 307 p.

La recherche s’est d’emblée heurtée à deux obstacles majeurs : d’une part, l’absence quasi totale d’études sur la question de l’évasion de France par l’Espagne pendant la Seconde Guerre mondiale, d’autre part, le caractère lacunaire et hétérogène des sources dons nous avons disposé.

Nous avons cependant pu aboutir à certaines conclusions, notamment grâce aux sources du ministère des Affaires étrangères et du Service Historique de l’Armée de Terre (SHAT), sources que nous avons, dans certains cas, confrontées aux témoignages d’anciens évadés de France par l’Espagne.

Trois séries de questions se posaient : qui étaient les évadés de France, dans quelles conditions et pourquoi sont-ils passés en Espagne ? Quelles ont été les circonstances de leur séjour forcé en Espagne ? En quoi, et dans quelle mesure, ont-ils constitué un enjeu dans les relations entre les différents belligérants du second conflit mondial ?

Au-delà de certains éléments concrets, descriptifs, que nous avons tenté d’établir — notamment le nombre de Français évadés de France par l’Espagne au cours de l’année 1943, le profil socio-démographique de ces derniers, les conditions de leur internement en Espagne et les tensions politiques et diplomatiques engendrées par leur évasion — s’est posée la question de la spécificité de cet épisode et de sa signification.

Tout l’intérêt, mais aussi la difficulté, de l’étude de l’évasion de France par l’Espagne est en effet de donner un sens à une situation qui n’est que transitoire. La complexité des motivations des Français passés clandestinement en Espagne, l’absence d’antinomie entre le désir de se mettre à l’abri et celui de continuer le combat, met en évidence la spécificité de la situation des évadés français où ils passent la frontière : à ce moment précis, leur destin est encore indéterminé, ils ne sont que des combattants en puissance.

De ce fait, il est impossible d’insérer une catégorie « évadés de France » dans les classifications traditionnelles de FFI, FFL, Résistance intérieure, Résistance extérieure…, ménagées par l’historiographie de la Seconde Guerre mondiale. Cet épisode met ainsi en lumière la difficulté et la complexité des choix individuels à l’époque ; il souligne la vanité, dans certains cas, des classifications a posteriori.

MOURET Stéphanie, L’évolution du mouvement de résistance Combat d’après ses journaux, 1940-1944, Maîtrise [Claire Andrieu, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 243 p.

Le gouvernent de Libération Française, plus connu sous le nom de son journal clandestin Combat voit le jour en novembre 1941. Il est le résultat d’une fusion opérée entre deux mouvements de résistance distincts. D’une part, le Mouvement de Libération Nationale fondé en juillet 1940 par un militaire, le capitaine Henri Frenay, d’autre part, le mouvement Liberté créé en novembre 1940 par un démocrate chrétien, professeur de droit, François de Menthon. Ces deux mouvements publient leurs propres journaux clandestins, ceux-ci étant marqués avant tout par une volonté de libérer le territoire national, une attitude pétainiste ainsi qu’une forte aversion envers l’Allemagne.

Dès la création du mouvement, les dirigeants décident de ne faire paraître qu’un seul journal qui prend le nom de Combat. Le nouveau mouvement, de par les idées et les déclarations qu’il produit dans son journal, est alors considéré comme situé politiquement à droite. En effet, les articles publiés dans le journal font preuve d’un réel attachement envers le maréchal Pétain et la Révolution Nationale.

Mais au cours de l’année 1942, la position du mouvement évolue sensiblement, puisque, à quelques mois d’écart, le journal rompt avec le maréchal Pétain et sa politique (mai 1942), et accepte de se rallier au général de Gaulle (août 1942). Au cours de cette année, l’évolution politique du mouvement est nette, et en septembre 1942, le journal publie un manifeste dans lequel il se déclare pour une « Révolution Sociale » et pour l’avènement de la IVe République après la libération du territoire. Le nouveau ton du journal est ainsi donné et, jusqu’à la Libération, il va s’avérer un formidable outil de propagande pour ramener au mouvement un plus grand nombre d’adhérents. En 1944, Combat fait partie avec Libération et Franc-tireur des grands mouvements de résistance — il appartient aux Mouvements Unis de Résistance — grâce aux nombreuses actions qu’il a menées contre l’ennemi (sabotages, collecte de renseignements…), mais aussi grâce à son journal publié en 1944 à 200 000 exemplaires chaque mois.

PERRAUDEAU Eric, La Vie Socialiste (1926-1933) : un lieu, un lien, des trajectoires, Maîtrise [Antoine Prost, Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 323 p.

L’hebdomadaire La Vie Socialiste, est le journal éponyme d’une tendance qui a rassemblé dans les années vingt et trente les cadres et militants de la SFIO qui plaidaient pour la participation des socialistes aux gouvernements de gauche conduits par les radicaux. Dénonçant l’isolement politique du Parti socialiste, ce courant réformiste — qui a parfois fait l’objet d’un traitement simpliste — fut tout autant le révélateur de l’émergence d’une culture parlementaire chez les socialistes que du repli doctrinal de la SFIO dans les années de l’entre-deux-guerres.

La Vie Socialiste, animée par Pierre Renaudet, Joseph Paul-Boncour, Alexandre Varenne et Marcel Déat, a profondément marqué la vie de la SFIO, suscitant la naissance d’autres tendances qui lui étaient opposées — comme La Bataille Socialiste — obligeant celles-ci à se positionner par rapport à ses propositions. L’essentiel des analyses et des principes de la tendance furent synthétisés par Marcel Deat en 1930 dans son ouvrage Perspectives socialistes, publié en vue d’une alliance électorale avec les radicaux aux élections lésislatives de 1932. Mais le peu d’écho rencontré alors par ces thèmes et la constitution d’un groupe structuré au sein de la tendance — les néo-socialistes — dont les idées sur la rénovation de la doctrine socialiste heurtent la majorité des socialistes, aboutissent à l’exclusion en novembre 193 de la majeure partie du courant La Vie Socialiste et à la création d’un nouveau parti : le Parti Socialiste de France-Union Jean Jaurès.

POLIAN Eric, La CGT et les Assurances sociales : 1930-1939, Maîtrise [Michel Dreyfus, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 127 p.

La loi sur les Assurances sociales a été votée le 28 avril 1930 au terme de dix années de laborieux débats. Elle instaure le premier système de protection sociale ayant réellement fonctionné en France, avec cinquante ans de retard sur l’Allemagne. Les Assurances sociales concernaient qu’une partie de la population, les ouvriers pour une écrasante majorité, et permettait, entre autres, aux syndicats de gérer des caisses d’assurance. La CGT, alors d’orientation réformiste, et premier syndicat ouvrier français à l’époque, a pleinement participé à l’élaboration de la loi, à sa mise en place et à son fonctionnement.

L’enjeu était de taille pou la Confédération. Il s’agissait en effet de promouvoir une loi sociale d’importance, d’améliorer les conditions de vie de la population, et au-delà, à travers la gestion ouvrière des caisses, de modifier la place du syndicat dans la société.

Cependant, un certain nombre d’obstacles ont existé. Outre l’opposition des autres forces — la Mutualité et le patronat — qui luttaient elles aussi pour le contrôle du système, la CGT a rencontré des difficultés à s’investir dans cette activité nouvelle, difficultés conjoncturelles, mais aussi structurelles. La Confédération n’a pas réussi regrouper plus de 5 % des assurés dans ses caisses, l’apprentissage de la gestion d’institutions complexes telles que les caisses primaires n’a pas été simple pour les militants ouvriers. La CGT a donc connu pendant ces années une mutation qui l’a préparée à gérer la Sécurité sociale.

REYMES Nicolas, Bibliothèques pillées : le pillage des bibliothèques en France par les nazis spoliations et restitutions allemandes, 1940-1953, Maîtrise [Antoine Prost, Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 349 p.

Les Allemands ont spolié en France pendant la Seconde Guerre mondiale un nombre considérable d’archives, de manuscrits et de livres. Au total, ce sont près de vingt millions de documents qui ont disparu dont beaucoup avaient une valeur culturelle importante.

Ces spoliations ne furent qu’exceptionnellement l’œuvre de pillards isolés. Au contraire, elles ont revêtu un caractère systématique et ont été organisées par des services officiels nazis. Loin d’être un conglomérat de pratiques circonstancielles, le pillage nazi dessine une pratique cohérente et organisée. Il est l’œuvre de spécialistes agissant selon des règles et des structures bien définies. De même, loin d’être une activité de l’ombre, le pillage des bibliothèques est l’expression visible et revendiquée de la mise sous tutelle nazie de la littérature, des informations et des hommes. Priorités idéologiques, les spoliations sont autant de punitions et d’humiliations contre des victimes préalablement désignées comme adversaires du nazisme. Priorité militaire et scientifique qui aboutit à une exploitation du patrimoine archivistique français. Enfin, priorité artistique, l’occupation militaire ouvrant les portes à une activité lucrative qui enrichit les collections personnelles des pilleurs ou celles des bibliothèques nazies.

Il s’agit donc de comprendre, au travers des pratiques, comment une armée d’occupation se charge de la disparition d’une telle masse d’ouvrages. Pour cela, il faut mettre à nu les organisations, suivre le sort des livres pillés, démasquer les ambitions, mais aussi évaluer les spoliations, étudier les spoliés et confronter l’occupé aux pratiques de l’occupant.

Vingt millions d’ouvrages, plus de quatre fois la quantité de livres conservés à la Biblioilièque Nationale en 1939, suffit-il à prendre la mesure du traumatisme ? Il nous a paru essentiel de ne pas isoler le pillage des bibliothèques par les nazis de l’action engagée par la France à la Libération en vue de retrouver les collections disparues.

Dans un paysage livresque rendu exsangue par les destructions et les spoliations, la question du livre volé, de sa restitution et de la réparation des préjudices imposait à la France un devoir de justice pour toutes les victimes spoliées et pour tous ceux qui étaient morts entre les mains des nazis.

Alors que les ouvrages ont été pillés par camions entiers, seule une infime partie sera rendue progressivement au terme de longues et patientes recherches.

RICHEZ Arnaud, Conflans (Charenton-le-Pont) : 1959-1971 les dernières années du Petit séminaire de Paris, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 231 p.

Le mémoire porte sur la question de la sélection des candidats à une scolarité au petit séminaire de Paris. Dans le cursus honorum des prêtres, le petit séminaire vient avant le grand séminaire qui prépare directement au sacerdoce. Il s’agit de savoir comment des prêtres chargés de former de futurs clercs choisissaient, parmi plusieurs candidats, les garçons qui suivraient une scolarité religieuse orientée vers le sacerdoce, sans pour autant que cette carrière soit la seule envisageable par les petits séminaristes.

À partir des fiches signalétiques des élèves et des candidats à Conflans, nous avons procédé à une analyse statistique de l’origine géographique et des caractéristiques socio-démographiques des garçons ainsi qu’à une analyse lexicale du vocabulaire du supérieur recruteur à partir de ses notes d’entretien portées sur la fiche. Cette présentation statistique est accompagnée d’une description de la vie quotidienne au petit séminaire de 1959 à 1971, d’une analyse des adaptations de Conflans à son environnement religieux (le Concile Vatican II) et social (Mai 68). Enfin, l’examen des dernières années du petit séminaire permet de rendre compte des hésitations des autorités religieuses quant à l’avenir de l’établissement et des projets nés de la mobilisation du personnel de l’institution.

Le petit séminaire attire deux types de populations : des garçons d’un niveau scolaire faible, issus de familles modestes dont les parents semblent, entretenir un rapport distancié à la religion catholique d’une part ; d’autre part, des garçons plutôt d’un bon niveau scolaire, issus de familles nombreuses situées dans le haut de l’échelle sociale dont les parents se présentent comme des catholiques fervents. D’où l’hypothèse que le petit séminaire attire ces familles pour des raisons différentes. On peut penser que les premières recherchent un moyen peu coûteux de promotion sociale pour leur enfant, tandis que les secondes sont davantage attirées par le caractère religieux de l’établissement.

Les documents consultés aux Archives historiques de l’archevêché de Paris montrent que le supérieur du petit séminaire n’accepte pas uniquement des enfants ayant une vocation affirmée et un désir certain de devenir prêtre. Progressivement, en raison de la crise des vocations, de I’évolution de la doctrine catholique en matière de formation des prêtres avec Vatican II, le petit séminaire s’ouvre plus largement aux enfants sans désir exprimé de vocation sacerdotale. Avec Mai 68, le petit séminaire apparaît en décalage par rapport à son environnement social. Les élèves de terminale profitent des événements pour rédiger un cahier de doléances qui critique les conditions d’enseignement et les partis pris pédagogiques.

Ces remises en cause progressive de l’identité forte du petit séminaire de Paris, comme établissement catholique de référence en matière de formation religieuse, et les critiques multiples à l’encontre de Conflans, venant aussi bien de l’intérieur de l’Église que du corps social, conduisent les évêques à penser que le petit séminaire est devenu obsolète et à décider sa fermeture en 1971.

RICHIER Emmanuel, Crises internes et dissidences dans l’Internationale situationniste, Maîtrise [Antoine Prost, Claude Pennetier], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 144 p.

Entre 1958 et 1972, l’Internationale situationniste, une avant-garde issue de mouvements artistiques et culturels, élabora une critique radicale de la société. Cette avant-garde, qui se définissait comme un groupe international de théoriciens, connut au cours de son histoire différentes orientations pratiques et théoriques. Cette évolution constante fit naître des résistances dans l’organisation, et les divergences se transformèrent le plus souvent en dissidences.

L’histoire de l’Internationale situationniste est ainsi fortement marquée par les nombreuses crises internes nées de l’affrontement des tendances. Mais cette succession de démissions et d’exclusions était elle inéluctable ? Pour le comprendre, il est important de connaître les bases théoriques qui ont fondé éventuellement les discordes et de définir le projet de l’organisation. En effet, dès les premières années de l’organisation, une tendance, groupée autour du situationniste Guy Debord veut orienter l’Internationale situationniste vers l’élaboration de la théorie la plus extrémiste du moment. L’influence, entre autres, des écrits du jeune Marx et de l’anarchiste Bakounine éloigne progressivement l’Internationale situationniste de la critique de l’art et de la culture et la rapproche de la critique sociale des groupes d’ultra-gauche.

Toutefois, la recherche d’une cohérence théorique n’est pas la seule cause de rupture. Refusant toute hiérarchie, le groupe n’admet pas en son sein les inactifs ; les contemplatifs sont donc exclus. Cette situation, dans ses dernières années d’existence, accéléra l’état de crise quasi permanent que connaissait l’International situationniste depuis ses débuts. Ce fut sa dernière crise ; incapable de trouver une nouvelle orientation, l’organisation estima être arrivée à la fin de la réalisation de son projet et choisit alors de se dissoudre.

ROBERT Emmanuelle, Le réseau Marco du SR Kleber : décembre 1943-septembre 1944, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 183 p.

Le réseau Marco du SR Kléber est un réseau de résistance créé au mois de décembre 1943 dans le but de lutter contre l’Allemagne et ses troupes d’occupation, mais également contre son redoutable système nazi. Le réseau Marco se caractérise entre autres par son rattachement aux services secrets traditionnels français du colonel Rivet. Il est un réseau de petite taille spécialisé dans le renseignement militaire.

Dirigé par le capitaine de réserve Guy de Saint Hilaire, alias Marco ou Joyeux, le réseau Marco résiste et combat l’ennemi jusqu’à la Libération de Paris, en août 1944. Cette efficacité est permise par une bonne organisation d’ensemble et grâce à des éléments professionnels dont bénéficie le réseau. Un recrutement de qualité est possible grâce aux relations personnelles et professionnelles de M. de Saint-Hilaire. D’autre part, la direction Kléber n’est composée que d’éléments professionnels spécialisés dans le renseignement. Enfin, sa création tardive est à l’origine d’un rassemblement divers éléments coupés de leur ancienne organisation et ayant déjà une bonne expérience de la vie clandestine ainsi que du travail de renseignement. Sa zone d’action s’étend sur la moitié Nord de la France, limitée au Sud par la ligne Nantes-Besançon. Son champ d’action est vaste et comprend la zone susceptible de recevoir le débarquement. Les missions de renseignements sont donc nombreuses et le réseau Marco participe ainsi activement à la libération du pays, transmettant tous ses renseignements aux forces pour lesquelles il travaille, d’abord à Alger puis à Londres. L’étude du réseau Marco est un témoignage sur une des formes d’action de la Resistance française pendant la Seconde Guerre mondiale.

ROLAND Patrick, L’image de la banlieue dans le quotidien Libération de 1981 à 1991, Maîtrise [Antoine Prost, Annie Fourcaut], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 240 p.

Les « événements » qui ont lieu dans certains quartiers durant les années quatre-vingt ont fait de la banlieue un véritable thème de société. Les fameux « rodéos » de l’été 1981 dans la banlieue lyonnaise, qui dégénèrent en affrontements avec la police, sont largement répercutés par les médias et le thème de la banlieue devient un objet public de discussions et de préoccupations politiques. C’est cette année-là que le « problème » des banlieues a fait irruption sur la scène médiatique. L’année 1991, quant à elle, marque un tournant décisif dans l’histoire de la banlieue avec notamment la mise en place du premier ministère de la Ville et une relance significative de la politique urbaine qui fait suite aux événements de Vaulx-en-Velin en octobre 1990. Comme l’ensemble des médias entre 1981 et 1991, le quotidien Libération a abondamment commenté ce que beaucoup ont appelé « le malaise des banlieues ».

Pour définir l’image de la banlieue donnée par Libération, l’ensemble des numéros du Journal a été dépouillé soit, 3 344 exemplaires de 1981 à 1991, pour retenir la totalité des articles évoquant la banlieue.

Dans un premier temps, l’étude a consisté en une analyse quantitative du contenu, et ce, à quatre niveaux : la fréquence et le type d’articles sur la banlieue, la représentation spatiale de la banlieue selon le journal, une analyse lexicologique et enfin une analyse du corpus photographique.

Révélatrice du traitement qui a été fait du thème de la banlieue dans Libération, l’analyse quantitative a permis, articuler la suite de l’étude en dégageant les grandes thématiques développées par le journal. La délinquance et la violence constituent les thématiques principales du journal lorsque celui-ci évoque la banlieue. D’autres grands thèmes sont également récurrents : l’immigration et plus précisément le racisme ambiant et les difficultés d’intégration, la banlieue « ghetto », et enfin la politique en banlieue avec la multitude des dispositifs mis en place entre 1981 et 1991.

RUSTICONI Laëtitia, L’évolution de la publicité Renault : analyse comparée de l’histoire de deux lancements publicitaires 4CV Renault (1946-1961) et Renault 5 (1972-1984), Maîtrise [Antoine Prost, Noëlle Gérôme], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 166 p. et 118 p.

À la Libération, l’ancienne société de construction automobile « Renault Frères » fondée en 1898, renaît en 1945 sous la forme d’une Régie Nationale des Usines Renault, et engage dès lors le combat de la croissance avec le lancement d’un petit véhicule révolutionnaire : la 4 CV. Après le silence provisoire de la Seconde Guerre mondiale, la France entre ainsi dans l’ère de la consommation. L’apparition de l’automobile, un des moteurs de la croissance, modifie entièrement le mode de vie des Français.

Cette étude se propose d’analyser l’évolution de l’image de l’automobile au travers de la publicité Renault. Ainsi, le choix s’est porté sur deux repères déterminants de la vie de l’entreprise depuis 1945, des modèles de véhicules similaires qui ont marqué leur génération par leur nouveauté, leur succès commercial et leur succès publicitaire. Tout d’abord, la 4 CV, entre 1945 et 1961, sur laquelle s’appuie la Régie pour relancer sa production et rénover son image de marque ; puis la Renault 5, entre 1972 et 1984, qui ajoute aux précédentes exigences commerciales l’insolence et la différence d’une voiture personnifiée.

En suivant le cycle de la vie de la 4 CV et de la Renault 5, l’étude se propose de suivre l’évolution de la société française au travers des critères sociaux, du langage et des images utilisés dans les publicités pour les deux véhicules.

Après avoir rappelé, dans une partie introductive, la position de Renault vis-à-vis des autres constructeurs et sa place dans le monde de la publicité, l’analyse souligne l’intérêt d’une étude de la publicité automobile. La publicité permet d’étudier l’imaginaire des classes sociales, et une grille d’analyse des annonces a été établie afin de cerner les images dominantes. Les annonces proposent des modèles d’usage de l’automobile et mettent en scène des usagers différents selon l’époque et le type de véhicule. C’est pour cela que l’étude porte sur l’analyse du langage publicitaire des représentations de la conduite et de l’automobiliste.

Une première partie de l’étude est consacrée à l’analyse de la publicité faite par l’entreprise au travers des trois périodes du cycle de la vie de la 4 CV : la « naissance », la « maturité » et la « mort », afin de comprendre l’évolution des argumentaires publicitaires et de l’imagerie utilisée, ainsi que l’évolution du service et des techniques publicitaires.

Dans une seconde partie, l’étude s’attache à une description de l’accord entre Renault et l’agence de publicité Publicis, illustrant le passage de la réclame à la publicité.

Enfin, une troisième partie analyse les annonces concernant la Renault 5 sur le modèle de la première partie, de manière comparative avec la 4 CV, afin de tenter de voir des similitudes quant à l’imagerie et aux argumentaires utilisés pour les deux véhicules à deux périodes différentes.

Avec la volonté de construire une nouvelle voiture, la 4 CV, pour une société nouvelle, Renault se donne une « mission nationale » celle de remettre les Français sur quatre roues. En confectionnant une véritable image de marque, dont la Renault 5 est un symbole manifeste, la Régie participe à la renaissance d’une industrie moderne avec une nouvelle forme de publicité quasi « révolutionnaire ».

TALBOT Baptiste, L’émergence du syndicalisme révolutionnaire dans la chapellerie parisienne (1871-1903), Maîtrise [Antoine Prost-Danièle Tartakowsky], Paris 1, 1996, 150 p.

Cette étude s’attache en trois temps, à restituer l’évolution du syndicalisme ouvrier dans la chapellerie parisienne durant le dernier tiers du XIXe siècle. Pour des raisons de sources, elle est centrée sur la plus ancienne et la plus importante des organisations syndicales chapelières parisiennes.

Durant la période 1987-1903, l’industrie parisienne du chapeau connaît de profondes transformations liées principalement à la mécanisation. Ces mutations se traduisent sur le plan syndical par la multiplication à partir de 1887 d’organisations rivales aux effectifs réduits. Cette crise n’est surmontée qu’au début des années 1900 quand le « vieux syndicat » parvient à rallier les nouvelles catégories de la profession. Le mouvement des grèves évolue en fonction de cette double mutation économique et syndicale. Avant 1887, il connaît une montée en puissance. La grève est alors autant offensive que défensive. La crise de 1887 brise cet élan : les rares grèves survenant dans les années 1890 sont pour la plupart défensives. Au début des années 1900, du fait de l’amélioration de la conjoncture, le mouvement des grèves reprend de l’ampleur et s’affirme comme offensif.

L’action du principal syndicat chapelier parisien ne se limite pas aux questions corporatives. Essentiellement par le biais de ses militants, il intervient également dans les luttes pour la transformation globale de la société. Révolutionnaires, les militants chapeliers parisiens voient dans la propriété collective des moyens de production la réponse à la question ouvrière. Ils rallient d’abord le parti possibiliste : le bulletin de vote est à leurs yeux l’instrument du renversement du capitalisme. La scission que connaît le parti en 1890 les voit rejoindre les partisans de Jean Allemane. Leur participation aux activités du POSR les amène à considérer que la transformation globale doit se faire par la grève générale. Cette conception syndicaliste de la révolution les conduit enfin à intégrer la CGT en 1901. Le cas de la chapellerie parisienne se révèle particulièrement éclairant sur la fonction de forme transitoire assurée par le parti allemaniste pour une partie du mouvement syndical français, entre une conception politique et une conception syndicale de la révolution sociale.

Jusqu’au début des années 1890, les chapeliers parisiens considèrent luttes immédiates et luttes globales comme indépendantes les unes des autres voire comme antinomiques. Le développement d’une vision syndicaliste de la révolution les conduit finalement à les voir comme complémentaires. À son niveau, le syndicat des chapeliers parisiens réalise ainsi la synthèse syndicaliste révolutionnaire.

TROISSANT Marie, Le Club des Jacobins de 1958 à 1965, Maîtrise [Claire Andrieu, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 129 p.

L’histoire du club des Jacobins s’inscrit dans l’histoire politique contemporaine ; difficile à retracer, elle permet cependant de percevoir la réalité politique de l’époque en dehors des partis.

Le club des Jacobins est créé en 1951 par de jeunes radicaux dont Charles Hernu, qui en devient le président. La période de 1958 à 1965 marque une étape importante dans la vie du club. Inscrit dans la vie politique, l’évolution du club est liée aux changements des institutions. Le choix d’un plan chronologique s’impose alors. En effet, trois grandes périodes se dégagent.

De 1958 à 1959, le club est encore d’obédience radicale et montre une volonté de rénover la gauche à partir de son parti d’origine. L’échec de cette rénovation et le départ du parti radical aboutissent à une période « d’errance » politique pendant laquelle le club des Jacobins participe à de nombreuses expériences de rassemblement de la gauche non-communiste. Enfin de 1963 à 1965, c’est une période décisive pour les Jacobins qui en s’engageant aux côtés de François Mitterrand dans l’aventure présidentielle, scellent leur destin à ce dernier.

Le club des Jacobins se caractérise par une forte volonté d’engagement politique et par la personnalité de son dirigeant qui semble avoir marqué les membres du club.

WERBA Séverine, L’image de la famille juive d’après 1945, dans le cinéma français de 1967 à nos jours, Maîtrise [Claire Andrieu, Danièle Tartakowsky, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 235 p.

1967 est l’année de la guerre des Six Jours en Israël, elle est aussi celle du réveil identitaire des Juifs en diaspora. Après une longue absence des écrans de cinéma, les Juifs sont à nouveau représentés. Mais leur image est totalement nouvelle, elle n’a rien de commun avec celle des années trente dont les stéréotypes étaient réducteurs au plus haut point et souvent antisémites.

Comment est aujourd’hui cette image qui demeure encore taboue pour des raisons historiques évidentes, et qui ne fut pendant des siècles que négative ?

En choisissant dix fictions contemporaines suffisamment différentes, il est intéressant d’observer des représentations redondantes qui ne sont ni plus ni moins que des stéréotypes. Le but de cette étude est de les révéler en mettant en exergue leurs racines parfois anciennes.

De nombreux clichés (d’ordre social, culturel et professionnel), concernant les juifs, continuent à être véhiculés même s’il ne s’agit plus toujours de clichés négatifs. De nouveaux stéréotypes sont créés, fruits de nouveaux repères identitaires, citons, par exemple, la différenciation entre les séfarades et les ashkénazes. En effet, les familles juives représentées dans le cinéma de notre période ne sont pas issues des générations d’israélites assimilés.

La notion d’étranger, ou d’errance est donc très forte. La famille est le dernier « cordon judaïcal » dans un pays où la culture juive est minoritaire. Comment s’établissent les liens avec l’extérieur ? Quels sont les regards portés ? Enfin quels sont les codes internes et la place des membres de la famille ?

En observant qu’il est encore bien difficile de représenter les juifs, que les images, après avoir été négatives, deviennent inévitablement positives, on doit se demander si le dernier folklore du cinéma français est intégré à la culture française.

1995

ARNAUD Patrice, La Délégation officielle française auprès de la Deutsche Arbeitsfront (1943-1945), Maîtrise [Claire Andrieu, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1995, 334 p.

La Délégation officielle française (DOF) auprès de la deutsche Arbeitsfront est une administration de composition largement française créée au sein du front allemand du travail après l’accord de mai 1943 entre Gaston Bruneton, commissaire général à la main-d’œuvre française en Allemagne, et le Reichsleiter Mende. Ce mémoire nous a permis de mettre en relief l’existence dans le me Reich d’un système d’assistance aux travailleurs étrangers, fondé sur l’idéologie nazie d’une hiérarchie entre les races, ainsi que le fonctionnement interne de la polycratie nazie, dont deux caractéristiques sont la compartimentation verticale entre différents services se disputant des prérogatives similaires et une forte autonomie régionale qui engendre un remarquable décalage entre le centre et la périphérie. La DOF, intriquée dans l’administration nazie, puisque ses membres avaient statut de membres associés à la fonction publique, a ainsi copié les dysfonctionnements de ce système, permettant aux services allemands de jouer le rôle de régulateurs des conflits internes à la délégation.

En outre, à partir du congrès de Dresde d’avril 1944, la DOF dut se plier aux demandes des Allemands qui exigèrent son engagement explicite aux côtés du IIIe Reich en guerre. Ce processus de radicalisation progressive se conclut, pour une partie des membres de la DOF qui ne refusèrent pas cette dérive, dans l’acceptation de la cobelligérance à travers le rapprochement avec le comité de libération de Doriot le 20 février 1945. L’importance numérique de la DOF (11 000 délégués, 900 membres) nous a cependant conduits à nuancer l’idée d’une ligne politique unique des membres des services Bruneton et donc à distinguer les diverses réactions des acteurs, suivant les régions et le temps, en utilisant des exemples individuels comme autant de bornes entre lesquelles pouvait exister un continuum de toutes les attitudes possibles.

BITSUTSU GEILESSEN Fabrice, Histoire de la législation internationale du travail : l’action du Bureau International du Travail de 1919 à 1939, Maîtrise [Antoine Prost, Lucette Le Van-Lemesle], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1995, 197 p.

Au début du XIXe siècle, les conditions de travail et de vie des ouvriers interpellent la conscience des premiers philanthropes. Ces derniers pour améliorer le sort du prolétariat revendiquent des lois qui mettent fin aux abus dont celui-ci fait l’objet.

Les organisations ouvrières installées en Syndicats prennent le relais et aboutissent dans leurs efforts à la création de l’OIT. Le rôle de l’OIT est de mettre en place par l’action du BIT la législation internationale du travail.

Tout ce processus historique se déroule dans un contexte social marqué par l’introduction de la rationalisation dans les usines et par la crise de 1929 et dans un contexte politique lié à la fin de la Première Guerre mondiale et à la montée des fascismes.

CAVAUD Isabelle, Étude des comités d’entreprise de la société d’imprimerie rue du Louvre de 1946 à 1968, Maîtrise [Antoine Prost, Noëlle Gérôme], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1995, 160 p.

Par l’ordonnance du 22 février 1945, complétée par la loi Gazier-Croizat du 16 mai 1946, le gouvernement provisoire de la République française institue, à la Libération, les comités d’entreprise qui vont profondément modifier le système des relations sociales dans le monde du travail, en associant les travailleurs à la Direction de l’économie et à la gestion des entreprises. Nous avons tenté de montrer, à travers l’étude du comité d’entreprise de la société d’imprimerie rue du Louvre, la manière dont les travailleurs ont été effectivement associés à la Direction et à la gestion de l’entreprise de 1946 à 1968. Nous avons constaté que cette association des travailleurs à la vie de leur entreprise engendra de nombreux problèmes politiques et sociaux. En effet, durant toute la période, le comité d’entreprise semble avoir dû continuellement faire face à la fois à une direction plus ou moins coopérante et à des organisations syndicales fortement revendicatives. Pourtant, les comités d’entreprise successifs ont réellement mené une politique cohérente dans le domaine social en gérant un certain nombre de réalisations qui, aujourd’hui, nous paraissent irremplaçables.

CHRISTIEN Lionel, L’éclatement du scoutisme catholique en France : 1964-1971, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1995

Le scoutisme catholique en France est à l’apogée de son histoire à l’aube des années 60. C’est le moment que choisissent ses dirigeants pour lui donner un nouveau visage, parallèlement à l’aggiornamento entrepris par l’Église avec le Concile Vatican II. Des réformes pédagogiques sont le signe extérieur de ces transformations. Elles recouvrent en réalité un bouleversement plus profond dont il faut rechercher les racines dès l’époque de la Libération et qu’il faut mettre en parallèle avec le passage « à gauche » d’une partie du catholicisme français alors que la guerre d’Algérie bat son plein.

Cette évolution, loin de faire l’unanimité, provoque une crise à l’intérieur du mouvement. À partir de 1965 se lèvent de nombreuses oppositions, internes et externes, qui vont tenter de contrer ce qu’elles analysent comme une dénaturation et une trahison de l’œuvre inventée par Baden-Powell. Ces différentes réactions vont conduire à la création de mouvements dissidents dans le scoutisme. L’unité du scoutisme catholique français, réalisée en 1920, a vécu. L’étude de ces actions de résistance est décrite à partir de très nombreux témoignages qui ont été recueillis pour la première fois.

L’analyse des motivations, mobiles et enjeux des tendances antagonistes qui divisent le scoutisme révèlent quelques surprises. Les oppositions, si elles recoupent globalement la division traditionnelle du champ des affrontements politiques dans la société française, ne peuvent, cependant, être analysées comme une réaction analogue à l’intégrisme catholique qui se fait jour dans le même temps. La question est plus complexe et renvoie à la permanence de modèles éducatifs traditionnels dans un contexte de profonds bouleversements de la société française, alors que s’annoncent les événements de Mai 68.

COURTAUX Élisa, Les clubs politiques et Mai 68, Maîtrise [Claire Andrieu, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1995

L’objectif de départ de ce travail était de comprendre comment les clubs politiques avaient vécu les événements de mai et juin 1968. En effet, beaucoup d’études consacrées aux clubs, des mémoires de maîtrise récents notamment, s’arrêtaient justement en 1968, tout en précisant que cette date semblait marquer une rupture. Il s’agissait alors d’étudier les réactions de chacun des clubs à ces événements pour en mettre en lumière la multiplicité. Nous avons ainsi considéré les différentes sortes de clubs : les sociétés de pensée, pures ou engagées, que l’on a appelées « déchirées », car elles hésitent entre action et réflexion, les clubs plus nettement politiques de la gauche non communiste et ceux de la majorité. Il est tout de suite apparu que l’année 68 seule ne suffisait pas à comprendre les évolutions des clubs et qu’il était très intéressant de continuer jusqu’en juillet 1969, date de création du Nouveau Parti Socialiste, en se penchant aussi sur les bouleversements de la vie politique provoqués par les événements de Mai (référendum d’avril, départ du Général de Gaulle, présidentielles anticipées en juin).

Nos recherches nous ont permis de comprendre les réactions et les évolutions des différentes sortes de clubs au vu de la situation politique et du positionnement spécifique à chacun d’eux. Ainsi, les clubs politiques qui s’étaient engagés dans la reconstruction d’un nouveau parti socialiste se sont plus ou moins « fondus » dans le nouvel organisme. Les sociétés de pensée « déchirées », comme le club Jean Moulin, n’ont pas réussi à se replacer dans le paysage politique de la gauche, à côté d’un parti réorganisé, et ont subi aussi le contrecoup de leur échec à prévoir et à récupérer les événements de Mai. Les sociétés de pensée, restées hors du circuit politique, ont survécu en redéfinissant leur rôle propre. Enfin, la majorité a de son côté commencé à utiliser, pour son propre compte, le « système club ».

CUCHET Guillaume, La spiritualité conjugale et familiale à la lumière de l’Anneau d’or (1945-1967), Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1995

La spiritualité conjugale et familiale catholique est un chapitre de l’histoire des mentalités religieuses qui s’ouvre dans l’entre-deux-guerres. Il trouve sa consécration dans les colonnes de L’Anneau d’or, de la date de sa création par l’abbé Caffarel en 1945 à celle de sa disparition, au lendemain de Vatican II, en 1967. Nous avons cherché à comprendre les raisons et les modalités de l’émergence de ce discours d’un genre nouveau, concernant le couple, la famille et l’amour humain. Pour ce faire, nous avons élargi notre champ de recherche à l’entre-deux-guerres.

L’histoire de cette nouvelle spiritualité recoupe largement celle d’une génération de catholiques audacieux, mariés dans les années trente, formés dans les mouvements de jeunesse (scoutisme ou Action catholique) et soucieux, dans le cadre conjugal, de poursuivre une vie spirituelle profonde. Or, dans les années vingt encore, rien n’est moins évident. Le mariage chrétien est certes un sacrement, mais il n’est encore justifié, de près ou de loin, que par la procréation et l’éducation. Cette « génération graciée » ne saurait plus se contenter d’une telle infrastructure idéologique. Elle revendique beaucoup plus qu’une simple chance de faire son salut ici-bas : elle cherche une sainteté du mariage, dans et par le mariage.

Pour étayer ses justes prétentions, elle s’efforce de montrer que l’union d’un homme et d’une femme, sanctifiée par le sacrement du mariage, est l’image fidèle de l’union du Christ et de son Église. Elle légitime ainsi l’existence d’une véritable mystique conjugale, très éloignée des considérations moralisantes et sociologiques qui constituaient, jusque-là, le plus clair du discours de l’Église sur la famille. En outre, elle propose une alternative à la sainteté de type monastique.

Cette histoire de la théorie du mariage chrétien a son importance — elle est même décisive — mais on apprécierait mal la rupture qu’elle représente si on ne l’analysait pas au regard d’une histoire sociale, celle de l’émergence du couple au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. La génération — Anneau d’or — s’est mariée plus librement que celle de ses parents : elle célèbre le triomphe du mariage d’inclination sur celui de présentation en milieux aisés. Aussi a-t-elle été tout naturellement portée à faire de son amour quelque chose d’essentiel, une image de l’amour divin. Le centre de gravité du mariage chrétien s’est déplacé de la famille au couple lui-même. De ce déplacement découle toute une série de conséquences quant à la sexualité, l’éducation des enfants, les relations entre époux, etc.

Plus que de rupture dans la théorie du mariage chrétien, sans doute est-il plus juste de parler de transformation. L’abbé Caffarel et ses disciples, relayés par les équipes Notre-Dame, ont procédé à une réorganisation du discours. L’essentiel, c’est désormais la « mystique conjugale ». Les développements théologiques, moraux et sociologiques doivent être subordonnés à ce principe qui leur donne sens. Seul cet équilibre théorique est à même de déboucher sur un véritable équilibre pratique, c’est-à-dire un « vrai mariage chrétien ». Si L’Anneau d’or disparaît au lendemain de Vatican II, c’est aussi parce qu’en vingt ans la société française a beaucoup changé et qu’aux yeux de l’abbé Caffarel, le dialogue de ces deux équilibres est sérieusement compromis.

DU ROY Ivan, Les syndicats policiers et le maintien de l’ordre (1968-1973), Maîtrise [Antoine Prost, Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1995

L’une des tâches des fonctionnaires de police est de maintenir l’ordre. Depuis 1946, les policiers ont officiellement le droit de se syndiquer. Comment cohabitent ces deux esprits, représentant de l’ordre et syndicaliste ? Le climat social qui marque l’année 1968 révèle cet aspect paradoxal. De Mai 1968 à 1973, les policiers sont très sollicités dans leurs missions de maintien de l’ordre. Que ce soit lors des grandes manifestations syndicales ouvrières, face aux barricades étudiantes, ou confrontés aux commandos antifascistes gauchistes, le devoir des fonctionnaires de police est d’être présents dans la rue, pour maintenir, voire rétablir, l’ordre public. Le devoir du syndicaliste policier est tout autre. Il doit veiller aux intérêts matériels et moraux de sa profession et être vigilant sur l’utilisation politique de la police par le gouvernement.

Durant cette période, les publications syndicales policières nous éclairent sur leur vision des manifestants et des mouvements sociaux et sur leur conception du maintien de l’ordre. Les critiques de l’époque sur l’utilisation de la police font apparaître un malaise au sein du corps policier. Ce malaise est un des révélateurs du paradoxe du syndicalisme policier.

Cette situation met en évidence les deux orientations syndicales et politiques qui s’affrontent dans la police. La première, représentée par la Fédération autonome des syndicats de police (FASP), majoritaire, conçoit la police comme un service public, au service de l’ensemble des citoyens et ayant les mêmes intérêts. La seconde, partagée par les syndicats catégoriels, minoritaires, considère que le policier doit servir le régime en place, quel qu’il soit, et ne se soucier que des préoccupations matérielles et morales de celui-ci.

DUPONT Laurence, Les sociétés de secours mutuels à la CGO et à la STCRP des origines à 1945 : les œuvres sociales mutualistes, Maîtrise [Noëlle Gérôme, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1995, 148 p. + annexes

L’étude réalisée dans le cadre de cette maîtrise d’histoire sociale porte sur le développement du Mutualisme dans les transports en commun du réseau de surface de la région parisienne, des origines de ce mouvement, à la fin du XIXe siècle, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. En effet, c’est dans la dernière décennie du siècle précédent que les sociétés de secours mutuels ont vu le jour et ont pu se développer. Au sein du réseau de surface, l’étude porte particulièrement sur les sociétés de secours mutuels de la Compagnie Générale des Omnibus et de la Société des Transports en Commun de la région parisienne. Toutefois, lorsque cela a été possible, nous avons observé d’autres compagnies et d’autres mutuelles.

Dans une première partie, qui regroupe les quatre premiers chapitres, nous avons retracé l’histoire et l’évolution des sociétés de secours mutuels. Nous avons cherché à expliquer comment sont apparues les mutuelles dans les dépôts de la CMGO. À travers la politique sociale de l’entreprise et le contexte politique, nous avons essayé de comprendre quelle situation particulière s’était créée pour permettre aux sociétés mutualistes de voir le jour. À travers l’exemple d’une société de secours mutuels, la « Mutuelle de la Section E de la Compagnie Générale des Omnibus », nous avons pu percevoir la vie quotidienne des militants au sein des sociétés. Au regard de leurs actions, de leurs engagements, des idéaux qui les animent, il devient possible de comprendre les motivations de chacun. Mais la réalisation de ces objectifs n’a pas été facile. Face aux problèmes majeurs, aux crises et aux menaces, les mutualistes ont su réagir, en unissant leurs efforts et leurs volontés.

Dans le deuxième chapitre, l’étude a été davantage centrée sur une seule mutuelle : « La Fraternelle des Transports en Commun de la région parisienne ». Elle a surtout porté sur les conditions de sa constitution et sur les raisons qui ont poussé des sociétés de secours mutuels à fusionner pour former une société unique. De plus, l’histoire de cette mutuelle s’écrit en parallèle avec l’histoire de la IIIe République dans les années 1920-1930. En effet, cette histoire particulière s’inscrit dans un débat beaucoup plus vaste qui se déroule au plan national : le débat sur les Assurances Sociales.

Le chapitre III remonte un peu dans le temps, car il retrace l’histoire d’une société de secours mutuels de 1910 à 1936, de sa naissance à sa fusion avec la Fraternelle. Il s’agit de « La Bienfaisante des Contrôleurs ». Son évolution est intéressante, car il s’agit d’une mutuelle regroupant une catégorie de personnel-élitiste. Ses prestations et ses buts sont donc bien différents de sa consœur « La Fraternelle ». Le chapitre suivant montre l’évolution et le fonctionnement de la nouvelle grande mutuelle créée : « La Fraternelle M Bienfaisante des TCRP ». Sa durée de vie a été courte puisqu’elle n’a fonctionné que huit ans, mais elle marque une étape très importante pour la mutualité dans les transports.

Les deux derniers chapitres pourraient constituer à eux seuls une seconde partie. Consacrés aux œuvres sociales mutualistes, ces chapitres montrent l’importance humaine du mouvement et le rôle de soutien des sociétés de secours mutuels. Les œuvres sociales sont, à juste titre, nous semble-t-il, la fierté des mutualistes. Elles symbolisent les valeurs fondamentales de la mutualité : entraide, solidarité, soutien. Que ce soient les maisons de retraite ou surtout l’orphelinat, les œuvres sociales sont les réalisations qui montrent le mieux quel rôle peut jouer la mutualité dans certaines circonstances de la vie. Ces réalisations sont exemplaires et servent aujourd’hui encore de base de réflexion sur les solutions à apporter, notamment aux difficultés rencontrées par les personnes âgées.

FERREIRA Thierry, Vive la révolution : étude d’un mouvement maoïste français, Maîtrise [Antoine Prost, Lucette Le Van-Lemesle], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1995

Un groupe d’anciens militants de l’Union des jeunesses communistes marxistes-léninistes, avec à leur tête Roland Castro, déçu de l’attitude de leur ancienne organisation pendant les événements de Mai, décide de se réunir dans une organisation maoïste révolutionnaire, Vive la révolution.

L’évolution de ce groupe s’avère particulièrement originale. En effet, par sa volonté de retrouver l’esprit de Mai, Vive la révolution va progressivement délaisser les grandes certitudes historiques, rompre avec les thèmes hérités du passé et de l’étranger. Vive la révolution cherche alors à construire son propre discours.

Ainsi, délaissant le thème de la lutte des classes, des militants ouvrent des brèches dans le front principal qui avait été celui des usines. Vive la révolution encourage, ainsi, l’expression autonome de chaque fraction du peuple et la fusion des révoltes afin de « changer la vie ». On voit dès lors se développer, dans la mouvance de Vive la révolution, des groupes de luttes pour la libération des femmes, pour la libération des homosexuels, pour la libération des jeunes.

Le corps apparaît comme le lieu de l’oppression, le désir devient le moteur de la lutte.

Vive la révolution devient le chaînon manquant entre les gauchistes et une France rebelle, moins politisée.

Toutefois, très vite, la situation n’est plus gérable pour Vive la révolution à partir du moment où deux analyses s’affrontent. On constate, en effet, une incompréhension entre ceux qui prônent la révolte du désir contre l’oppression, et ceux qui pensent que la révolution ne partira que de la révolte ouvrière contre l’exploitation.

En avril 1971, Roland Castro conscient des contradictions que traverse son mouvement, et conscient de sa perte de contrôle sur les mouvements autonomes, décide, finalement, la dissolution de Vive la révolution.

GOZARD Hélène, Les boulangeries à Paris pendant l’occupation, Maîtrise [Antoine Prost, Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1995, 238 p.

Traiter les boulangeries à Paris pendant l’occupation, c’est avant tout étudier l’approvisionnement en pain de la population parisienne.

Durant les années noires, le pain sert à équilibrer la ration alimentaire et sert également de denrée de remplacement en cas d’insuffisance des autres aliments rationnés. Aussi le gouvernement s’attache à donner coûte que coûte du pain à tous. L’ensemble de la filière du pain est contrôlé, chaque français est concerné.

Une politique du pain se met effectivement en place : mesures visant à produire en quantité suffisante le blé, mesures de répartition et de distribution de la farine et des combustibles dans les boulangeries, réglementation de la fabrication et de la distribution du pain et autres produits de la boulangerie. Les boulangeries, au cœur de la politique du pain, sont soumises à des règles strictes quant à leurs conditions de création, d’extension ou de réouverture. Dans le cadre de l’élimination de l’influence juive dans l’économie nationale, les boulangeries israélites sont aryanisées.

En dépit de toutes les mesures prises, la politique du pain ne se révèle pas conforme à ce qu’on pouvait en attendre. Certes, jusqu’en juin 1944, les Parisiens ne manquent pas de pain. C’est peut-être parce qu’ils ont recours au marché parallèle et à ses trafics. Mais pendant les dernières semaines de l’occupation, le ravitaillement des boulangeries n’est plus assuré convenablement, malgré un plan de détresse pensé dès 1943 ; la paix sociale est en danger. La farine et le bois manquent, les queues s’allongent aux portes des boulangeries qui ne peuvent plus fournir du pain à tous.

Ce mémoire a tenté de montrer l’occupation sous son aspect le plus quotidien : quatre années à la recherche du pain et de la préservation de la vie.

HOIBIAN Guillaume, Le patronage Saint-Pierre-Saint-Paul d’Ivry-sur-Seine et l’Œuvre de la jeunesse de Charenton (1918-1939) : étude comparative de deux organisations de jeunesse catholique de la banlieue parisienne, Maîtrise [Claire Andrieu, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1995, 230 p.

Les paroisses catholiques Saint-Pierre de Charenton et Saint-Pierre-Saint-Paul d’Ivry-sur-Seine ont, dès la fin du XIXe siècle, mis en place des œuvres de jeunesse qui se développeront durant tout l’entre-deux-guerres. Celles-ci seront parmi les plus importantes organisations de jeunesse des deux communes. L’étude comparative du patronage de la paroisse d’Ivry-Centre et de l’Œuvre de Jeunesse de Charenton a permis de mettre à jour la spécificité de l’apostolat auprès de la jeunesse d’une commune ouvrière et celui s’adressant à des jeunes d’une commune dominée par la petite bourgeoisie.

L’influence du milieu sous les formes d’organisation, les buts et les activités, est réelle. À Charenton, la majorité des membres de l’OJC ont plus de quatorze ans. Ce sont principalement des jeunes scolarisés. Le poids des adultes (« Le Cercle des Anciens ») est tout aussi déterminant et révélateur d’une paroisse où la vie religieuse est peu affectée par la déchristianisation grandissante des milieux ouvriers. À l’inverse, à Ivry, les difficultés rencontrées pour retenir les jeunes apprentis et ouvriers font que le patronage reste une organisation regroupant pour l’essentiel des enfants de 7 à 14 ans. Rares sont les plus âgés continuant à suivre les activités du patronage. La population encadrée n’est donc pas la même et cela influe bien évidemment sur les activités et les finalités des œuvres de jeunesse.

Certes les missions restent les mêmes. Il s’agit dans les deux œuvres de chercher à maintenir le maximum de jeunes dans l’orbite paroissial et ainsi de les amener à rester pratiquants.

La formation des jeunes catholiques est l’un des axes prioritaires de ces œuvres. Cependant, elles vont connaître à ce sujet une évolution opposée. Alors que l’OJC est dans les années vingt sous l’influence des idéaux du catholicisme social, l’introduction de la Jeunesse Ouvrière Chrétienne sera un échec. L’Œuvre de la Jeunesse de Charenton perdra son aspect militant. Le patronage Saint-Pierre-Saint-Paul connaîtra, lui, une évolution inverse. Sclérosée par un climat extrêmement hostile à l’Église catholique, l’introduction certes tardive des mouvements de jeunesse (scoutisme, JOC, JEC), dans les années trente, transformera ce patronage en une organisation plus ambitieuse et plus offensive.

Parallèlement, les prêtres, directeurs de ces œuvres, vont essayer de protéger les jeunes catholiques des influences néfastes du monde extérieur. La grande différence entre les deux œuvres est la place accordée à Ivry à la socialisation politique des jeunes catholiques. Dans ce fleuron du communisme municipal, le patronage va être l’un des outils pour contrer l’influence des communistes sur la population. Dans les rubriques réservées aux œuvres de jeunesse, la municipalité, les organisations de jeunesse des « sans-dieu » seront sans cesse dénoncées. Dans cette commune, les catholiques réagirent à l’anticléricalisme virulent par des discours anticommunistes constants. L’objectif est de fournir une argumentation aux enfants pour qu’ils puissent s’affirmer catholiques à l’extérieur des locaux du patronage. La politique de la « main tendue » n’aura que peu d’effet sur ce climat délétère. La dénonciation des idées communistes recouvre donc un aspect beaucoup plus concret à Ivry qu’à Charenton qui reste une commune en marge de la banlieue rouge. L’Œuvre de la Jeunesse de Charenton dénoncera plus fortement les aspects jugés négatifs de l’évolution de la société française.

Les moyens utilisés pour attirer les jeunes furent nombreux. Une multitude d’activités de toutes sortes a été proposée au sein de ces œuvres. Bien souvent précurseurs, les catholiques vont proposer des activités sportives, culturelles, ludiques extrêmement variées. Ce qui fera du local des œuvres l’un des foyers d’animation, l’un des lieux de vie les plus dynamiques de ces communes. Ce seront, par exemple, les premiers organismes des deux villes à créer des colonies de vacances. L’étude de ces patronages ne se limite donc pas à leur aspect confessionnel, mais cherche à présenter l’ensemble des facettes de ces organisations. Elle révèle aussi leurs capacités à évoluer et à s’adapter aux demandes des jeunes.

JAFFIOL Sébastien, Le Paris des provinciaux ou l’image de Paris à travers la presse quotidienne provinciale de 1962 à 1965, Maîtrise [Antoine Prost, Annie Fourcaut], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1995, 190 p.

Quelle était l’image de Paris donnée par quelques quotidiens régionaux (Ouest-France, La Dépêche du Midi, Les Dernières Nouvelles d’Alsace et Le Bien Public) dans la première moitié des années soixante ?

Le contexte correspond à la fois à une période de profonds changements en région parisienne et au cheminement de tout le pays vers ce qu’il est convenu d’appeler la société de consommation et de loisirs. Le but de cette recherche est d’éclaircir la question des rapports entre les provinciaux et la capitale à travers cette période-clef, tant de l’histoire de Paris que de celle des mentalités.

Le mémoire s’organise autour de trois questions principales. Tout d’abord, quelles sont les images de Paris les plus couramment répandues dans la presse régionale de 1962 à 1965 ? Puis, dans quelle mesure les mutations de la région parisienne à l’époque intéressent-elles le public de province ? Enfin, que révèle-t-il des rapports culturels et des représentations Paris-Province.

La région parisienne est omniprésente à travers les pages des quotidiens étudiés. Sa représentation repose essentiellement sur une thématique ancienne qui prend racine dans le rejet de la ville, univers de danger et de tentation, l’acceptation du centralisme et la fascination pour le microcosme urbain. Les transformations de la région parisienne ne sont que partiellement rendues à travers ce média, dans la mesure où elles répondent à des visions fantasmagoriques de Paris. Il apparaît que cette façon de représenter la capitale répond à un besoin profond des lecteurs. Il semble s’agir, pour eux, de fréquenter quotidiennement à travers les pages de leurs journaux un univers parisien davantage mythique que réel, ce qui fonctionne comme un signe de cohésion nationale, de reconnaissance entre les Français.

KROP Jérôme, Les ouvriers du Petit-Clamart : monographie sociale et historique d’un quartier de lotissements pavillonnaires au début des années cinquante, Maîtrise [Noëlle Gérôme, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1995, 207 p.

Ce travail est basé sur une enquête sociologique réalisée en 1952 dans ce quartier et dirigée par Paul-Henri Chombart de Lauwe. Elle concerne tous les aspects de la vie quotidienne et de l’histoire de cette population, caractérisée par une forte proportion d’ouvriers qui ont pu accéder à l’habitat individuel. Elle se situe à une époque charnière notamment du point de vue de l’urbanisme et de l’histoire du quartier, alors que l’expansion des lotissements de l’entre-deux-guerres s’achève. Du point de vue social, cette population modeste ressent les premiers signes de prospérité liés à la période de croissance qui s’annonce, sans savoir si elle pourra en profiter après des années de privations.

Le choix de l’habitat individuel des ménages modestes et l’histoire chaotique du développement du quartier constituent un élément important pour comprendre les réponses des personnes interrogées. Il s’agit de percevoir cette aspiration populaire à l’habitat individuel, de saisir la vie quotidienne de cette population en prenant en compte la spécificité de l’habitat, la coexistence de plusieurs classes sociales, et leurs corollaires, c’est-à-dire les rapports de voisinage, les tensions sociales que cela suscite et l’ensemble des pratiques de la vie quotidienne. Nous avons essayé d’appréhender l’histoire de ce quartier et de comprendre l’attachement de cette population à l’habitat individuel afin d’analyser les logiques sociales à l’œuvre dans ce quartier au début des années cinquante.

LAPORTE Nicolas, L’intégration des ex-agents des sociétés de transports algériennes à la RATP, Maîtrise [Noëlle Gérôme, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1995, 152 p.

Dans cette étude, nous avons essayé d’analyser les conséquences sociales et économiques (pour les agents intégrés et pour la RATP) de l’intégration des ex-agents des sociétés de transports algériennes au sein de la Régie Autonome des Transports Parisiens (RATP). À partir des archives de la RATP relatives à l’intégration, et des témoignages écrits et oraux du personnel rapatrié intégré, nous avons cherché à retracer le parcours professionnel de ces 500 « pieds-noirs » déracinés, venus travailler à la Régie.

Après avoir replacé l’intégration des ex-agents des sociétés de transports algériennes dans le contexte plus général du rapatriement des Français d’Algérie, à la suite de la déclaration d’indépendance du 3 juillet 1962, nous nous sommes intéressés à l’étude du personnel (nombre, origine, âge, qualification, entreprise d’origine). Ensuite, nous avons d’écrit le déroulement de l’intégration de ce personnel à la RATP au travers des mesures mises en place par la direction de l’entreprise (remise à niveau, reclassement, aide au logement, intégration en surnombre) ou par le ministère des Travaux publics et des. Transports (prestations de retour, de subsistance, subventions d’installation), et par la réaction ou l’aide des organisations syndicales.

L’intégration a engendré deux problèmes majeurs : le déclassement d’une fraction du personnel intégré (environ 20 %), et l’attribution des retraites aux membres du personnel en âge de cesser leur activité.

Le déclassement a profondément heurté les intégrés, mais i] a été résolu au « cas par cas », par des mesures favorisant un nouveau reclassement.

Le problème des retraites a été encore plus douloureux et difficile à régler. Il aura fallu plus de 10 ans pour que les différentes caisses de retraites algériennes ou françaises, la RATP, le ministère des Travaux publics et des Transports, et celui des Finances, arrivent à mettre au point un protocole commun. La coordination de la politique d’intégration a été, en dehors de la question des retraites, un enjeu majeur.

Nous nous sommes enfin intéressés au devenir des « pieds-noirs » intégrés, et à l’amicale qu’ils ont créée.

L’intégration professionnelle a été, malgré les difficultés, une réussite. Peut-on en dire autant de l’intégration sociale ?

LOR Gaëlle, Une politique de diffusion culturelle : les expositions temporaires du Musée d’art et d’histoire de Saint-Denis de 1981 à 1991, Maîtrise [Antoine Prost, Noëlle Gérôme], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1995

Démocratiser la culture, c’est en favoriser l’accès au plus grand nombre ; il faut donc séduire un public et capter son intérêt, établir une relation. Les expositions temporaires qui peuvent alors devenir un outil de diffusion culturelle sont susceptibles d’établir cette relation.

Dans le cas de Saint-Denis, la démocratisation culturelle est favorisée par la situation politique stable de la ville, communiste depuis 1945, qui a fait le choix de ne pas réserver les manifestations culturelles à l’élite de sa population. Les expositions temporaires du musée d’Art et d’Histoire de Saint-Denis étant représentatives du musée et de sa ville, le choix de faire en majorité des expositions d’art contemporain participe sans doute de la volonté d’en donner une image prestigieuse.

La naissance du service pédagogique en 1981, après le déménagement du musée, met en valeur la relation qui doit exister entre l’art et le public, quels que soient l’âge, la nationalité ou la situation sociale des visiteurs. L’action de ce service a pour conséquence de faire naître, par le biais de conférences, de concours et d’ateliers organisés à partir des thèmes d’exposition, une relation entre des personnes qui, sans cela, n’auraient pas établi de contact. Autour de l’action de ce service, notamment dans le milieu scolaire, se développe peut-être un « sentiment dionysien » générateur d’une cohésion sociale en même temps qu’il est pour certains, un vecteur d’intégration.

La politique d’exposition du musée d’Art et d’Histoire de Saint-Denis dépasse en fait le désir de démocratisation culturelle et correspond à une politique d’intégration et de cohésion sociale de la population dionysienne.

PANON Delphine, Les enfants dans l’émigration allemande de 1933 à 1940, Maîtrise [Bruno Groppo, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1995, 180 p.

Ce mémoire constitue l’esquisse d’une synthèse sur le thème des enfants des émigrés allemands ayant trouvé refuge en France pour une durée plus ou moins longue, entre 1933 et 1940, c’est-à-dire de l’avènement d’Hitler à la défaite et au suicide de la IIIe République. Il tente de répondre à un certain nombre de questions à l’aide de trois sources principales que sont les archives diplomatiques, des témoignages autobiographiques et le Pariser Tagezeitung, unique quotidien de la presse émigrée. Combien étaient ces enfants ? Qui étaient-ils ? Quels organismes leur portèrent secours ? Comment s’organisait la vie familiale en exil ? Quelle place tenaient les enfants dans les préoccupations des émigrés ?

Malgré la rareté et le caractère approximatif des données chiffrées sur l’émigration antinazie, il semble que l’émigration enfantine ait été essentiellement une émigration « raciale » : les réfugiés politiques quittaient très rarement l’Allemagne avec leur famille, contrairement aux réfugiés « raciaux ». Du fait de l’augmentation de la proportion de l’émigration « raciale » par rapport à l’émigration politique, le nombre des enfants augmenta progressivement de 1933 à 1940.

Au sein de la nébuleuse d’organismes ayant porté secours aux émigrés allemands, l’OSE, avec son réseau de foyers, et l’Assistance médicale aux enfants du docteur Eisfelder, se distinguèrent par une action particulièrement efficace en faveur des enfants.

Soutenu par des organismes de secours et par les donateurs privés, un certain nombre de foyers accueillit les enfants de réfugiés qui ne pouvaient être pris en charge par leurs parents. L’étude de plusieurs d’entre eux (Maisons-Laffitte, La Brévière, la Goûme, etc.) met en lumière le fonctionnement quasi autarcique de ces petites sociétés, possédant leurs propres codes et leurs propres valeurs.

Enfin, l’intérêt pour les problèmes de l’enfance émigrée se retrouve dans des ouvrages autobiographiques, par le biais des souvenirs de vie familiale, ainsi que dans la presse-émigrée, et notamment dans le Pariser Tagezeitung qui témoigne d’une sensibilité particulière aux thématiques pédagogiques.

PASCAL Isabelle, La création de la CGT vue par la presse, Maîtrise [Danièle Tartakowsky, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1995, 192 p.

La Confédération Générale du Travail a été créée au Congrès de Limoges durant la semaine du 23 au 30 septembre 1895.

L’objectif de notre étude est de montrer comment la naissance de la CGT a été présentée par la presse nationale et régionale de l’époque, c’est-à-dire de savoir si cette création a été perçue comme un événement par les journaux ou, au contraire, si elle a été passée sous silence.

On constate très rapidement que cette création a été ignorée d’une bonne partie de la presse puisque, sur un total de quatre-vingt-dix-sept titres, seuls quarante d’entre eux en parlent et que très peu rapportent en détail la naissance de la CGT.

La logique aurait voulu que ce soit la presse de droite — naturellement opposée à cette création — qui ait occulté cet événement. On constate pourtant que c’est environ le même pourcentage de journaux de droite et de gauche qui rapportent l’information. La seule différenciation que nous puissions faire dans ce clivage gauche/droite est la prise de position des journaux face à ce congrès. En effet, hormis la presse socialiste, le reste de la presse de droite et de gauche confondue s’est opposé à ce congrès. Un consensus s’est donc fait de toute la presse, hormis la presse socialiste, contre ce congrès qui entre donc dans la catégorie des événements dont la portée historique n’a pas été perçue par ses contemporains.

PIPET Florence, La Farandole de 1955 à 1965 : histoire d’une maison d’édition, Maîtrise [Noëlle Gérôme, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1995, 148 p.

La Farandole est une maison d’édition spécialisée dans la production de livres destinés à la jeunesse. Créée en 1955, elle cesse son activité en 1994. Nous avons fondé notre étude sur la production de ses onze premières années d’existence (1955-1965) soit un corpus qui regroupe environ cent soixante-dix ouvrages.

Nous avons essayé de cerner le projet de la Farandole et de voir en quoi il pouvait se différencier ou s’apparenter à celui des autres maisons d’édition de l’époque.

La production organisée autour de collections diversifiées, essaie de toucher un lectorat le plus large possible en lui proposant une variété importante d’ouvrages. Parmi ceux-ci, des livres qui ont pour objectif de mettre l’enfant en relation avec son environnement social et de lui faire découvrir la diversité des peuples qui habitent la planète. Le projet de la maison d’édition revêt ainsi une dimension sociale et culturelle qui tourne autour de deux axes : développer le goût de la lecture chez l’enfant et lui transmettre des codes essentiels à l’apprentissage de la vie sociale, afin de lui permettre de former son propre jugement.

Arrivés au terme de notre recherche, nous avons montré que les liens qui unissent la Farandole au Parti communiste n’influencent pas la production de la maison d’édition. La Farandole garde une réelle autonomie.

SEGALAS Richard, La fin des postiers ambulants (1974-1995), Maîtrise [Danièle Tartakowsky, Michel Dreyfus], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1995, 145 p. + annexes

La grande grève de 1974 marque une fracture dans l’histoire de la Poste. La longueur du conflit et la concentration des activités sur la capitale font que l’Administration décentralise et réorganise ses services. Les services ambulants vont en être les premières victimes. Ces derniers sont chargés d’acheminer et de trier le courrier dans des trains. Organisés en brigades, les Ambulants forment un monde à part à l’intérieur de la Poste. Dans des wagons anciens, de plus en plus inadaptés aux besoins du service, ils parcourent la France deux jours sur quatre.

La spécificité de leurs conditions de travail et le fait de vivre ensemble plusieurs jours par semaine font que les ambulants forment une catégorie très soudée. L’unité se retrouve, au niveau syndical en particulier, pour défendre et faire progresser leurs acquis sociaux. Leur coût excessif, la mécanisation du tri et la mise en place de moyens de transport plus rapides font que les services ambulants n’apparaissent plus adaptés. Ils sont supprimés. Si pour certains, c’est le résultat d’un processus engagé depuis 1974, pour d’autres, cette suppression laisse un goût amer. Ils soulignent, en effet, un manque de coordination syndicale et contestent le reclassement proposé.

TALBOT Baptiste, L’émergence du syndicalisme révolutionnaire dans la chapellerie parisienne (1874-1903), Maîtrise [Antoine Prost, Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1995, 149 p.

Cette étude s’attache, en trois temps, à restituer l’évolution du syndicalisme ouvrier dans la chapellerie parisienne durant le dernier tiers du XIXe siècle. Pour des raisons de sources, elle est centrée sur la plus ancienne et la plus importante des organisations syndicales chapelières parisiennes.

Durant la période 1871-1903, l’industrie parisienne du chapeau connaît de profondes transformations liées principalement à sa mécanisation. Ces mutations se traduisent sur le plan syndical par la multiplication à partir de 1887 d’organisations rivales aux effectifs réduits. Cette crise n’est surmontée qu’au début des années 1900 quand le « vieux syndicat » parvient à rallier les nouvelles catégories de la profession. Le mouvement de grèves évolue en fonction de cette double mutation économique et syndicale. Avant 1887, il connaît une montée en puissance. La grève est alors autant offensive que défensive. La crise de 1887 brise cet élan : les rares grèves survenant dans les années 1890 sont pour la plupart défensives. Au début des années 1900, du fait de l’amélioration de la conjoncture, le mouvement des grèves reprend de l’ampleur et s’affirme comme offensif.

L’action du principal syndicat chapelier parisien ne se limite pas aux questions corporatives. Essentiellement par le biais de ses militants, il intervient également dans les luttes pour la transformation globale de la société. Révolutionnaires, les militants-chapeliers parisiens voient dans la propriété collective des moyens de production, la réponse à la question ouvrière. Ils rallient d’abord le parti possibiliste : le bulletin de vote est à leurs yeux l’instrument du renversement du capitalisme. La scission que connaît le parti en 1890 les fera rejoindre les partisans de Jean Allemane. Leur participation aux activités du POSR les amène à considérer que la transformation globale doit se faire par la grève générale. Cette conception syndicaliste de la révolution les conduit enfin à intégrer la CGT en 1901. Le cas de la chapellerie parisienne se révèle particulièrement éclairant sur la fonction de forme transitoire assurée par le parti allemaniste pour une partie du mouvement syndical français, entre une conception politique et une conception syndicale de la révolution sociale.

Jusqu’au début des années 1890, les chapeliers parisiens considèrent luttes immédiates et luttes globales comme indépendantes les unes des autres, voire comme antinomiques. Le développement d’une vision syndicaliste de la révolution les conduit finalement à les trouver complémentaires. À son niveau, le syndicat des chapeliers parisiens réalise ainsi la synthèse syndicaliste révolutionnaire.

TOVAR ESTRADA Fanny, L’Université libre. Journal clandestin. Novembre 1940-août 1944, Maîtrise [Danièle Tartakowsky], Paris I, 1995, 194 p.

L’étude de la Résistance entre 1940 et 1944 a donné lieu — à travers de multiples ouvrages — à des débats historiographiques qui se poursuivent encore actuellement. Dans le mémoire que nous présentons, nous nous intéressons plus particulièrement à la Résistance universitaire, en prenant comme objet L’Université Libre, un journal clandestin réalisé et diffusé par des universitaires, proches ou membres du Parti communiste, pendant les quatre années de l’occupation. Parmi eux, Georges Politzer, Jacques Solomon et Jacques Decour en sont les plus illustres représentants. Sur l’ensemble de la période étudiée (novembre 1940-août 1944), 105 numéros sont analysés, ainsi que quelques documents annexes. Journal d’information et de mobilisation, L’Université Libre met en avant les problèmes politiques, syndicaux, mais aussi pédagogiques, propres aux universitaires. Le but de cette recherche est de réaliser une synthèse descriptive et analytique de l’ensemble de la publication, une étude monographique.

Plusieurs questions définissent l’intérêt de ce travail : – comprendre de quelle façon a pu fonctionner l’appareil technique du journal dans les conditions de la lutte clandestine et montrer le lien entre cette publication et le Front national (et particulièrement son comité universitaire), mouvement de Résistance lancé par le PCF ; – déterminer le lien entre le Parti communiste clandestin de l’époque et ce journal qui, bien que créé par des communistes, s’ouvre progressivement à tous les universitaires, communistes ou non ; – dégager les vecteurs d’une littérature de combat : quels sont les thèmes sur lesquels le journal mobilise, à quelle période et pourquoi ? – définir le rôle joué par le journal dans le milieu universitaire et en saisir l’impact, sachant que le nombre d’exemplaires est passé de 500 en novembre 1940 à 10 000 en août 1944 ; – enfin, comprendre pourquoi L’Université Libre est aujourd’hui citée au titre de la Résistance universitaire, éclipsant ainsi, dans les ouvrages plus généraux, les nombreuses autres publications de la Résistance intellectuelle.

1994

ARNAL Mélanie, Marc Oraison : l’église et la psychanalyse (1914-1979), Maîtrise [Antoine Prost, Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 223 p.

Marc Oraison, prêtre de l’Église catholique, profite de sa première formation de chirurgien pour orienter, dès les années cinquante, ses fonctions sacerdotales et son champ personnel d’investigation vers le domaine de la psychanalyse. Il contribue, en publiant de nombreux ouvrages et en participant à des conférences variées, à diffuser dans le milieu catholique une connaissance des réalités psychologiques et sexuelles de l’homme, et travaille également à divers mouvements, de soutien psychologique du clergé et de réflexion sur des problèmes éthiques et psychologiques.

Le caractère novateur de son intervention provoquera une sanction émanant du Saint-Office, chargé de la censure dans l’Église : en 1953, sa thèse de théologie, portant sur la sexualité et la vie chrétienne, est mise à l’index, et jusqu’au début des années soixante-dix, des conflits chroniques auront lieu entre l’abbé Oraison et le Saint-Office.

Marc Oraison, outre son action pionnière d’introducteur des données de la psychanalyse dans le milieu catholique, s’est exprimé abondamment dans les médias. Considéré comme un prêtre abordant les tabous de la sexualité et promoteur d’une mentalité de réforme dans l’Église, il est devenu une figure importante de la société.

La vie de Marc Oraison est un cas original de cette rencontre entre le milieu catholique et la psychanalyse, et nous a permis ainsi d’aborder l’histoire de l’Église, ses mutations profondes durant la seconde moitié du siècle et celle de la psychanalyse qui connaîtra un réel développement à partir des années soixante. Enfin, l’étude du parcours de Marc Oraison a été l’occasion de suivre en filigrane l’évolution des idées et des mentalités de la société française de son époque.

BARTHELEMY Fabrice, Les groupes rencontres (1957-1968), Maîtrise [Claire Andrieu, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 164 p.

Créés en 1957, à l’initiative de trois anciens déportés (Jean Mialet, René Haentjens et André Clavé), les Groupes Rencontres se fixent comme but de renouer le dialogue entre l’administration et l’armée qu’ils considèrent comme des milieux extrêmement fermés sur eux-mêmes. Ils réunissent donc, principalement, dans un premier temps, des hauts fonctionnaires et des militaires, mais aussi, par la suite, des personnes du secteur privé. Il s’agit d’une organisation élitiste, rassemblant des personnes qui partagent des convictions communes et un même savoir-vivre.

Les statuts des Groupes Rencontres ne sont déposés qu’en 1960. La présence de nombreux militaires impose, en effet, une définition prudente de l’association. En ce sens, le club organise différents types de réunions privées (soirées-débats, dîners « civils et militaires », journées d’étude) sur des sujets politiques, économiques et sociaux tout en refusant de s’engager politiquement.

Entre 1958 et 1962, la guerre d’Algérie constitue le sujet essentiel de préoccupation. À partir de 1962, les Groupes Rencontres apparaissent beaucoup plus comme un club de réflexion civique.

Cette étude porte sur la période 1957-1968, période où les Groupes Rencontres connaissent une intense activité et fixent définitivement les bases de leur association. Mais l’association n’a jamais interrompu ses activités et poursuit actuellement son action en organisant, régulièrement, des soirées-débats à l’École Militaire.

Les Groupes Rencontres constituent donc une association originale reposant sur le dévouement de quelques individus prêts à poursuivre coûte que coûte, leur entreprise.    

BELLANGER Emmanuel, Le personnel communal à Aubervilliers de 1884 à 1954, Maîtrise [Claude Pennetier], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 176 p.

Aubervilliers qui était à l’origine une ville agricole et maraîchère devient sous le Second Empire une ville industrielle. Les services municipaux s’étendent et se renforcent pour répondre à l’accroissement démographique : en 1856, la commune comptait 3 842 habitants, en 1886, 22 223, en 1926, 48 053, et en 1936, 55 871. L’organisation de l’administration locale varie selon les mouvances politiques. Les services peuvent être soit concédés à un adjudicataire, soit mis en régie directe. La « municipalisation » des services accroît considérablement les effectifs qui passent de 69 agents en 1889 à 487 en 1955.

Le personnel communal, morcelé par catégorie, est longtemps en quête de cohésion. Le premier statut fut adopté tardivement en 1919 suite à la grève des agents communaux qui paralysa les services municipaux de la Seine. Cette action syndicale, soutenue par les députés de gauche et en premier lieu par Laval, exprime les revendications statutaires et salariales, d’une catégorie sociale jusqu’alors ignorée des pouvoirs publics. Ce mouvement surprend par son ampleur. Le Syndicat des Ouvriers et Employés communaux du département de la Seine devient un interlocuteur obligé. L’État, par l’intermédiaire de son ministre de l’Intérieur, Pams, intervient et fait adopter la loi du 23 octobre 1919. Cette loi qui protège l’employé est aussi la première restriction importante de l’autonomie communale.

Aubervilliers s’illustre par un tempérament politique original. Une grande stabilité du personnel d’encadrement est observée, quels que soient les mandats : les maires radicaux, Domart, Fourrier, Poisson (1884-1919), les maires socialistes, Georgen (1919-1923) et Laval (1923-1944), les maires communistes, Tillon et Dubois. À la Libération, seulement 10 employés sur 422 sont sanctionnés contre 131 à Saint-Denis. L’employé communal tend à devenir, selon le terme d’Henri Sellier, un « collaborateur » associé à la réalisation des programmes municipaux.

BOASSON Cécile, L’écomusée de Fresnes, Maîtrise [Noëlle Gérôme, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 146 p.

Fresnes est une commune de 23 000 habitants de la banlieue sud, peu connue, sinon pour sa prison. Un écomusée y est créé en 1978, sur le site de la ferme de Cottinville et Françoise Wasserman en devient le conservateur.

La municipalité de Fresnes mène depuis une cinquantaine d’armées une politique culturelle dynamique, ouverte aux expériences novatrices, marquée par une vie associative très développée. Ainsi la ville dispose également d’une Maison d’Art Contemporain. Se pencher sur un écomusée de banlieue parisienne permet, donc, de découvrir une vie culturelle intense, indépendante du pôle parisien pourtant si proche.

Si l’écomusée de Fresnes est unique, il possède tout de même des caractéristiques propres à ce type d’institution : une galerie d’exposition temporaire, un centre de documentation, un atelier d’animation. Françoise Wasserman a choisi de privilégier l’étude de la banlieue et ses aspects sociaux à l’époque contemporaine. L’écomusée, institution originale, a ainsi pu s’intégrer à la vie culturelle locale, puis régionale.

Étudier l’écomusée de Fresnes, conduit donc à s’intéresser d’abord à une municipalité de banlieue parisienne, puis à découvrir un écomusée original à la pointe de l’innovation muséologique.

BOYER Nathalie, La rue Polonceau dans l’entre-deux-guerres, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 267 p.

La rue Polonceau, située dans le quartier de la Goutte d’Or à Paris dans le dix-huitième arrondissement, a été le cadre de cette étude démographique et de l’espace pendant l’entre-deux-guerres. En opérant des coupes transversales et longitudinales, nous avons établi la structure sociale de la population en 1926, 1931 et 1936, ainsi que sa mobilité résidentielle sur les dix ans.

CARIGUEL Olivier, Les Cahiers du Rhône dans la guerre : 1941-1945, Maîtrise [Antoine Prost, Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994

Les Cahiers du Rhône sont une collection littéraire de fascicules répartis en trois séries dont chacune porte le nom d’une des couleurs du drapeau français : la série bleue, la série blanche, la série rouge. Lancés en mars 1942 par l’universitaire et critique suisse romand Albert Béguin — secondé par un jeune étudiant français Bernard Anthonioz — édités à Boudry aux Éditions de la Baconnière (canton de Neuchâtel – Suisse) par Herman Hauser, ils incarnent « un témoignage chrétien pour notre temps ».

L’ambition des Cahiers du Rhône était de raviver la spiritualité des lecteurs, de montrer l’incompatibilité du matérialisme nazi avec l’exigence spirituelle des chrétiens et de dénoncer les mensonges et les hypocrisies de la propagande de Vichy.

Nous avons étudié le caractère résistant de cette revue littéraire qui comprenait aussi des volumes de poésies et d’essais. En effet, la littérature est envisagée comme une arme de combat pour reconstituer la Cité des hommes, en proie aux tentations idéologiques et totalitaires. Les œuvres littéraires classiques et contemporaines — surtout la poésie avec Louis Aragon, Pierre Emmanuel, Pierre Jean-Jouve, Saint-John Perse — décrivent la véritable condition de l’homme et les aspirations de son âme. Les Cahiers du Rhône, importés légalement en France, constituent un combat spirituel et littéraire défini par le pouvoir incantatoire de la poésie qui vise à recréer le Langage, « victime » de la guerre, hors de tout parti pris politique et de toute veine polémique.

CESSAC Sébastien, La Gerbe : hebdomadaire de la volonté française 1940-1944, Maîtrise [Claire Andrieu, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 183 p.

L’histoire de La Gerbe coïncide exactement avec l’occupation de Paris par les troupes allemandes : l’hebdomadaire est publié dès le 11 juillet 1940, sous la direction d’un catholique mystique, ancienne gloire littéraire convertie à l’hitlérisme, Alphonse de Châteaubriant, et il cesse sa parution le 17 août 1944.

Entouré d’une équipe de futurs notables de la Collaboration qu’il a su intéresser par son livre de 1937, La Gerbe des Forces, Châteaubriant prétend incarner avec son journal « la volonté française ». La vocation à la propagande de La Gerbe prime pourtant rapidement sur les atours politiques et littéraires dont la rédaction essaie de l’habiller.

Au-delà des luttes d’influence qui se font jour au sein de l’entreprise, Alphonse de Châteaubriant, fidèlement secondé par son amie Gabrielle Castelot, parvient à associer le journal à d’autres organisations pro-allemandes. Il lui assure ainsi une place confortable dans l’univers de la Collaboration qui lui vaut la bienveillance des autorités d’occupation et d’appréciables facilités financières.

Ces subsides permettent à La Gerbe de ne pas se soucier d’un lectorat dont il est difficile de préciser l’ampleur et le profil. Châteaubriant peut privilégier jusqu’à la mort du journal son œuvre de propagande et ignorer tout impératif commercial.

CHOUAT-HUGONNET Nicole, La lecture à l’entreprise et la politique culturelle de la CGT : le cas de la SNECMA Gennevilliers (1946-1968), Maîtrise [Noëlle Gérôme, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994

À la libération, dès la création et la mise en place des Comités d’entreprise, la CGT s’est lancée, avec son mot d’ordre : « la lecture à l’entreprise », dans un vaste mouvement de création de bibliothèques ouvrières, de reprise en compte, par les comités, des bibliothèques patronales existantes, avec l’objectif clairement exprimé de susciter une forme de prosélytisme syndical et surtout politique.

Notre étude a porté sur le cas de la bibliothèque de la SNECMA-Gennevilliers, entre 1946 et 1968, en utilisant les comptes-rendus des réunions plénières du Comité d’Entreprise et les articles sur la lecture et les bibliothèques dans la Revue des Comités d’Entreprise, puis dans Le Peuple. Ces sources officielles ont été complétées par des entretiens avec des militants syndicaux, des bibliothécaires ou animateurs bénévoles, afin de reconstruire la politique culturelle de la CGT à propos de la lecture.

Une des plus importantes difficultés rencontrées dans l’élaboration de cette étude, outre les sources détruites ou éparpillées donc incomplètes, a consisté dans l’absence d’études globales des Comités d’entreprise et d’histoires écrites de ces institutions, pouvant nous servir de référence.

La période de mise en place, de 1946 à 1948, coïncide avec la création du Comité : les militants de SNECMA-Gennevilliers doivent reprendre un fonds ancien constitué par les assistantes sociales de la direction de Gnome et Rhône, et d’en faire une bibliothèque de combat pour l’émancipation ouvrière et la prise de pouvoir politique. Parallèlement, les élus de Gennevilliers se heurtent aux problèmes posés par la reconstruction du site, entièrement bombardé en mai 1944 : la guerre pèse encore lourdement par le bannissement absolu des auteurs collaborateurs. Politiquement, cette période semble être une période de « désillusions ».

La seconde étape est jalonnée par la « Bataille du Livre », menée dès 1950 par le Parti communiste : cette lutte d’influence vise l’orientation des lectures de ceux qui sont considérés comme l’électorat des communistes. Intimement liée à la « Guerre froide », dont elle veut prendre le contre-pied idéologique, la « Bataille du livre » est reprise et menée dans la CGT comme une grande campagne de vulgarisation des méthodes d’organisation et d’animation d’une bibliothèque de lecture populaire. Bien que sous emprise du Parti communiste : la bibliothèque de Comité se distingue des Bibliothèques de la Bataille du Livre par une ouverture de vue plus large, surtout en ce qui concerne le modèle soviétique, mais quelques auteurs classés comme anti-communistes en sont proscrits. Les années 50 à Gennevilliers s’écoulent difficilement et de façon conflictuelle, compte tenu des vagues de licenciements successives et des difficultés économiques et sociales de l’industrie aéronautique.

La Guerre d’Algérie marque douloureusement les années 60, qui paradoxalement sont une décennie d’expansion industrielle et économique, d’élévation du niveau de vie, de développement de la consommation : dans l’usine de Gennevilliers, l’arrivée de nouveaux embauchés, jeunes ouvriers qui ont bénéficié d’une scolarité plus longue (embauches nécessitées par la création d’une unité de mécanique) provoque un bouleversement dans les pratiques culturelles et impose un renouveau de la bibliothèque. Au plan national, la CGT permet des contacts élargis entre bibliothèques de Comité, par sa présence au colloque organisé par l’UNESCO, sur la « lecture sur les lieux de travail » et commence à prendre ainsi en compte les mutations sociales et culturelles qui ont modifié le caractère « prolétarien » du paysage social dans les usines : de nouvelles activités culturelles bénéficient de l’engouement ouvrier telles les excursions touristiques, les sports d’hiver ou l’écoute musicale de microsillons, qui se propagent rapidement à la veille de 68.

Notre étude a tenté d’organiser une chronologie sommaire de l’histoire du Comité SNECMA-Gennevilliers, afin de comprendre l’évolution de la problématique de la lecture ouvrière dans une société en mutation et surtout d’expliciter les politiques d’acquisition de livres, menées par les élus locaux. Ce travail veut être une approche du rôle joué par les élus ouvriers autodidactes et fervents défenseurs de la lecture et du livre comme outil d’émancipation ouvrière, cette action devant compter avec la pression des idéologies en place.

COURBAN Alexandre, Gabriel Péri : responsable de la rubrique Vie internationale de l’Humanité (1924-1939) les modalités de travail d’un journaliste communiste, Maîtrise [Antoine Prost, Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 250 p.

Ce mémoire traite des modalités de travail de Gabriel Péri, responsable de la rubrique de politique étrangère de l’Humanité d’octobre 1924 au mois d’août 1939, essentiellement à partir des archives du PCF et de l’Humanité.

La presse révolutionnaire est un objet d’étude qui fournit trois types de renseignements à l’historien. Premièrement, elle informe sur le « degré d’homogénéité » du Parti révolutionnaire en donnant des éléments sur l’élaboration quotidienne d’une ligne politique et de.sa vérification, mais également sur les débats d’idées et les luttes de tendances. Deuxièmement, la large diffusion des prises de position renseigne directement sur la méthode de direction politique du noyau dirigeant, sur les capacités individuelles de compréhension et d’analyse des chefs révolutionnaires à propos des situations concrètes, sur le sens stratégique et tactique de ceux-ci, et leur rôle personnel dans la conduite du mouvement qu’ils incarnent. Troisièmement, elle concentre l’essentiel de l’œuvre des dirigeants politiques.

L’Humanité est l’organe central du Parti communiste. Le journal est le lieu où s’opère la jonction entre la base militante et l’appareil communiste de direction.

La première partie du mémoire est consacrée aux évolutions du cadre de travail de Gabriel Péri, l’Humanité de 1924 à 1939. Sont abordés successivement la « bolchevisation » du journal entre 1924 et 1929, puis les conséquences de la crise du Parti communiste sur la rédaction du quotidien national entre 1929 et 1934, et enfin l’Humanité pendant le Front populaire.

La deuxième partie traite de l’activité de journaliste de Gabriel Péri. Il s’agit dans un premier temps de déterminer la participation réelle de Gabriel Péri à la réalisation du journal et à son évolution. Le nombre d’articles écrit par mois, et la taille moyenne de ceux-ci, sont les principales unités de mesure utilisées. Enfin, l’ensemble des articles parus dans l’Humanité est classé selon des thèmes afin de déterminer la spécificité du travail de Gabriel Péri.

DECOUT-PAOLINI Rémi, René Capitant, homme de gauche et gaulliste : un juriste engagé sous la Ve République (1958-1970), Maîtrise [Lucette Le Van-Lemesle, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 252 p.

Figure importante du gaullisme dont il incarne, de façon emblématique avec son grand ami Louis Vallon, la voie jamais véritablement explorée de la participation, René Capitant est la référence obligée de ce qu’il est convenu d’appeler le « gaullisme de gauche », vaste nébuleuse de petits mouvements épars en mal d’unité. Le personnage reste pourtant méconnu et son action politique a fait l’objet de simplifications abusives, pas toujours innocentes. Or nos recherches — fondées essentiellement sur l’étude de ses écrits, interventions et discours ainsi que sur le dépouillement de ses archives privées — permettent de rendre à sa pensée et à son engagement toute leur cohérence et leur originalité.

Juriste de formation, c’est en théoricien du droit que René Capitant définit ce qu’il appelle « la mission du gaullisme », à savoir l’édification d’un véritable État démocratique. Profondément imprégné de la pensée de Jean-Jacques Rousseau, Capitant considère que la société est le produit d’un contrat des volontés dont le droit tire sa source. Dans cette perspective, le peuple est naturellement souverain et Capitant s’applique en conséquence à défendre tout ce qui développe la démocratie perçue comme participation de tous à l’œuvre commune, aussi bien dans le monde politique, par le recours à l’arbitrage populaire, que dans le monde économique et social, par l’instauration de l’association.

Se considérant avant tout comme un homme de gauche. René Capitant s’est érigé dans les années soixante en défenseur passionné de la Vème République, en laquelle il a vu, surtout à partir de la réforme constitutionnelle de 1962, l’aboutissement de ses combats politiques antérieurs. Force est de reconnaître toutefois que s’il reste un exégète particulièrement pénétrant des nouvelles institutions et de la pratique qu’en avait le général de Gaulle, René Capitant s’est trouvé confronté sur le plan social à l’opposition irréductible de Georges Pompidou et des hiérarques du parti gaulliste. Très vite marginalisé au sein de ce dernier après l’avoir rallié en compagnie de l’Union Démocratique du Travail à l’automne 1962, René Capitant n’a de cesse de mettre en garde le général de Gaulle contre son Premier ministre dont il dénonce avec virulence le conservatisme.

La révolte étudiante de Mai 1968, relayée par la grave crise sociale que connaît alors le pays, voit l’entrée de René Capitant au gouvernement, en qualité de Garde des Sceaux, et la mise en œuvre, quelque peu tardive, de la participation sous l’égide du général de Gaulle. Mais l’espérance est de courte durée et Capitant, démissionaire après la victoire du « non » au référendum d’avril 1969 et le départ du général de Gaulle, a l’amertume d’assister impuissant à l’ascension présidentielle de Georges Pompidou, dont il continue, jusqu’à sa disparition en mai 1970, à se montrer l’implacable censeur.

DESAINT Anne, La Chambre des députés sous la IIIe République : la vie d’une administration privée, Maîtrise [Lucette Le Van-Lemesle, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 215 p.

Ce mémoire a été écrit dans le but de faire connaître les rouages internes de ce qui est l’un des éléments essentiels de la République : la Chambre des Députés. Nous avons essayé de mettre en lumière la partie immergée de l’iceberg, celle qui demeure aujourd’hui encore pour la majorité des Français un mystère opaque.

En effet, si l’on connaît bien dorénavant le métier des députés, la façon dont il se déroule, le mécanisme des débats parlementaires et l’ensemble des travaux législatifs, que sait-on véritablement de l’administration de la Chambre, de son pouvoir, de son personnel et du fonctionnement de ses services ? Rien ou presque, sinon quelques études sommaires et ce que la rumeur a pu en dire depuis toujours.

Or, ce qui ressort de ce travail, ce n’est pas tant les avantages accordés au personnel comme aux députés qui, s’ils sont réels, ne sont pas si honteux qu’on l’a souvent dit, et sont plutôt la juste rétribution d’un travail difficile. Ce ne sont pas non plus des révélations scandaleuses au sujet des budgets de la Chambre, qui sont gérés avec rigueur, même si de petites entorses sont quelquefois faites à cette dernière. En fait, cette étude nous montre une Administration vivante, où se côtoient toutes sortes d’activités et de personnes, où l’on travaille, mais où l’on vit aussi, une vie avec ses règles et ses traditions. Au final, la Chambre des Députés apparaît comme un état dans l’État. C’est là que se font les lois qui régissent la France, et pourtant, à l’intérieur de ses murs, le Palais-Bourbon se donne le pouvoir d’échapper à celles-ci et d’exercer son autorité en toute indépendance. Une autonomie qui lui est nécessaire.

DIN DIBOBE Nathalie, La loi-cadre Defferre vue à travers la presse : 1956-1958, Maîtrise [Lucette Le Van-Lemesle, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 160 p.

La décolonisation des pays d’Afrique noire française a suscité et continue de susciter de nombreux écrits. Ainsi, la loi-cadre Defferre du 23 juin 1956 qui accorda l’autonomie interne aux territoires d’outre-mer a souvent été étudiée. Le fondement, la procédure d’adoption ainsi que la portée de la loi dans l’histoire générale de l’Afrique noire française furent les principales approches de cette loi. Or, force est de constater que rares sont les ouvrages qui se sont consacrés à son étude à travers l’un des médias le plus influent de l’époque : la presse.

Dans ce travail, nous avons donc analysé les prises de position de la presse métropolitaine de 1956 à 1958 au moment des débats sur la loi Defferre, qui mettait en jeu un des principes sacrés de la France : l’unité et l’indivisibilité de la République. L’analyse quantitative et qualitative a montré, notamment par le nombre d’articles publiés, le réel intérêt des hebdomadaires et des quotidiens. Par là même, la presse s’est exprimée sur les limites et contradictions de la loi Defferre. Partagée entre le discours cartieriste prônant l’abandon de l’Afrique noire et la nécessité de conserver les territoires d’outre-mer à l’intérieur de la République, comment la presse s’est-elle positionnée ?

Au cours de ce travail, nous avons mis à jour l’engagement des journaux en faveur d’une révision de la Constitution et de solutions dépassant les mesures prises par la loi Defferre. Ainsi, nous avons pu conclure à une initiative autonome de la presse par rapport au pouvoir politique.

Cette étude pourrait représenter une introduction à un travail plus approfondi sur la perception de la décolonisation par la presse.

DIAZ BASILISCO Gianluca, Le MAT, une expérience sociale associative (1970-1994), Maîtrise [Antoine Prost, Lucette Le Van-Lemesle], Paris 1, 1994, 234 p. + annexes

L’association Le MAT (1970-1994), installée dans un hameau restauré (Le Viel Audon) situé au début des Gorges de l’Ardèche, est une petite structure dont le but est de « favoriser la participation de la jeunesse à l’aménagement du cadre de vie en milieu rural ». Ses principales caractéristiques sont : le passage d’un groupe communautaire à un collectif associatif ; la multiplication des connexions entre les acteurs par la mise en place de structures de participation en grande partie informelles ; la diversité et la richesse des réseaux de relation ; le développement progressif des activités dans les secteurs de l’animation, de l’action sociale et de l’environnement ; l’autonomie idéologique et politique, bien que Le MAT soit sensible aux idées et aux valeurs du mouvement alternatif français (écologisme et autogestion) ; la capacité d’édicter les finalités de leur « action globale » (éco-village et jeunesse) ; la promotion d’un réseau inter-associatif dynamique.

Il est intéressant de noter la forte similitude de ces caractéristiques avec celles d’un nouveau type d’association apparu à la fin des années 70 appelé « association organisée en réseau » qui se différencie des associations qui privilégient tantôt un fonctionnement institutionnel tantôt un fonctionnement de groupe (régulation par la gestion des affects) par un dynamisme, un développement et une créativité plus prononcés. En ce qui concerne la société et la jeunesse, il nous semble que le MAT a, à son niveau, un rôle important et intéressant : création de nouvelles solidarités, réponse à un besoin de vie micro-sociale et responsabilisation générale des individus, surtout vis-à-vis des problèmes actuels de misères sociales et d’environnement. Notre étude présente donc l’intérêt de décrire et d’analyser un exemple d’expérimentation sociale à travers le cadre associatif et l’éventuelle apparition d’un nouveau mode de vie, d’une nouvelle culture.

DRANSART Sophie, La chanson de variété en France sous l’occupation (1941-1943) : étude d’une source, Maîtrise [Antoine Prost, Noëlle Gérôme], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 270 p.

L’étude du fonds conservé à Radio France des chansons enregistrées sur disques « 78 tours » pendant l’Occupation nous a permis d’avoir une approche originale de cette période de l’histoire française.

Analyser ce qu’elles ont retenu de ces années, mais aussi tous les autres thèmes qu’elles abordent, et la manière dont elles les évoquent, est, en effet, révélateur. Elles deviennent autant de miroirs de la société française dans la mesure où elles reflètent ce qui a marqué les Français ainsi que leur état d’esprit. Si les transformations intervenues dans la vie quotidienne ne manquent pas d’être mentionnées, le nouveau contexte politique transparaît beaucoup moins. D’une part, parce que les Allemands n’ont pas pénétré ce domaine artistique ; d’autre part, parce que l’utilisation qu’en a faite le gouvernement de Vichy reste limitée. La chanson a surtout servi à exorciser les 31lgoisses des Français et à leur permettre de s’évader de la réalité, que, d’ailleurs, elle dénonce aussi dans certains cas. Elle a d’autant plus tenu ce rôle que les différents réseaux qui la diffusent, même s’ils ont été freinés, sont restés dynamiques pendant toute la période et partout en France.

Finalement, notre étude n’a donc pu déceler aucune rupture véritable. Mis à part la mode du swing, aucune spécificité ne se dégage, aussi bien en ce qui concerne les thèmes choisis que la carrière des auteurs, des compositeurs ou des interprètes. Tous devaient évidemment composer avec la censure, mais si celle-ci s’est montrée efficace quant aux œuvres et aux artistes anglo-américains et juifs, pour le reste, c’est bien plus une autocensure qui s’est établie.

DREVET Frédérique, Structure des 75 ans et plus en 1936 dans le dix huitième arrondissement, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 143 p.

Ce mémoire dresse un tableau statistique des vieillards dans l’arrondisse » ment le plus densément peuplé et le plus hétérogène de Paris, pour en évaluer le rôle, le statut et le degré d’intégration dans les cadres géographique, domestique et professionel. La distinction par sexe est la méthode d’approche usitée, les femmes, à l’espérance de vie supérieure, étant plus nombreuses.

Les sources se résument en un dépouillement systématique des listes nominatives de recensement du dix-huitième arrondissement en 1936 et des tables de décès. En effet, la carence d’ouvrages de seconde main, traitant cette période particulière, affirme le rôle décisif des sources statistiques.

1936 est une période charnière dans l’histoire de la vieillesse au vingtième siècle : elle précède les grandes conquêtes sociales de l’après-guerre, soit la généralisation des retraites et la création de la sécurité sociale.

L’analyse des 75 ans et plus dans l’entre-deux-guerres doit prendre en compte cette quasi absence de couverture économique et sociale. Ainsi, l’activité économique, le travail des personnes âgées ne jouent pas de rôle intégrateur, la majorité d’entre elles étant inactives et souvent indigentes. En ce sens, la cellule familiale, le couple pour les hommes, restent les lieux fondamentaux d’intégration (assistance économique et affective), pour une population âgée massivement française.

DREYFUS Jean-Marc, L’aryanisation économique des banques : la confiscation des banques juives à Paris sous l’occupation, 1940-1944, Maîtrise [Claire Andrieu, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 141 p.

L’aryanisation économique a été, sous l’Occupation, le processus d’expulsion de leur fonction des Juifs détenteurs d’un capital économique, et de la mise sous tutelle, puis de la spoliation des entreprises.

Ce processus d’expropriation a été une étape dans le processus même de destruction des Juifs.

En France, c’est l’administration française qui a pris en charge l’aryanisation économique, qui fut alors un important volet de la politique économique du Gouvernement de Vichy.

Les banques juives n’étaient, en 1940, pas très nombreuses. Comme toutes les entreprises juives, elles ont subi la mise en place, étape par étape, d’une législation complète, mise en œuvre par de nombreux acteurs administratifs, économiques, et même politiques. Mais un certain nombre de ces banques ont pu continuer plus longtemps leurs activités, presque jusqu’à la fin de 1942 : entreprises « tertiaires », elles avaient pu être repliées en zone Sud.

Quelques-unes de ces banques ont été aryanisées, c’est-à-dire vendues. D’autres ont été classées « biens neutres » ou « alliés ». Certaines ont été fictivement vendues. Mais la plupart ont été liquidées purement et simplement. Pour la majorité des dossiers, la liquidation était encore en cours à la libération.

DUPRAT Marie, Gabriel Garran et le théâtre de la commune d’Aubervilliers : 1965-1985, Maîtrise [Noëlle Gérôme], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 215 p.

Le « Théâtre de la Commune » d’Aubervilliers est fondé par Gabriel Garran en janvier 1965. Il sera dirigé par celui-ci jusqu’en 1985. C’est le premier théâtre installé de façon permanente en périphérie parisienne. Fruit de la concertation d’un homme politique, Jacques Ralite et d’un homme de théâtre militant, Gabriel Garran, il est prévu à sa naissance pour être l’instrument d’une culture nouvelle, destinée à un public nouveau : la population ouvrière du canton d’Aubervilliers. Il assure donc son rôle de service public communal, grâce à des relations publiques et à un fonctionnement général tourné vers les usines et les entreprises de la région. Cependant, le « Théâtre de la Commune » est amené à élargir le domaine de son influence au département de la Seine-Saint-Denis tout entier, s’établissant par là comme le centre d’un réseau d’entreprises artistiques en plein développement, puisqu’il constitue l’objet d’une nouvelle politique de décentralisation de la part de l’État. Pour couronner cette expansion de son rôle culturel, le théâtre est nommé en janvier1975 Centre Dramatique National. Sa mission se trouve donc augmentée, impliquant une réorganisation structurelle de l’établissement.

Cette étude a montré comment le « Théâtre de la Commune » a pris en charge cette destinée culturelle problématique, tout en conservant les responsabilités exigeantes qui sont celles d’un théâtre populaire et engagé.

ERZEN Frédéric, Occident et la rue, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 95 p.

Le Mouvement Occident s’inscrit pleinement au cœur du tumulte étudiant des années 60 d’où jailliront les événements du mois de mai. Non content d’avoir contribué à la dégradation du climat de Nanterre, Occident a aussi joué un petit rôle politique. Quoique limitée au pavé parisien, son action renvoie à divers problèmes : quelle est son idéologie ? Y a-t-il une spécificité d’Occident ? Quelle est la place de la rue dans son imagerie ? Naturellement la violence du mouvement, cette tendance lourde à l’usage du manche de pioche, nous amène à réfléchir sur la place offerte à la violence au sein des idéologies radicales des années 60. Histoire oubliée, l’épopée d’Occident de 1964 à 1968 dévoile certains aspects troubles de la vie politique française. Ni l’angélisme ni la diabolisation ne permettent de saisir l’action du Mouvement. Basée sur des rencontres, des découvertes, des témoignages cette étude met en perspective un problème majeur : le poids de la reconstruction faite par la mémoire d’un sujet.

FLONNEAU Mathieu, Urbanisme et voirie dans le 18e arrondissement de Paris pendant l’entre-deux-guerres, Maîtrise [Antoine Prost, Annie Fourcaut], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 208 p. + annexes

Y a-t-il eu une politique urbaine parisienne dans l’entre-deux-guerres ? C’est à ces questions que tente de répondre ce travail appuyé sur l’étude monographique du XVIIIe arrondissement et spécifiquement ciblé sur un composant particulier de la ville : la voirie. À cet égard, la lecture des documents produits par les services techniques et administratifs de la Ville de Paris nous a permis de déterminer les modifications apportées aux chaussées de la capitale, notamment dans leurs rapports aux nouvelles conditions de circulation générées par l’usage généralisé de l’automobile.

Après la restitution du cadre historique dans lequel s’est inscrite la gestion du réseau viaire parisien au cours de la période 1919-39, et après la mise en évidence des permanences et des ruptures entre les politiques urbaines du Second Empire et de la IIIe République, nous avons retracé les étapes essentielles de l’intégration dans l’ensemble parisien, d’une de ses anciennes zones périphériques. Le travail fait ainsi une large place à l’étude des représentations de la rue qui varient selon les quartiers : attrayante et touristique sur la Butte-Montmartre, répulsive et ouvrière autour de celle-ci. La banalisation « un réseau typique » désormais désenclavé et normalisé, dans une capitale finalement plus homogène, a été largement envisagée.

Enfin, la présentation critique des acteurs de la politique parisienne en matière de voirie a permis d’une part de mesurer très concrètement le degré croissant d’implication des pouvoirs publics dans la gestion urbaine et, d’autre part, de constater le développement de la rationalisation des outils juridiques, administratifs et exécutifs.

FOREST Bénédicte, La fête à Aubervilliers dans l’entre-deux-guerres, Maîtrise [Noëlle Gérôme, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 223 p.

« La fête à Aubervilliers dans l’entre-deux-guerres » est apparue comme une nouvelle approche et un complément des études déjà entreprises sur cette ville dont la particularité politique suscite intérêt. Résolument ouvrière, elle reste fidèle à Pierre Laval (maire depuis 1923) et ce jusque dans les années de Front populaire qui coïncident avec les premiers succès électoraux communistes.

Par une analyse formelle, nous avons cherché à caractériser ces fêtes en mettant l’accent sur le principal organisateur : la municipalité lavalienne. Cette dernière développe l’entreprise festive parce qu’elle rassemble, qu’elle n’est pas étrangère au projet d’un « mieux-être en banlieue » et qu’elle lui offre l’occasion de mettre à l’épreuve sa souveraineté. La fête est aussi le « miroir » d’une société à une époque donnée. Elle véhicule ses craintes, ses aspirations, elle permet un recensement des groupes influents locaux qui reconnaissent, unanimement, son utilité pour revendiquer et légitimer leur participation à la vie communale. Par exemple, les fêtes des cellules communistes dans le cadre du quartier favorisent le rapprochement avec la population et contribuent, ainsi, à leur implantation. Mais surtout, la fête témoigne des distorsions politiques, et elle se trouve, donc, au cœur de la rivalité qui oppose les communistes à la municipalité lavalienne dont elle est une des formes d’expression. Si la signification politique d’une fête tient essentiellement à son organisateur, il n’en demeure pas moins que les paramètres tels que le temps, le lieu et même le contenu reflètent, eux aussi, la politisation de la fête.

FOURRE Arnaud, La Guerre froide 1947-1953 à Gennevilliers et à Saint-Denis à travers la presse locale, Maîtrise [Antoine Prost, Annie Fourcaut], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 124 p.

Si on connaît bien les grands mécanismes de la guerre froide 1947-1953 sur le plan international et national, on mesure moins l’impact de ces événements sur un espace plus local. C’est ce point que ce travail se propose d’éclairer en étudiant les cas de Saint-Denis et Gennevilliers.

La presse locale est le meilleur outil pour appréhender cette période. Elle restitue fidèlement le langage et l’ambiance de cette époque. Trois questions sont au cœur de notre travail : – La guerre froide a-t-elle eu des incidences sur le plan local ? – Quels rôles ont joués les journaux locaux pendant cette période dans ces villes ? – Quelles sont les expressions de cette guerre froide à Gennevilliers et à Saint-Denis ?

Dans la première partie de ce mémoire, nous présentons les différents journaux locaux, leur lectorat potentiel et le contexte politique et économique de ces villes. La deuxième partie nous montre l’isolement des communistes.

L’action des combattants de la paix, et le problème allemand à Gennevilliers et à Saint-Denis à travers la presse locale. La troisième partie met en lumière la vie politique de ces deux villes pendant cette période de guerre froide et l’opposition qui existe entre le PCF et les autres forces politiques locales. La quatrième partie met en avant les expressions de cette guerre froide sur le plan local à travers le souvenir de la résistance, les grèves et les manifestations de rue. Le résultat de cette étude est que la guerre froide a eu des répercussions sur la vie locale et politique de Gennevilliers et de Saint-Denis. Lors de tous ces événements, la presse locale s’est révélée être un acteur indispensable à la vie locale de ces villes.

GOMOLINSKI Olivia, May Picqueray (1898-1983) : une mémoire du mouvement anarchiste, Maîtrise [Antoine Prost, Claude Pennetier], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 173 p.

Le mouvement anarchiste se prête volontiers à l’exercice autobiographique parce qu’il valorise l’individu et non le groupe. Pour appréhender le mouvement anarchiste, il est apparu judicieux de l’aborder à travers l’étude biographique.

L’itinéraire de May Picqueray est un parcours original à plus d’un titre. Acquise à l’anarchisme vers l’âge de vingt ans, subjuguée par le verbe de Sébastien Faure, celui qu’elle considérait comme son « père spirituel », la vie de May Picqueray se déclina autour des axes fédérateurs du mouvement anarchiste : le syndicalisme, la solidarité libertaire et le pacifisme. Son action se caractérisa par un militantisme placé au service des figures de proue du mouvement libertaire, par un militantisme de second plan que l’on pourrait qualifier « de base », ce qui ne peut être entendu comme étant un militantisme de second ordre. Sa présence au congrès de Saint-Étienne, son expérience en Russie au cours de l’hiver 1922 au moment où se tint le deuxième congrès de l’I.S.R., sa participation au réseau d’entraide aux réfugiés victimes des persécutions communistes, son activité auprès d’Emma Goldman puis par la suite auprès de Louis Lecoin, son action clandestine pendant la guerre sont autant d’éléments infirmant le caractère secondaire de la vie de May Picqueray. Elle se contenta de ce rôle jusqu’à la mort de Louis Lecoin, « ce grand bonhomme trop petit » comme elle aimait à le qualifier, puis s’émancipa ; la disparition de ce dernier revêtit une forme de « libération ». À l’âge de soixante-seize ans, elle fondait son propre journal, Le Réfractaire, relève du journal de Louis Lecoin, Liberté, dont la vocation était d’œuvrer pour l’objection de conscience. En 1979, elle se résolvait à livrer par écrit ses mémoires : May la réfractaire. Pour mes quatre-vingts-un ans d’anarchie connut un véritable petit succès de librairie. Il s’agissait pour May Picqueray d’un dernier acte militant, et ce livre lui apparaissait comme une tribune permettant la diffusion des idées pour lesquelles elle s’était battue toute sa vie.

À travers cette étude, il s’est agi d’étudier les raisons qui permettent d’expliquer l’attrait suscité par le personnage de May Picqueray, de mettre en lumière l’itinéraire de sa vie, mais aussi d’analyser le réseau de relation tissé au sein du mouvement libertaire. Il s’est agi également de faire l’étude de ce microcosme, de cette génération de militants en marge du militantisme communiste hégémonique et qui, malgré les vicissitudes des événements, avait gardé confiance dans un changement conforme à son idéal croyant voir dans la nouvelle génération de militants issue de Mai 1968 la relève espérée.

HAUTION Valérie, L’alimentation des écoliers parisiens sous l’Occupation : la question des cantines scolaires, Maîtrise [Antoine Prost, Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 350 p.

Les premières cantines scolaires de la capitale naissent et s’organisent à l’issue des années 1870. La misère et l’action de quelques conseillers municipaux décident la Ville à agir en faveur de l’alimentation des écoliers défavorisés et à donner un caractère officiel aux initiatives privées ou locales. Les Caisses des écoles vont être le principal moteur de cette réalisation.

Nombreux sont les scientifiques qui plaident en faveur d’un essor des cantines scolaires et en 1936, Cécile Brunschvicg, nommée secrétaire d’État à l’Éducation nationale, s’efforce de les favoriser. Toutefois, à l’aube de la Deuxième Guerre mondiale, les cantines ont toujours la même vocation ; elles continuent à accueillir principalement les plus démunis des écoliers et à ce titre, elles peuvent être assimilées à des soupes populaires pour enfants.

L’importance des cantines scolaires, soulignée en 1936 dans le contexte d’une exceptionnelle volonté politique, allait bientôt s’imposer au cœur d’une situation dramatique. À compter de 1940, à Paris plus encore qu’ailleurs, les restrictions menacent la santé des enfants d’âge scolaire et les autorités locales compétentes vont se tourner très vite vers les cantines. Elles vont leur assigner l’ambitieuse mission de remédier à la sous-alimentation de l’ensemble de la population d’âge scolaire.

Les cantines s’appuient sur une organisation éprouvée, mais ce n’est pas seulement cette forme traditionnelle qui est « convoitée » par l’administration et son nouveau partenaire, le Secours national. Les Caisses vont devoir se conformer aux exigences des autorités et s’efforcer au mieux d’accomplir leur nouvelle mission à l’aide des moyens que la Ville, le Ravitaillement général et l’Entr’aide d’hiver du Maréchal leur concèdent.

S’appuyant sur diverses sources (dont des documents inédits), ce mémoire se propose de rendre compte du fonctionnement des cantines parisiennes en période de rationnement, de dégager les enjeux qu’elles suscitent et de saisir les mutations, les succès et les difficultés que ces œuvres enregistrent sous l’occupation.

KAPLAN Benoît, Une génération d’élèves des grandes écoles en Algérie : mémoire d’une guerre, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 2 vol., 154 p. + annexes

Près de cinq Français sur cent, essentiellement des appelés du contingent, ont fait la guerre en Algérie de 1954 à 1962. Pourtant, et malgré son importance numérique, le contingent est resté le parent pauvre de l’historiographie de cette période ; aussi, le tableau que l’on fait de lui, sans être nécessairement faux, reste sommaire. Pour briser le cercle vicieux de l’image unique, il fallait tenter d’isoler une population particulière pour suivre son comportement. C’est ce que nous nous sommes proposé de faire en étudiant un échantillon de soixante-cinq élèves des Grandes Écoles des Mines de Paris, de Polytechnique, de Centrale, de l’École Supérieure de Commerce de Paris et même des ENS de la rue d’Ulm et de Saint-Cloud.

La première étape de notre travail a consisté à créer des sources nouvelles en recueillant les témoignages de ces anciens élèves, au cours d’entretiens non directifs qui ont fait l’objet d’un enregistrement.

Ensuite, nous avons voulu établir la généalogie des mémoires de ces anciens d’Algérie, en suivant les phases successives de leur relation avec cet événement. Nous avons d’abord cherché à connaître l’atmosphère politique de leur vie étudiante et particulièrement de leur école, puis leurs opinions d’alors ainsi que les comportements et l’imaginaire politiques que mettaient en jeu la perspective du départ pour l’Algérie.

Enfin, nous avons tenté de déterminer ce que fut leur expérience algérienne pour comprendre le mouvement intime de la mémoire de cette guerre. L’épreuve d’une forme banalisée et inégale de la violence et de la compromission s’est cristallisée autour de la question d’une culpabilité et d’un jeu de miroir entre leur génération et celles de 1914 et de la Résistance, cristallisation qui empêche nos témoins de se reconnaître véritablement comme des « Anciens Combattants ». Mais si cette identité incertaine interdit la formulation d’un message public propre à nos témoins, elle cache des souvenirs privés qui laissent souvent entrevoir que cette expérience conserve un versant positif et en définitive valorisant pour une partie d’entre eux.

KSSIS Nicolas, Mouvement ouvrier et ballon rond : l’exemple du football corporatif à la FSGT dans le département de la Seine (1936-1939), Maîtrise [Antoine Prost, Noëlle Gérôme], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 211 p.

Le sport travailliste est né d’une volonté politique : contrer l’influence prépondérante des fédérations laïques et catholiques dans le sport français. Son histoire et sa composition restent donc profondément liées à celles du mouvement ouvrier. Ainsi, il fut divisé entre deux organisations (la FST et L’USSGT) suite à la rupture entre communistes et socialistes. La dynamique unitaire du Front populaire se répercuta de même sur l’existence des sportifs ouvriers. Mais en plus d’une conséquence organisationnelle, la constitution d’une fédération unique, (la FSGT), cette évolution déboucha aussi sur une redéfinition du statut du mouvement sportif ouvrier.

En effet, l’atténuation du discours idéologique et l’arrivée massive de nouveaux adhérents obligèrent la nouvelle structure unitaire à accentuer l’importance de sa spécificité sportive. La FSGT tente alors de représenter un sport populaire dans un pays ou la démocratisation de l’activité physique a été encadrée par des organisations qui possèdent en la matière des conceptions contraires aux siennes.

Le sujet de notre maîtrise illustre cette problématique en utilisant un domaine précis, le football « corporatif », dans une zone géographique limitée, la région parisienne. Il s’agit de démontrer à la fois la perméabilité du sport aux influences sociales (ici la relation avec la CGT et sa répartition professionnelle) et politiques ainsi que l’autonomie relative de la vie sportive. Ces deux logiques se chevauchent, s’opposent parfois, mais sont surtout particulièrement mises en relief dans le sport travailliste durant les années du Front populaire.

Les footballeurs métallurgistes qui lèvent le poing sur les terrains avant leurs matchs de soutien en faveur de l’Espagne républicaine ont assurément le cœur à gauche, ils appartiennent à une fédération qui témoigne de leur conviction, cependant, en tant que passionnés du ballon rond, leurs références en ce domaine proviennent d’un champ culturel extérieur en grande partie au mouvement ouvrier.

MANIGAUD Anne, Marcel Body : Limoges-Moscou-Limoges. Itinéraire bouleversé par la révolution russe, Maîtrise [Antoine Prost, Claude Pennetier], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 212 p.

Au cours de cette étude, nous avons reconstitué l’itinéraire politique original d’un militant du mouvement ouvrier français.

Marcel Body est né en 1894 dans un faubourg de Limoges, « la ville rouge » et au sein d’une famille de céramistes et de coopérateurs aux idées socialistes et syndicalistes. En 1916, son attrait pour la Russie et sa connaissance rudimentaire du russe expliquent sa mobilisation dans un régiment partant pour la Russie. En octobre 1917, il est à Moscou un témoin des soulèvements révolutionnaires. Ne dissimulant pas son enthousiasme pour le programme léniniste, il adhère en septembre 1918 au jeune Groupe communiste français de Moscou avec Jacques Sadoul et Pierre Pascal. En apprenti révolutionnaire, il s’applique à comprendre et à servir la Révolution jusqu’en 1921. Mais la répression de l’insurrection de Cronstadt freine considérablement son enthousiasme. Il prend alors du recul en acceptant un poste diplomatique à la Légation soviétique en Norvège où une profonde amitié le lie à Alexandra Kollontaï, représentante plénipotentiaire à partir de 1922.

En 1927, il regagne la France — non sans difficultés — et prend des responsabilités au sein du Parti communiste limousin. Quelques mois plus tard, ses critiques provoquent son exclusion. En créant un hebdomadaire à Limoges en 1928, il unit son action à celle de militants oppositionnels parisiens (Boris Souvarine, Pierre Monatte…). L’échec de son initiative entraîne son effacement de la vie politique. Occasionnellement, il publie des articles dans différents journaux (L’Émancipation en 1935 et La Révolution prolétarienne vers 1967). À la fin de sa vie, il livre son « testament politique » dans un livre de souvenirs, puis dans des conférences publiques sur ses années russes, enfin, dans des articles publiés dans Le Réfractaire (1974-1983), journal créé par son amie May Picqueray.

L’étude du rapport de Marcel Body à l’URSS après une telle expérience révolutionnaire est riche d’enseignements. Comment s’est-il représenté ce pays tout au long de sa vie ? Avec quelle rapidité la « vérité » s’est-elle installée dans l’esprit des hommes qui étaient le plus à même de l’appréhender ? Quelles analyses Marcel Body a-t-il faites du mouvement communiste ?

Les différentes étapes de sa vie éclairent d’une façon originale les causes de dégénérescence du régime bolchevique. Plus il avance en âge, plus sa critique remonte à l’origine du régime mis en place. Sa fidélité aux valeurs et aux symboles du mouvement ouvrier révolutionnaire d’avant 1914 le conduit à envisager la possibilité d’une troisième voie qui n’est ni le communisme soviétique ni le réformisme, mais une voie qui s’inspirerait de l’esprit coopérateur et socialiste dans lequel il avait grandi.

MANNARINO Damien, La mémoire déportée : du témoignage des déportés des camps nazis dans l’édition en langue française 1944-1993, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 456 p.

La connaissance des camps de concentration nationaux-socialistes passe nécessairement par le récit des déportés. Dès leur retour, ils ont commencé à le communiquer, notamment au moyen de livres. Leur recension s’imposait afin de pouvoir appréhender l’importance de ces témoignages, et d’en découvrir les dates et les rythmes de production et, par voie de conséquence, l’accueil qu’ils rencontrèrent. Le corpus, plus de six cents titres, ainsi obtenu permet de dégager trois périodes : le retour (1944-1950), le refoulé (1951-1980) et le réveil (1981-1993, provisoirement). L’expérience décrite est essentiellement celle des Français, mais les traductions la complètent. D’une période à l’autre, la représentation et la mémoire de la déportation se modifient, passant des résistants aux victimes juives. Buchenwald, camp emblématique à la Libération, cède la place à Auschwitz devenu synecdoque de la déportation et du génocide. Ce dernier ne s’inscrit que partiellement dans le système concentrationnaire, mais les camps en furent l’instrument indispensable. La réunification des mémoires de ces déportations, différentes, mais combinées, permet de rendre au nazisme qui en dressa les plans et en poursuivit l’exécution son visage entier : celui du Mal radical, concrètement historique et politique, et non celui d’un mal absolu métaphysique et incommunicable. Ainsi, la mémoire des déportés, ramenée à nous, peut servir à construire un savoir nécessaire et utilisable pour notre temps. Tel est le sens de cette histoire qu’il fallait reprendre depuis le début.

MARECHAL Delphine, Les procès de résistants (1947-1954), Maîtrise [Antoine Prost, Lucette Le Van-Lemesle], Paris 1, 1994, 134 p.

Mon intention première, concernant le sujet de mon mémoire de maîtrise, était d’étudier les représentations de l’« épuration sauvage ». Le phénomène, on le sait maintenant, a provoqué la mort d’environ 9000 personnes. Cependant, la mémoire collective, tenace, tend à garder de cette période, le souvenir d’un « bain de sang » et de centaines de milliers de morts.

Toutefois, ce sujet m’est apparu rapidement trop vaste pour être traité dans un simple mémoire de maîtrise. Sur les conseils de Mrs Prost et Rousso, chercheur à l’IHTP, j’ai décidé d’étudier les procès de résistants et de comprendre, à travers eux, la légende noire de l’« épuration sauvage ». Par procès de résistants, j’entends ici ceux qui se sont déroulés dès l’après-guerre et qui ont concerné d’anciens combattants de la Résistance, accusés de vols, violences ou meurtres la plupart du temps commis au moment de la Libération de la France.

L’impossibilité de consulter les archives criminelles m’a obligé à baser ma recherche sur des sources plus « subjectives » puisque mon matériel était lui-même l’interprétation d’une réalité : presse, journal officiel, ouvrages contemporains….

Le résistant inculpé est considéré entre 1947 et 1954 comme un accusé particulier. Son statut ambigu de « combattant de l’ombre » a contraint la législation à inventer de nouvelles ordonnances pour en tenir compte. Cependant, cette législation ne semble pas avoir réussi à englober l’ensemble des situations rencontrées par le résistant pendant la période de la Libération. Elle en devient forcément réductrice, imposant une image fixe du statut de résistant.

Les procès des résistants sont utilisés largement à des fins politiques. À droite comme à gauche, on s’en sert pour dénoncer les abus, fustiger ceux qui ternissent le nom de la Résistance. En effet, c’est une des constatations de cette recherche que de voir que souvent, l’homme, qu’il soit coupable ou non, est oublié au profit de l’idée d’une Résistance inattaquable et parfois récupérée.

MARTIN Céline, La Rue de la Goutte d’or pendant l’entre-deux-guerres, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 245 p.

La rue de la Goutte d’Or est un lieu emblématique du Paris populaire. À la fin du XIXe siècle, Zola en faille cadre de la déchéance morale et physique d’une population laborieuse. Un siècle plus tard, l’opinion publique la considère comme une des plus dangereuses de la capitale, ses immeubles insalubres abritant une population immigrée nombreuse et des trafics en tous genres. Pendant ces deux époques, la rue de la Goutte d’Or conserve ses caractères originaux : sa fonction d’accueil des populations socialement défavorisées, souvent déracinées, et sa mauvaise réputation.

La rue de la Goutte d’Or ne connaît pas, en un siècle, de mutations fondamentales, mais elle change lentement sous les effets de nouvelles conjonctures économiques, sociales et politiques, l’entre-deux-guerres se présentant comme la période de transition.

Dans les années vingt et trente, la rue de la Goutte d’Or ressemble encore à celle de Zola : des immeubles délabrés et des logements sous-équipés, des ouvriers et des petits employés, une petite élite sociale commerçante, des hôtels et des débits de boissons, une cohabitation réussie entre Parisiens et provinciaux. Mais, on note déjà des caractères démographiques et des comportements matrimoniaux nouveaux, un mouvement de dépopulation, des étrangers de plus en plus nombreux, d’origines de plus en plus diverses et lointaines.

La combinaison d’éléments des XIXe et XXe siècles fait de la rue de la Goutte d’Or de l’entre-deux-guerres, un lieu à la fois uniforme et bigarré, marginal dans la capitale, mais où vit une population incarnant assez fidèlement la réalité économique et sociale du Paris populaire de l’époque.

MESROB Véronique, Les représentations du monde ouvrier dans la production cinématographique française de 1945 à 1950, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 217 p.

Le champ d’investigation de l’historien s’est enrichi de nouvelles disciplines. Les sources filmées ont désormais un intérêt scientifique qui élargit l’horizon de la recherche historique. Un film est un produit culturel inscrit dans un contexte socio-historique donné. C’est une production culturelle qui offre à l’historien, au chercheur, des documents à analyser. Le cinéma témoigne dans l’ordre des représentations et, bien que les images filmées soient encore difficilement accessibles, il ne faut pas omettre l’analyse du film qui reviendrait a réduire une partie essentielle du matériau de l’historien.

Si la veine ouvriériste existe au sein de la production cinématographique française, la courbe de représentations est quantitativement proche de zéro. Le mémoire présenté n’épuise pas toutes les interrogations qui naissent du rapprochement entre le monde ouvrier à l’écran dans la production française d’après guerre et le contexte historique particulier des cinq années qui suivirent la Libération.

La diversité des genres cinématographiques (fictions de long-métrage, documentaires et actualités) a apporté des informations contrastées. Si le rôle joué par les ouvriers dans le cadre historique est significatif, il apparaît en demi-teinte à l’écran : tonalité bon enfant pour la globalité des films de fiction, hormis les tentatives de Louis Daquin (Le point du jour) et de Marcelle Paghero (Un homme marche dans la ville) d’appréhender « la vraie vie ».

Les actualités cinématographiques sont au service du pouvoir politique et véhiculent une idéologie. Elles rapportent les images de l’ouvrier moteur de la Reconstruction, mais aussi de l’ouvrier agent du « parti du désordre », fauteur de troubles.

Les représentations filmées du monde ouvrier passent par le prisme déformant de la caméra et subissent les contraintes (censure et autocensure) nées d’un contexte particulier. D’un point de vue politique, économique et social. Ces deux constats posent problème au chercheur. Toutefois, ce sujet d’étude permet de saisir les décors dans lesquels évolue le monde ouvrier ainsi que le comportement du groupe, son travail, ses loisirs.

Mais le cinéma n’est pas une source historique redondante ni le pâle écho du reel. Il dévoile les espoirs et les non-dits d’une société. Même sous contrôle, le cinéma témoigne.

MOURALIS Guillaume, Edmond Michelet : garde des Sceaux, ministre de la Justice (9 janvier 1959-24 août 1961), Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 210 p.

Edmond Michelet, résistant chrétien déporté à Dachau, incarnait dans l’après-guerre, alors qu’il entamait sa carrière politique, un gaullisme ouvert et original.

Lorsqu’il fut nommé garde des Sceaux en janvier 1959, il représentait un courant « libéral » au sein du gouvernement de M. Debré : Michelet était favorable à la négociation puis à l’indépendance de l’Algérie.

Parvint-il à concilier ses convictions et celles de son cabinet (où figuraient J. Rovan, G. Gosselin et puis H. Bourges) avec la politique du gouvernement définie par M. Debré ?

Il tenta de mener une politique personnelle dans le domaine qui était le sien — en matière de justice civile bien sûr, mais aussi dans le domaine pénitentiaire (il institua un régime de détention semi-politique pour les détenus algériens) — tout en se livrant à une audacieuse politique de contacts avec le FLN, en accord avec le général de Gaulle.

Mais son action connut bien des limites qui tenaient au statut de la justice pendant la guerre d’Algérie, aux impératifs de la raison d’État auxquels il dut souvent se plier, ainsi qu’au conflit qui opposa rapidement le garde des Sceaux à son Premier ministre.

Ce conflit aboutit à la démission « forcée » de Michelet en août 1961, démission que le chef de l’État avait fini par accepter, car il lui semblait indispensable de conserver M. Debré à la tête du gouvernement, tant pour des raisons de politique intérieure qu’extérieure.

PACHOMOFF Karelle, Les clubs gaullistes sous la Ve République, Maîtrise [Claire Andrieu, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 240 p.

Les clubs et sociétés de pensée non situés à gauche sont mal connus. Pourtant, le phénomène des clubs gaullistes constitue un aspect important et original de la dynamique des clubs.

Nous sommes en effet parvenu à recenser non moins dune soixantaine de clubs s’articulant autour des valeurs gaullistes. Réplique au succès des premiers clubs socialistes, ce phénomène ne peut cependant être réduit à un simple mimétisme. Le gaullisme a en effet généré ses propres particularités, dans un contexte différent.

Ces clubs se caractérisent par une grande diversité d’approche, qui s’exprime aussi bien dans leur morphologie structurelle que dans la nature de leurs engagements et leur dispersion politique. Malgré cela, ils forment un réseau cohérent, structuré par des idées, des hommes ou un parti. Ils entretiennent entre eux des relations particulières, s’unissent ou bien s’opposent.

L’existence d’un tel système soulève toutefois une interrogation : comment en effet expliquer qu’un phénomène de cette ampleur ait pu subsister dans l’ombre ? En effet, eu dépit de leur nombre, les clubs gaullistes sont toujours demeurés dans la marginalité, dans tous les domaines : au sein même de la famille gaulliste, où ils se heurtent au caractère centralisateur et dominant du parti, duquel ils ne parviennent pas à s’émanciper ; au sein de la dynamique des clubs, en raison de leur trop grande fragilité structurelle, puisque sur la quantité recensée, seul un faible nombre a possédé une activité véritable ; enfin, sur la scène politique, où ils échouent à se faire connaître et à faire aboutir le fruit de leur réflexion, conséquence de leur impuissance.

Les clubs gaullistes ne connaissent donc pas le même destin que leurs prédécesseurs socialistes. Néanmoins, ce constat d’échec est nuancé par le rôle permanent qu’ils remplissent sur la scène politique et au sein du courant gaulliste. Marginaux, ils possèdent une mission de réflexion, constituent une forme d’expression intra-partisane non négligeable ainsi qu’un moyen sûr de lutter contre la dissolution de la spécificité gaulliste, assurant ainsi sa vitalité.

PAROUX Vanessa, Débits et débitants de boissons dans le 18e arrondissement de Paris pendant l’entre-deux-guerres, Maîtrise [Antoine Prost, Annie Fourcaut], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 2 vol., 198 p. + annexes

L’entre-deux-guerres correspond à l’apogée du nombre de débits de boissons en France et à Paris alors que des politiques limitatives et restrictives ont été votées par les pouvoirs publics dès 1915. Espaces paradoxaux et ambigus, à la fois lieux publics et lieux privés, les débits de boissons se situent entre les milieux familiaux et les milieux professionnels. Les récentes études traitant des débits de boissons comme lieux de sociabilité, de convivialité et d’échange ont omis ou ignoré de décrire et d’analyser la réalité intrinsèque du monde de la limonade.

Aussi, dans cette étude, nous avons cherché à cerner les caractéristiques morphologiques des débits de boissons ainsi que celles de leurs exploitants.

Avec quelque 1400 établissements, les cafés-brasseries, les bars, les bistrots et autres marchands de vin se sont implantés dans chaque rue du dix-huitième arrondissement. Ils se sont agglutinés autour des carrefours, des zones commerciales, industrielles, et des lieux d’habitation. Or, toute localisation et tout type de débits de boissons dépendent étroitement des structures sociales, économiques et géographiques de l’espace urbain dans lequel ils s’intègrent.

Malgré la multitude des débits de boissons et la diversité des formes qu’ils peuvent revêtir, nous nous sommes aperçus que les débitants de boissons constituent un groupe social, une communauté d’individus cohérente, et qu’eux-mêmes ont le sentiment d’appartenir à une identique « corporation ». Grâce à l’étude de leur âge, de leur situation de famille, de la profession de leur conjoint et de leurs enfants, de leurs origines géographiques, ainsi que par l’analyse de leur carrière et de leurs revenus, nous avons pu saisir leur vie quotidienne — familiale et professionnelle — et leur position sociale dans le dix-huitième arrondissement de l’entre-deux-guerres. Le système d’intégration et d’assimilation des débitants de boissons sont donc des outils privilégiés de lecture de la vie du quartier ou de la ville dans lesquels ils sont implantés.

PETIT Corinne, Le Marché noir à Paris pendant la Seconde Guerre mondiale, Maîtrise [Antoine Prost, Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 168 p.

Le marché noir est un des phénomènes qui a marqué la vie quotidienne des Parisiens pendant la Seconde Guerre mondiale. Il est apparu lors des premières mesures de rationnement qui se sont mises en place dès 1939. Dès lors, il n’a de cesse de progresser dans tous les secteurs de l’économie.

Cette progression peut être suivie grâce aux nombreux articles que la presse parisienne consacre à ce trafic illégal. En effet, à travers l’étude de trois quotidiens : Paris-Soir, Le Petit Parisien et Les Nouveaux Temps et d’un hebdomadaire La Semaine, il est possible de connaître les mécanismes et les agents du marché noir. Celui-ci est pratiqué par la grande majorité des Parisiens afin d’améliorer leur alimentation.

Face au développement du marché noir, la presse réclame des mesures de plus en plus sévères pour réprimer ce commerce illégal. Le gouvernement de Vichy crée de nouvelles lois et de nombreux organismes de lutte.

Parmi ces organismes, les trois principaux à Paris sont : la brigade de police économique, le service de contrôle des prix et le Comité départemental de surveillance des prix.

L’activité de ces trois services est intense tant le marché noir est présent dans tout Paris. Celle du Comité départemental est publiée régulièrement dans le Bulletin Municipal Officiel qui annonce les sanctions prises par ce Comité pendant toute l’Occupation. À partir d’août 1943, le Comité s’attachera plus particulièrement à la répression à l’encontre des restaurateurs.

Des sanctions judiciaires peuvent être prononcées par le tribunal correctionnel. De nombreuses condamnations sont prononcées durant toute la période. Malgré cela, le marché noir a continué de sévir intensément.

PONDEMER Sylvie, La famille professionnelle du spectacle (1940-1944), Maîtrise [Claire Andrieu, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 193 p.

La « France Socialiste » du 9 décembre 1941 titrait : « Les travailleurs du spectacle veulent constituer une famille autonome dans le cadre de la charte du travail ». Ce vœu fut exaucé puisque le décret du 17 avril 1942 (JO du 6 mai) annonça la création d’une Famille Professionnelle du Spectacle. Elle réunissait au total 100 000 travailleurs : 60 000 professionnels représentant le cinéma et les 40 000 restant, les diverses autres activités du spectacle. Issue de la Charte du travail ou loi du 4 octobre 1941, la famille professionnelle constituait, dorénavant, la base de la nouvelle organisation sociale du travail entreprise par le gouvernement de Vichy. Malheureusement, dès sa mise en place et ses travaux de délimitation effectués, le constat suivant fut inévitable : l’unité des travailleurs des différentes professions du spectacle dans le cadre de la famille, semblait de plus en plus irréalisable étant donné la composition trop hétérogène de ses branches d’activités (théâtre, cinéma, concert et sport). Ainsi, ses limites restèrent relativement floues et ses travaux ne dépassèrent jamais le stade de comité d’étude. Inévitablement, la Famille Professionnelle du Spectacle se retrouva rapidement liquidée à la libération, car elle n’avait, tout compte fait, guère vécu et laissé de traces. Elle constitua néanmoins un remarquable exemple de l’échec que connut le régime de Vichy dans sa volonté de transformer la société française.

PRUVOT Isabelle, Les œuvres sociales aux origines de la RATP, Maîtrise [Noëlle Gérôme], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 234 p.

Par cette étude, nous avons cherché à analyser le caractère social d’une entreprise de service public telle que la RATP, le côté économique et politique étant mieux connu. Nous avons donc axé notre réflexion sur les origines des œuvres sociales dans les transports parisiens. Or, à la Libération, celles-ci connurent une rupture dans leur organisation et leur vie interne de par la création du Comité d’Entreprise en 1946. En effet, la politique de mise sous tutelle de ces institutions par le Comité d’Entreprise finit par créer une situation de conflit entre cet organisme et certaines de ces œuvres. Ceci était en fait dû à la nature différente du Comité d’Entreprise par rapport à des œuvres sociales créées au début du XXe siècle.

Le cas le plus significatif illustrant cette tension fut certainement le conflit qui opposa les « Enfants du Métro » au Comité d’Entreprise. La fondation des « Enfants du Métro » était une œuvre patronale dont l’objectif était d’envoyer les enfants des agents en colonie de vacances, activité qu’entendait exercer parallèlement le Comité d’Entreprise. Ceci déboucha sur une crise ouverte, qui ne put se résoudre que partiellement devant les tribunaux.

Cette situation semble perdurer actuellement, car la concurrence entre les colonies de vacances des « Enfants du Métro » et celles du Comité d’Entreprise de la RATP est encore d’actualité. Pourtant, leur point de vue sur l’importance de l’action sociale au sein de l’entreprise est le même. En effet, il s’agit avant tout d’un problème politique, les problèmes entre les œuvres sociales et le Comité d’Entreprise étant, en quelque sorte, l’un des révélateurs de conflits entre la direction de la RATP et celle du Comité d’Entreprise, dont les membres sont en grande majorité des syndicalistes de la CGT.

Ceci ne remet cependant pas en cause leur volonté commune et constante d’agir pour le bien-être des agents et de leurs enfants. À ce titre, les œuvres sociales de la RATP sont une réussite.

RODER Iannis, Le Parti communiste français dans la résistance en Corse, 1939-1943, Maîtrise [Antoine Prost, Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 166 p.

La région Corse du PCF, créée en 1938 est forte à la veille de la guerre, de quelques centaines de militants. La dissolution du PCF en septembre 1939, la guerre et l’avènement du régime de Vichy la désorganisent complètement. Toutefois, des militants locaux aguerris et des militants des JC venus du continent permettent aux communistes de commencer à réorganiser l’appareil du Parti et les JC.

Durant l’été 1941, la région Corse du PCF reçoit l’appel à la formation d’un Front National. À partir de ce moment, les communistes mènent de front la consolidation du Parti, les prises de contact en vue de la création et de l’organisation du FN, l’organisation des moyens de propagande.

Les débuts du FN sont lents et difficiles, il ne prend toute son ampleur qu’avec l’arrivée des troupes italiennes en novembre 1942. Le PCF tente de toucher la population en articulant sa propagande autour de thèmes majeurs : le ravitaillement, c’est-à-dire les préoccupations quotidiennes de la population, le rejet du fascisme italien, démontrant que Vichy voulait livrer la Corse à l’Italie alors que le PCF était le défenseur de la Corse française, et enfin, l’union dans le Front National. Le FN est définitivement structuré à Porri en mai 1943 (Vittori est le responsable militaire, Giovoni est le responsable politique). Alger le reconnaît alors comme mouvement de résistance et envoie des missions et des armes par sous-marin. En été 1943, le FN s’impose comme l’unique mouvement de résistance en Corse, il est à direction communiste. Malgré la répression féroce, la troïka de direction du PCF (Begnini, Micheli, Pagès), coupée du continent depuis septembre 1942, à laquelle s’est joint Vittori, décide, à la suite de la chute de Mussolini, de déclencher l’insurrection le jour de la capitulation italienne. Cette capitulation intervient le 8 septembre 1943 ; le 9 le FN lance l’insurrection. Ses 12 000 hommes en armes libèrent l’île, avec l’aide d’un corps expéditionnaire français, intervenu sur le tard.

Qu’est-ce qui a permis à la région Corse du PCF, seule Région communiste à l’avoir réalisé, de créer les conditions d’une insurrection populaire, sachant que le PCF avant-guerre était quasiment inexistant et que la Corse ne connaissait pratiquement pas de classe ouvrière ? L’antifascisme des Corses était-il réellement sincère, ou au contraire, ne se réduisait-il pas au désir de se débarrasser de la présence italienne ? Dans ce travail, nous nous sommes efforcés de répondre à ces questions.

SALEH Christophe, L’image de l’Allemagne nationale-socialiste de 1933 à 1939 dans la presse de droite française, Maîtrise [Antoine Prost, Bruno Groppo], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 177 p.

Ce mémoire étudie l’image de l’Allemagne nazie entre 1933 et 1939 dans trois quotidiens français de droite : Le Figaro, représentant de la droite modérée ; L’Action française, bien connue pour son idéologie xénophobe et antirépublicaine ; L’Écho de Paris, organe de la droite nationale et conservatrice. La comparaison entre ces trois journaux permet de reconnaître les points communs, mais aussi leurs différences dans la perception de l’Allemagne. Il en ressort, dans l’ensemble, l’impression d’une profonde méfiance à l’égard de l’Allemagne nazie et du danger qu’elle pouvait représenter pour la France et pour d’autres pays. Tout aussi frappant est le recours à des clichés très répandus sur la « nature » et le « caractère » présumés des Allemands. Le mémoire accorde une attention particulière à certains aspects, comme par exemple la personnalité d’Hitler, le recours à la violence comme moyen de gouvernement, la tentative d’encadrement totalitaire de la société et surtout de la jeunesse par le régime nazi.

SALGADO Eugénie, Les activités culturelles menées au sein du comité d’établissement de Renault Billancourt : étude du Caméra-ciné-club de 1945 à 1983, Maîtrise [Antoine Prost, Noëlle Gérôme], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 128 p.

Ce mémoire poursuit le but de retracer l’activité du Caméra-Ciné-Club, section de l’association culturelle de Renault-Billancourt. Celle-ci à sa création, en 1948, se dote d’une certaine autonomie et par son statut loi 1901 constitue le moteur de la mise en marche des activités culturelles et aide au fonctionnement de l’ensemble des sections.

Cette étude permet d’appréhender l’histoire à peine ébauchée des activités culturelles menées sur les lieux de travail. Elle met en lumière les fondements idéologiques de l’action des comités d’entreprise depuis 1945 relative aux choix des activités culturelles et à leur développement par les travailleurs de l’entreprise eux-mêmes. Le comité d’établissement de Renault-Billancourt a aussi impulsé une dynamique permettant à la commission des « Sports et des Loisirs » et à l’association « Loisirs et culture » d’être porteuses d’un élan et d’une diffusion culturelle pendant plus de trente années.

Ainsi, la première partie de cette recherche s’attache à montrer le fonctionnement et l’organisation de l’association culturelle de la Régie en analysant successivement ses objectifs, les moyens qui lui sont impartis et l’évolution des orientations de ses membres.

Le cadre alors fixé permet de nous attacher à l’étude du Caméra-Ciné-Club.

La section a mené une activité de diffusion cinématographique, associée au développement des pratiques des cinéastes amateurs. Cette recherche nous a permis de retrouver l’ensemble des œuvres cinématographiques réalisées par les membres de la section : témoignages d’une culture vivante en entreprise.

SCHNEIDER Wieland François, La sauvegarde du patrimoine culturel français, 1933-1943, Maîtrise [Claire Andrieu, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 161 p.

Ce mémoire a pour objet la sauvegarde du patrimoine français au cours de la période 1933-1943 et les actions menées pour se soustraire aux dangers de la guerre. Ce patrimoine — les œuvres d’art et les édifices classés — a été l’objet de soins poussés.

En ce qui concerne les œuvres d’art, nous verrons comment les musées, centres d’archives ou églises ont vu leurs collections évacuées dans plus d’une centaine de dépôts de province, une première fois en septembre 1938, une seconde fois de façon définitive en septembre 1939.

Dans le cas des bâtiments, les protections totales sont impossibles. Néanmoins, plus de cent bâtiments civils, palais nationaux et monuments historiques ont été soumis aux impératifs de la défense passive, qui rendait obligatoire une politique de protection.

Entre ces deux politiques, il existe des différences majeures, tant du point de vue des moyens financiers, matériels et humains, que de l’esprit dans lequel elles ont été menées. Nous verrons également que, malgré ces différences le patrimoine culturel français a été sauvé de la destruction.

SERVOL Michele, Les amicales des Auvergnats de Paris de l’entre-deux-guerre, Maîtrise [Claude Pennetier, Annie Fourcaut], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 120 p.

C’est dans la dernière décennie du XIXe siècle que se forment les premières sociétés amicales des Auvergnats de Paris. Ces migrants, chassés par la misère des hautes terres du Massif central et rejetés par la société urbaine, sont d’abord aidés moralement et financièrement par des associations départementales et par Louis Bonnet, fondateur du journal L’Auvergnat de Paris. Mais peu à peu, ils éprouvent le besoin de se retrouver entre compatriotes pour nouer des relations simples et chaleureuses au sein desquelles solidarité et entraide sont les premiers mots d’ordre. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, ces associations, « mises en sommeil » pendant le conflit, renaissent et se réorganisent. Elles prolifèrent rapidement notamment parmi les originaires du massif de l’Aubrac, berceau de l’émigration auvergnate à Paris. Progressivement, les sept départements choisis par Louis Bonnet pour délimiter l’Auvergne vue de Paris, vont alimenter ce vaste mouvement régionaliste.

Dans les années 30, la colonie, solidement organisée et structurée, semble à son apogée. Qu’elles soient à domination commerçante, thématique, ou élitiste, ces sociétés deviennent puissantes, attirant dans leur orbite d’éminentes personnalités politiques et religieuses susceptibles d’apporter leur soutien à la communauté.

Les occasions de se retrouver ne manquent pas notamment lors des nombreuses manifestations festives et des fameux banquets annuels qui sont le clou de la saison amicaliste.

Les activités parisiennes n’affaiblissent pas les liens avec le pays natal. Chaque été, des trains spéciaux emportent les « Parisiens » vers la « petite patrie ». Les enfants sont régulièrement envoyés dans la famille ou placés dans des colonies de vacances.

Les amicales multiplient les dons et les subventions aux communes et veillent à la promotion touristique du département. Leurs actions, nombreuses et variées, sont à nouveau interrompues lorsqu’éclate la Deuxième Guerre mondiale. Nouvelle épreuve suivie d’une renaissance du mouvement en 1945.

STAES Hélène, Citoyens 60 : 1959-1968, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 120 p.

Parmi les clubs politiques créés à la fin des armées cinquante, Citoyens 60 montre la structure la plus complexe et dispose des ramifications les plus étendues. Parisien par sa direction, provincial par ses cercles de villes, il dépend complètement du mouvement d’obédience chrétienne la Vie Nouvelle dont il émane. Le projet proposé en 1957 est concrétisé en janvier 1959 par la parution des Cahiers Citoyens 60. Il se distingue des autres clubs par un ton plus pédagogique, se voulant « l’École et le Laboratoire du citoyen ». Réticent devant l’action politique, il se propose simplement d’enrichir « le tissu démocratique » et de diffuser « l’espoir socialiste ». Le club sort en 1964 de son expectative pour prendre part au Colloque socialiste et pour soutenir la tentative de Gaston Defferre. Au même titre que pour la FGDS en 1965, Citoyens 60 refuse de s’engager structurellement sous peine de faire éclater le mouvement, et conseille aux adhérents, issus pour la plupart des classes moyennes de soutenir les forces de gauche individuellement. L’Équipe Centrale Citoyens 60 démissionne en bloc en juin 1968, en réponse aux événements politiques intérieurs et à la volonté des Animateurs nationaux de Vie Nouvelle de restructurer le projet.

VARIN Nicolas, Dorgerès et le dorgerisme en Picardie, Maîtrise [Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 145 p.

Lorsqu’on évoque les ligues de l’entre-deux-guerres, on pense le plus souvent aux Croix de Feu du Colonel de la Rocque, aux Jeunesses Patriotes de Pierre Taittinger, au Francisme de Marcel Bucard, à la Solidarité française de François Coty… rarement à la Défense Paysanne d’Henri Dorgerès, davantage au fer de lance de son organisation les « Chemises vertes » dont la coloration laisse peu d’ambiguïtés aux profanes sur la nature du mouvement (la parenté avec d’autres chemises brunes ou noires allant de soi).

L’étude d’histoire locale étant selon Lucien Febvre une question générale posée aux témoignages que fournit champ d’expérience restreint, cette monographie régionale vise à mieux saisir le mouvement dorgeriste sous I’angle du local.

Quelles ont été l’action et l’influence d’Henri Dorgères et de son organisation dans la région Picardie ? Quelle a été l’importance de la région Picardie dans la trajectoire politique d’Henri Dorgères et de on mouvement ?

L’affaire de Bray-sur-Somme, le procès de Péronne, l’intervention des « chemises vertes » lors des grèves estivales de 1936-1937, la mise en place de commissions paritaires dans l’Oise… constituent autant de réponses à ces interrogations.

VITRY Stéphanie, La mortalité du camp de concentration de Gusen à partir du dépouillement d’un registre de morts (avril 1943 – mai 1945), Maîtrise [Antoine Prost, Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 146 p. + annexes

L’histoire du camp de concentration autrichien de Gusen, principal camp satellite de Manthausen, nous est offerte en partie par les différents documents relatifs à l’administration concentrationnaire. L’Operationsbüch, registre marginal et jusqu’alors jamais étudié dans sa totalité est l’un de ceux-là : ouvrage de décompte des morts quotidiens, il peut devenir l’outil de connaissance de la vie concentrationnaire et de l’histoire du camp proprement dite.

Source de divers enseignements d’ordre quantitatif, il permet la réactualisation de certaines données pour la période d’avril 1943 à mai 1945, l’approfondissement dans la connaissance des divers groupes que les victimes composaient, la mise en évidence des atrocités qui s’y sont déroulées ainsi que du rôle majeur joué par Gnuen II du printemps 1944 au printemps 1945.

Analysé de façon critique à la lumière d’autres documents (principalement en ce qui concerne les victimes d’Hartheim) et des témoignages, le registre des morts n’est plus un document « froid », mais se révèle être au contraire une source d’importance, capable d’apports nouveaux 50 ans après les faits.

WAJNBERG Laurent, L’Enseignement de l’histoire dans les lycées de 1945 à 1980, trente-cinq ans de débats, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 122 p.

L’étude des débats à l’intérieur du corps professoral montre que l’enseignement de l’histoire, partagé entre des tendances et des principes antagonistes et que l’on tente tant bien que mal de concilier, reste constamment à la recherche d’un équilibre entre science et culture, histoire et pédagogie, modernité et tradition.

Conçu pour légitimer la IIIe République naissante, il ne parvient pas à se détacher de ses fondements : histoire politique et diplomatique, histoire européocentrée des États et non des peuples, enseignement austère ; une modernisation est indispensable. Mais le dogme de la continuité historique, le désir d’enseigner toute l’histoire, entravent les efforts entrepris. Certes, les programmes, déjà ouverts à l’histoire économique et sociale, font une place à l’histoire des civilisations. Le document est de plus en plus utilisé, en vue de faire de l’enseignement historique un exercice réellement formateur pour l’esprit, comme on le prétend depuis longtemps. Celui-ci, prenant ainsi en compte les critiques dont on l’accable, se veut résolument tourné vers la compréhension du monde actuel, afin de former de futurs citoyens.

Cependant, ces innovations se heurtent à la routine, à l’attachement aux traditions, à la peur du changement ; les dogmes se laissent difficilement détrôner. Et les excès même discréditent certaines expériences : les professeurs exclusivement pédagogues des années soixante-dix ne font pas plus l’unanimité que les professeurs exclusivement historiens des décennies antérieures. L’enseignement de l’histoire se laisse donc ballotter entre différents modes et conceptions.

1993

ARNAL Simon, Aux origines de la Fédération du spectacle CGT en France : 1902-1922, Maîtrise [Antoine Prost, Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993, 139 p.

Le monde du spectacle n’est guère propice à l’émergence du syndicalisme puisqu’il faut attendre 1902 pour que soit fondée, après plusieurs tentatives infructueuses entre 1876 et 1901, la première organisation syndicale de poids : la Fédération des Artistes Musiciens de France. Cette fédération de métier est particulièrement corporatiste et peu idéologique. La réussite de la grève générale qu’elle organise en 1902 et son essor, parallèlement à la naissance de syndicats dans d’autres métiers du spectacle (les plus sédentaires), sont à l’origine de la création en 1909 de la Fédération Générale du Spectacle.

Cette dernière qui a principalement œuvré à la syndicalisation de tous les métiers du spectacle, connaît de sérieux problèmes d’ordre structurel dus à ses rapports difficiles avec la CGT Ceci provoque la scission des cégétistes convaincus (machinistes et choristes) qui créent en 1914 la Fédération des Syndicats du Spectacle. La lutte syndicale devient d’autant moins efficace que survient la guerre avec des conséquences terribles sur les conditions de travail et sur les salaires.

C’est en 1919 que naît la Fédération du Spectacle CGT, fusion des trois fédérations antérieures, réunissant des métiers moins corporatistes et donc plus à même de mener un combat idéologique. Ainsi, les luttes de 1919 et 1920 procurent à la Fédération une légitimité incontestée et aux travailleurs du Spectacle des avantages qu’ils revendiquaient depuis 1890 : le privilège des salaires en cas de faillite et un premier statut juridique (l’assimilation des artistes aux gens de service).

Avec la scission de la Fédération en 1922, l’évolution du syndicalisme du Spectacle rejoint celle des autres secteurs.

BARDOS Magali, La Mémoire de la révolution à travers le défilé de Jean Paul Goude, Maîtrise [Lucette Le Van-Lemesle, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993, 195 p.

Le défilé de Jean-Paul Goude a lieu le 14 juillet 1983 à l’occasion du bicentenaire de la Révolution française.

L’analyse, par le biais des cassettes vidéo, des images et de la mise en scène de ce défilé, ainsi que l’interview de quelques acteurs de cet événement, permettent de saisir une certaine vision de la Révolution, telle qu’elle s’exprime à l’occasion du spectacle.

Rejetant l’esprit de la reconstitution historique ou de la grande réjouissance populaire dénuée de signification, le gouvernement commanditaire du spectacle, fait appel, par l’intermédiaire de Christian Dupavillon, à Jean-Paul Goude, homme d’image publicitaire, afin qu’il réalise un spectacle qui soit porteur d’un message.

Le cahier des charges élaboré par les commanditaires demande au concepteur du spectacle d’évoquer la Marseillaise et la fête de la Fédération. Ce tri opéré dans la décennie révolutionnaire met en avant la Révolution constituante et les institutions républicaines, les commanditaires se font ainsi les représentants d’une « mémoire historique ». D’une mémoire collective et de sa mémoire individuelle, Jean-Paul Goude retient les Droits de l’Homme et veut célébrer les fêtes du 14 juillet telles qu’il les a vécues étant enfant. Il donne aussi une tonalité contemporaine à la fête en choisissant comme thème le métissage à travers la world music.

Enrichi d’une esthétique moderne, le défilé, composé de treize tableaux, concrétise la vision des commanditaires d’une part, par la mise en scène d’une symbolique républicaine dans les tableaux représentant la France et, d’autre part, dans la séquence se déroulant place de la Concorde au cours de laquelle Jessye Norman interprète la Marseillaise. Les tableaux représentant les pays étrangers donnent une dimension universelle à la commémoration. Et, tout en utilisant des images d’Épinal, le défilé met en scène les Droits de l’Homme et rend hommage à la démocratie en faisant référence à la chute du communisme. Deux mémoires structurées indépendamment viennent ainsi se concrétiser de façon complémentaire dans la mise en scène.

BIGOT Éric, La vie politique à Noisy-le-Grand sous la IIIe République, Maîtrise [Antoine Prost, Jacques Girault], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993, 195 p.

Au début de la Troisième République, Noisy-le-Grand est un village qui conserve une nette prédominance rurale. Le lent développement des moyens de communication, tels le pont de Neuilly, le tramway et les bus, va progressivement désenclaver la commune et permettre son essor.

La Première Guerre mondiale marque la césure majeure de l’évolution socio-démographique. Du fait de la construction massive des lotissements, la population se met à croître rapidement. Jusque-là à majorité agricole ou attachée à la terre, elle voit dès lors les catégories des ouvriers et des employés devenir dominantes, et cela malgré l’absence d’implantations industrielles.

La transformation sociale de la commune entraîne un bouleversement graduel, puis brutal, des résultats aux consultations électorales. Alors qu’au début de cette période l’électorat est majoritairement conservateur, la commune est progressivement acquise aux idées républicaines et à la veille de la Grande Guerre la question du régime ne se pose plus et seule subsiste celle de la forme à lui donner. L’entre-deux-guerres, et les mutations sociales qui l’accompagnent, intègrent Noisy-le-Grand dans l’ensemble « banlieue ». Au niveau politique, cette évolution se traduit par le développement des partis de gauche et atteint son apogée avec la série de victoires communistes de la fin des années trente qui, spécificité locale, se déclenche au niveau cantonal.

BINISTI Patrick, Juif et résistant : genèse d’une identité, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993, 148 p.

L’historiographie révèle une problématique jusque-là ignorée ou occultée : la recherche identitaire juive au travers de l’intérêt porté à la Résistance juive.

Vers la fin des années soixante, et de façon plus marquée encore à la charnière des années 1970-1980, le débat se cristallisa sur la question de l’identité. En effet ; définir la judéité revenait éventuellement à donner sa spécificité à la Résistance juive. Se penchant sur ce débat, les historiens crurent reconnaître les traits pertinents du processus de construction de mémoire. Les témoins s’opposèrent à cette interprétation perçue comme un effet de style propre aux intellectuels. De fait, émergeait le clivage entre discours savant et dominant tenu par l’Université, et le savoir empirique issu du vécu. Les historiens désiraient des concepts opératoires. Les acteurs luttaient pour défendre une mémoire, une représentation, une spécificité juives.

La recherche identitaire est le fruit de cette lutte. Les notions de groupe social, communauté, peuple, furent alors abordées. Apparurent les dimensions personnelles et multiformes de la judéité laissant en suspens toute tentative de généralisation, de définition absolue.

Ces conclusions floues conduisirent à réfléchir sur le thème de la mémoire collective. Les questions s’orientèrent donc vers les raisons politiques, historiques et psychologiques qui auraient amené ce groupe humain à reconstruire un passé à partir d’un événement transmué en élément fondateur d’une mémoire : la Résistance juive.

Un bref historique révéla que la « communauté » juive était passée du désir d’assimilation à une méfiance à l’égard de la France. Désormais, les Juifs ne pouvaient plus se projeter dans le pays des Droits de l’Homme ; l’image de la Révolution émancipatrice avait été brisée. La définition de la judéité, redevenant le principal élément identitaire, fut alors véhiculée en partie par le sionisme et bientôt par l’État d’Israël.

Les raisons psychosociologiques sont de l’ordre de la sauvegarde d’une culture et de la perpétuation du sentiment d’appartenance à un groupe qui se sent, dans le fond, dénué d’éléments définitionnels.

Enfin, l’étude comparative de la presse juive et de la presse générale démontre l’intérêt « intra-communautaire » que suscite le sujet. Ce phénomène prouve combien l’enjeu de mémoire est primordial, et combien la Résistance juive est chargée de significations qui dépassent le cadre strictement historique.

BISSON Mathieu, Les Jeunesses socialistes en France de 1948 à 1958, Maîtrise [Antoine Prost, Bruno Groppo], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993, 190 p.

La période de 1948 à 1958 prend place de manière originale dans l’histoire des JS alors que les adultes du Parti accroissent leur contrôle et leur méfiance à l’égard des jeunes du Parti, pour la première fois de leur histoire, les JS acceptent, dans ses grands principes, la ligne de conduite imposée par la SFIO. Elles acceptent de ne plus jouer un rôle de force de proposition, voire de contestation, mais développent au contraire, en conformité avec les désirs du Parti, leur seule fonction propédeutique. L’activité des JS se redéploie vers les loisirs et l’éducation où elles peuvent affirmer leur originalité avec la création de la Fédération des Foyers Léo Lagrange, clubs de loisirs affiliés aux JS Cette orientation nouvelle est liée à la personnalité du secrétaire national de 1950 à 1958, Pierre Mauroy qui, fidèle à Guy Mollet est attaché à respecter la ligne du Parti. Cependant, cela ne suffit pas à redonner au mouvement, qui ne dépasse pas les 5 000 adhérents (contre 30/40 000 après 1945), une influence notable dans la jeunesse.

Les problèmes coloniaux, principalement la guerre d’Algérie en 1954, déstabilisent quelque peu la paix qui régnait entre le Parti et ses jeunesses. Les JS prennent alors des positions assez radicales, en mesure de gêner les adultes du Parti. Tout rentre cependant dans l’ordre, à partir de 1956, lorsque Guy Mollet arrive au pouvoir. Seules les JS de la Seine, dissoutes en février 1958, se révèlent en profond désaccord avec le Parti. Cependant à partir de 1958, les JS vont souffrir du discrédit qui touche le Parti en raison de son attitude face à la guerre et de la scission de septembre 1958. Leur nombre d’adhérents baisse et elles cessent d’être un pôle d’attraction pour la jeunesse des années 60.

COPPIN Estelle, Les dockers au commerce à Boulogne-sur-Mer, Maîtrise [Antoine Prost, Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993, 205 p.

Ce mémoire est essentiellement fondé sur les interviews de dix dockers retraités ou préretraités qui ont accepté de raconter leur vie sur le port de commerce de Boulogne-sur-Mer et qui représentent un échantillon de 10 % des dockers au commerce actuellement retraités ou assimilés. Ces témoignages oraux nous ont permis d’appréhender la façon dont les dockers se représentent leur corporation et leur métier.

Les dockers au commerce se sentent différents des autres catégories d’ouvriers boulonnais. Depuis la Loi du 6 septembre 1947, ils sont devenus indépendants, du patronat local et national puisque leur embauche se fait par l’intermédiaire du B.C.M.O. qui gère, les demandes des entreprises de manutention. Les dockers professionnels ont ainsi une priorité absolue à l’embauche par rapport respectivement aux occasionnels, aux fils de dockers et aux « sans carte ». Le travail au commerce est organisé en équipe de dockers dont le nombre varie selon les périodes. Cette équipe est comme une famille de substitution pour les nouveaux (en majorité des fils de dockers) qui s’intègrent sous la férule des anciens. Ceux-ci leur apprennent les rudiments du métier, mais, surtout, certaines valeurs auxquelles ils doivent adhérer s’ils veulent rester, sur le quai. Ainsi, il faut prendre, si on ne l’a déjà, sa carte de la CGT et accepter la discipline que le syndicat, en situation de monopole, fait régner et qui impose de participer aux différents mouvements de luttes et de solidarité traditionnels, dans le milieu docker. Le salaire jusqu’à trois fois supérieur à celui d’un ouvrier de marée, la liberté des dockers qui travaillent en moyenne entre quinze et dix-huit jours par mois en doublant les horaires quotidiens, le chapardage, sont des éléments qui renforcent le sentiment de constituer un milieu privilégié qui toutefois ne cesse de revendiquer son appartenance au monde des ouvriers. Ce mode de vie professionnelle impose collectivement une pratique familiale marquée par la présence quasi obligatoire de l’épouse au foyer, mais interfère de moins en moins sur le choix de l’éducation des enfants qui devient strictement individuel et montre un changement de mentalité important puisque les fils ne sont plus forcément les héritiers du métier de leur père.

CRONIER Emmanuelle, Les Permissionnaires à Paris pendant la Grande Guerre, Maîtrise [Thierry Bonzon, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993, 298 p.

Le permissionnaire, pendant la Grande Guerre, était un soldat qui durant une semaine retrouvait la vie civile. L’ambiguïté de son statut est manifeste : était-il civil pour un temps, ou restait-il soldat avant tout ? Les aspirations des, soldat contrastent avec le point de vue des autorités militaires. Celles-ci ont avant tout cherché à encadrer les permissionnaires, par exemple lors du transport, ou au sein d’œuvres spécifiques, afin de préserver leur identité militaire. Les soldats, quant à eux, voyaient dans la permission surtout le moyen de retrouver leur liberté individuelle et entendaient profiter de leur « congé de détente » pour s’amuser.

Avec l’arrivée des permissionnaires, la physionomie de Paris a été modifiée, car les gares, les Boulevards, et plus généralement les lieux où l’on pouvait se divertir, étaient pris d’assaut par ces soldats. S’ils se sentaient investis de privilèges et de droits spécifiques, on ne peut pas pour autant affirmer qu’un fossé a existé entre les permissionnaires et les civils. Le discours des soldats, très critique à l’égard des civils, contraste en effet avec leur comportement qui semblerait plutôt indiquer qu’ils se sont laissé séduire par Paris, et ont parfois manifesté leur solidarité avec les civils. Un rapprochement inattendu qui indique que les préoccupations des uns et des autres n’étaient pas forcément opposées.

DEBONO Emmanuel, Persécution et défenseurs des Juifs à travers la presse collaborationniste, Maîtrise [Lucette Le Van-Lemesle, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993, 253 p.

Les études traitant des Juifs en France pendant la Deuxième Guerre mondiale sont généralement consacrées à la propagande antisémite ainsi qu’à la persécution physique de ces éléments dits « nuisibles ». Elles omettent d’analyser le rôle joué dans la présentation de la persécution par le principal moyen d’information de l’époque : la presse. L’information relative à la persécution physique des Juifs — rafles, internement, déportation — existe pourtant et ne doit pas être négligée.

Dans notre étude, axée uniquement sur la presse collaborationniste, nous avons cherché à comprendre les raisons de l’existence d’une telle information. L’analyse de sa forme et de son contenu, très contrôlé par l’occupant allemand, nous a offert de nombreux éléments de réponse. Elle nous a aussi permis de saisir l’image officielle présentée aux Français du terrible sort dont furent victimes les Juifs, nationaux et étrangers.

Les protestations émises à l’encontre de la persécution des Juifs sont également un problème de taille pour l’occupant allemand : elles entravent le bon déroulement de l’action antijuive. Nous avons donc mis en valeur les différentes stratégies utilisées par les journalistes et leurs « tuteurs », pour tenter de noyer cette contestation et faire accepter la persécution.

DELBO Anne, Les mariages des israélites parisiens dans les années Trente, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993 – 173 p.

Traiter des mariages israélites parisiens dans les années Trente, en appuyant sur les actes de mariage religieux (ketouboth) et civils, revenait à étudier les caractéristiques sociales de la communauté juive. Mais ce mémoire ne présente qu’une minorité de la communauté parisienne des années Trente : la population consistoriale. L’exploitation des sources bibliographiques permettait de préciser si on pouvait parler d’intégration ou d’assimilation concernant cette population.

En étudiant la population consistoriale fréquentant les synagogues affichées au Consistoire, à travers leurs origines, leurs domiciles et leurs professions, on notait un changement au sein de cette communauté entre le début et la fin des années Trente. Cette évolution était confirmée par l’étude précise des origines géographiques des mariés, de leur profession et de leur entourage. De la même manière, la localisation précise de leurs lieux d’habitation démontrait nettement l’évolution survenue : la séparation entre les quartiers Est et Ouest de la capitale, très marquée au début des années Trente, tendait à se réduire en 1938-1939. Cette séparation traduisait le clivage entre les juifs français et immigrés de la population consistoriale, renforcée par une répartition professionnelle à l’avantage des premiers. Le degré d’homogamie entre les conjoints était assez important tant au début qu’à la fin de la décennie, avec toutefois une proportion de mariages avec des prosélytes supérieure en 1938-1939. Ainsi, ces diverses constatations nous amènent à conclure que la communauté consistoriale était remarquablement intégrée dans la société française, mais non-assimilée, car elle n’avait pas renoncé à tous ses particularismes. Néanmoins, une nuance s’impose avec la distinction au sein de cette communauté entre les juifs français établis depuis longtemps et leurs coreligionnaires immigrés ; distinction renforcée par la crise des années trente qui atteint indirectement la population consistoriale.

FITZNER Pascal, La STCRP pendant la Seconde Guerre mondiale, Maîtrise [Noëlle Gérôme], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993, 234 p.

La Société des Transports en Commun de la région parisienne est avant-guerre une entreprise privée exerçant un service public, comme la CPDE ou la Compagnie du Gaz. Il s’agit d’une entreprise essentielle pour Paris et sa banlieue, par le nombre de voyageurs transportés (plus d’un milliard en 1937) et l’importance de son budget et de son personnel (26 000 agents). Ce dernier présente certains traits caractéristiques qui vont peser fortement pendant la Seconde Guerre. Mondiale : qualification professionnelle, codification du travail reproduite par des générations d’agents, forte tutelle patronale, mais aussi forte combativité syndicale avec une CGT très majoritaire.

Pendant l’Occupation la STCRP reflète à sa manière les divisions qui déchirent la France d’autant plus qu’assurant un service public et disposant d’équipements convoités, elle constitue un enjeu au cœur d’intérêts multiples.

Alors que fusionnaient en 1942 le Métropolitain et la STCRP, le réseau d’autobus disparaissait presque entièrement en raison de la pénurie de carburants et de pneumatiques. En 1939, le parc total du réseau était d’environ 3 500 voitures correspondant à 199 lignes, en juillet 1942, il n’est plus que de 510 véhicules avec 44 lignes exploitées. Ces bouleversements concernent non seulement le trafic, mais aussi le personnel : licenciements, allongement des horaires de travail et application de la législation vichyste. La STCRP semble vivre l’Occupation en symbiose avec le régime de Vichy.

En outre, le rôle stratégique des transports terrestres fait que, plus que d’autres entreprises, la STCRP est massivement spoliée. Les quelques autobus qui roulent encore sont indispensables à la machine de guerre hitlérienne pour le transport de matériel et de main-d’œuvre. Largement paralysée et affaiblie, la STCRP n’hésite pas à mettre à la disposition des Allemands, moyennant finances, ses capacités d’entretien et de réparation automobiles.

Si les dirigeants de la STCRP manifestent un empressement certain à appliquer les lois de Vichy et à répondre aux demandes allemandes, la participation à la Résistance est cependant active et précoce. Le personnel des transports en commun joue un rôle important dans la lutte pour la libération de Paris.

La création de la RATP, en 1949, résulte des bouleversements de la Seconde Guerre mondiale. Il s’agit d’une période clef, marquée par une première tentative de fusion de la STCRP et du Métropolitain, par une suspension des dirigeants convaincus de collaboration à la Libération et par l’ouverture d’un long débat sur le futur statut de l’entreprise.

FRANKE Julia, Réfugiés d’Allemagne en banlieue parisienne : accueil et vie quotidienne, 1933-1939, Maîtrise [Antoine Prost, Claude Pennetier], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993, 225 p

De 1933 à 1939, de la prise de pouvoir par Hitler jusqu’à la guerre, des germanophones appartenant à tous les groupes politiques et sociaux se sont réfugiés et ont habité en région parisienne. La première partie du mémoire est consacrée à leur accueil, à leur intégration, à leur vie quotidienne, en développant plus précisément le cas de ceux qui ont habité dans les villes qui entourent Paris. À partir de multiples sources, j’ai repéré environ 500 d’entre eux, surtout dans l’ancien département de la Seine. Ensuite, des statistiques ont pu être établies, notamment sur les communes qui ont attiré le plus d’exilés, sur leur appartenance à certains groupes socioprofessionnels et politiques et sur leurs particularités comparées à celles des émigrés demeurant dans Paris.

En outre, des situations sont présentées en détail comme : la politique d’accueil et de coopération de certaines municipalités (Chatenay-Malabry, Suresnes) et des institutions ou des entreprises gérées par des réfugiés ou créées pour des réfugiés en banlieue parisienne.

GIUDICE Christophe, Analyse et critique des récits et livres de témoignages sur la guerre d’Algérie de 1955 à 1968, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993, 194 p.

La production de livres sur la guerre d’Algérie est très abondante alors que, paradoxalement, le conflit occupe une place mineure dans la mémoire publique. Sa remémoration a toujours été problématique et la cérémonie du 19 mars a été la source de vives polémiques sur le sens à donner à la commémoration.

L’ensemble des œuvres étudiées a présenté la particularité d’appartenir à une littérature partisane. Cependant, les anecdotes exposées se sont généralement imposées comme des vérités premières du fait de la qualité de témoin des auteurs et elles ont alimenté les différentes argumentations sur la question algérienne.

La production de ces témoignages apparaît comme un flot ininterrompu, avec des pointes significatives lors des années commémoratives. La guerre d’Algérie a représenté une période difficile pour l’ensemble des Français, et ceci explique que l’on ait pu en refouler le souvenir. Cependant, l’existence d’une telle masse de documents semble aller à l’encontre de la présentation de ce conflit comme d’une guerre oubliée. En effet, de nombreux recueils ont été destinés à un lectorat déjà concerné par les événements, mais accessible, malgré la censure, à ceux qui désiraient s’informer. L’on remarque également que les anciens acteurs du drame ont gardé durant de longues années une quasi exclusivité sur le récit de guerre.

GOUJAT Olivier, Une Biographie intellectuelle de Jacques Rivière : Les dernières années : 1914-1925, Maîtrise [Antoine Prost, Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993, 180 p.

À travers des sources publiées et des correspondances et conférences inédites issues des archives privées de M. Alain Rivière, ce mémoire tente de suivre l’itinéraire de Jacques Rivière au cours des dix dernières années de sa vie.

Trois thématiques centrales ont guidé notre étude de la pensée et des pratiques de cet écrivain : la religion, la politique et la littérature. Tout en tenant compte, des champs sociaux dans lesquels s’est inscrite son activité intellectuelle, nous avons tenté de structurer en trois temps un cheminement qui, de l’option religieuse dominante puis plus discrète pendant la captivité, à l’engagement littéraire et intellectuel à la tête de la NRF, fit de Jacques Rivière, à beaucoup d’égards, l’âme de cette revue. La scrupuleuse inquiétude de sa pensée l’a amené à assumer une position réfléchie et modérée tant au point de vue littéraire que politique. Celle-ci lui dicta l’option pacifiste de Locarno et contribua par ailleurs à forger de lui l’image d’un intellectuel qui spécule sur les débats plutôt qu’il ne s’y engage.

Tout en précisant la position de Rivière sur la littérature et la politique de son époque et contribuant ainsi à éclairer d’un nouveau jour l’histoire de la NRF de l’entre-deux-guerres, ce mémoire a pour fin d’échapper à la dichotomie véhiculée dès sa mort et qui oppose l’image d’un Jacques Rivière athée à celle d’un Jacques Rivière demeuré catholique et appartenant de ce fait à une autre sociabilité littéraire. Il apparaît plutôt que Rivière a tenté de maintenir dans la NRF un respect mutuel et une cohésion des deux pôles de son humanisme qui ne lui ont cependant pas survécu.

GOULINET Isabelle, Le Gauchisme enterre ses morts, Maîtrise [Danièle Tartakowsky, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993, 125 p. + annexes

Après s’être largement illustrées pendant les événements de Mai, les organisations d’extrême gauche sont affaiblies au cours de la période post-68.

Certaines sont dissoutes, telle la « Gauche prolétarienne » et les manifestations sont interdites.

Cependant, les gauchistes ne s’avouent pas vaincus pour autant : ils veulent contourner cette interdiction. Comment ? En usant par exemple de cette tradition bien française qui vise à faire d’un enterrement une manifestation politique : un mort, voilà de quoi théoriquement remobiliser ses troupes.

Ce travail de recherche associant la connaissance historique à l’ethnologie, effectué pour l’essentiel à l’aide de la presse parisienne quotidienne et hebdomadaire, porte donc sur les obsèques de quatre individus ayant eu, de près ou de loin, un rapport avec les milieux gauchistes. Les trois premiers enterrements ont une nature politique clairement affichée : le 15 juin 1968, on enterre un militant de l’UJC-ml, Gilles Tautin, mort noyé à Meulan après qu’il eut été contraint, selon ses camarades, de se jeter à l’eau pour échapper à une charge des gendarmes. Le 5 mars 1972, c’est l’enterrement de René-Pierre Overney, militant maoïste de la GP abattu devant les usines Renault-Billancourt par un vigile et le 27 septembre 1979, ce sont les obsèques, après son assassinat dans des circonstances mystérieuses, de l’ancien responsable du service d’ordre de l’UEC, écrivain et guérillero, Pierre Goldman. Le quatrième enterrement a lieu le 15 avril 1980, c’est celui de Jean-Paul Sartre, décédé des suites d’une longue maladie ; son enterrement acquit quant à lui un caractère politique a posteriori ; compte tenu de la relation particulière que le philosophe avait entretenue avec la politique en général, et les gauchistes en particulier.

À travers l’étude successive de leur préparation, de leur déroulement et de leurs enjeux, ces quatre événements nous permettent de voir dans quelle mesure un groupe politique composite — la « génération soixante-huitarde » — s’est appuyée sur des enterrements pour construire l’image d’une nouvelle culture politique ; une évolution nette est en effet mise en lumière entre le début des années 70 et l’aube des années 80.

Les organisateurs des obsèques de Gilles Tautin et de René-Pierre Overney ont eu recours à une liturgie politique revendiquant explicitement un héritage historique particulier, celui du mouvement ouvrier ; dix ans plus tard lorsque l’on enterre Goldman et Sartre on a abandonné les symboles +politiques traditionnels pour ne conserver que les signes d’appartenance culturelle. D’un problème politique, avec l’évolution des mouvements gauchistes, on est passé à un problème de « gauchisme » en tant que phénomène culturel. Ainsi, en 1980, les groupes gauchistes n’ont plus d’existence politique depuis longtemps, mais leurs idées passent par d’autres vecteurs. La culture de 68 n’est donc pas morte avec ceux que l’on a enterrés, ce qui semblerait relativiser l’expression de Louis Althusser — reprise d’ailleurs par d’autres — selon laquelle en 1972, « ce ne fut pas tant l’enterrement d’Overney que celui du gauchisme tout entier ».

GRANDMAGNAC Régis, La Fédération FO de la Métallurgie de 1947 à 1955, Maîtrise [Danièle Tartakowsky, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993, 185 p.

Cette étude porte sur la Fédération FO des métaux, de sa création à l’accord Renault de septembre 1955 qui consacre le début d’une nouvelle période axée sur une politique d’accords contractuels. Elle s’appuie principalement sur les archives de cette même Fédération.

Au centre de ce travail le processus de radicalisation de la politique fédérale et les nouvelles perspectives qu’il va ouvrir. L’ambition de cette radicalisation correspond à un double souci. Le premier est celui qui consiste à libérer la Fédération de son complexe envers la puissance cégétiste afin de mener une politique plus offensive et le second traduit la volonté de restaurer pleinement le schéma fondateur du syndicalisme, à savoir une position de classe hostile au patronat et au gouvernement. Cette sensibilité qui apparaît dès l’ère Léon Chevalme (premier secrétaire général de la Fédération FO des métaux) se retrouve majoritaire à la mort de ce dernier, survenue en mars 1952. Pourtant, les composantes de la nouvelle majorité demeurent hétéroclites et ne peuvent donc imposer une ligne politique globale et cohérente. En outre, cette majorité doit composer avec une minorité « modérée ». Celle-ci cherche à maintenir la politique définie par Chevalme, et pose comme principe fondamental la crainte de l’insurrection communiste. Par conséquent, elle s’oppose à toute initiative tendant à générer des grands conflits qui seraient favorables à la Fédération CGT des métaux, hégémonique dans le secteur métallurgique. Ainsi, toute l’histoire de la Fédération FO des métaux, et celle de ses relations parfois tendues avec la Confédération FO (de la scission syndicale de décembre 1947 à l’accord Renault de septembre 1955, en passant par les changements au sein de la direction fédérale et par les grèves d’août 1953, initiées par la Fédération), s’axe autour des questions qui recouvrent un autre débat sous-jacent, celui opposant syndicalisme révolutionnaire et syndicalisme réformiste.

IZEMBART Marianne, Mémoires de guerre pendant la guerre du Golf, Maîtrise [Antoine Prost, Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993, 143 p.

La guerre du Golfe donne lieu, d’août 1990 à février 1991, à de nombreuses comparaisons avec les guerres du XXe siècle dans lesquelles la France s’est engagée. Ces références au passé, leurs emplois, leurs fonctions, leurs relations entre elles et avec le présent, constituent un objet d’étude à part entière dans la lecture de la presse.

Ces références employées dans de nombreuses analyses et discours politiques révèlent trois emplois distincts du passé. Le premier, analogique, constitue une méthode explicite de prévision de l’événement. À l’aide de schémas historiques choisis, le passé permet de donner une certaine vision de la crise, qui reflète moins l’événement passé que sa traduction contemporaine : la comparaison avec la Seconde Guerre mondiale — la plus utilisée — impose la notion de guerre juste, la volonté d’agir vite, et justifie l’intervention. La référence à la Première Guerre mondiale — bien plus discrète — impose le thème de la guerre absurde ; la crise de Suez et la guerre d’Algérie permettent enfin de dénoncer l’ingérence de la France dans une crise jugée locale. Une ligne de fracture apparaît entre partisans de l’intervention et opposants, selon les références employées : le passé définit alors l’événement et la place dans une perspective déjà historique. Mais il intervient aussi dans une dimension pédagogique, qui met en valeur soit l’exemplarité d’une expérience (avoir été résistant ou anti-munichois), soit la force de l’héritage politique (revendiquer la leçon de Munich). Enfin, le passé est employé comme anathème, comme injure référentielle, il permet de condamner l’adversaire politique en condamnant en même temps le passé.

Ces références apparaissent, comme un mode de discours politique à part entière, comme le support d’une communication détournée sur l’événement. Elles traduisent, en réactivant et en réalimentant nos mythes politiques contemporains (le symbole de Munich, la figure de Hitler…), la dimension affective de cet événement, ressenti avec un rare sentiment de proximité. Elles offrent également une vision globale et structurée d’une guerre complexe, devenue ainsi facilement saisissable grâce à leur puissance mobilisatrice et explicative. Malgré certaines limites interprétatives liées à la fois à la nature du corpus et à l’impossibilité de donner une dimension collective à autant d’interventions individuelles, nous pouvons affirmer que ces mémoires des guerres traduisent, consciemment ou non, nos propres interrogations face à l’accélération de l’histoire.

JEAN Marie, Le syndicalisme dans les métiers du bois d’ameublement à Paris, 1872-1906, Maîtrise [Antoine Prost, Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993 – 164 p.

Au lendemain de la Commune se reforment les groupements ouvriers de l’élite du bois d’ameublement ; entre 1872 et 1874, naissent les syndicats de l’ébénisterie, de la sculpture, de la menuiserie en meuble sculpté et de la menuiserie en sièges.

Dans les dix premières années qui suivent la création des syndicats, les idées définies avant la Commune sont mises en application. L’ancienneté des groupements influe sur les syndicats ; elle conditionne la permanence des buts et des moyens définis pour défendre les intérêts professionnels. Les métiers sont valorisés par la représentation aux Expositions universelles et la prise en charge de renseignement professionnel ; les intérêts ouvriers sont défendus par la conquête des tribunaux professionnels. En 1880, les syndicats renouent avec la pratique gréviste, sans la considérer comme runique moyen d’action puisqu’à l’issue de cette grève est mise en place la Commission mixte, patrons et ouvriers du meuble sculpté.

Les années 1880 sont marquées par la crise économique qui révèle les difficultés de l’ameublement parisien. La première conséquence de la crise est de permettre aux syndicats la création d’ateliers chômage grâce aux commandes de l’État ou de la municipalité. Mais la crise de l’ameublement persiste et se double d’une crise syndicale : les éléments anarchistes sont exclus du syndicat de l’ébénisterie et du meuble sculpté, les syndicats de spécialités de l’ébénisterie se multiplient. Dans ce contexte, toutes les tentatives d’amélioration des conditions de travail échouent.

La période considérée s’achève avec la grève de 1906 qui, si elle se solde globalement par un échec, marque l’apparition de nouvelles attitudes grévistes.

Ces métiers appartiennent à l’industrie de l’ameublement ; c’est dans ce cadre que sont faites toutes les tentatives de fédération. Mais ils font aussi partie de l’ensemble des métiers du bois, par l’intermédiaire duquel ils sont en relation, pendant toute la période considérée, avec l’industrie du bâtiment.

JUNGO Franck, Étude de la presse de droite modérée en banlieue ouest de Paris de 1936 à 1939 : passage à l’intolérance ?, Maîtrise [Antoine Prost, Claude Pennetier], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993, 127 p.

À la veille de la Seconde Guerre mondiale et de la mise en place du Régune de Vichy, cette étude sur la presse d’une partie de la région parisienne tente de cerner l’évolution de la société française vers une attitude de refus et d’exclusion vis-à-vis de la communauté juive afin de comprendre son comportement sous Vichy dans les années suivantes.

La fin des années Trente connaît de vives perturbations tant en France qu’à l’Étranger. Le Front populaire s’impose tandis que les droites tentent de réduire l’avancée communiste autour de la capitale, notamment à l’Ouest où un pôle républicain, non encore tenté par l’idéologie collectiviste semble résister.

Cette étude a pour objet la presse que lisait cette population de banlieusards modérés. Quel a été son rôle dans l’évolution des mentalités, y retrouve-t-on déjà les germes d’un système d’exclusion ? N’a-t-elle pas elle-même évolué à la fin des années Trente ?

À travers des articles de journalistes et d’hommes politiques, dont l’audience en région parisienne s’était accrue, nous avons essayé de cerner la pensée d’un groupe dans le but d’observer le passage vers l’intolérance.

LANLO Marie-Pierre, Groupes sociaux et action sociale face au ravitaillement à travers le Petit Parisien, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 2 vol., 183 p. + 105 p.

La Seconde Guerre mondiale évoque toujours des souvenirs pénibles. À travers les atrocités qui ont frappé de « plein fouet » les Français, comme les déportations massives et honteuses et les camps de la mort, s’est ajouté le poids du quotidien. Celui-ci s’est fait plus lourd au fil des jours pour devenir un véritable cauchemar. Pendant que les soldats se sont battus pour sauver la France, les mères se sont évertuées à nourrir leur famille. Le ravitaillement a donc été au cœur des préoccupations, voire des angoisses quotidiennes.

Ce travail s’est attaché à rendre compte de la situation des Parisiens de 1940 à 1944.

Comment les divers groupes sociaux ont-ils réagi face à ce fléau ? Comment l’aide s’est-elle organisée ? Cette démonstration s’est appuyée sur les articles, les dessins humoristiques et le courrier des lecteurs du Petit Parisien, journal collaborationniste. L’analyse de cette source d’information a permis de mettre en lumière deux groupes antagonistes : d’une part les consommateurs et, d’autre part, les producteurs et commerçants. Ces derniers, qui détenaient la nourriture, sont apparus comme les maîtres du jeu. Les moins scrupuleux se sont livrés à des abus pendant que les autres ont tenté de faire face aux aléas dictés par la conjoncture. Certains consommateurs n’auraient pu survivre sans aide extérieure. C’est pourquoi le Secours National a été remis à l’honneur par le gouvernement. Son action s’est manifestée dans divers domaines, mais plus particulièrement dans celui du ravitaillement.

Ce mémoire a tenté de dresser un tableau de cette période, d’illustrer les conflits entre les groupes sociaux et de lire entre les lignes de cette presse qui a lié son sort à celui de la politique pétainiste.

LEGOIS Jean-Philippe, La Sorbonne avant Mai 68 : chronique de la crise universitaire des années 60 à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Paris, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993, 319 p.

Aux sources de cette recherche se trouve la volonté de resituer le mouvement de Mai 68 dans la durée. Il s’agit, à travers une étude de cas, de mieux en cerner les causes dans le secteur d’où partit le mouvement : le système universitaire. Et nous avons choisi un des symboles du Mai universitaire : la Sorbonne, côté Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Paris. Deux phénomènes s’y alimentent l’un l’autre : le développement d’une crise profonde — morphologique, pédagogique, institutionnelle et morale — du système universitaire et l’exacerbation de contradictions sociales et politiques au sein de la communauté sorbonnarde.

Nous avons inventorié les grandes caractéristiques nationales et locales de la crise d’adaptation du système universitaire : maintien des finalités, contenus et méthodes d’enseignement hérités du XIXe, atténuation purement symbolique de la mainmise des Professeurs – enseignants Docteurs ès Lettres – sur les structures de décision de la Faculté alors que la croissance des effectifs étudiants est de plus en plus importante.

Nous avons ensuite étudié deux problèmes qui ont contribué au développement de la crise universitaire. L’hypertrophie morphologique de la Sorbonne-Lettres qui met en évidence la pénurie en locaux et en personnels et l’introduction d’une réforme pédagogique concernant seulement les deux premiers cycles : la réforme Fouchet. Celle-ci, qui n’est pas assortie des moyens nécessaires à sa réalisation et qui laisse de côté d’autres problèmes encore plus explosifs que la participation étudiante ou la sélection, ne fait qu’aggraver la situation.

Nous avons pu en faire une analyse assez précise grâce aux archives administratives du Rectorat de Paris et de l’ancienne Faculté des Lettres, même si ces dernières sont lacunaires. Ces sources ont également permis de mettre à jour une autre dimension de la crise universitaire, à savoir la crise interne du groupe dominant de la Faculté — les Professeurs ou homines academici — divisé sur le système des examens, la sélection et la participation étudiante. Mais ces archives ne pouvaient guère en dire plus et si elles laissent apparaître des conditions sociales et institutionnelles propices à une crise sociale, nous ne savons encore que trop peu de choses sur l’état des forces sociales et militantes de la Sorbonne-Lettres et leur capacité à animer un mouvement social, voire un contre-pouvoir universitaire. Les archives syndicales fournissent, à ce problème de nombreux éléments de réponse.

La communauté facultaire — on a pu le pressentir lors de l’étude du groupe dominant — laisse place à un mouvement social qui tend à s’opposer à ce dernier et au ministère de l’Éducation nationale. Ce mouvement social rassemble les divers exclus du pouvoir universitaire : enseignants non-Professeurs, non-enseignants et étudiants. Certes celui-ci, comparé au seul mouvement étudiant, reste sur la défensive que ce soit sur les fronts de la fonction publique, des moyens ou de la réforme Fouchet, mais il existe et mobilise réellement les milieux sorbonnards.

Sur le plan politique, la Sorbonne est un lieu où les forces nouvelles, ou tout au moins critiques – communistes critiques, PSU, CLER, JCR, UJC-ml, et gauche syndicale – sont importantes et dépassent les forces communistes traditionnelles dans le milieu étudiant, mais aussi enseignant. Ce phénomène s’observe notamment dans les formes et contenus de la mobilisation contre la guerre du Viêtnam.

Enfin, ce dernier niveau d’analyse ayant été dégagé à travers l’étude des archives de la FGEL, nous avons pu observer que le mouvement étudiant, à la pointe de toutes ces mobilisations sociales et politiques, développe de réelles pratiques alternatives aussi bien au niveau pédagogique que dans ses modes de fonctionnement, d’expression et de débat.

Non seulement la crise universitaire des années 60 est profonde à la Sorbonne-Lettres, mais elle se double d’un mouvement social relativement puissant et dynamique dans lequel le mouvement étudiant à un rôle catalyseur. Autant de conclusions à soumettre à l’épreuve d’autres études de cas.

LIATARD Séverine, L’Union des étudiants communistes : les intellectuels, la culture à travers le journal Clarté, Maîtrise [Antoine Prost, Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993, 138 p.

Au sein d’une organisation spécifiquement créée pour les étudiants en 1956 par le PCF, les « drogués de révolution » de l’UECF se donnent pour objectif de faire connaître l’idéologie communiste à l’université. Leur arme de combat, le journal Clarté, défend les thèses du leader soviétique Khrouchtchev et de son homologue italien Togliatti. De ce fait, le mensuel entre rapidement dans la marginalité puisque le PCF campe sur des positions orthodoxes et refuse d’établir un bilan critique de l’ère stalinienne. Cependant, les jeunes intellectuels refusent de se soumettre à l’autorité tutélaire et revendiquent le droit d’élaboration théorique sur la plate-forme du mouvement ouvrier.

À travers son engagement dans le domaine culturel, le journal réclame l’abolition de la censure et la démocratisation de la culture tout en dénonçant l’asservissement de celle-ci au régime de la Vème République. Le mensuel veut être en prise avec l’ensemble de l’actualité culturelle des années soixante. Ainsi, un dialogue est ouvert avec les intellectuels, communistes ou non.

Une telle optique soulève l’hostilité du parti et de certains membres de l’UEC pour qui elle ne répond pas à la fonction militante du journal et elle procède d’un éclectisme idéologique. Clarté concentre de plus en plus son attention sur les événements culturels, ses créateurs et les débats qu’ils suscitent. Pour l’Union, ce domaine ne peut être considéré comme un phénomène secondaire et les marxistes se doivent de réfléchir à l’élaboration d’une critique spécifique. En effet, la sphère culturelle au sens large reflète, dans cette période, les sursauts d’émancipation d’une génération en conflit avec ses pères et, d’une manière plus générale, une remise en cause des rapports humains.

LILTI Antoine, Le PSU et la gauche (1960-1968), Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993, 298 p.

Cette recherche repose essentiellement sur le dépouillement des archives du PSU déposées au Pré-Saint-Gervais qui n’avaient jusqu’ici jamais été étudiées ni même inventoriées, ainsi que sur l’étude de la presse.

Les relations entre le PSU et le reste de la gauche, les liens que le parti noue avec les autres organisations de gauche, les conflits, les dialogues et les enjeux de ces relations ont été étudiés, mais aussi la façon dont le PSU conçoit son rôle au sein de la gauche et les stratégies qu’il élabore. Trois périodes ont été distinguées. De sa création, en avril 1960, jusqu’à la fin de la guerre d’Algérie, le PSU s’engage essentiellement dans la lutte pour la paix, et cherche à s’affirmer comme la « conscience » de la gauche. Il est ainsi conduit à s’opposer violemment à la SFIO, à tisser des liens avec les intellectuels de gauche hostiles à la guerre et à se tourner vers le PCF avec qui les relations sont toutefois assez conflictuelles. Mais la lutte pour la paix en Algérie ne borne pas l’horizon politique du PSU qui a été créé en réaction à une certaine faillite de la gauche molletiste sous la IVe République. Il élabore donc la stratégie de « Front socialiste » qui entend regrouper, dans la perspective de l’exercice du pouvoir, toutes les organisations se réclamant du socialisme.

Après la guerre d’Algérie, le PSU perd son objectif le plus immédiat et le plus mobilisateur et se retrouve un peu isolé par le rapprochement SFIO-PCF. Il est alors secoué par une grave crise interne dont un des enjeux essentiels est la définition d’une stratégie adaptée à la nouvelle situation politique. À la minorité « unitaire », pour laquelle le PSU a surtout vocation à susciter l’union des partis de gauche, s’opposent les partisans d’une rénovation préalable de la doctrine socialiste.

Après l’élection présidentielle de 1965 qui divise à nouveau le parti, et la naissance de la FGDS, le PSU se trouve presque marginalisé sur la scène politique, peu pris en considération par le PCF et la FGDS Avec la rencontre socialiste de Grenoble, il apparut un temps capable d’incarner une « autre gauche » et de rassembler tous les courants de la gauche démocratique réticents vis-à-vis de la FGDS. En 1967, repoussant la stratégie d’association à la FGDS prônée par la plupart des dirigeants traditionnels, il choisit une stratégie de développement autonome.

Les événements de Mai 68, au cours desquels il est une des seules forces politiques à surnager ; vont entraîner un afflux de militants nouveaux, mais aussi une nette réorientation des objectifs, de la stratégie et du discours du PSU

En fondant un corps littéraire d’État, Richelieu donnait à la France une institution où se rencontraient littérature (culture au sens large) et politique (c’est-à-dire influence sur la cité et son organisation). Parce que l’Académie prolonge et renouvelle continuellement ses origines par un rite identitaire, elle peut prétendre exercer une mission qu’elle a à la fois reçue de l’État et qu’elle s’est fixée elle-même, celle de propager la vertu, la charité et la justice.

La Première Guerre mondiale heurte de plein fouet ses convictions pacifistes et morales. Hommes du XIXe siècle, les académiciens ont une culture politique emplie à la fois de nationalisme et de pacifisme, qui conditionne la représentation qu’ils se font, longtemps après, de la guerre.

Attachés à ce que la France ne perde pas son rang, ils fustigent la « paix trop douce pour ce qu’elle a de dur ». Cependant, plus tard déjà âgés, les académiciens voient dans la guerre le catalyseur des changements survenus au XXe siècle. La guerre a entraîné chaos et désillusions. L’âge d’or est terminé, vaincu par la modernité.

L’Académie, tout au long des années Trente, évolue vers une « droite à l’état pur », tout en menant une virulente croisade contre la vie moderne. Cependant, elle parvient en partie à échapper au conservatisme et au discours trop virulent sur la décadence. Les académiciens sont en effet des hommes intelligents, humanistes, des esprits élevés au-dessus des luttes temporelles. Ils se font un devoir de sauver la civilisation en danger grâce à la culture et à l’Esprit.

Tout au long des années Trente, l’Académie fait preuve d’un passionnant paradoxe : elle allie un nationalisme ouvert au progrès de l’humanité, et aux autres nations, à un nationalisme fermé, c’est-à-dire replié sur la France et ses frontières, jaloux et fier des beautés et du prestige de son pays. D’un côté, une institution éprise d’humanisme messianique ; de l’autre, des hommes dont la culture politique reste très marquée par la terre, la famille et la patrie.

MARJOLET Stéphane, Les représentations idéologiques et politiques d’un officier de la LVF, 1941-1944, Maîtrise [Antoine Prost, Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993, 174 p.

L’objet de ce mémoire est d’étudier les représentations politiques et idéologiques d’un officier de la Légion des Volontaires Français parti se battre aux côtés des Allemands contre les Soviétiques à partir de l’été 1941. Cette étude se base sur les carnets de route de l’officier en question, le médecin-capitaine Maurice Fleury. Chaque jour celui-ci va noter ses impressions ainsi que ses déceptions sur ce régiment de Français dans l’armée allemande. Au travers de ce journal, on comprend mieux ce que fut vraiment cet avatar du collaborationnisme français. Mal préparée, mal encadrée, déconsidérée par les Allemands, divisée par les rivalités entre les partis collaborationnistes parisiens (PPF, MSR, RNP principalement) qui l’avaient créée, la LVF est un échec militaire et politique. L’engagement de Maurice Fleury à la LVF, en août 1941, est le résultat d’un parcours idéologique marqué par son temps. Né en 1893 en Bretagne, son premier engagement idéologique date de sa rencontre avec Marc Sangnier, le leader démocrate-chrétien, chef du Sillon, sur les champs de bataille de la Première Guerre mondiale. Influencé ensuite par sa famille, il adhère en 1923 à l’Action française où il est responsable d’une section de camelots du roi dans sa ville de Rennes. Après la défaite de 1940, partisan d’une collaboration totale avec l’occupant, il se détache de la ligne politique vichyssoise pour suivre les collaborationnistes parisiens en s’inscrivant au RNP puis en s’engageant dans la LVF. Dans cette dérive qui aboutit à l’adhésion au national-socialisme en passant par des revendications d’autonomiste breton, Maurice Fleury tente de se justifier. Cette justification se retrouve dans ses carnets de routes, mais surtout dans ses carnets de notes où il commente ses lectures. À l’aide de ces dernières et en reprenant tous les poncifs des collaborationnistes, Maurice Fleury tente de créer un mythe autour du fiasco qu’est cette « aventure » et dans laquelle il trouvera la mort en 1944.

MASSON Antoine, Être intellectuel gaulliste au temps du RPF, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993, 215 p.

Jean-François Sirinelli notait dans un article la nécessité de « mettre en lumière l’existence d’un milieu intellectuel dans la mouvance du gaullisme, apparemment tombé par la suite dans un trou de mémoire dont il convient de le sortir ». Ce travail de maîtrise s’efforce de contribuer à cet éclaircissement. Il s’agit peut-être de la première approche globale de l’engagement intellectuel gaulliste dans la période du RPF et il prend sa source du constat de déséquilibre flagrant dans l’historiographie des clercs d’après-guerre, focalisée sur le philocommunisme et ses métamorphoses.

Cette histoire est celle d’un double oubli, tant de la part des intellectuels que de la part des gaullistes. En effet, les témoignages dont ce travail fait état confirment que la mémoire n’a pas été gardée du rôle des intellectuels gaullistes. Et pourtant, parmi ceux-ci au sein du RPF nous trouvons des personnalités telles que Malraux, Aron, Clavel, Fumet, Pican, Max-Pol Fauchet, Nimier, Soustelle, Vallon, Capitant, Debû-Bridel, Tavernier, C. Mauriac, Ollivier, Pia, Monnerot, etc.

S’agissant d’une première approche de ce sujet, notre travail a consisté essentiellement à réunir toute la documentation existante en alliant le dépouillement de la source principale Liberté de l’Esprit à l’étude des mémoires, des témoignages et des archives de l’ICG sans oublier là presse du RPF et les revues intellectuelles de l’époque.

La nécessité d’une étude plus globale de la place de l’engagement gaulliste dans la société intellectuelle nous paraît démontrée. Nous espérons en avoir préparé le terrain par une analyse partielle des conditions de possibilité de cet engagement et surtout par la présentation la plus complète possible de ses grands textes.

MEZZASALMA Philippe, Les représentations de la Résistance dans la presse ouvrière féminine, 1944-1947, Maîtrise [Antoine Prost, Lucette Le Van-Lemesle], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993, 2 vol. 194 p.

Seule organisation féminine issue de la Résistance, impulsée par des militantes communistes, mais rassemblant des femmes venant de tous les horizons politiques, l’Union des Femmes Françaises propose dans ses journaux, qui recouvrent l’essentiel de la presse ouvrière féminine en 1944, des images originales de la lutte clandestine. La présentation de celle-ci est strictement délimitée à l’évocation des résistants et non pas à « l’esprit » ou au programme de l’organisation. Développant des représentations horizontales de la Résistance, les militantes de l’UFF vont s’attacher à décrire et expliquer les conditions de leurs combats, s’efforçant de traduire la diversité des engagements et des situations. Le souci de ne pas oublier leurs camarades disparus y est omniprésent, tout comme la volonté de mettre en avant le rôle des jeunes et des femmes dans la lutte.

La découverte des conditions de lutte dans les camps de concentration, en avril 1945, est le moment d’une rupture qualitative dans ces représentations : la souffrance révélée occulte alors tout autre thème, les images se font plus floues, le discours plus univoque. Cette évolution correspond au début d’une lente reprise en main de l’UFF par la direction communiste.

Ce processus de réalignement s’achève en 1947, lorsque la ligne de l’UFF adhère complètement à celle du Parti Communiste. Le souvenir de la Résistance n’est plus utilisé que comme une preuve de légitimité, un argument dans le débat politique. Les représentations de la presse ouvrière féminine tendent alors à l’unicité, schématisées à l’extrême, déformées, cristallisées en quelques légendes définitivement figées et achevées, comme celles de Danièle Casanova et de Guy Môquet.

MOULIN Pascal, Représentations du marché noir parisien sous l’occupation, Maîtrise [Antoine Prost, Lucette Le Van-Lemesle], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993, 172 p.

L’expression de marché noir a fait fortune dans toute l’Europe pendant la Seconde Guerre mondiale. En France, elle est entrée rapidement dans le langage commun. Dans un grand centre urbain de zone nord comme Paris, l’occupation allemande et son corollaire de pénurie, ajoutés à l’impéritie des Services du Ravitaillement du gouvernement de Vichy, imposèrent la pratique et l’expression pour la désigner.

Le marché noir prit de l’ampleur dès les débuts de l’occupation. La population le subit dans sa vie quotidienne en même temps qu’une inflation toujours plus importante. La presse parisienne se fit l’écho de ses préoccupations, avec énormément de démagogie. Pourtant les Parisiens ne furent pas toujours hostiles au marché noir, car il était le seul à ravitailler Paris. Les autorités gouvernementales ont, elles, employé tardivement l’expression. Elles ont pourtant observé très vite une pénurie sur le marché officiel, une fuite des marchandises vers un circuit parallèle dans des proportions considérables. C’est seulement en mars 1942 que l’expression fut reconnue officiellement. Sont désignées alors comme faits de marché noir toutes les infractions aux règles du ravitaillement. Cette année marque une nette aggravation des peines encourues et après le 31 décembre 1942, les auteurs des infractions les plus graves risquaient jusqu’à la peine de mort. Pourtant, comme la population, les autorités ont été contraintes d’accepter que le marché noir fît partie intégrante de l’économie.

Cependant, les acteurs du marché noir ont été poursuivis et montrés du doigt. Pour la population, les paysans sont les grands responsables de la pénurie et les profiteurs de la situation. De son côté, la presse a fustigé les intermédiaires dont le nombre s’est considérablement accru avec l’épanouissement du marché noir. Les autorités gouvernementales n’ont pas choisi une autre cible pour expliquer les cas les plus graves. Enfin, tous s’accordaient à désigner les Allemands comme les grands coupables.

PROTAIS Véronique, La Politique sociale de la société des transports en commun de la Région parisienne vis-à-vis de ses prisonniers de guerre, Maîtrise [Antoine Prost, Noëlle Gérôme], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993, 151 p.

Les prisonniers de guerre français ont fait l’objet, pendant la Seconde Guerre mondiale, d’une politique particulière. Le gouvernement ainsi que les entreprises ont dû tenir compte des hommes en captivité. Le but de cette étude est de mettre en avant l’attitude d’une grande compagnie française, la STCRP face à son personnel en captivité.

Les actions et les interventions de cette dernière touchent des domaines très divers. L’envoi de colis et la tenue d’une correspondance entre la compagnie et ses employés mettent en avant l’aspect social de ces interventions. Le versement de multiples indemnités et les mesures de réinsertion et d’avancement des prisonniers représentent le volet de la politique de la STCRP. La diversité des mesures correspond à la diversité des situations vécues par les prisonniers. Il n’existe pas une catégorie de prisonniers, mais des catégories distinctes. Ainsi, en dehors des prisonniers en captivité, on compte ceux qui sont en « congé de captivité », ceux qui sont « transformés » en travailleurs libres, et ceux qui sont parvenus à s’évader. Les actions de la STCRP ne s’appliquent donc pas uniformément sur tous ces hommes, elles varient selon le destinataire. Aussi convient-il de distinguer les attitudes de la compagnie selon le type de prisonniers auxquelles elles sont destinées.

L’ensemble de ces mesures s’intègre d’une part dans la politique gouvernementale et, d’autre part, dans la politique économique de la compagnie. Ainsi, les positions du gouvernement sont exposées tout au long de l’étude, afin de permettre une meilleure compréhension du comportement de la société. La situation économique et financière de l’entreprise est également prise en compte, celle-ci se répercutant sur les mesures prises en faveur des prisonniers.

PROUET Emmanuelle, La perception des idées d’André Tardieu sur la réforme de l’État (à partir de 1933), Maîtrise [Antoine Prost, Lucette Le Van-Lemesle], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993, 175 p.

Pour comprendre la façon dont ont été perçues les idées d’André Tardieu sur la réforme de l’État, nous avons procédé à l’analyse de plusieurs quotidiens représentant un large éventail politique, de revues spécialisées et, dans une moindre mesure, d’archives privées.

Nous nous sommes d’abord interrogés sur l’accueil réservé à ces idées (qui prônaient essentiellement un renforcement du pouvoir exécutif, par exemple grâce à l’instauration du référendum), lors de leur présentation en 1933 et 1934. Il nous a fallu alors souligner l’importance du rôle que l’image de ce brillant homme politique a joué dans cette perception. Puis nous avons distingué les jugements portés par ses partisans de la droite parlementaire et par ses adversaires, tout en constatant qu’ils étaient parfois plus nuancés que ce à quoi l’on pouvait s’attendre.

Par la suite nous avons retracé le parcours de ces propositions. Cela nous a permis de constater qu’elles ont perdu beaucoup de leur crédibilité à la suite de l’échec de la réforme engagée par le Président du Conseil, Gaston Doumergue. Nous avons également tenté d’expliquer pourquoi André Tardieu n’est pas parvenu à devenir le théoricien du système politique français et de son histoire, comme il le souhaitait. Enfin, nous nous sommes interrogés sur son influence posthume. Cette dernière étape a mis en lumière une ressemblance importante entre son programme et le texte de la Constitution élaborée en 1958.

Cette étude peut donc permettre d’illustrer, à partir d’un sujet précis et restreint, des phénomènes plus larges, tel que le problème de la réforme de la Constitution avant et après la guerre ainsi que l’évolution des réactions par rapport à un éventuel pouvoir exécutif puissant.

RAIMOND Pierre-François, La mémoire de la seconde guerre mondiale dans l’ancien département de la Seine à travers le nom des rues, Maîtrise [Antoine Prost, Claude Pennetier], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993, 201 p.

Qu’a-t-on voulu retenir d’une période aussi complexe que la Seconde Guerre mondiale ? Ce lieu de mémoire particulier qu’est le nom des rues permet d’étudier une mémoire à la fois officielle et publique à l’échelle des communes de l’ancien département de la Seine, qui offrent à l’historien des cas aussi différents que celui de la capitale, vitrine de la France, et des communes beaucoup plus petites de la « banlieue rouge ». Encore aujourd’hui, le corpus des noms de rues y est marqué par les vagues de dénominations de la Libération. Elles ont mis en place dans l’espace de la ville une mémoire de la guerre qui exalte la France, le parti auquel les responsables locaux appartenaient et les communes qu’ils administraient et qui est dominée par la vision que les responsables communistes se font du conflit mondial. Entre 1947 et la fin des années soixante, si le rythme des dénominations nouvelles diminue nettement, les heurts entre les tenants d’une mémoire communiste qui cherche à consolider ses positions et les promoteurs d’une mémoire gaulliste qui tente de s’installer se multiplient, mettant en valeur les enjeux de cette mémoire. À travers le souvenir de la guerre, il s’agit aussi bien pour la nation que pour les partis et les communes, de se reconstruire une identité malmenée par le conflit. Autant le nom des rues constituait un support de mémoire idéal pour la mise en place d’une vision héroïque et glorieuse de la guerre, autant à partir des années 1970 la dénomination semble avoir du mal à s’adapter à la crise qui touche, à travers d’autres vecteurs de mémoire, l’image de la période 1939-1945. L’émergence d’une mémoire juive dans le corpus des dénominations de voies publiques est extrêmement tardive et limitée, ce qui traduit la difficulté du passage d’une mémoire glorieuse à une mémoire douloureuse et parfois peu favorable à la France pour un support qui, par tradition, était entièrement attaché à l’exaltation d’une nation en armes, défendant victorieusement ses valeurs humanistes.

SENOBLE Caroline, Le Musée des Colonies (1931-1939) : Images et croyances dans l’idéologie coloniale de la France des années trente, Maîtrise [Antoine Prost, Noëlle Gérôme], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993, 177 p.

Cette étude, plutôt thématique que chronologique, fut motivée par la volonté d’analyser le Musée des Colonies, ancêtre de l’actuel Musée National des Arts Africains et Océaniens, comme un observatoire des croyances et des représentations liées à l’idéologie coloniale des années Trente.

Après avoir resitué le Musée dans son statut originel de « centre de propagande actif », ce dont témoignent à la fois l’organisation administrative du Musée, mais aussi son architecture monumentale et symbolique, l’étude se porte davantage sur le contenu de l’idéologie diffusée, et surtout, sur la façon dont le discours colonial des années Trente a pu s’articuler au sein de l’institution muséale.

Les procédés de constitution et d’exposition des collections traduisent la volonté des organisateurs du Musée de constituer, au besoin de façon entièrement artificielle, un imaginaire colonial destiné à faciliter l’engagement des visiteurs pour l’empire. Tandis que, du point de vue théorique, ils mettent en place un système de justification complexe de l’idée coloniale ; les détournements de I’histoire et de I’anthropologie, réinterprétée à l’aune d’impératifs politiques, montrent à quel point l’idée coloniale repose alors sur une vision du monde profondément ethnocentriste.

SERNE Pierre, Le Nouveau Parti Socialiste : d’Alfortville à Epinay (1969-1971), Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993, 216 p.

Dans ce travail, nous avons voulu revenir sur l’histoire, souvent oubliée, des deux années qui ont vu naître et vivre le nouveau P.S., sous la direction d’A. Savary. Réinsérant ces deux années dans le processus de rénovation et d’unification de la gauche française des années 1960-1970, et par là même relativisant certaines ruptures, en particulier celle d’Épinay, nous avons tenté de montrer à la fois les lignes de continuité de toute cette période et l’apport important, sinon primordial, de ces nées 1969-1971. Cet apport s’est avant tout posé en termes de renouveau, puisque tel était l’enjeu majeur qui s’offrait aux socialistes (les difficultés de leur unification et la question de l’union de la gauche étant les deux facettes principales de cette problématique de la rénovation).

Ainsi, ayant montré la lente élaboration d’un nouveau P.S., aboutissant en 1969 à sa création mouvementée, nous avons étudié la réalité de son renouvellement doctrinal, organisationnel et militant. Cela nous a permis de mettre en évidence une véritable « vie avant Epinay », et ainsi de remettre en cause l’idée un peu mythique d’un congrès d’Epinay, point de départ du renouveau socialiste. L’étude du rapprochement PS-PCF est également venu étayer cette idée que bien des éléments de l’histoire de la gauche des années 1970 ont été au moins ébauchés pendant la période charnière précédant Épinay. Enfin, l’analyse des rapports entre PS et CIR, pendant ces deux années où la recherche de l’unité fut aussi le point de crispation majeur des luttes intestines socialistes, nous a permis, et c’est l’autre idée centrale de ce travail, de relativiser le poids, dans les discussions d’alors, des questions idéologiques. Ces dernières, en effet, ont sans cesse été esquivées derrière des enjeux de pouvoirs (parfois « camouflés » sous des oppositions stratégiques), plus ou moins rationnels d’ailleurs.

TAI Li-Chuan, Recherches sur l’image de la Chine dans la presse française de 1966 à 1971, Maîtrise [Lucette Le Van-Lemesle, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993, 178 p.

La France des années 1960 a connu une transformation considérable. La décolonisation tardive et la modernisation hâtive ont entraîné un changement profond de la vision du monde des Français sans qu’ils saisissent ce phénomène dans l’immédiat.

Cette étude sur l’image de la Chine dans la presse française de l’époque tente de discerner l’état d’esprit des Français dans une société en mutation à travers l’analyse de leurs regards sur la révolution culturelle chinoise.

Dans un premier temps, les images données par les foyers d’idéologie de droite et de gauche de cet événement chinois sont quasiment opposées. Elles révèlent deux images différentes que les Français se sont données d’eux-mêmes. D’une part la presse de droite, en montrant une image négative de la Chine, réaffirme la supériorité du système occidental et renforce l’identité du groupe auquel elle appartient. D’autre part, la presse de gauche, en projetant une image positive de la Chine, critique l’aliénation de l’Occident et espère retrouver les idéaux de l’humanité dans un « ailleurs ».

Mais, dans un deuxième temps, ces deux images divergentes de la Chine semblent converger. En effet, l’explosion de Mai 68 et le rapprochement de la Chine avec les États-Unis entraînent une modification du discours de la droite sur la Chine pour répondre à la situation nouvelle. Ainsi, malgré leur ressemblance, les fascinations de la droite et de la gauche pour la Chine ne sont pas de même nature.

THIERY Françoise, De l’analyse du fait à l’analyse de sa représentation, étude du rapport à la réalité de l’image de Nasser dans la presse parisienne (1952-1970), Maîtrise [Lucette Le Van-Lemesle, Antoine Prost], Paris 1, 1993, 231 p.

Cette étude se donne pour objet de saisir l’image de Nasser telle qu’elle apparut dans la presse parisienne entre 1952 et 1970. Organisée autour des différents aspects de la carrière et de la personnalité du président égyptien, elle constitue une réflexion sur l’image véhiculée par la presse, sur ce qui la détermine et sur ce qu’elle produit.

À partir des articles publiés dans huit journaux de tendances politiques diverses, l’analyse porte plus précisément sur les différentes interprétations des événements relatifs à la prise du pouvoir en Égypte par Nasser, à la Conférence de Bandœng, à la crise de Suez, à la guerre des Six Jours et à la mort du président égyptien. De la représentation donnée par la presse de ces événements se dégagent des éléments constitutifs de l’image de Nasser appréhendée sous quatre angles différents : la situation intérieure du leader égyptien, sa position internationale, sa politique et son comportement.

L’intérêt central de cette étude réside en ce qu’elle considère l’image de Nasser véhiculée par la presse à la fois dans l’instant et dans la durée et à la fois pendant des crises particulières et pendant toute la période où il exerça son action. Cette double mise en perspective permet de mesurer la part d’évolution et celle de continuité de cette représentation, mais aussi son degré de conformité avec la réalité.

VINCENT Stéphane, L’aviation populaire. De l’éclosion à la disparition, 1936-1939, Maîtrise [Claude Pennetier, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993 – 196 p. + annexes

L’Aviation Populaire fut d’abord un organisme ministériel, dirigé et fondé par Pierre Cot dès le 31 juillet 1936, ayant pour objectif de former la jeunesse de France au pilotage d’avions et de planeurs, ceci sans distinction d’origine sociale, ni de sexe. L’Aviation Populaire devait permettre la formation sur une base plus large des pilotes qui faisaient défaut aux aviations civile et militaire, tout en satisfaisant le désir de voler d’une génération enthousiasmée par la conquête du ciel. L’organisme ministériel sollicita, à cet effet l’aide des aéro-clubs privés, associations ayant eu jusque-là la charge de la formation aéronautique, au sein des fédérations qui les représentaient. Les aéro-clubs, autrefois réservés à l’élite de la société, accueillirent dès lors un grand nombre de jeunes, âgés de quatorze à vingt et un ans et de toutes origines sociales, au sein des Sections d’Aviation Populaire, antennes locales de l’Aviation Populaire qui leur furent confiées par le Ministère. Ce faisant, l’Aviation Populaire donna naissance à un grand mouvement populaire et aérien, celui des aéro-clubs populaires et des fêtes de l’aviation pour tous. Cependant, par suite de l’aggravation des tentions internationales, l’Aviation Populaire dut s’orienter vers une préparation aérienne des jeunes uniquement militaire et au seul profit de l’Armée del’Air. L’Aviation Populaire disparut pour toujours le 1er avril 1939, laissant la place à une Aviation Prémilitaire.

WEEXSTEEN Antoine, La Fédération de la Seine de la Ligue des Droits de l’Homme 1926-1939 : « l’enfant terrible » de la Ligue dans les années trente, Maîtrise [Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993, 156 p.

L’histoire de la Fédération de la Seine de la Ligue des Droits de l’Homme durant les années Trente, est celle de son opposition à la direction nationale. Bien qu’elle soit une des plus importantes Fédérations de la Ligue, ses effectifs décroissent tout au long de la période 1926-1933, alors que le nombre des sections augmente. Les apparitions et disparitions de celles-ci recoupent les différences sociologiques entre Paris et la banlieue. Enfin, les catégories socio-professionnelles auxquelles appartiennent les présidents de sections ne sont pas très différentes de celles des présidents de l’ensemble de la Ligue. La Fédération de la Seine tire sa capacité d’opposant moins de son importance numérique, pourtant bien réelle, que de la pugnacité de ses dirigeants, animateurs de la minorité.

J. Pioche, L. Cancouët, A. Lesseurre, fustigent, au nom de leurs sections, l’omnipotence du comité central qui limite leur prétention à participer à la gestion de la Ligue. En réalité, à la participation ils préfèrent l’exercice d’un rôle de contrôle de ceux qui sont en charge du pourvoir. En effet, lors de la gestation du Rassemblement populaire, face à V. Basch, fédérateur des différentes forces de gauche, ils réaffirment leur hostilité aux radicaux leur préférant les communistes. Ce rapprochement paraît naturel puisque les dingeants de la Fédération de la Seine ont toujours milité pour l’ouverture de la Ligue aux ouvriers.

Cependant en 1934, les communistes maintenant ralliés à la défense nationale, ne menèrent plus le même combat pacifiste que certains dirigeants de la Fédération de la Seine. Ceux-ci, plus pacifistes que jamais malgré la tension, internationale s’éloignent de plus en plus des positions de la majorité, Jusqu a la crise de 1937 ou ils quittent le comité central. Leurs positions radicales sont alors tempérées par la base de la Fédération. En effet au Congrès de la Ligue de 1937, lors des résolutions sur la guerre d’Espagne et sur les procès de Moscou, la Fédération de la Seine ne manifeste pas l’ultra-pacifisme que les déclarations de ses dirigeants avaient annoncé.

1992

AUGER Fabrice, La Santé et le corps sous le Front populaire, 1935-1938, Maîtrise [Danièle Tartakowsky, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 161 p.

De quoi parle-t-on lorsqu’on parle de santé et d’hygiène sous le Front populaire ? Jean Garchery, député radical du nouveau gouvernement, chargé des rapports de la santé publique à l’Assemblée, répond qu’il s’agit de « l’avenir de la race, de la protection de nos foyers, de la sécurité, de notre capital humain ». La lecture des débats parlementaires, des projets de loi, de la presse du Front populaire et des revues spécialisées sur les questions d’hygiène met à l’évidence la « dégénérescence physique et morale » de la nation engendrée par la « dépopulalion » et l’aggravation des « fléaux sociaux ». Ces formulations rappellent pour le moins le langage des hygiénistes et des responsables politiques du siècle dernier, période d’exacerbation des nationalismes. Mais l’état sanitaire de la Nation dans les années 30 est alors perçu comme déplorable dans un contexte économique, social et international qui ne le permet pas.

Comment provoquer le « redressement national » ? Les responsables politiques tentent alors de coordonner leurs efforts par une réforme administrative et financière qui sera l’objet d’un large consensus national. Grâce à l’appui de médecins et hygiénistes, et à l’image de ce qui se passe à l’étranger, ils vont agir à la fois dans le domaine de la prévention et de l’assistance pour combler le retard. Même s’il y a d’incontestables innovations comme la surveillance médicale et la promotion de la culture physique scolaire, l’assistance sanitaire prend le pas sur la prévention, contrairement à ce qui est formulé dans les débats parlementaires. Les congés payés devaient favoriser l’éducation sanitaire des masses et la culture physique. Mais celle-ci est appréhendée par le citoyen comme une contrainte. Contrainte à la foi dans sa justification et dans sa pratique elle même, car son histoire évoque dune part un passé militaire et nationaliste, et d’autre part une conception dualiste et utilitaire du corps, où l’effort physique se substitue au plaisir et à la liberté.

ARDOIN Laurent, La Première Internationale à Toulouse, Maîtrise [Jacques Girault, Jacques Rougerie], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 189 p.

Toulouse semblait au départ peu propice à une étude sur l’Internationale puisque cette ville ne possédait à l’époque qu’une industrie à l’état embryonnaire. De plus, elle s’inscrivait dans une région essentiellement rurale où les structures sociales étaient marquées d’un paternalisme latent.

Dès septembre 1870, la Haute-Garonne se voyait dotée d’un préfet radical intransigeant particulièrement truculent, Armand Duportal. Or, c’est par l’intermédiaire des radicaux de Duportal que l’Association Internationale des Travailleurs s’installa dans la région toulousaine. Cette installation fut tardive par rapport à d’autres villes puisqu’elle n’intervint qu’à la fin de l’année 1870. En fait, cela permit aux radicaux de contrôler la section toulousaine de l’A.I.T. et ainsi de se rapprocher du milieu ouvrier. Après la Commune de Toulouse, le conseil général de l’A.I.T., dominé par les marxistes, délègue Émile Dentraygues pour développer et surtout émanciper les sections locales du « paternalisme » radical. Pendant l’année 1872, une Internationale se structure et mène une propagande active auprès de la population ouvrière pour qu’elle se détache de l’emprise radicale. Cependant, l’organisation reste faible et déchirée par des dissensions internes. La vague nationale de répression contre l’Internationale qui est organisée par le gouvernement de Thiers n’épargne pas Toulouse. En mars 1873, s’ouvre un procès qui voit 38 inculpés condamnés à des peines diverses. Celui-ci marque l’échec des marxistes dans leur tentative de constituer une forte organisation dans cette partie de la France.

BARRET Nicolas, Les Citoyens du monde, 1948-1951, Maîtrise [Lucette Le Van-Lemesle, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 2 vol., 209 p. + 128 p.

L’expression « Citoyen du Monde » apparaît sur la scène publique à Paris à l’automne 1948. Cette « émergence » est avant tout liée au climat créé par la Guerre froide (nous sommes en plein blocus de Berlin) : l’affrontement des deux blocs a créé une véritable angoisse faisant planer la menace d’une nouvelle guerre (alors que les traumatismes de la Deuxième Guerre mondiale sont encore bien présents) et l’affrontement entre communistes défenseurs de la diplomatie soviétique et « atlantistes » (la quasi-totalité de la classe politique) bat son plein depuis plus d’une année (mai 47, exclusion des ministres communistes du gouvernement).

Le terme de « Citoyen du Monde » parvient au public lorsqu’un Américain s’installe, le 12 septembre, avec son sac de couchage, sur les marches du Palais de Chaillot, symboliquement « internationalisé » afin de recevoir la jeune ONU. Garry Davis annonce aux journalistes qu’il a rendu son passeport à l’ambassade américaine, se proclame premier citoyen du Monde et demande à l’ONU d’assurer sa protection.

Davis suscita un réel engouement. Il fut d’abord soutenu par de nombreux intellectuels réunis dans un « Conseil de Solidarité » (Breton, Camus, Mounier, Vercors, etc.), il interrompit une séance de l’ONU pour réclamer un gouvernement mondial, il fit pendant presque trois mois la une des journaux, se fit acclamer par 20 000 Parisiens au Vel d’Hiv’, reçut un courrier monumental et obtint une audience auprès du President de la République. L’action de Davis est souvent présentée par les historiens comme un épisode pittoresque de la Guerre froide, Davis comme un « boy-scout », un « naïf » ou encore un « excentrique » venu d’Amérique…         .

En fait, les « Citoyens du Monde » existaient en France, bien avant Davis : depuis 1946, quelques hommes et femmes (dix-huit) s’étaient regroupés en un « Front Humain des Citoyens du Monde nécessaire » avec la conviction partagée qu’il fallait « désormais penser mondial ». C’est le parcours de ce groupe (et particulièrement de ses trois initiateurs) que nous nous sommes efforcés de reconstituer. Robert Sarrazac (un important résistant du mouvement Combat), Paul Montuclard (fondateur avec son frère d’un mouvement intellectuel progressiste catholique, Jeunesse de l’Église) et Jeanne Allemand-Martin (permanente à la Jeunesse de l’Église) entreprirent un véritable travail de réflexion et de production (plusieurs fascicules sont édités, des « thèses » d’une étonnante rigueur intellectuelle sont élaborées). Établissant qu’il existe des « dangers et des ennemis communs à la totalité des hommes », que la menace atomique oblige à la coopération, que les interdépendances (économiques et politiques) sont une évidence, le FH affirme que l’unité du monde est inéluctable. Mais il appelle tous les hommes à dépasser leurs idéologies ou leurs appartenances nationales, à agir en « Citoyen du Monde », seule alternative à une unité du monde qui prendrait une forme technocratique et dictatoriale. Le FH se donna alors comme objectif « d’éveiller les consciences ».

Mais les membres du FH ne passèrent véritablement à l’action qu’en rencontrant, à Chaillot, Davis. Ils furent, en fait, les véritables organisateurs de cette campagne (le Conseil de Solidarité étant la suite des contacts pris antérieurement). Davis devint leur porte-parole, il incarnait aux yeux du public l’idée de citoyenneté mondiale. Ensemble, ils lancèrent (sous le seul nom de Citoyens du Monde) de nombreuses actions symboliques qui devaient permettre d’organiser des élections à une Assemblée Constituante des Peuples.

Ainsi, ils entreprirent de recenser les Citoyens du Monde en créant une carte qui sanctionnait non pas l’appartenance à une organisation, mais la volonté de voter à une assemblée mondiale. De même, sous la direction de Sarrazac — véritable « leader charismatique » — les Citoyens du Monde proposèrent aux conseils municipaux de « mondialiser » leur commune, c’est-à-dire de la proclamer « symboliquement territoire mondial ». Au total, fin 1950, 31 000 personnes avaient reçu leur carte de « Citoyens du Monde » et plus de 300 communes françaises s’étaient « mondialisées », la plupart dans le sud-ouest de la France où les Citoyens du Monde avaient projeté d’établir une zone expérimentale pour des élections à l’Assemblée Constituante des Peuples.

Mais les désaccords avec les groupes mondialistes d’autres pays sur l’organisation de cette Assemblée, l’hostilité déployée par les communistes, le départ de Davis, le manque de moyens financiers, provoquaient un sévère coup d’arrêt aux activités des « Citoyens du Monde ». Les plus anciens militants (ceux du Front Humain) n’avaient pu s’entendre avec les plus récents, qualifiés de pacifistes. En 1951, les « Citoyens du Monde » ne formaient plus ce « Front Humain » qu’ils avaient dès 1946 appelés de tous leurs vœux.

Les hommes du Front Humain — qui nous apparaissent comme de formidables témoins de leur époque — avaient perçu et défini les gigantesques mutations que le monde vivait : révolution technique, interdépendances des États et des Peuples, mise en place d’un ordre mondial avec ses exclus, incapacité des systèmes idéologiques à réunir les hommes, ambiguïté et inefficacité des organismes internationaux qui représentent les États… Face aux menaces de ces mutations (guerres, dictatures…), ils se sont dressés, en tant qu’hommes atteints dans leurs droits élémentaires et pour tous les hommes, se voulant ainsi des « pionniers » du mouvement de l’Histoire.

BEAUJOUAN Isabelle, La Résistance dans les transports en commun de la région parisienne, 1935-1945, Maîtrise [Antoine Prost, Noëlle Gérôme], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 238 p.

L’étude des structures des Transports en commun de la région parisienne, composées par la CMP et la STCRP jusqu’en 1941, révèle une longue tradition d’existence. Ces sociétés possèdent un personnel nombreux caractérisé par de multiples spécificités. Les services qu’elles offrent encore, de 1940 à 1945, fait d’elles un véritable enjeu. Des contradictions traversent alors la CMP et la STCRP prises dans l’étau des intérêts multiples, ceux de l’occupant, ceux du gouvernement de Vichy et de son administration centrale, ceux de la ville de Paris, ceux de la Résistance enfin. Cela se traduit alors par une double conséquence : une entreprise au service de la collaboration, largement spoliée et surveillée par l’Autorité d’Occupation (surtout en ce qui concerne le réseau surface), mais aussi une apparition des premiers réfractaires. Ainsi, dès 1940, un bon noyau releva la tête pendant que d’autres collaboraient avec l’ennemi. Les premiers mouvements de Résistance se créent donc avec notamment l’émergence d’un paysage politique particulier. Ce paysage est marqué par la prédominance des communistes qui s’explique par la présence d’une tendance secondaire, les syndicats, qui traverse ou même compose ce principal courant. À la CMP, la Résistance est réellement organisée à partir de 1943 autour des syndicats cégétistes et les organisations clandestines telles que les Comités populaires ou les Inter-branches. Les agents mobilisés et préparés selon leurs possibilités militaires, mais aussi selon leur niveau politique, sont prêts à une action de plus grande envergure : la libération de la capitale entamée par le début de la grève insurrectionnelle le 16 août 1944. Le poids de la Résistance Metro-Bus durant la Libération fut considérable. Elle a notamment mis à la disposition de Rol-Tanguy son dense réseau téléphonique et empêché les Allemands de se servir du souterrain pendant la bataille de Paris.

BESSAHA Alain, L’Implantation du parti communiste à Aubervilliers entre les deux guerres, 1919-1935, Maîtrise [Jacques Girault], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 223 p.

Cette étude s’inscrit dans le cadre d’un vaste travail de recherches monographiques complétant l’histoire du Parti communiste français dans la banlieue parisienne.

Il s’est agi de saisir les modes d’implantation du communisme à Aubervilliers, ses origines et ses causes et de les analyser. Dans un premier temps, la connaissance du milieu implanté s’est avérée indispensable pour mettre en perspective les conditions socio-économiques, les conditions d’existence et les mentalités avec la situation politique. Celle-ci a la particularité à Aubervilliers d’être centrée sur la personnalité de Pierre Laval qui domina la vie politique municipale durant tout l’entre-deux-guerres. L’implantation s’est donc faite contre une équipe en place contrairement aux situations abordées par les études précédentes où les représentants du Parti communiste étaient en charge de la gestion municipale. Nous avons donc étudié pour la première fois l’implantation communiste dans une municipalité socialiste.

Nous avons en outre opté pour une étude qui soit la plus proche possible des réalités, resserrant en définitive nos recherches sur trois domaines qui nous ont semblé essentiels, l’industrie chimique, la politique antifasciste et le quartier du Montfort. Nous avons donc complété l’analyse des conditions dites « objectives » de l’implantation par une approche davantage sociologique qui a tenté de prendre en compte les facteurs culturels.

BEURIER Joëlle, La Mémoire des LIP, Maîtrise [Lucette Le Van-Lemesle, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 202 p

L’étude de la mémoire des Lip révèle une structuration en deux temps. Celle-ci se constitue tout d’abord, dans l’avant-Lip et les débuts du conflit de 1973, comme une mémoire collective euphorique, idéalisée et unique, organisé par « le goût du collectif ». Dans un mouvement inverse, pendant les périodes de la reprise, du second conflit et de l’après-Lip, s’affirme, puis se confirme, une lente décomposition du groupe, soumis à un devenir économique surtout, de plus en plus contraignant. Dès lors, le bloc de départ que constituaient les Lip se désagrège en une juxtaposition de groupuscules, parfois de clans (divergences internes au groupe des syndicalistes), et la mémoire unique et euphorique de 1973 devient sombre et plurielle ; enfin, l’étude de l’après-Lip révèle la disparition de toute mémoire de groupe. Les souvenirs sont le fait d’initiatives privées. La volonté de mémoire n’existe plus à l’échelle de la communauté. La mémoire des Lip a donc disparu.

La notion d’échec — ou de succès — a entièrement organisé la mémoire des Lip en une succession de mémoires distinctes. Ainsi, la mémoire collective est fille de la réussite de 1973 ; la mémoire commune est née des difficultés économiques et humaines propres au conflit de 1976 ; enfin, l’absence de mémoire de groupe est le résultat de l’échec final et de l’implosion du groupe.

L’étude de la mémoire des Lip a permis de nuancer plusieurs analyses sur les conflits eux-mêmes. Les souvenirs font ainsi le point sur un certain nombre de clichés, tels que l’autogestion, la démocratie, le rôle des syndicats ou la position des femmes.

BILLIARD Frédéric, La Confédération Générale de l’artisanat français de 1939 à 1944, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 275 p.

La spécificité de l’artisanat ayant été trop souvent ignorée par les hommes politiques qui l’assimilaient en général au patronat, les syndicats d’artisans, et plus particulièrement la Confédération Générale de l’Artisanat français, ont donc lutté tout au long des années trente pour que leur activité professionnelle soit sauvegardée. Mais le cadre économique et social qui conditionna jusqu’en 1940 l’évolution de la doctrine confédérale fut brusquement modifié par la guerre. Dans un contexte sensiblement différent, la confédération se prononça alors en faveur du nouveau régime et de sa Révolution nationale. Toutefois, ce choix ne fut en aucun cas le fruit de quelques corruptions ou ambitions personnelles telles qu’elles purent exister dans les milieux de la collaboration parisienne. Au contraire, il s’inscrivait dans la continuité de l’action menée par la CGAF depuis la fin de la Première Guerre mondiale. Séduits par la mystique de l’État français, certains responsables confédérés s’efforcèrent ainsi, en dépit des réticences de leurs collègues, d’assurer à l’artisanat la place qu’il méritait dans ce cadre si particulier qu’était la Révolution nationale.

DARD Sévérine, L’Union temporaire contre la prostitution réglementée et la traite des femmes, 1926-1946, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 181 p.

L’Union temporaire contre la Prostitution réglementée, née en 1926, prend le relais de la Branche française de la Fédération abolitionniste internationale. Elle hérite de plusieurs décennies de luttes et des mêmes difficultés propres à la France. Berceau du réglementarisme au XIXe siècle, incapable de mettre en œuvre des réformes, jugées pourtant nécessaires et expérimentées internationalement, la France reste fidèle à sa tradition d’organisation officielle de la prostitution dans l’entre-deux-guerres, en dépit de l’intense propagande menée par les militants de l’Union temporaire. Car cette propagande ne touche guère que des milieux traditionnellement réceptifs au message abolitionniste aussi divers que les féministes, les humanistes, les moralistes. D’autre part, elle se heurte au conservatisme des pouvoirs publics, à l’ignorance et aux préjugés de l’opinion, largement confortés par la contre-propagande des milieux anti-abolitionnistes. Au-delà des intérêts que suppose la prostitution, l’abolitionnisme met en jeu toute une représentation de la société, des rôles sexuels et de l’ordre public sur lesquels la position de la France semble bien révéler un conservatisme spécifique. En 1946, au terme de vingt ans d’existence, l’Union temporaire assiste enfin à la mise en œuvre de la première législation complète en matière de prostitution dont elle mesure rapidement la dimension faussement innovante. Elle va donc reprendre le combat sur de nouvelles bases, au sein de l’Union française contre le Trafic des Êtres humains, désormais Branche française officielle de la Fédération abolitionniste internationale.

DEBUT Emmanuelle, L’école primaire à Nantes. Gassicourt pendant la Seconde Guerre mondiale, Maîtrise [Jacques Girault], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 238 p.

Alors qu’apparaît, avec le régime de Vichy, l’utilisation des médias en politique, l’école constitue également un moyen de propagande et un vecteur idéologique redoutablement efficaces, car porter la bonne parole maréchaliste dans la multitude des établissements primaires permet au gouvernement de toucher quelques 5 millions d’élèves dispersés dans toutes les contrées de France, et, à travers eux, leurs parents donc l’opinion publique.

C’est pourquoi nous avons voulu savoir comment les instituteurs publics, majoritairement attachés à la République et à la laïcité ont réagi face aux mesures gouvernementales et à la propagande pétainiste s’infiltrant dans les domaines scolaires et postscolaires. Nous avons aussi essayé de déterminer quels changements la guerre et l’occupation allemande ont provoqués dans la vie scolaire.

L’étude du cas particulier de la ville de Mantes-Gassicourt, qui, avant-guerre, avait fait preuve d’un grand attachement à l’enseignement public et qui était dirigée depuis plus de trente ans par une équipe radicale-socialiste menée par un laïc convaincu, Auguste Goust, nous permet de répondre en partie à ces deux questions.

ELIARD Thierry, Benjamin Peret au Mexique, 1941-1948, Maîtrise [Antoine Prost, Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 128 p.

Produit idéal d’un surréalisme qui proclamait : «  »Transformer le monde » a dit Marx,  »Changer la vie » a dit Rimbaud, ces deux mots d’ordre pour nous n’en font qu’un » (Breton), Benjamin Péret a été poète surréaliste et marxiste révolutionnaire. Sans jamais subordonner les unes aux autres, Péret a toujours mené de front les activités surréalistes et les activités militantes dans des groupes révolutionnaires. Cette relation dialectique de l’art à la politique est-elle une des raisons qui expliquent le relatif effacement de Benjamin Péret et de son œuvre dans la perception publique du surréalisme ? Plus de trente ans après sa mort, Péret reste un poète et un surréaliste méconnu.

Exilé au Mexique pendant la Deuxième Guerre mondiale pour échapper à la police de Vichy et au nazisme, Benjamin Péret retrouve à Mexico, au sein de la communauté des exilés européens, des surréalistes et des militants trotskystes. Avec les uns et les autres, mais de façon distincte, il va reprendre sa double activité d’avant-guerre, tenter de mettre sur pieds un groupe surréaliste au Mexique en l’absence d’André Breton et de principaux surréalistes ; il a aussi participé aux activités politiques des trotskystes espagnols réfugiés à Mexico, aux côtés de Natalia Sedova-Trotsky, la femme de Leon Trotsky assassiné peu de temps avant l’arrivée de Benjamin Péret au Mexique.

FERGANT Aline, L’enseignement primaire à Savigny-sur-Orge sous la IIIe République, 1870-1940, Maîtrise [Jacques Girault, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 177 p.

L’organisation administrative et pédagogique et l’enseignement primaire se présentent comme un système fort complexe ou l’État, le département et la commune interviennent.

L’étude menée sur Savigny-sur-Orge a permis de déterminer le rôle de la commune dans ce fonctionnement. Deux périodes ont été distinguées (1870-1914 et 1914-1940) et dans chacune d’elle un élément a retenu plus particulièrement notre attention : d’une part, l’application des lois scolaires dans les années 1880, d’autre part l’augmentation des effectifs et ses conséquences sur l’enseignement primaire entre 1925 et 1936.  

La politique municipale a été analysée à partir de deux critères : les dépenses ordinaires et extraordinaires engagées pour l’enseignement, ainsi que les avantages financiers et matériels que la commune accorde au personnel enseignant. En outre, pour chacune de ces deux périodes, l’organisation pédagogique des écoles de Savigny a été étudiée au travers des rapports de l’inspecteur d’académie et de ceux de l’inspecteur primaire de Corbeil.

Les différents contextes politiques, économiques et sociaux des communes ont obligé les législateurs de la IIIe République à laisser une large part d’initiative aux agents locaux. Cependant, les faibles moyens financiers de Savigny ont limité l’action du conseil municipal et I’ont rendu plus dépendant de la volonté des autorités supérieures. De la même façon, le poids de la hiérarchie et les exigences de la population ont imposé aux instituteurs de lourdes contraintes.

GALAN Olivier, Les organisations syndicales du personnel de surveillance au sein de l’administration pénitentiaire, Maîtrise [Danièle Tartakowsky, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 155 p.

La libération est un tournant de l’histoire pénitentiaire : de nouveaux programmes politiques sont mis en place, une réforme opère des changements fondamentaux dans la conception du rôle de la prison et de celle du personnel ; une volonté réelle de faire de la prison un lieu moins hermétique s’exprime, le syndicat pénitentiaire se métamorphose ; douze années ont suffi pour que le syndicat unique explose et laisse la place à quatre organisations.

À partir de journaux syndicaux et de documents administratifs ce mémoire se propose d’analyser les différentes scissions et créations corrélativement aux changements nationaux, d’étudier les revendications et leurs évolutions, les démarches et doctrines syndicales.

Ce travail prête aussi une attention particulière à l’institution pénitentiaire, car la définition et la compréhension du cadre d’activité professionnelle et ses nombreuses contraintes permettent de mieux définir certaines attitudes. En effet, la situation d’enfermement, le rôle ambigu de garde et de réinsertion, la collusion entre hiérarchie syndicale et administrative, la limitation du droit de grève, la perception négative de la prison par l’opinion publique, entraînent des démarches spécifiques.

L’intérêt de cette étude est d’autant plus grand que les organisations restent très libres face à leurs confédérations.

GAMACHE Dominique, Polémiques autour des initiatives pédagogiques de Jean Zay, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 147 p.

En juin 1936, Jean Zay est nommé ministre de l’Éducation nationale. Il entreprend une série d’initiatives pour réaliser l’École unique et rendre l’éducation « plus vivante, plus efficace et plus souriante ». Il propose, dans ce sens, pour la dernière année de scolarité, prolongée jusqu’à 14 ans, un programme spécifique et lance des « loisirs dirigés » organisés dans les premier et second degrés, initiatives bien acceptées dans l’ensemble par les enseignants. De même, son projet de réforme de l’enseignement déposé en mars 1937 à la Chambre des députés reçoit d’abord un bon accueil, l’initiative répondant à une demande du milieu enseignant ; mais bientôt, une véritable polémique se polarise sur la classe d’orientation, grande innovation qui prévoit, à l’orée d’un second degré unifié, une classe vestibule à l’issue de laquelle les enfants sont orientés vers les sections classique, moderne ou technique. L’orientation organisée sous forme d’expérience à la rentrée 1937 concentre contre elle notamment, les adversaires du Front populaire qui y voient une tentative de main-mise de l’État sur la jeunesse. D’autres critiques, souvent véhémentes, se développent à mesure que les attendus d’un projet initial succinct sont mieux connus et s’en prennent à la façon dont le ministre « engage » sa réforme par voie réglementaire alors qu’elle n’est pas votée. Elles sont alimentées par les profondes divergences de vues qui opposent premier et second degré dont le projet prévoit le rapprochement. Les controverses sur les initiatives du ministre illustrent les difficultés de réformer un système éducatif dont l’enjeu apparaît primordial pendant la période du Front populaire et rend compte des freins internes opposés à ce type d’avancée.

GONZALES Paule, Un épisode du Left Book Club, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 210 p.

Cette étude a pour objet de dresser le portrait d’un club de lecture britannique des années trente : le Left Book Club. Elle s’appuie sur l’analyse d’une partie de ses publications éditées pendant la période d’activité du Club, de mai 1936 à août 1940.

Les sources utilisées comprennent deux volets. Premièrement, une série de 55 livres de propagande abordant des thèmes de l’actualité politique qui constituent la série appelée le Livre du Mois (Book of month). Ces livres se font l’écho des préoccupations de l’époque : la montée du nazisme et du fascisme, la politique hésitante du gouvernement, les signes avant-coureurs de la guerre. Les auteurs préconisent la naissance d’un Front populaire à l’échelle nationale et internationale permettant, grâce à l’alliance avec les communistes, de combattre l’agression fasciste. La nécessité d’un nouvel ordre économique et social est également évoquée. Ces textes sont pour la plupart écrits sous forme de témoignages ou de comptes-rendus journalistiques. Quelques-uns se veulent des traités théoriques et enfin, dans une moindre mesure, certains relèvent du genre romanesque.

Le second volet des sources utilisées est constitué par le mensuel Left News qui accompagnait la publication livresque. De ce magazine de 32 pages, n’ont été étudiées que trois rubriques : l’éditorial, le sujet de discussion du mois, Topic of the month, et la critique du livre du mois, Book of the Month. Chacune de ces trois rubriques était tenue par les trois fondateurs du Club : Victor Gollancz, John Strachey et Harold Luski. Si la critique littéraire se contente généralement de présenter sous forme de résumé le livre du mois, les deux autres rubriques sont riches d’enseignement, car elles dévoilent les opinions des fondateurs du Club. On y trouve par rapport aux livres un appel constant à l’action et à l’engagement à preuve du caractère militant de ce club de lecture « pas comme les autres ».

Les auteurs de ces rubriques ont le sentiment de vivre dans une période charnière, dans l’urgence d’une situation difficile ; ils sont convaincus que le vieux monde est en train de s’effondrer et que le renouveau est proche. C’est cet avenir qu’ils souhaitent contribuer à préparer à partir du Left Book Club. Le socialisme d’URSS étant le mirage vers lequel se tournaient les intellectuels britanniques de gauche, il n’est pas étonnant de voir le Club s’en faire un de ses plus ardents défenseurs. Dans ces conditions, même si le Club suscite un certain intérêt, il sera considéré comme une menace par les partis politiques libéraux et travaillistes.

Bien que toute la lumière n’ait pas été faite sur le Left Book Club, nous espérons avoir contribué à faire mieux connaître cette expérience de mobilisation originale, car sans précédent.

GOURANTON Olivier, « Comoedia » pendant la Seconde Guerre mondiale, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 192 p. + annexes

Comoedia, sous-titré « hebdomadaire des spectacles des lettres et des arts » paraît du 21 juin 1941 au 5 août 1944. Il reprend le titre d’un quotidien d’avant-guerre même s’il s’avère foncièrement différent de celui-ci. Faut-il voir dans Comoedia une éclaircie dans la presse de l’époque ou l’agent d’une collaboration intellectuelle masquée ? Tel est le fil directeur de l’étude qui s’appuie sur des archives (publiques et privées), sur des témoignages, mais aussi sur l’exploitation d’une base de données obtenue en analysant 3 396 articles parus dans Comoedia. Cette base de données est présentée dans un fascicule annexe.

Comoedia apparaît comme un journal ouvert en raison d’une vaste sphère journalistique et d’une gamme très étendue de thèmes. Bien qu’une proclamation d’indépendance soit adressée aux lecteurs dans le premier numéro, Comoedia donne des gages aux Allemands et entretient des liens avec l’Institut allemand. Parmi les articles ayant un intérêt politique qui ne représentent que 4,8 % du nombre total des articles, ce sont les articles pro-Allemands qui sont de loin les plus nombreux. Ils se situent pour la plupart dans la page « Connaître l’Europe ». La vision de Vichy de Comoedia est plutôt positive. Un contre-message, dont la discrétion peut être expliquée par la censure et l’auto-censure, apparaît parfois. Le nombre des articles pro-Allemands, évalué par semestre, est en constante diminution de 1941 à 1944, de sorte que Comoedia évolue vers une certaine neutralité. Carrefour prestigieux, même si le journal ne semble pas être un lieu de vie intense, Comoedia apparaît comme représentatif d’une époque complexe.

HOFFMANN Emmanuel, L’École primaire à Ivry-sur-Seine : 1944-1968, Maîtrise [Antoine Prost, Jacques Girault], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 271 p.

Cette étude a pour objectif d’analyser les conséquences, pour une ville, des modifications de l’institution scolaire, de l’augmentation importante des effectifs et des bouleversements de ses structures avec la généralisation du secondaire. L’étude d’Ivry-sur-Seine, dans ce contexte, permet d’aborder ces mutations principalement sous deux aspects :

L’enseignement primaire (école élémentaire et maternelle) se trouve au cœur d’enjeux pour l’avenir de la société qui dépassent le cadre de la formation. L’analyse sur un quart de siècle, entre la Libération et les changements révélés par les événements de Mai 1968, contribue à mieux faire comprendre les évolutions de l’action des différents intervenants, en particulier de l’État et de la commune.

– les caractéristiques sociologiques d’une commune de la banlieue parisienne ;

– les particularités de la gestion d’une mairie communiste en matière d’enseignement, principalement sa politique sociale et sa conception de l’école dans la société.

JODE Frédérique de, Femmes dans la Résistance : synthèse et analyse de témoignages oraux, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 179 p.

Dans le cadre de mon travail, j’ai contacté 26 femmes qui ont pris part à la Résistance. Les conclusions auxquelles je suis parvenue sont basées essentiellement sur leurs témoignages.

Dans un premier temps, ces femmes se sont présentées en indiquant leur âge, leur milieu social (dans l’ensemble, il s’agit de femmes d’origine bourgeoise), leur situation maritale, leur situation professionnelle. Dans un deuxième temps, elles ont exprimé leur réaction face à l’occupation allemande, une réaction qualifiée de patriotique. Enfin, elles ont raconté leurs parcours personnels dans la Résistance, ainsi que les fonctions qu’elles y occupaient.

Ces fonctions nous semblent en retrait par rapport à celles des hommes, mais cet aspect ne transparaît pas dans leurs discours. Au contraire, il apparaît que la Résistance a été pour ces femmes une période à part, où une situation d’égalité s’est établie entre les sexes. En effet, une franche solidarité et fraternité rapprochaient les femmes et les hommes qui partageaient tous les mêmes risques.

Les femmes interviewées soulignent que cette période de leur vie a été une des plus intenses et que, malgré les horreurs de la guerre, des bons souvenirs sont restés gravés dans leur mémoire.

KANONIDIS Dominique, Essai sur l’immigration grecque en France au XXe siècle, Maîtrise [Lucette Le Van-Lemesle, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 190 p.

Au XXe siècle, l’immigration grecque est restée en marge des grands courants migratoires de ce pays, mais elle reflète assez bien la diversité de l’immigration en France. Celle-ci est en effet le seul pays d’Europe où, depuis plus d’un siècle, l’immigration est un phénomène constant revêtant une certaine ampleur.

Les Grecs, dont on repérait à peine la trace avant 1914, émergent en pleine Première Guerre mondiale quand, pour alimenter un marché du travail déficient, l’État français met en place une politique de recrutement de travailleurs étrangers. C’est autour de ce noyau initial que s’agglomèrent, dans les années 1920 des nouveaux venus qui forment le second flux migratoire du siècle. Enfin, après l’intermède de la Seconde Guerre mondiale, une dernière vague migratoire prend corps pour s’amplifier surtout dans les années 1960.

L’immigration grecque, qui frappe surtout par son caractère économique même si parfois viennent s’y greffer des mobiles politiques, est l’exemple type d’une immigration ancienne qui, une fois établie, s’est entretenue pendant près d’un siècle par le biais des filières d’autorecrutement. C’est d’ailleurs ce qui explique son caractère marginal, puisque depuis la guerre de 1914-1918 la France n’a plus jamais sollicité la main-d’œuvre hellénique. Aussi, depuis 1945, la faiblesse du flux migratoire ne compense plus les naturalisations ni les décès des acteurs des deux premières vagues migratoires, si bien que l’effectif grec est en constante diminution. Issue d’une immigration ancienne, la communauté grecque est aujourd’hui largement francisée, puisque composée de Grecs naturalisés et de Français d’origine grecque qui sont estimés à 30 000 personnes.

On peut considérer l’insertion des Grecs dans la société française comme un modèle d’intégration réussie. Une intégration silencieuse, au prix d’une véritable mutation sociale, qui a vaincu les soubresauts du siècle en leur opposant la solidarité entre compatriotes et la cohésion géographique. À une phase de prolétarisation mal acceptée succéda une phase d’ascension sociale facilitée par une grande capacité d’adaptation et un esprit d’initiative manifeste. En outre, la faiblesse numérique a facilité la qualité des contacts, et l’absence de ressentiment historique a joué comme un facteur favorable.

Toutefois, il peut y avoir une intégration satisfaisante qui n’induise aucune assimilation. Dès le début des années 1920, les Grecs se sont dotés de structures communautaires, notamment un vaste réseau d’églises orthodoxes, d’associations et d’écoles, où s’est effectué le processus qui a contribué à maintenir et à renforcer les liens d’appartenance au pays d’origine. Aujourd’hui, l’identité nationale, malgré certaines « pertes », survit en France. Les générations issues de cette migration revendiquent leur patrimoine culturel, mais tiennent à affirmer leur double allégeance à la fois envers la Grèce et la France. La communauté grecque et d’origine grecque constitue, de nos jours, une des minorités constituantes de la communauté nationale française.

MAITRE Stéphane, Les grèves dans la Vienne de 1899 à 1935, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 109 p.

À la fin du XIXe siècle, alors que la contestation ouvrière atteint avec une certaine force les grands départements ouvriers de la France, la Vienne conserve un grand calme. En effet, le département peu industriel, donc peu ouvrier, ne subit aucunement les pressions ouvrières de l’époque et reste sous la domination politique de la bourgeoisie locale. Ce n’est qu’au cours des dix premières années de ce siècle que la région découvre les conflits sociaux sous l’impulsion de l’accession au pouvoir d’un groupe intermédiaire et d’une forte poussée syndicale qui vont agiter les masses populaires. Cependant, les conflits sociaux du début du siècle restent, dans la Vienne, le faible écho des grands mouvements parisiens ou du nord de la France. Les grèves sont en effet timides et peu organisées du fait d’une force syndicale encore faible et peu apte à seconder les ouvriers. La seule vague digne de ce nom se déclare en 1910-1911. C’est en effet à cette époque que l’on découvre pour la première fois l’existence d’un réel potentiel de contestation ouvrière. Il faudra cependant attendre les années 1919-1920 pour que le mouvement ouvrier prenne une véritable dimension et devienne réellement combatif et déterminé. Pendant les années difficiles qui allaient suivre, une nouvelle motivation ouvrière se fait jour, relayée par une meilleure organisation syndicale. Des grèves beaucoup plus importantes sont déclenchées, symptomatiques de la difficulté de la condition ouvrière de la région.

MICHEL Bertrand, Les rapports entre Jean Vilar et le TNP : une logique de service public ?, Maîtrise [Danièle Tartakowsky, A Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 168 p. (14 cassettes d’entretiens).

Dans le contexte de volontarisme politique de la Libération, le projet artistique de Vilar et la politique de certaines personnalités de l’État redonnent naissance à un Théâtre national et populaire. L’État définit le cahier des charges du TNP et Vilar établit une esthétique de la modernité, un répertoire populaire. Autour de Vilar se forme un groupe de résistants, de peintres, de compagnons de la semaine d’art dramatique en Avignon. L’École Charles Dullin, au sein du TNP, forme la génération de comédiens de l’après-guerre. La participation active de Gérard Philippe et de Maria Casarès favorisera une relation inédite au public que Jean Rouvet, administrateur du TNP et aventurier de la culture, établit avec rigueur.

Sa qualité de directeur rend J. Vilar financièrement responsable de la gestion du TNP, ce qui est par ailleurs précisé dans le cahier des charges. Pour réaliser au mieux sa mission, il met en place une structure administrative chargée des relations avec le public et du fonctionnement de la troupe.

L’État pour sa part, aide chichement une structure dont il se méfie. Par un excès d’exigences, les gouvernements de la IVe République : le Sénat et la presse de droite attaquent le TNP qu’ils stigmatisent comme révolutionnaire sans connaître le groupe, confondant ses méthodes novatrices, le répertoire, et les opinions de ceux qui y travaillent. La démission de Vilar, le 21 février 1963, marque la fin de ces expériences théâtrales : Le TNP, par nécessité financière et par vocation, oblige les acteurs à se plier aux règles de ce nouveau service public. Ceux-ci jouent beaucoup, parfois dans des lieux difficiles, à Chaillot, en banlieue et à l’étranger. Le rapport conflictuel de Vilar à l’État a pour conséquence des rapports sociaux dirigés selon une méthode de recours au public, sans l’établissement de conventions collectives. Les relations entre les acteurs et Vilar sont individualisées et se caractérisent par un ensemble de discours ou de comportements spécifiques. L’identité de la troupe est assurée par une politique salariale précise et une attribution des rôles équitable. L’appartenance à un établissement national et son implantation en milieu populaire, la force du rôle de Vilar comme fédérateur du groupe, ont permis la réussite du projet et assuré la renommée du TNP et des formes d’art qu’il exerçait dans la société.

MOREAU Michel, Les attitudes syndicales face à l’informatisation du travail de bureau de 1970 à 1986, Maîtrise [Lucette Le Van-Lemesle], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 181 p.+ annexes

L’introduction de l’informatique dans le travail de bureau a induit de nombreux bouleversements. Ceux-ci, par leur ampleur, rendent le processus comparable à celui que connut le monde ouvrier au XIXe siècle avec l’apparition des premières machines. Cependant, capable de suppléer à l’homme dans l’exécution d’un certain nombre de tâches mentales, l’ordinateur se distingue de la machine traditionnelle. Il s’accapare par là l’essence même du travail de l’employé.

Sur la base de ce constat, l’auteur de ce mémoire se livre à une étude des réactions auxquelles l’informatisation du secteur tertiaire donna lieu entre 1970 et 1986. Ce travail repose sur l’analyse de sources puisées dans les organes de presse, hebdomadaires et mensuels, des trois principales centrales syndicales françaises : CFDT, CGT et Force Ouvriere.

Outre le premier axe de la démarche qui met en avant les problèmes qualitatifs et quantitatifs touchant l’emploi que les syndicats imputent au recours à l’informatique, le mémoire s’attache à détecter dans les interventions les signes éventuels d’une évolution du syndicalisme entre 1970 et 1986.

L’évolution importante que l’on met en évidence n’est qu’en partie liée à l’adaptation du syndicalisme à la crise économique que traverse la société française à partir du début des années 1970, ou à l’effort que déploient les centrales syndicales pour faire face à l’érosion de leurs effectifs. L’auteur s’attache à montrer que l’informatisation du secteur tertiaire, par la réflexion à laquelle elle donne lieu, influence pleinement et parfois directement, l’évolution des stratégies et des projets syndicaux.

NAIMSKI Laure, Les industriels chocolatiers Menier et la presse de Seine-et-Marne. 1891-1934, Maîtrise [Lucette Le Van-Lemesle, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 240 p.

Emblème intemporel du « chocolat Menier », la petite fille nattée de l’affichiste Firmin Bouisset dissimule un empire industriel dont le cœur productif se situe à une vingtaine de kilomètres au nord-est de la capitale. Singulier village des bords de Marne, Noisiel s’ordonne au fil des XIXe et XXe siècles sous la houlette de la dynastie patronale Menier, en un triptyque réfléchi : usine modèle, cité ouvrière, ferme-pilote.

Consacrée « Première chocolaterie du monde » à l’Exposition universelle de Chicago en 1893, l’usine Menier véhicule conjointement une image de savoir-faire et de prospérité. Noisiel et les Menier se donnent à voir tant par la prééminence d’un tourisme d’entreprise que par une récurrente présence dans la presse professionnelle. Plusieurs décennies durant, la cité Noisiel se trouve par ailleurs au centre d’un débat dont la vigueur témoigne de l’importance que partisans et adversaires accordent au projet des industriels chocolatiers de Seine-et-Marne : Instrument privilégié pour la perception de l’empire agro-industriel Menier, la presse locale fut ainsi la source essentielle d’une recherche qui s’inscrit dans le cadre plus large d’une démarche collective. En participant à une histoire redécouverte au cours des années 1970 grâce à un regain d’intérêt pour l’archéologie industrielle du XIXe siècle, notre sujet d’étude s’agrège à une production écrite déjà riche. De nouveau revisitée, l’histoire des industriels noiseliens est ici abordée sous un angle particulier qui suppose une réflexion en termes d’histoire entrepreunariale dynastique.

Figure centrale de notre étude, la troisième génération des Menier est soumise à notre regard par le prisme de quatre gazettes de Seine-et-Marne. Premier constat, au cursus honorum politique de Gaston Menier (1853-1934) figure de proue de cette troisième génération, répond une inflation de disco électoraliste, œuvre d’une presse partie prenante de la vie politique locale. Promues au rang d’organes électoraux liés de manière contractuelle à l’industriel Gaston Menier, les gazettes locales exploitent simultanément l’image du bon patron père de ses ouvriers et de l’usine modèle, en un temps où la question sociale est au cœur du débat politique national.

Au lendemain de la Première Guerre mondiale, le temps du consensus est à l’ordre du jour et se substitue à un désintérêt croissant de la presse locale à l’encontre de l’expérience Menier.

Au-delà des immuables polémiques surgissant immanquablement à chaque période d’élections, le Briard, journal socialiste provinois, fondé en 1887 par Adolphe Vernant, se démarque au début du siècle par son combat en faveur du syndicat de la chocolaterie. Véritable document historique, ce dernier permet de pénétrer le site usinier, d’entrer au cœur de l’atelier par l’entremise d’une abondante correspondance ouvrière. Générant une réflexion sur les rapports presse-mouvement ouvrier, ces lettres anonymes sont de prime abord l’occasion de découvrir une parole ouvrière intense et riche qui traversa le siècle.

PANNE Jean-Louis, Boris Souvarine : prémices d’un itinéraire politique (1895-1919), Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 186 p.

Les années de formation de Boris Souvarine, dirigeant du Parti communiste de 1921 à 1924, sont peu connues. C’est la raison pour laquelle nous avons cherché à reconstituer l’environnement culturel et politique dans lequel son enfance et sa jeunesse se déroulèrent, afin de mettre en évidence les événements familiaux, politiques ou sociaux qui ont pu conduire ce fils d’émigrés juifs russes (venus de Kiev à Paris en 1897), à s’engager dans le mouvement socialiste pendant la Première Guerre mondiale. Ce travail s’appuie sur les propres témoignages (inédits ou connus) de Souvarine, les informations communiquées par quelques proches, mais aussi les études et documents concernant l’émigration juive russe à Paris et les groupes politiques qui en étaient issus. L’examen de la culture politique de Souvarine fait apparaître les influences successives et rivales (anarchiste, jaurèsienne et guesdiste) qu’il a subies, et l’importance des relations privilégiées qu’il entretint avec certains militants : Paul Louis, Charles Rappoport, Georges Sorel…

L’itinéraire militant de Boris Souvarine — de ses premières contributions journalistiques à ses premières responsabilités — est suivi au travers de la presse et de l’histoire des « minoritaires de guerre » : groupe des Amis du Populaire, Comité de défense du socialisme international, Comité pour la reprise des relations internationales, enfin Comité de la IIIe Internationale. L’expérience vécue de la guerre puis celle des mouvements minoritaires d’opposition à l’Union sacrée furent une véritable catharsis pour ce jeune homme imprégné de culture française, mais attaché à sa culture d’origine, la culture russe. Proche des guesdistes et membre du courant animé par Jean Longuet, son adhésion à un bolchevisme, plus imaginé (notamment par analogie avec la Révolution française) que réellement connu, soulève la question d’une tradition politique « autochtone » à une idéologie « étrangère », perçue comme nécessaire à la régénération du socialisme français.

PEREZ Manuela, Les représentations politiques d’un inspecteur de l’enseignement d’après son journal, Maîtrise [Noëlle Gérôme, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 155 p.

Ce mémoire concerne l’étude d’une série de cahiers écrits entre 1940 et 1945, sorte de journal de la guerre et de l’occupation. Son auteur est un inspecteur de l’enseignement primaire, M. Aristide Molines.

Nous avons voulu montrer, dans un premier temps, de quelles informations, de quelles sources, disposait un particulier pour s’informer sur la marche du monde dans une époque de censure. Par la suite, nous avons décrit comment cet homme vécut, au jour le jour, les transformations politiques que subirent non seulement son pays, la France, mais aussi le monde. Il ressort de cette étude que l’accès à l’information n’était pas impossible à cette époque. Cependant, les réactions face aux événements historiques demeurent marquées de présupposés constitués auparavant à la faveur des normes éduca­tives ou des clichés de l’opinion publique.

POUMAREDE Gérard, Le Cercle Proudhon : une synthèse impossible, 1911-1914, Maîtrise [Lucette Le Van-Lemesle, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 255 p.

L’éphémère Cercle Proudhon serait resté le domaine privilégié de quelques amateurs de curiosités historiques, si le virulent débat engagé autour de l’existence d’un « fascisme à la française » ne l’avait un jour exhumé de l’oubli auquel il semblait condamné. Traquant les prémices de l’idéologie fasciste dans la France de la Belle Époque, l’historien Zeev Sternhell a jugé que cette petite société de pensée avait un rôle suffisamment important dans son élaboration pour terminer son second livre par son évocation. Elle y apparaît comme le point d’orgue de la sensibilité préfasciste que l’auteur repère auparavant dans la Ligue des Patriotes ou le syndicalisme jaune. Elle formerait ainsi le creuset où viennent se mêler, pour la première fois, des hommes issus de ces deux traditions qui, pour Zeev Sternhell, forment le fascisme, le nationalisme et le socialisme, pris ici dans sa variante syndicaliste-révolutionnaire.

Conscients que les membres du Cercle Proudhon eux-mêmes revendiquaient fièrement la réalisation de cette synthèse, nous avons néanmoins souhaité en analyser les modalités avec plus de précision. L’unanimité était trop belle, les certitudes trop ancrées, les formules trop systématiques pour ne pas essayer d’en prendre les distances. Notre étude s’est alors orientée selon deux axes. Relisant les Cahiers du Cercle Proudhon, nous avons tout d’abord tenté d’y retrouver les fruits intellectuels originaux de cette synthèse proclamée, les éventuelles traces de ce préfascisme signalé. Force est d’avouer notre déception. La pensée du Cercle ne révèle pas les surprises promises. À bien des égards, elle n’est qu’un bricolage précaire, fortement imprégné de maurrassisme, où les quelques références syndicalistes s’apparentent à des concessions. Tout y est, de la prééminence du politique jusqu’à l’affirmation à peine voilée de la nécessité monarchique. En définitive, bien peu d’innovations : le Cercle reste fidèle à Maurras. Nous ne pouvons sur ce point que nous opposer aux conclusions de Zeev Sternell.

Sachant combien le terrain de l’histoire des idées est hasardeux, nous avons alors, dans un second temps, cherché les moyens de vérifier nos premières hypothèses. L’étude minutieuse de la naissance du Cercle, de son fonctionnement, de son recrutement, nous en fournit l’occasion. Elle vint confirmer nos premières suppositions : il apparaît clairement que le cercle Proudhon est né dans le giron de l’Action française. L’idée en revient à deux de ses militants les plus fameux à l’époque, Georges Valois et Henri Lagrange. Au cours de sa brève existence, le Cercle a reçu un appui sans faille du mouvement monarchiste aussi bien d’un point de vue logistique (prêt de locaux, annonce de ses réunions dans le journal l’Action française) que sur un plan humain. En effet, et ce n’est pas le moindre des paradoxes du Cercle, l’essentiel de ses recrues appartiennent au mouvement de Maurras. Une prosopographie des membres du petit groupe a ainsi révélé que ses membres non-monarchistes se comptaient sur les doigts d’une main, quand les autres dépassaient la vingtaine. Point de synthèse donc, mais une machine à convertir quelques égarés du syndicalisme, un leurre grossier qui na pas réussi à tromper la classe ouvrière, si l’on en juge l’insuccès final du groupe, mais auquel certains historiens se sont un peu rapidement laissés prendre.

RANDRIAMANANTENA Sahondra, Étude de la correspondance de Gaston Deslandes, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 3 vol., 551 p.

Cette étude aborde d’un point de vue original une période de la vie de Gaston Deslandes, né le 6 juin 1900 et mort le 15 juin 1951. Les 268 lettres qu’il a écrites de 1942 à 1945 sont une source d’observation privilégiée pour appréhender l’évolution d’un prisonnier et déporté communiste. Nous avons élaboré deux types d’approches de ses sources.

Tout d’abord, nous avons soumis sa correspondance, adressée à ses proches, à un traitement statistique à l’aide d’un logiciel de lexicologie inspiré des méthodes de laboratoire de Saint-Cloud (le logiciel PISTES). Le corpus est composé de 75 lettres. Il est très hétérogène, car les lettres varient dans leur longueur, leur fréquence et leurs destinataires. Nous avons donc divisé le corpus en 6 parties : les lettres de la prison de la Santé, celles d’avant la mise au secret, celles d’après la mise au secret, les lettres de la Centrale de Poissy, celles adressées à Suzanne, l’épouse de Gaston Deslandes, celles adressées à sa mère, les lettres de Compiègne et les lettres de Buchenwald.

Dans un deuxième temps, afin d’étudier également les lettres non retenues dans le traitement informatique, nous avons entrepris une étude thématique à travers une lecture systématique de toutes les lettres.

SUREMAIN (de) Frédérique, Perception et représentation de l’étranger dans le « Temps », 1920-1928, Maîtrise [Lucette Le Van-Lemesle, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 306 p.

En 1920, Le Temps est un quotidien du soir à la réputation établie, faisant référence dans le domaine de la politique étrangère. En effet, il est question de l’étranger, d’une part dans son éditorial Le Bulletin du Jour qui occupe la majeure partie de ses colonnes qui est connu pour refléter l’avis du Quai d’Orsay, et d’autre part dans ses correspondances Les Lettres de l’étranger qui sont souvent financées par les pays concernés.

La représentation qu’il offre du monde évolue spatialement et politiquement au cours de la période. En effet, sur le plan spatial, on passe d’une vision partielle et partiale du monde européano-centrée, à une vision plus globale, pratiquement mondialiste.

Sur le plan politique, l’Europe des puissances, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, la France, dont l’hégémonie sur le monde dit civilisé a été mise en cause par la guerre et ses conséquences, s’essouffle. D’autres pays, à la faveur de la guerre ou de la crise des démocraties que stigmatise le journal, se sont affirmés comme acteurs à part entière de la vie internationale : les États-Unis, la Russie soviétique, l’Italie, et dans une moindre mesure l’Espagne. Enfin, l’Orient, jusque-là entièrement soumis, ou en tout cas, sous forte influence européenne, s’éveille, se dégage de sa tutelle, et affirme son identité propre et ses particularismes par le biais du nationalisme.

Au-delà de la représentation que Le Temps donne de l’évolution des relations internationales, c’est sa conception de la société moderne qui apparaît — une société démocratique calquée sur le modèle occidental et une certaine image de la France — une puissance malmenée qui se veut la gardienne des valeurs de l’Europe du temps de sa splendeur. Ce sont aussi ses craintes quant à l’avenir qui apparaissent, devant un monde qu’il ne peut plus appréhender à partir des seuls schèmes connus et reconnus par lui ; monde dont il pensait que le développement l’induirait à s’assimiler au modèle européen.

Pour Le Temps, au contraire, ce monde nouveau devient un étranger toujours plus étrange, plus énigmatique, alors même qu’il se développe selon des critères économiques occidentaux.  

TON-THAT Valery, Le parti socialiste SFIO et les grèves ouvrières, 1919-1935, Maîtrise [Jacques Girault, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 123 p.

Expression au quotidien de la lutte des classes, la grève offre un cadre propice à l’analyse des activités du Parti socialiste SFIO et de ses liens avec la classe ouvrière entre 1919 et 1935. Le problème de la grève est examiné et apprécié dans les différentes instances de l’organisation socialiste : congrès nationaux, groupe parlementaire, presse partisane.

Les quelques exemples de grèves relevés lors des congrès nationaux nous permettent de définir la médiation exercée par la SFIO entre la classe ouvrière et le système politique. Relayée par l’organe central du parti, Le Populaire, l’intervention des élus socialistes au Parlement apparaît comme étant un mode d’action privilégié. Mais la prépondérance de l’acnv1té parlementaire inscrite dans l’évolution même de la SFIO, a pour autre corollaire la distanciation du Parti socialiste par rapport à une tradition de l’action collective qui façonne son groupe social de référence : la classe ouvrière.

TORRE Pascal, Les origines du radicalisme en Corse, Maîtrise, Univ. Paris 1 CRHMSS [Antoine Prost, Jacques Girault], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 195 p.

À la veille de l’effondrement du Second Empire, la Corse demeure un département conservateur, bonapartiste et catholique. Les radicaux incarnent l’opposition au régime. Héritiers de 1848, ils constituent une petite minorité sans lien avec la population, ne parvenant pas à ébranler la citadelle bonapartiste. Après 1881, le processus d’adhésion à la République s’accélère sous la direction de l’opportunisme. Une lutte violente s’engage alors entre ces deux forces sur la conception de la République et pour la conquête du pouvoir local. La presse intransigeante, les comités anti-opportunistes animent dans le Sartenais, le Cortenais et la Casinca cette bataille. Les tensions provoquées lors des législatives de 1885-1886, la collusion avec le boulangisme, précipitent le déclin du radicalisme.

Cette éclipse dure jusqu’en 1901. L’avènement d’une République plus ardente donne le signal d’une renaissance, préparée par la Franc-Maçonnerie et une kyrielle d’associations laïques. Le combisme fut une étape décisive dans l’affirmation de cette nouvelle force. La lutte anticléricale, le zèle épurateur de la base, façonnent une idéologie et des pratiques. Cependant, ni le combisme ni la structuration du parti en 1904 ne permettent une implantation durable. Sous sa forme intransigeante, anti-religieuse, le radicalisme suscite le rejet d’une grande partie de la population.

La crise du bloc, la mort d’Emmanuel Arène, la prise de conscience de l’ampleur de la crise économique et des tensions sociales qu’elle génère accélèrent le processus de révision. Les radicaux prennent leur distance avec les thèmes traditionnels du radicalisme. Rationaliser le fonctionnement de l’appareil d’État, assurer sa progression dans l’île, arrimer la Corse au mouvement de la prospérité nationale deviennent les priorités. Dans cette perspective, ils souhaitent s’imposer comme le relais interne du pouvoir. Ils s’insèrent davantage dans les réseaux claniques, placent leurs hommes à des postes clefs (pour satisfaire une clientèle électorale) et mettent ainsi le clan au service d’une idée nouvelle. Le développement rapide des organisations du parti, entraînent la prise en compte de l’aspiration de nouvelles catégories sociales à participer à la vie politique, est partie intégrante de ce système. La politique corse s’inscrit davantage dans une perspective nationale, même si cela masque parfois des rivalités ancestrales au niveau des villages. Cela contribue aussi à une accélération de la politisation et à quelques progrès du vote individuel.

En 1914, au-delà des péripéties qui affectent l’organisation, le parti radical est ancré à gauche et sa géographie électorale se fige dans le Sartenais, le Cortenais et la région de Bastia.

Dans les années 1920, le cinéma est déjà en France un objet de consommation courante, un « art populaire ». Parce qu’il est porteur des clichés et des représentations de la société à laquelle il s’adresse, le cinéma est un miroir de ce que cette société ne dit pas dans ses manifestations officielles. Dans le cas de cette étude, il a permis de mettre à jour deux éléments primordiaux. Tout d’abord, malgré la victoire de la France en 1918, les films présentent une image inquiète de la société française. Le souvenir de la guerre apparaît plus comme un fardeau que comme un objet de fierté. Les classes dirigeantes semblent connaître une décadence, les classes moyennes ne sont pas prêtes à les remplacer, et le peuple est confronté à une réalité sociale qui le menace de déchéance. La société française des années 1920 paraît incertaine incapable de choisir entre la modernité et l’attachement aux traditions d’avant-guerre. En second lieu, en dehors des films explicitement politiques, la société s’exprime de manière éthique sur les problèmes sociaux et politiques : c’est le point de vue moral qui domine la France des années 1920 dans son expression cinématographique. À travers l’objectif de la caméra, les certitudes ou les incertitudes de la société se font jour : c’est une voie non négligeable pour la recherche historique.

VEZYROGLOU Dimitri, Une société à la recherche de certitudes. Les représentations politiques et sociales dans le cinéma français (1918-1933), Maîtrise [Danièle Tartakowsky, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 166 p.

1991

BARROT Martin, Deux syndicats de la police parisienne face à la guerre d’Algérie 1958-1962, Maîtrise [Antoine Prost, Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991, 175 p.

Nous avons étudié, à travers leur presse, les positions de deux syndicats de la police municipale de Paris sur les événements liés à la guerre d’Algérie ; attentats du FLN, crise de régime, menées factieuses, manifestations.

Les dirigeants du SGP, majoritaire, se réclament d’une solide tradition républicaine au nom de laquelle ils soutiennent la République menacée (la IVe, contestée par la base, puis la Ve, tout en se méfiant des « principes d’un État fort »), évaluent les conséquences économiques et sociales du conflit et demandent en février 1961, l’ouverture de négociations. Le SIPM, minoritaire, prône un syndicalisme « indépendant » dont le ressort est un anticommunisme constant dans l’analyse des événements d’Algérie, de la vie politique française, de l’action du SGP.

Ces deux syndicats s’accordent pourtant sur les questions du maintien de l’ordre. Le SGP obtient à deux reprises (en août 1958 et en octobre 1961) un couvre-feu pour les « Français Musulmans d’Algérie ». La manifestation organisée le 17 octobre 1961 par le FLN pour protester contre cette mesure est suivie d’une répression extrêmement violente. Dès lors, les responsables du SGP tentent d’échapper au malaise et au discrédit. Ils ont le sentiment d’y parvenir, de sauvegarder l’honneur de la police, grâce à leur engagement contre l’OAS. Le SIPM, pour qui l’ordre doit être maintenu à tout prix, assume la répression des manifestations algériennes et de celle du 8 février 1962.

SIPM et SGP nous semblent participer, malgré leurs différences, d’une même défaillance morale dans la mesure où ils s’accordent sur un point essentiel ; l’instauration d’un couvre-feu raciste favorisant un déchaînement de violence sans précédent dans l’histoire de la police parisienne.

BIMBI Eric, Le PCF et l’enseignement à l’école primaire : de 1921 au milieu des années 1930, Maîtrise [Jacques Girault, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991, 147 p. + annexes

Ce mémoire se propose, à partir de documents émanant directement du Parti communiste français (circulaires internes, presse communiste, programmes électoraux) d’étudier la construction et l’évolution du discours communiste sur l’école et l’enseignement de 1921 à 1934.

Ce discours est très fortement marqué dans les premières années du communisme français par les différents héritages du mouvement ouvrier. Jusqu’en 1924, un grand débat divise les instituteurs communistes autour de la question : l’école est-elle traversée par la lutte des classes ?

L’homogénéisation du discours communiste autour de la position école de classe et l’abandon de la revendication d’école rationnelle et humaine en régime capitaliste, n’empêchent pas de brusques tournants. Entre 1928 et 1932, les communistes dénoncent l’école laïque bourgeoise comme « un auxiliaire du capitalisme ». En 1932, tout en dénonçant le caractère de classe de l’enseignement bourgeois, l’accent est mis sur la nécessaire démocratisation de l’institution scolaire. Il s’agit donc dans ce mémoire de répondre aux raisons qui permirent ces grands tournants. Enfin, cette étude s’interroge sur différents domaines d’interventions communistes sur l’enseignement et l’école primaire : gestions municipales, éducation prolétarienne, groupes d’enfants.

BOISSARD Emmanuel, Biographie collective des anarchistes, 1871-1914, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991, 135 p. + annexes

À partir du Dictionnaire Biographique du Mouvement Ouvrier (1879-1914) de Jean Maitron, on a relevé 777 anarchistes dont on a établi la biographie collective à l’aide, notamment, de l’instrument informatique. Voici comment se présente le corpus.

Le lieu de naissance de ces libertaires est sans grande surprise. La majorité des « anars » est issue de la France de l’Est, celle de l’industrialisation. Par ailleurs, deux grandes villes dominent : Lyon et Paris, chacune correspondant à une époque spécifique. On remarque, en effet, que la région lyonnaise est caractérisée par la présence de compagnons adultes, alors que les moins de trente ans sont d’abord parisiens.

La composition démographique du corpus révèle un certain équilibre puisque l’on compte environ un tiers d’adultes, un tiers de jeunes et un huitième d’anciens (un cinquième des biographies n’indiquant pas la date de naissance). L’âge a une incidence sur le comportement des compagnons : si l’univers professionnel des adultes de résume essentiellement à l’industrie en général et aux métiers du textile en particulier, les jeunes anarchistes se dispersent plus volontiers dans de nouveaux métiers industriels, voire dans le secteur tertiaire. L’incidence est encore nette pour leur attitude vis-à-vis du mouvement ouvrier et du syndicalisme : les adultes militent dans l’anarchie, mais montrent peu d’intérêt pour les organisations ouvrières, alors que leurs successeurs prennent des responsabilités dans le mouvement et se syndicalisent plus facilement.          

L’approche professionnelle du corpus fut délicate en raison de l’extrême variété des situations. On constate que le mouvement anarchiste est lié au monde ouvrier, l’essentiel des libertaires travaillant dans l’industrie. Il est significatif que les quatre métiers phares des anarchistes engagés soient le textile, la métallurgie, les travaux publics et le bois. Cependant le mouvement recrute de façon plus large ; il est possible de trouver des anarchistes de profession libérale ! Quant aux paysans libertaires, ils ne sont que neuf. S’il est malaisé de discerner l’influence de la profession sur la position des compagnons (militant ou responsable ?), en revanche cette influence est certaine pour l’attitude face au syndicalisme : les anarchistes syndicalisés travaillent dans l’industrie, ce qui est parfaitement logique.

La dernière étude porte sur l’anarchisme et le syndicalisme. Alors qu’on trouve deux militants pour un responsable dans l’anarchisme, la proportion est inverse dans le syndicalisme : un militant pour deux responsables. La relation que l’anarchisme entretient avec le syndicalisme est complexe peut-être parce qu’elle est réduite. Il n’y a que 39 % de compagnons qui sont syndicalisés, et ces 39 % pour la plupart ne sont pas de véritables anarchistes, mais des assimilés ; c’est-à-dire la limite de l’entrisme des compagnons dans les syndicats.

L’ultime question au terme de cette analyse est de savoir si les caractères dégagés à propos de ces 777 anarchistes sont valables pour l’ensemble du mouvement libertaire français. À défaut de réponse nette, on peut postuler, malgré des distorsions, que l’image donnée est en grande partie fidèle.

BOIVIN-LORQUET Anne, HENRIET Sylvie, L’enseignement primaire à Saint-Denis, de 1945 à 1959, Maîtrise [Jacques Girault, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991, 323 p.

Cette étude propose d’établir les caractéristiques de la politique menée en faveur de l’enseignement primaire dans une ville ouvrière de banlieue dirigée par une équipe communiste. À Saint-Denis, l’équipe municipale construite par Auguste Gillot s’installe dès 1945.

Notre approche première, purement sociologique, dut, face aux sources disponibles hétéroclites (imprimés, budgets, délibérations du Conseil municipal…), s’ouvrir sur d’autres options.

Deux grands thèmes dégagés, l’urbanisme et le budget constituent les deux premières parties de notre travail. De 1945 à 1959, la rénovation d’anciens bâtiments scolaires et des constructions nouvelles permettent de dessiner un nouveau paysage scolaire. Ce résultat intervient dans le cadre d’une politique générale indissociable des questions budgétaires. Aussi l’étude du budget municipal contribue à déterminer les choix d’investissement et de fonctionnement, donc la place de l’enseignement primaire dans cette politique.

À l’issue de ces deux parties, nous pouvons donc analyser l’application des principaux points des programmes électoraux à travers l’évolution des effectifs, les relations entre enseignants et élus. Nous concluons par l’étude d’autres grands axes politiques telle la défense de la laïcité et des éléments plus originaux comme les fêtes de Noël.

BOUCHERET Marianne, La diplomatie française et le syndicalisme international à travers les archives du Quai d’Orsay. 1945-1949, Maîtrise [Jean-Louis Robert], septembre 1991, 194 p.

Parti d’une interrogation sur les rapports entre la sphère étatique et le domaine d’intervention du syndicalisme, ce mémoire s’attache à mettre en lumière l’existence et l’évolution des relations entre la diplomatie française et la jeune Fédération Syndicale Mondiale. Il s’appuie sur l’exploitation d’archives du Quai d’Orsay couvrant la période 1945-1949 et permet de montrer l’originalité de la coopération mise en place, notamment dans le cadre de l’ONU, et sur la question allemande, clef des relations internationales de la période. Mais cette étude met aussi en évidence la fragilité des liens établis, lesquels étaient bénéficiaires pour un temps de l’ambiance particulière au lendemain de la victoire contre le nazisme, mais tributaires des modifications de la stratégie de la France en matière de politique extérieure. L’analyse de la perception par le Quai d’Orsay d’une part des évolutions affectant les relations internationales et d’autre part de leurs répercussions sur le syndicalisme explicite la désagrégation des relations entre diplomates français et dirigeants de la FSM, désagrégation particulièrement visible en Allemagne. Néanmoins, il apparaît que si la contradiction des intérêts entre les deux parties devenait de plus en plus flagrante, cela se traduisit dans les limites chronologiques de cette étude par une distanciation plutôt que par une rupture brutale.

BREDOUX Cécile, La Réaction du mouvement socialiste à la loi du 26 juin 1889 sur la nationalité : les guesdistes, les possibilistes et les blanquistes, Maîtrise [Jacques Girault, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991

La loi du-26 juin 1889 sur la nationalité s’inscrit directement dans le débat de l’époque sur la présence des étrangers. Dans cette étude, nous avons tracé les traits de l’immigration dans la deuxième moitié du XIXe siècle afin de comprendre l’hostilité ouvrière envers les étrangers. Puis, nous avons décrit le débat national sur les immigrés et la loi du 26 juin. Cette dernière est apparue libérale, car elle permettait l’accès à la nationalité française à un grand nombre d’étrangers.

Alors, quelle va être la position des socialistes internationalistes dans le débat général sur les étrangers connaissant l’hostilité ouvrière. Et vont-ils s’intéresser à la naturalisation ?

Ces trois familles politiques ont adopté un discours et une action proprement socialistes. Ce sujet fut l’occasion d’attaquer la classe capitaliste et de développer leur internationalisme. À propos de la concurrence étrangère sur le marché de l’emploi, ils revendiquent des solutions non discriminatoires pour les immigrés. Les socialistes se révèlent être d’ardents défenseurs d’une naturalisation facilitée. Elle leur apparaît comme une solution au problème étranger. Dans un esprit républicain, ils fondent le titre de citoyen à l’appartenance à la vie de la nation. Leur inspiration est aussi idéologique. Le but est de faire de nouveaux Français pour la révolution internationale.

La crise économique sociale et idéologique des dernières décennies du siècle entraîne les socialistes vers des prises de position plus hostiles aux étrangers, et en contradiction avec leur doctrine.

CALIXTE Béatrice, Le travail à domicile en France et au début du XXe siècle, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991, 268 p.

Dans cette étude, nous avons tenté de déterminer la place que prenait le travail à domicile au début du XXe siècle par rapport au travail en atelier de plus en plus représenté dans la majorité des industries (les petites y compris). Pour y parvenir, nous nous sommes presque essentiellement appuyés sur les industries de la fleur artificielle et de la chaussure, qui sont respectivement représentatives de la main-d’œuvre en chambre féminine et masculine.

Face à une vague persistante de progrès dans les techniques de production, le travail à domicile accroît son recul vis-à-vis du travail d’atelier par un recours encore assez systématique au travail manuel et artisanal. Par ailleurs, au niveau du progrès social, ce mode de production se trouve en marge puisqu’il n’est protégé par aucune législation du travail, et fait rarement appel au syndicat pour sa défense. Enfin, de plus en plus touchés par le chômage et les bas salaires, les travailleurs en chambre connaissent fréquemment la misère et la maladie. La principale conséquence de tous ces facteurs est donc la décadence progressive du travail à domicile : elle s’amorce au début du XXe siècle et se traduit par de mauvaises conditions de travail et de vie pour la plupart des membres de cette catégorie ouvrière.

CONEIM Françoise, Le Parti communiste français et les classes moyennes : 1958-1969, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991, 140 p.

L’espace social est organisé par le PCF de manière bipolaire, suivant le critère marxiste de définition des classes sociales (place des agents dans la production). Certaines catégories de travailleurs intellectuels sont intégrées à la classe ouvrière (ingénieurs et techniciens de fabrication). Les classes moyennes ne viennent pas compliquer ce schéma bipolaire de la société, elles sont analysées comme des couches flottantes, intermédiaires entre les deux classes fondamentales et soumises aux effets de la polarisation sociale.

Le PCF analyse dans un deuxième type d’articles la situation concrète des travailleurs appartenant aux diverses catégories de classes moyennes.

Petits paysans et commerçants sont défendus par le PCF. Ils sont analysés par celui-ci dans le cadre général de l’évolution du capitalisme au stage du « capitalisme monopoliste d’État », caractérisé par l’alliance des monopoles et de l’État. La politique de l’État est vivement critiquée, ainsi que les effets de la concentration sur ces deux secteurs. Le PCF présente l’alliance avec la classe ouvrière comme la seule issue possible pour ces travailleurs.

Les évolutions du travail intellectuel sont largement prises en compte par le PC. Et celui-ci reconnaît une spécificité au travail intellectuel et parle d’une « catégorie sociale différenciée ». En ce qui concerne les médecins, ils ne constituent pas, d’après le PCF, des alliés privilégiés pour la classe ouvrière, en raison de leur attachement à l’exercice traditionnel de la médecine libérale, mais également en raison de leur fort attachement à leur ancien rôle social.

À travers les évolutions qui touchent le travail de l’ingénieur, le PCF tente de démontrer la communauté d’intérêts qui l’unit avec l’ensemble du monde salarial. L’alliance de la classe ouvrière avec les travailleurs intellectuels se trouve particulièrement après 1968, au centre de la stratégie politique du PCF.

D’un point de vue politique, les classes moyennes représentent pour le PCF un intérêt majeur. Elles se trouvent au cœur même de sa politique d’union avec les partis politiques de gauche, puisque celle-ci se fonde sur la constitution d’une vaste alliance anti-monopoliste regroupant autour de la classe ouvrière toutes les couches non-monopolistes de la population.

CONQ Jean, De la Jeunesse agricole catholique au Mouvement rural de jeunesse chrétienne, 1959-1965 (Histoire de l’évolution d’un mouvement d’action catholique en milieu rural), Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991, 148 p. + 65 p. d’annexes

Dans l’histoire d’une organisation, il est toujours intéressant de s’arrêter aux périodes de mutation. Pour la Jeunesse agricole catholique, née en 1929, jusqu’à présent tous les chercheurs, ou presque, se sont contentés d’étudier les trente premières années.

Il s’agit de voir comment, en changeant de sigle et en devenant mixte ce mouvement de jeunes ruraux sut relever les défis qui se présentaient à lui. Ce travail été surtout réalisé à partir de documents d’archives conservés au siège national du MRJC.

Les années soixante, c’est le début de la Ve République, le Marché commun, la décolonisation, le Concile Vatican II. Et c’est aussi l’avènement du phénomène jeunesse suite au baby-boom d’après-guerre, amplifié par le prolongement de la scolarité : un Français sur trois a moins de vingt ans. Or c’est à ce jeune public, en milieu rural, que la JAC/JACF s’adresse.

Pour bien signifier qu’ils sont ouverts à tous les jeunes ruraux les deux mouvements vont d’abord changer de structures et de sigles : la JAC devient Mouvement rural des Jeunes Catholique en 1961, tandis que la JACF s’appellera Mouvement rural de Jeunesse chrétienne féminine deux ans plus tard. Ainsi les ouvriers, les artisans commerçants, les travailleurs du secteur sanitaire et social trouveront-ils une place qui leur est propre dans cette organisation de Jeunesse presque exclusivement agricole jusque ­là.

Dans le même temps, avec la JEC et la Bonne presse, la JAC/JACF crée une presse propre à cette Jeunesse : Rallye Jeunesse. Mais cette initiative intéressante sera reprise par un groupe financier et les mouvements ne seront pas de taille à lutter contre un tel empire.

En s’ouvrant à d’autres catégories sociales, l’ancien mouvement agricole veut prendre en compte la mixité, changer de moyens pédagogiques et de type d’action. Il souhaite qu’une place lui soit reconnue dans la société et dans l’Église. Le MRJC et le MRJCF deviendront une seule organisation en 1965. Mais les principaux acteurs de cette évolution se verront dans l’obligation de démissionner à cause de l’opposition manifestée par la hiérarchie catholique. On pourrait parler d’échec si, deux ans plus tard, n’était pas née une nouvelle charte pour ce mouvement mixte dont le contenu se situe en droite ligne de la pensée des démissionnaires.

DECOMPS Claire, Les sujets de français aux examens, Baccalauréat, Brevet supérieur et diplôme de fin d’études des Lycées de jeunes filles, de 1881 à 1925, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991, 2 vol., 221 p. + 95 p. d’annexes

Cette étude aborde d’un point de vue comparatif l’évolution des sujets de composition française proposés sur une quarantaine d’années à des élèves d’une même classe d’âge, mais de sexe ou de milieu social différents. Les trois examens couronnant des cursus rigoureusement parallèles peuvent être définis selon trois grandes articulations : primaire/secondaire, classique/moderne, masculin/féminin. La période étudiée voit l’émergence du français en tant que discipline scolaire, c’est en effet en 1881 que la composition française fait son apparition dans le champ des pratiques scolaires. Jusqu’à cette date, les langues anciennes constituaient seules le fond des « humanités classiques » dispensées dans les lycées, tandis que les apprentissages élémentaires de la lecture et de l’écriture constituaient toute l’instruction primaire.

Dans une première partie, nous avons rappelé le contexte dans lequel étaient conçus les sujets en examinant la finalité de chaque examen et en précisant au moyen des textes officiels la nature et l’organisation des épreuves.

Dans une seconde, plus spécifiquement pédagogique, nous nous sommes interrogés d’un point de vue strictement formel sur la nature des exercices proposés afin de cerner les facultés mentales sollicitées. Nous avons observé le recul et la mutation rhétorique des exercices de types traditionnels (description ou discours), étudié l’affirmation de la dissertation comme exercice fondamental et insisté sur la genèse exemplaire du commentaire de texte. Nous avons rencontré un certain décalage entre le baccalauréat classique s’efforçant de plier la composition française aux canons de la rhétorique traditionnelle, et les deux autres examens expérimentant de nouvelles formes d’écriture scolaire.

Dans un troisième temps, nous nous sommes intéressés à la portée idéologique des énoncés en étudiant cette fois leur contenu. Le français est alors une discipline qui se cherche, et se conçoit un peu comme la synthèse des différents savoirs véhiculés par l’École. Après avoir mesuré la part exacte de la littérature et mis en évidence l’impact idéologique de la formulation des énoncés, nous nous sommes penchées sur quelques aspects du discours : la valeur édifiante et initiatique des sujets ainsi que leur portée civique et patriotique. Les sujets d’examen semblent refléter un idéal d’ordre social et une morale d’énergie au service de la nation, avec quelques nuances selon la destination sociale promise au candidat.

Les antagonismes entre les différents modèles s’estompent au fil des années, car le brevet supérieur et le diplôme de fin d’études se modèlent de plus en plus sur leur prestigieux aîné. Mais le baccalauréat ne joue pas un rôle moteur, loin s’en faut ! Il reste tourné sur son passé et semble plus subir qu’accepter les mutations profondes de la société. C’est donc l’enseignement primaire supérieur et l’enseignement secondaire moderne qui servent de laboratoires aux expériences pédagogiques, renouvelant plus profondément l’approche de la discipline.

DUSSAC Vincent, La Vie politique à Croissy-sur-Seine : 1871-1939, Maîtrise [Jacques Girault, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991, 168 p.

Le choix de la monographie communale permet une approche plus fine de la réalité politique, celle vécue quotidiennement par la population.

Située à une quinzaine de kilomètres à l’ouest de Paris, Croissy-sur-Seine était, au cours de la IIIe République, à la recherche d’une nouvelle identité. L’extension de la banlieue parisienne, avec l’urbanisation qui l’accompagnait, obligeait toutes les localités à se redéfinir par rapport à elle.

Simple village maraîcher en 1870, attirant sur son territoire des résidences bourgeoises, Croissy est devenue à la veille de la guerre de 1939 une ville de trois mille habitants. Alors que ses voisines s’intégraient peu à peu, sans frein à la sphère d’influence de la Banlieue, Croissy conserva sa tradition maraîchère grâce à un groupe de cultivateurs organisés, qui sut la défendre.

À travers cette étude, on est porté à cette limite du monde rural et du monde urbain où s’affrontent les tendances antagonistes, qui finalement mènent invariablement au recul du premier, lié au passé, au profit du second, figure l’avenir. L’expression de cette lutte apparaît comme l’une des composantes essentielles de l’histoire de Croissy.

FAVRY Olivier, La Mobilisation contre les accords Blum-Byrnes et la crise du cinéma français : 1946-1953, Maîtrise [Antoine Prost, Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991, 198 p. + annexes

L’étude de ce mémoire, a pour objet la mobilisation des professionnels du cinéma soutenus par les communistes, à la suite des accords Blum-Bymes signés le 28 mai 1946 qui ont permis l’entrée en masse des films américains en France. Nous nous sommes efforcés de retracer les étapes de huit années de combat syndical, de 1946 à 1953, car c’est durant cette période que le cinéma français a été le plus souvent menacé, victime d’une crise qui s’est avérée profonde et durable, par le cinéma américain en quête de débouchés.

Les accords Blum-Byrnes ont été le catalyseur de cette crise c’est pourquoi les professionnels du cinéma français les ont combattus.

Nous avons tenté de restituer l’atmosphère de cette époque, celle des premières années d’après-guerre, où sur fond de guerre froide, l’opposition unie des professionnels, des communistes et d’une partie du public, s’est mobilisée contre des accords diplomatiques (accords de Washington en 1946, accords de Paris en 1948) et contre les décisions gouvernementales qui ne satisfaisaient pas les intérêts de la corporation cinématographique française. La campagne de mobilisation, animée par la presse communiste et par deux acteurs sociaux, la Fédération nationale du Spectacle CGT et le Comité de Défense du Cinéma français, révèle l’ampleur des enjeux économiques, sociaux et culturels, à une époque où la prééminence du cinéma américain inquiétait toutes les industries cinématographiques européennes.

FILLIATRE Isabelle, Le débat UDF-RPR sur l’information audiovisuelle (point d’appui : la Commission d’enquête parlementaire sur les conditions de l’information publique mars-septembre 1979), Maîtrise [Jean-Noël Jeanneney, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991, 261 p.

Le 15 mars 1979, est créée, au cours d’une session extraordinaire de l’Assemblée nationale, une Commission d’enquête parlementaire. Son objet : vérifier si la liberté dans les médias, sous le septennat giscardien, est respectée. Demandée à l’initiative du groupe RPR, pourtant parti de la majorité, cette Commission est une véritable cabale contre l’UDF et encor plus contre le Président de la République : Valéry Giscard d’Estaing. Elle est en effet dès I’origine un instrument de règlement de compte intra-majoritaire. Il s’agit pour le RPR, relégué au rang de simple soutien parlementaire, de faire valoir que la télévision et la radio de 1979 sont moins libres que celle de l’époque de De Gaulle.

Ce mémoire propose ainsi d’étudier la situation de l’audiovisuel durant la période 1974-1981 et d’analyser si réellement il y a eu une mainmise de l’UDF sur les ondes et les écrans. J’ai pour cela — grâce aux travaux de la Commission d’enquête, aux archives personnelles de Monsieur Claude Martin, député RPR, grâce à des témoignages écrits et oraux et enfin grâce à la presse quotidienne de la période et à des revues — tenté de voir si le discours libéral du nouveau Président de la République, tenu au lendemain de son élection, s’appliquait aussi bien dans la théorie que dans la pratique. Ce travail passe donc en revue la réforme du 7 août 1974 sur l’audiovisuel, le système de nominations dans les Sociétés nationales de Programmes et s’interroge sur leur réelle autonomie, sur la liberté des journalistes et sur l’existence d’une stratégie médiatique giscardienne anti-gaulliste. Il propose aussi d’étudier l’intérêt que porte la classe politique tout entière aux médias, la finalité de cette Commission et les causes de son échec, les raisons du climat de tension qui existaient à l’époque entre le RPR et l’UDF et qui devait entraîner la défaite de la droite aux élections présidentielles de 1981.

FERNIOT Sophie, Vacances et loisirs des instituteurs dans l’entre-deux-guerres d’après la presse syndicale, Maîtrise [Jacques Girault, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991, 260 p. + annexes

Le maître d’école, durant l’entre-deux-guerres (1919-1939), apparaît comme un personnage hors du commun. Sa culture, son mode de vie, et plus encore le temps de liberté dont il dispose avec plus de dix semaines de congé, sont autant de singularités qui suscitent la gêne, parfois la honte chez le maître, l’admiration et l’envie chez ses contemporains. Car l’opinion publique qui le juge communément par les loisirs dont il jouit, l’exclut souvent de l’ensemble des travailleurs.

En réaction à cette opinion négative, le maître multiplie les activités « utiles » hors de la classe. Il enrichit sa pédagogie en lisant, en fréquentant théâtres, cinémas et expositions, en s’initiant à des activités manuelles diverses ; du dessin à l’entretien d’un jardin, en proposant aux élèves de former une troupe théâtrale. L’instituteur encadre les jeunes dans les colonies de vacances, les patronages ou les coopératives scolaires. Les congés syndicaux eux-mêmes sont une pierre supplémentaire à sa mission au service de l’école.

Personnage d’exception, l’instituteur le confirme par le rôle de précurseur qu’il joue au sein de la société française en matière de gestion des loisirs. En 1936, lorsque les Français bénéficient des premiers congés payés, ils marchent sur les traces laissées par le maître d’école profitant de ses découvertes touristiques, fréquentant les lieux qu’il a inaugurés (sports d’hiver, stations balnéaires, sites étrangers). Ils adoptent ses hébergements, de la maison familiale à l’hôtel. Ils profitent de ses inventions ; le guide touristique, le classement des hôtels selon le nombre d’étoiles…

L’instituteur, fort de son expérience des voyages, franchit l’étape décisive et devient lui-même organisateur de loisirs. La création d’un organisme de tourisme propre à offrir des vacances accessibles à tous, « Vacances et Tourisme pour Tous », préfigure les organisations de loisirs, les tour-opérateurs qui abondent de nos jours. Jusqu’aux vacances à thème culturel que le maître d’école avait également inventées durant l’entre-deux-guerres, cinquante ans avant la formidable révolution des loisirs de la fin du vingtième siècle.

FLORA Ekaterini, La Mort de Franco et la transition démocratique en Espagne à travers la presse française, Maîtrise [Antoine Prost, Lucette Le Van-Lemesle], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991, 196 p. bibliographie+ annexes

Des premiers signes d’affaiblissement du régime franquiste — au début de l’année 1974 — à la tenue des premières élections libres depuis quarante ans — le 15 juin 1977 — l’Espagne se transforme de façon radicale : le pays déchiré par la guerre civile et isolé du monde extérieur à cause de son régime anachronique, l’Espagne accède, en l’espace d’un an et demi, à la démocratie, amorçant sa réconciliation nationale et se tournant vers l’Europe. À travers les commentaires que suscitent dans la presse française les derniers sursauts du franquisme, la mort du plus vieux dictateur en Europe, le démantèlement progressif des institutions totalitaire, sous l’impulsion du Roi Juan Carlos, et le rétablissement des libertés politiques, cette étude s’efforce d’analyser et d’expliquer les raisons historiques, politiques et socio-économiques de la modification de l’image de l’Espagne de ce côté des Pyrénées.

GRAVELEAU Nathalie, Les Cafés comme lieux de sociabilité politique à Paris et en banlieue : 1905-1913, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991, 164 p. + 24 annexes

Lorsque le mouvement ouvrier se met en place, les organisations politiques ne disposent pas encore de locaux qui leur sont propres. La CGT et la SFIO — fondées respectivement en 1895 et 1905 — utilisent notamment les locaux dans lesquels se retrouvent habituellement les ouvriers, dont les cafés. Tout en ne représentant qu’un phénomène mineur dans la vie politique de la Belle Époque, ils abritent l’essentiel du fonctionnement des organisations, servant même parfois de sièges. Surtout, ils favorisent l’émergence de nouvelles pratiques politiques, issues de la rencontre de deux sociabilités.

L’une, liée au café, privilégie la spontanéité et les distractions, l’autre, politique, préfère une certaine austérité et la réflexion, en vue d’une prise de conscience de la part des militants. Elles s’associent parfois, notamment lors des punchs ou des banquets, mais se heurtent aussi lorsque les organisations sont confrontées au problème de l’alcoolisme ou de la surveillance policière.

L’utilisation du café comme local politique révèle également l’attention accordée par les organisations à la propagande par la parole, ainsi que la pénurie des autres locaux. De plus en plus, cependant, les organisations font appel à des locaux institutionnels de type bourse du Travail, maisons communes ou coopératives, la guerre achevant de précipiter ce mouvement.

L’étude des cafés comme lieux de sociabilité politique à Paris et en banlieue s’inscrit donc au moment où émerge le mouvement ouvrier. Cette utilisation s’explique donc vraisemblablement par les impératifs créés par la nécessité de la propagande pour accroître son influence, les organisations s’installant dans les lieux où se déroule la vie ouvrière, avant que celle-ci ne soit monopolisée par leurs propres institutions.

KOEPPEL Laura, Les réactions américaines à la politique antisémite de Vichy – 1940-1943, Maîtrise [André Kaspi, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991, 155 p.

L’attitude des Américains face à la politique antisémite de Vichy est analysée essentiellement à partir des archives diplomatiques américaines et des articles du New York Times. L’étude de ces documents fait apparaître clairement la quasi-indifférence du gouvernement américain tant à l’égard de la situation des Juifs sous Vichy, qu’en ce qui concerne la persistance des lois antisémites dans l’Afrique du Nord libérée. Quant à l’opinion publique, telle qu’on peut l’appréhender au travers de la presse et des rapports du Quai d’Orsay, elle semble devenir sensible à ce sujet à partir de l’été 1942.

LANGLINAY Erik, Les Socialistes français et l’Europe : 1971-1979, Maîtrise [Antoine Prost, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991, 239 p. + annexes

Bien que peu abordées dans les années soixante-dix, les questions européennes, comprises comme intéressant la CEE, constituent l’un des champs privilégiés de la réflexion des socialistes sur la place de la France dans le monde.

Si les prises de position du PS suivent de très près le cours de la vie politique nationale, notons à cet égard trois périodes : de 1971 au Congrès de Bagnolet (décembre 1973), puis de celui-ci aux élections législatives de 1978 et enfin jusqu’aux élections européennes de 1979, un certain nombre de permanences se dégagent.

Les socialistes sont en effet globalement favorables à la relance institutionnelle de l’Europe à partir du moment où elle tend à plus de démocratie. Par contre, ils sont très réticents vis-à-vis de l’intégration économique et monétaire, tandis que très discrets sur la diplomatie et la défense européenne.

Héritier pour partie de la SFIO, le PS en reprend son pragmatisme et un certain vide de réflexion sur les moyens socialistes de construire l’Europe. À une certaine continuité au niveau du personnel dirigeant, il faut opposer l’abandon des appels à la supranationalité et surtout une démystification de l’Europe entendue désormais plus comme un moyen que comme une fin. Cependant, issues de la synthèse ou du compromis, ces options dissimulent trois visions du monde exprimées concurremment.

Il faut distinguer une première sensibilité autour du CERES, mais rejoint ponctuellement par P. Joxe et Cl. Estier, issus de l’aile gauche de la Convention des Institutions Républicaines, qui posent le primat de la Nation en principe fondateur. Renouant avec la tradition jacobine, enrichie d’une analyse teintée de tiers-mondisme et de moralisme, ils sont hostiles à tout abandon de souveraineté nationale.

À l’opposé, nous distinguons un conglomérat d’hommes largement favorables à l’intégration européenne. Issus de l’ancienne SFIO, tels G. Mollet, suivant le cap fixé par M. Rocard ou P. Mauroy ou encore des personnalités indépendantes d’esprit tels A. Savary, E. Pisani et J. Delors, ils pensent l’Europe comme le cadre nécessaire à la modernisation et à la croissance économique et par là même comme une source de stabilité face au communisme. Ils sont de près ou de loin redevables de la pensée exprimée par A. Philip au début des années cinquante.

Essayant de concilier les deux options, se dégage un centre autour de F. Mitterrand. Ayant la ferme conviction que l’Europe est une réalité culturelle, il compte sur les institutions européennes existantes pour modeler les mœurs et vice versa. Il développe une conception pragmatique du socialisme et des relations internationales, recueillant pour beaucoup l’héritage radical et radical-socialiste sur la question.

Notons qu’il existe moins une aile peu intégrationniste, autour du CERES, opposée à une large option intégrationniste que trois visions du monde différentes, les alliances pouvant à tout moment être reformulées sur la base de l’identité de la France dans le monde.

MARCHAND Charlotte, Médecins sans frontières et le tiers-mondisme, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991, 149 p.

Médecins Sans Frontières est aujourd’hui la première organisation de secours médical d’urgence au monde. En 1985, avec le soutien de ses 400 000 donateurs, l’association envoie 400 membres du corps de Santé dans 35 pays victimes de catastrophes naturelles, de conflits de déplacements de population, ou nécessitant une assistance technique.

Ce mémoire a pour objet de définir les grandes étapes qui ont marqué l’évolution de MSF, depuis sa fondation en 1971 jusqu’à sa reconnaissance d’utilité publique en 1985, en passant par la crise de croissance qui l’a conduite à scissionner en 1979.

Au-delà de cette évolution, du romantisme des origines à un plus grand souci d’efficacité technique, l’intérêt de cette étude réside dans l’analyse du rôle particulier qu’a pu jouer l’association dans l’aide humanitaire apportée au Tiers-Monde.

Par ses témoignages et ses interventions clandestines, MSF témoigne d’une conception « plus agressive » de l’aide humanitaire, revendiquant le droit d’accéder aux populations et de délivrer librement son assistance.

MOINE Philippe, La Palestine juive dans les témoignages français, 1919-1939, Maîtrise [André Kaspi, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991, 236 p.

Entre 1919 et 1939, plus de 400 000 Juifs issus principalement d’Europe centrale affluent en Palestine, alors placée sous mandat britannique, afin de donner corps au jeune Foyer National Juif garanti par la Déclaration Balfour de 1917. Durant ces deux décennies, il ne manque pas de témoins français pour apprécier sur place le développement de l’entreprise sioniste : au corps des diplomates et officiers en poste au Levant s’ajoute un cortège ininterrompu de voyageurs — journalistes, écrivains, historiens, religieux, personnalités diverses — attirés en Palestine par la renommée croissante de la colonisation juive, ou encore par le vieux prestige de la Terre sainte. Malgré leur grande diversité idéologique et confessionnelle, tous donnent de la Palestine juive l’image d’une communauté nationale en formation, unanime à promouvoir les valeurs du sol palestinien, de la langue et de la culture hébraïques, et même de la « race » juive régénérée par le travail de la terre. Face à l’émergence d’une véritable partie juive, où la religion est mise au service des objectifs nationaux, ce n’est pas seulement l’image du ghetto qui est balayée, c’est aussi le modèle du Français israélite qui est profondément remis en cause.

OFFENSTADT Nicolas, Histoire de la Ligue internationale des combattants de la poix (UCP), 1931-1939, Maîtrise [Jacques Girault, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991, 336 p.

La Ligue internationale des Combattants de la Paix n’avait jusqu’ici que peu intéressé les historiens, ce qui conduisait ceux qui l’évoquaient incidemment à l’imprécision ou à l’erreur. Pendant presque dix ans (1931-1939), pourtant, elle est restée un des pôles stables du militantisme pacifiste, représentant sa version intégrale.

Nous avons porté un double regard sur son histoire d’une part en traçant un « portrait de groupe des Combattants de la Paix » sur l’ensemble de la période et d’autre part en présentant la Ligue affrontant les épreuves des années trente.

Au terme de cette étude, il fallait s’interroger sur l’échec de la LICP à prendre un véritable essor alors que le pacifisme semble largement répandu dans la France de l’entre-deux-guerres. Elle disposait en effet d’atouts incontestables : soutien de personnalités notoires, implantation au sein de fractions de forces politiques plus importantes qu’elle (SAO ou SNI), militants actifs et dévoués, relais régionaux (comme certaines municipalités)…

Si la nature absolue de son pacifisme explique en partie cet échec, on doit surtout souligner le rôle des incessantes querelles internes, facteurs essentiels d’affaiblissement ou de stagnation. Il est vrai également qu’à plusieurs reprises (1936, 1938) l’impression d’une gestion gouvernementale d’orientation pacifiste a pu éloigner de l’action militante.

Si bon nombre de leaders de la LICP se sont engagés dans la « collaboration de gauche », le courant qu’elle a incarné n’en a pas moins survécu à son échec.

OLIVERA Philippe, Louis Aragon entre littérature et politique : ses articles dans les Lettres Françaises de 1960 à 1972, Maîtrise [Antoine Prost, Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991, 154 p.

Cette étude cherche à saisir la position d’Aragon à la charnière entre littérature et politique. À la fois « grand écrivain » et personnalité politique éminente du PCF, Aragon refuse de sacrifier un pan de son activité à l’autre. Or, à la différence des années cinquante pendant lesquelles il pouvait les exercer toutes deux au sein du PC et du monde communiste en général, les années soixante se marquent par l’abandon progressif de l’idée de construire une véritable contre-culture communiste : dès lors concilier ses activités politiques et littéraires fait problème. Sans pour autant renoncer à exercer un rôle politique important au sein du PCF, Aragon doit retrouver dans les années soixante la faveur et l’audience du champ culturel. Ce processus se déroule depuis le succès public de la Semaine sainte en 1958 jusqu’à la consécration de l’élection à l’Académie Goncourt en 1967, pour s’interrompre avec les grandes fractures de l’année 1968.

Les Lettres Françaises sont un lieu d’observation privilégié pour appréhender l’évolution de la position d’Aragon : d’abord parce qu’il y est chez lui, dans son journal ; ensuite parce que les textes qu’il y publie représentent près des deux tiers de sa production « journalistique » pendant ces années ; enfin et peut-être surtout parce que Les Lettres Françaises elles-mêmes, à l’image de leur directeur, se trouvent à la charnière des deux espaces politique et culturel. L’étude du corpus constitué par l’ensemble des textes, articles et autres contributions d’Aragon dans les Lettres entre 1960 et 1972 illustre les difficultés qui découlent de la nécessité d’un double langage visant à la fois le champ culturel et l’intérieur du parti communiste. On y voit Aragon réussir très progressivement à séparer ses deux discours, en « déstalinisant » d’abord la littérature à travers la notion de « réalisme » (1960-1964), la dépolitisant ensuite grâce au renvoi des anciennes polémiques dans le passé (1964-1965), pour enfin réussir à séparer clairement littérature et politique et retrouver pleine et entière légitimité dans le champ culturel (1966-1968).

L’échec final de ses efforts en 1968 met en lumière la précarité de cet équilibre entre littérature et politique. À travers le cas très particulier d’Aragon, c’est la très forte revendication d’autonomie du champ culturel qui apparaît, peut-être plus encore que dans le cas plus classique des intellectuels ou des écrivains « engagés ».

PIERONNE Marie F., Les Premiers centres de vacances à Ivry-sur-Seine : 1925-1949, Maîtrise [Antoine Prost, Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991, 114 p.

Créées en 1926, l’Œuvre de Vacances Populaire et Enfantine doit assurer la gestion directe d’un centre de vacances mis en place par la municipalité communiste d’Ivry-sur-Seine élue en 1925. Réalisation à vocation sociale, cette colonie des Mathes (Charente-Maritime) atteint vite son objectif expansionniste, regroupant en 1948 un quart de la population scolaire. C’est grâce à une organisation minutieuse, rappelant la gestion municipale de G. Marrane, que la colonie dépasse ensuite sa vocation sociale et hygiéniste. Elle devient un laboratoire vivant, un champ d’expérimentation pour la recherche pédagogique tâtonnante.

D’autre part, la vocation éducative de la colonie est affirmée, dès 1926, comme un droit et un devoir des élus.

Toutes ces caractéristiques concourent à faire de la colonie, une vitrine de la gestion municipale, pour les administrés comme pour les militants. Fierté des habitants d’Ivry, qui la célèbrent lors de la kermesse, elle devient un modèle à suivre sur le plan national. Citée comme exemple, elle est un fleuron de la gestion municipale que les dirigeants utilisent comme illustration de la justesse de leur politique.

PIETERARENS Vincent, La réinsertion des déportés politiques français (1945-1950), Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991, 190 p.

Dans les premiers mois de 1945, alors que se précise la défaite des armées allemandes. La France doit faire face au retour de près de trois millions de ses citoyens détenus en Allemague et libérés par les Alliés.

Parmi eux, les déportés politiques ont connu dans les camps de concentration nazis les conditions d’exil les plus effroyables. Sur un effectif évalué à 150 000, ils ne sont revenus que 35 000, et dans un état de délabrement physique et psychique considérable. Après les efforts entrepris pour leur rapatriement, les déportés pouvaient espérer voir la fin de leurs souffrances.

En fait, le retour des camps n’a été que le début d’une difficile réinsertion. Dans une France libérée plusieurs mois avant eux et qui méconnaissait leur sort en Allemagne, il leur a fallu lutter contre des séquelles physiques tenaces, contre l’oubli et l’incompréhension pour reprendre leur place et redevenir des citoyens à part entière. À l’orée des années 1950, ce processus demeure inachevé et certains problèmes continuent de se poser encore de nos jours.

RETAIL Michel, L’Image de l’enfance et de la jeunesse populaires dans la presse : 1914-1915, Maîtrise [Antoine Prost, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991, 266 p.

À travers l’étude de quatorze quotidiens de tous horizons, nous avons tenté de percevoir et de décrire l’image de l’enfance et de la jeunesse dispensée un peu avant et pendant la Première Guerre mondiale.

D’un point de vue général, les inquiétudes de la presse — que l’on peut interpréter comme un reflet des inquiétudes de la société — se concentrent sur l’enfance populaire dont la destinée échappe à un contrôle total. Par exemple, nous observons — avant que le conflit n’éclate — une polarisation sur l’adolescence délinquante, en particulier dans la presse à sensation.

Plus largement, la question de l’avenir des enfants et des jeunes du pays suscite de nombreux débats. Sur l’éducation, les clivages sont marqués entre les orientations socialistes d’une part, cléricalistes et nationalistes d’autre part. Apprentissage, militantisme, colonies de vacances… sont quelques-unes des occupations proposées pour la jeunesse. Enfin, l’importance de l’enfant dans la famille est de plus en plus reconnue.

La guerre — le nivellement politique et le patriotisme ostentatoire de la presse aidant — a deux incidences majeures sur l’image de l’enfance et de la jeunesse.

En premier lieu, la production d’un nombre considérable d’articles et de dessins sur l’enfance héroïque qui reflète bien la tonalité des journaux de guerre de cette époque (la presse de gauche se démarquant relativement), en second lieu l’atténuation des clivages politiques. On n’évoque presque plus la délinquance juvénile, le thème est remplacé par celui de l’oisiveté, il faut en effet occulter les aspects négatifs de la jeunesse.

La guerre, avec l’absence du père soldat, repose le problème de l’enfant dans la société et dans sa famille : secours aux mères, familles brisées, rentrée des classes retardée…

Enfin, à partir de mars 1915, nous avons perçu d’autres inflexions qui peuvent se comprendre par l’installation de la population dans la guerre. L’héroïsme des enfants est modéré, on parle davantage de l’enfance sacrifiée, certains thèmes d’avant-guerre reviennent et avec eux la confrontation encore feutrée des perspectives et des jugements.

ROSSIGNOL Catherine, La crise du Mouvement rural et de jeunesse chrétienne (MRJC) : 1969-1974, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991

Les répercussions de Mai 1968 vues sous un angle inhabituel : c’est en effet à travers la crise du Mouvement rural de jeunesse chrétienne que nous les abordons dans ce mémoire. Où se situe donc cette crise du MRJC vécue en 1972 ? Précisément au carrefour des quatre éléments constitutifs de son sigle : le monde rural, l’Église catholique, le mouvement et la jeunesse.

La jeunesse, nombreuse, scolarisée, commence à s’affirmer en tant que telle en s’opposant aux références adultes. Dans le même ordre d’idées, les organisations de jeunes, en se rebellant contre les structures dont elles sont issues, témoignent à leur manière de la crise d’un modèle de militantisme.

Cette caractéristique prend un tour particulier au MRJC : en adoptant l’analyse marxiste, le Mouvement entre en conflit avec la hiérarchie de l’Église, jusqu’à frôler la rupture. Tout ceci dans un contexte post-conciliaire de sécularisation. La crise qui traverse l’Église catholique est le troisième volet des mutations qui ébranlent le MRJC.

Enfin le dernier, et non le moindre, concerne la disparition des agriculteurs qui transforme profondément la vie rurale.

Toutes ces remises en cause explosent dans le MRJC qui traverse au milieu des années 1970 une période des plus déstabilisantes.

Loin de le faire sombrer, cette crise a engendré le MRJC sous sa forme actuelle.

SCHOR Paul, A qui parle l’Humanité : Les acteurs sociaux à la une de l’Humanité, du Congrès de Tours à la bolchévisation1921-1926, Maîtrise [Antoine Prost, Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991, 2 vol. 362 p. + annexes

Le corpus étudié est articulé en deux étages.

Le premier étage est composé par les articles de première page de L’Humanité s’adressant explicitement à des groupes constitués par le titre comme interlocuteurs (les acteurs sociaux), tels que le « « peuple de France », le « prolétariat », les « masses travailleuses du Cartel ». 232 articles ont été retenus selon ces critères du début de l’année 1921 à la fin de l’année 1926.

Le deuxième étage est composé de 38 articles provenant du premier ensemble. Ces 38 articles comptent au minimum 350 mots et portent la signature officielle du Parti communiste (on a inclus 2 articles d’organisations relais). On a soumis le texte complet de ces articles à un traitement statistique à l’aide d’un logiciel de lexicologie inspiré des méthodes du laboratoire de Saint-Cloud (le logiciel PISTES).

L’étude combinée des deux ensembles a permis de voir que si un discours nouveau, plus communiste », remplace progressivement celui qui prévaut encore en 1921 et même 1922, après la rupture politique de Tours, cela se fait par à-coups.

Les deux temps forts sont les deux campagnes de propagande internationaliste de 1923 (occupation de la Ruhr) et 1925 (guerre du Rif). La tribune qu’est L’Humanité est alors un moyen, mais aussi un enjeu. Ce discours nouveau n’est pas assumé pleinement par le Parti communiste, d’où les retours en arrière qui se manifestent par le réemploi d’interlocuteurs généraux et classiques (« les travailleurs de France ») par opposition aux adresses plu hardies (les soldats, les travailleurs étrangers). Les hardiesses dans les titres sont liées à l’apparition de locuteurs intermédiaires (les multiples Comités d’Action).

Le second fait marquant est l’importance dans la production de l’identité communiste, par le discours, de la référence aux socialistes, qu’elle soit positive (les « travailleurs socialistes », interlocuteurs) ou négative (les « chefs socialistes », repoussoir).

SUTOUR Alain, Histoire des transports en commun en banlieue parisienne : l’emprise du dépôt de tramways du Raincy, Maîtrise [Noëlle Gérôme, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991, 197 p. + 90 p. annexes

Ce mémoire envisage l’histoire d’un dépôt de tramways sous deux angles : d’une part dans ses rapports à l’entreprise dont il dépend, et d’autre part en ce qui concerne l’emprise qu’il exerce sur son territoire proche. Ce qui permet de replacer ce dépôt, et les lignes qui en dépendent, tout à la fois dans l’histoire des transports en commun et dans celle de la région parisienne (en particulier sa banlieue).

Par ailleurs, les techniques à l’œuvre dans l’entreprise ou la dimension sociale du dépôt ne sont pas ignorées. Ainsi, les rapports sociaux à l’intérieur de l’entreprise et ceux des employés à leur travail sont pris en compte. Tout comme l’est Ia représentation qu’ont les usagers et les élus locaux du service rendu par le dépôt du Raincy.

L’étude débute avec l’apparition des transports en commun de masse, chemins de fer puis tramways, au milieu et à la fin du XIXe siècle et s’achève avec la disparition de la dernière ligne de tramway en 1938. Dans le même temps, le territoire du dépôt du Raicy connaît des transformations fondamentales. En particulier, entre les deux guerres mondiales avec le développement considérable des lotissements pavillonnaires sur ces communes situées aux confins de la Seine et de la Seine-et-Oise. Cette dernière période est privilégiée pour démontrer le rôle que peut jouer un tel dépôt dans le développement du territoire qui l’environne.

VIBIEN Renaud, Le débat d’idée, au sein du personnel de l’usine de Saint-Cloud des AMDIBA, au sujet de la nationalisation du groupe en 1981-1982, Maîtrise [Noëlle Gérôme, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991, 271 p.

Partant de l’étude systématique des tracts de toutes natures diffusés de 1980 à 1983 à l’usine Dassault de Saint-Cloud, ce mémoire cherche à faire revivre le débat qui eut lieu au sein du personnel concernant la nationalisation de leur entreprise. Il dessine le cadre politique, économique, industriel et organisationnel qui conditionne le débat et retrace l’évolution de celui-ci dans le temps. Ce mémoire expose et analyse le discours tenu par les différentes organisations sur les grands thèmes de ce débat : l’opportunité de la nationalisation, l’avenir de l’entreprise comme ensemble social, les modalités de la nationalisation, son impact sur les divers aspects économiques et sociaux de la vie de l’entreprise et la question de l’indemnisation du propriétaire. Il analyse les relations que les différentes organisations ont entre elles et avec la Direction à l’occasion de ce débat. Ce mémoire utilise les archives privées des syndicats CGT de Dassault Saint-Cloud. Il comporte un catalogue détaillé du corpus de tracts des années 1981 et 1982 où chacun des autres cent quarante-trois tracts de cette période est résumé. Dix-sept documents particulièrement significatifs des positions de leurs auteurs sont reproduits.

VIGUIE Franck, Rambouillet sous l’occupation : 1940-1944, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991, 197 p. + XXVII annexes

Cette petite localité bourgeoise fut réputée pour son cadre serein et de villégiature, permettant ainsi la prospérité des activités commerciales et touristiques de la ville. Mais l’Occupation n’épargna pas la population rambolitaine des vicissitudes d’une existence matérielle plus délicate qu’elle dut affronter. Divers indices témoignent des bouleversements engendrés par les restrictions quotidiennes qui accentuèrent l’effondrement moral de la population et des troubles sociologiques. Ces difficultés se ressentent dans l’évolution démographique de la commune, dont seul le solde migratoire, resté excédentaire, estompe un déficit naturel.

La crise du ravitaillement surgit inéluctablement et elle ne dissimule point les craintes et frustrations ressenties par la communauté rambolitaine. Elle avait la possibilité de recourir à un ensemble de réseaux parallèles d’approvisionnement, mais la population ne bénéficia pas ou peu de son environnement agricole et forestier afin de subsister.

Les élus locaux, soucieux de préserver l’ordre, accueillirent favorablement la politique intérieure du gouvernement de Vichy, car elle satisfaisait leur conception de la société et répondait aux enjeux économiques et politiques de la municipalité. Elle favorisa l’éducation et la formation de la jeunesse, puis soutint la politique de solidarité nationale déployée par le Maréchal Pétain. Mais elle ne sut mobiliser durablement l’opinion rambolitaine qui se désintéresse progressivement de l’idéologie pétainiste, tout comme elle adopte une attitude attentiste envers l’occupant. La Résistance locale demeura faible, elle ne fut que le produit d’une action clandestine entreprise à titre personnel.

L’épisode heureux de la libération et le séjour du Général de Gaulle au château permirent à la ville de recouvrer son unité et de renouer avec sa tradition historique.

ZIESEL Juliette, Les Travailleurs juifs et la Grande Guerre : quelques éléments d’étude, Maîtrise [Antoine Prost, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991, 176 p.

À la veille de la Grande Guerre, il existe à Londres un prolétariat juif spécifique, largement immigré, principalement implanté dans l’East End, qui y gagne son surnom de « ghetto ».

L’étude de ce groupe social au cours de la guerre permet de cerner plusieurs éléments caractéristiques. Essentiellement engagés dans les métiers du bois et de l’habillement, les travailleurs juifs dans leur grande majorité vont être employés dans le travail de guerre et la sous-traitance des contrats gouvernementaux, modifiant conditions et habitudes de travail. Leur vie quotidienne est affectée globalement dans les mêmes proportions que celle de leurs voisins britanniques, les problèmes d’approvisionnement et de santé étant sensiblement les mêmes. L’engagement dans l’armée met en évidence le dilemme face à la guerre le service militaire accentue les tensions, plus spécialement parmi les sujets russes, ce qui crée une situation explosive. La guerre engendre au sein de la population britannique un sentiment anti-allemand, puis xénophobe, virulent, dont la population juive est la victime privilégiée. Cependant, les travailleurs juifs s’intègrent aux structures nationales, syndicales et socialistes — le socialisme étant le mouvement politique le plus populaire du « Ghetto », qui s’enthousiasme pour la Révolution russe — alors que le sionisme, qui connaît un regain de popularité après la Déclaration Balfour, affirme et revendique une identité juive spécifique.

La Grande Guerre, malgré la mise en exergue des différences, a accéléré le processus d’intégration, voire d’assimilation — d’où la disparition en tant que tel — du prolétariat juif londonien.

ZIMMERMANN Bénédicte, 1945-1986 : les Premier mai de la CFTC, CFDT enjeux autour d’une tactique culturelle militante et logique identitaire, Maîtrise [Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991, 2 vol., 142 + 145 p.

À l’issue de la Seconde Guerre mondiale, les conditions semblent réunies pour un rapprochement des traditions du Premier mai et de la Fête chrétienne du Travail, lorsque le Premier mai a évolué vers une fête plus consensuelle, au point de devenir un jour férié, la CFTC s’est quant à elle, à travers l’expérience de la guerre et un renouvellement de ses militants, orientée vers une intégration au sein du mouvement ouvrier. Expression au départ d’une identité ouvrière chrétienne, le Premier mai fit l’objet, en fonction des rythmes locaux de l’Évolution, d’une prise en charge volontariste par la Minorité dans sa quête d’une légitimité de classe, avant que ne naisse l’engouement militant des manifestations communes avec la CGT et la FEN au ton beaucoup plus politique que syndical. Au lendemain de l’euphorie unitaire, crise du syndicalisme et réorientation stratégique motivèrent une démarche d’adaptation pragmatique à la désaffection de la date, d’inspiration cependant fort variable en fonction de l’emprise historique régionale d’une culture de syndicalisme de classe. Vecteur au départ de l’affirmation d’une identité ouvrière, la commémoration du Premier mai se heurte aujourd’hui à la remise en question de cette identité même.

1990

AISENBERG Paula, Le Musée national d’art moderne au palais de Tokyo : un bâtiment, une collection, des expositions (1934 – 1960), Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1990, 168 p. + annexes

Ce mémoire se propose de retracer l’histoire du Musée d’Art moderne à partir de 1935, date du lancement du concours pour son édification, jusqu’en 1960, année de la grande exposition « Les Sources du XXe siècle » qui place le musée au niveau international. Vingt-cinq années pendant lesquelles les conservateurs en chef Louis Hautecœur (1931-1940) et Jean Cassou (1945-1965) ont tenté de remédier, l’un aux problèmes techniques posés par le bâtiment, le Palais de Tokyo, l’autre, aux lacunes de la collection rassemblée uniquement à partir des Salons officiels depuis le XIXe siècle.

La guerre vient interrompre les préparatifs de l’inauguration. Les œuvres, par précaution, sont envoyées dans les dépôts de province. Le MNAM, à peine achevé, est fermé au public. En 1942, des officiers allemands s’apprêtent à réquisitionner le bâtiment. Pour empêcher toute occupation des locaux, la Direction des Musées nationaux décide d’ouvrir le musée, le 6 août 1942. Des hommes nouveaux, Georges Salles et Cassou, arrivent à des postes-clefs à la Libération. Ils s’attaquent à la constitution d’une collection représentative des courants d’avant-garde depuis le début du siècle. Pour cela, ils font appel à la compréhension de l’institution responsable des achats — en effet, le musée n’a pas de budget propre — le conseil des Musées nationaux. Celui-ci délivre deux enveloppes de six millions de francs pour des achats urgents d’œuvres de Bonnard, Matisse, Braque et Rouault. D’autre part, la générosité des artistes, de leurs familles et des collectionneurs est une caractéristique majeure de la collection du MNAM (Picasso offre dix toiles en 1964) : à la fin des années cinquante, 76 % des acquisitions proviennent de dons ou legs. Cassou l’appelle le Musée des Amis. Cette collection réunit en 1960 un bel ensemble d’œuvres de l’École de Paris (fauves et cubistes surtout), mais ne contient presque pas d’œuvres d’art étranger. Peut-on encore au milieu du xxe siècle, montrer l’art moderne en se limitant à des frontières nationales ?

Les expositions temporaires organisées par le MNAM veulent d’abord faire de ce lieu un espace dynamique, en constante transformation, un lieu de vie, mais aussi ouvrir les bornes posées par la collection et montrer l’art de différents pays étrangers d’Europe ou d’Amérique.

L’exposition « les Sources du XXe siècle » est, nous semble-t-il, par la variété d’origines des œuvres présentées, l’événement-clef de ces années. Elle démontre l’évolution de l’appréhension de l’histoire de l’art de ce siècle par le conservateur en chef, Jean Cassou.

BATT Olivier, La communication d’entreprise dans les années 80, Maîtrise [Antoine Prost, Lucette Le Van-Lemesle], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1990, 160 p.

La division scientifique du travail (le Taylorisme) a longtemps été considérée en Occident comme le type d’organisation le plus compétitif. Ce système inhumain a rencontré des accrocs dans une société en plein bouleversement. L’écart croissant entre la progression de l’efficacité technique et économique de l’entreprise et son échec sur le plan social a provoqué une vague de contestations dont la partie la plus visible fut la mini-révolution de Mai 1968. Face à ces revendications, certaines entreprises ont tenté de mettre en place une organisation qui prenne en compte le fait humain : le « Marketing social ».

Le Général de Gaulle, quant à lui, a proposé son projet de participation en entreprise afin de trouver un compromis entre le capitalisme et le communisme.

Une nouvelle conception de l’entreprise s’est donc implantée dans les esprits. L’exemple japonais a légitimé le schéma participatif : les chefs d’entreprise se sont rendu compte qu’il était possible de produire davantage en privilégiant l’esprit d’initiative de tous les participants. Ainsi, les « cercles de qualité » ont été importés de l’archipel.

Face à ces nouvelles pratiques qui privilégiaient la communication entre tous les protagonistes de l’entreprise, Jean Auroux, reprenant les idées autogestionnaires énoncées en 1973 par la CFDT, a écrit et promulgué la loi du 4 août qui instituait un droit d’expression directe et collective des salariés. Cette dernière a rencontré une opposition de la part des syndicats. De plus, elle a été confrontée, lors de sa mise en place, à une réalité qui a réduit l’expérience à un échec : cela a montré une certaine incapacité de l’État à « décréter la communication ».

Cependant, les entreprises sont aujourd’hui en quête de méthodes qui amélioreraient la communication. Cette nouvelle conception de l’entreprise s’inscrit dans une période où l’idéologie communiste est en train de mourir. Le patronat, enfin légitimé dans ses fonctions, cherche par la « communication d’entreprise » à obtenir une productivité accrue.

Les syndicats ont payé le prix de leurs erreurs et par là même perdu leurs adhésions et leur crédibilité. Peuvent-ils aujourd’hui remplir leur rôle de garde-fou dans une société capitaliste où chaque entreprise est en mesure de produire son propre statut social ?

BENICHOU Laurence, La Révolution française et ses valeurs chez les instituteurs syndiqués (1920-1925), Maîtrise [M. Vovelle, Jacques Girault], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1990, 197 p.

Dans notre souci de mettre en relation la Révolution française avec les instituteurs syndiqués, nous avons examiné successivement la nouvelle représentation de ses valeurs, le retentissement de la révolution d’octobre dans l’idéologie syndicale et le nouveau mode de fonctionnement du couple « école et révolution ».

Nous avons choisi 1920 pour plusieurs raisons. La récente naissance de la IIIe république a modifié, en la réactivant, la perception de la Révolution française : la primauté du concept de droits de l’homme devient réalité dans la société française. Au sein de la trilogie républicaine, le dogme de la liberté prend une place essentielle, ce qui conduit, paradoxalement, à légitimer la notion de mérite, au point de nuire au concept d’égalité. 1920 marque aussi la fin de la Première Guerre mondiale : une nouvelle génération d’instituteurs fait la liaison entre la fraternité des patriotes et la solidarité des internationalistes. Il n’est pas étonnant alors de constater une forte homogénéisation du discours syndical relatif aux valeurs de la Révolution.

Il existe bien cependant une ligne de partage entre les deux syndicats au centre de notre étude. Elle passe par le thème de la violence. Le débat est introduit par la Révolution bolchevique. On revient par là au traditionnel clivage entre révolutionnaires et réformistes. Ce clivage s’exprime nettement en termes de théorie du « bloc ». Pour les uns, la violence révolutionnaire est inhérente à toute révolution. On ne saurait donc considérer séparément 1789 et 1793-94. Pour les autres, toute conception révolutionnaire passe par la légalité. Ces derniers justifient ainsi les violences révolutionnaires du XVIIIe français et rejettent toute violence venue de Russie.

À l’étude du rapport entre révolution et école, deux groupes sont apparus parmi les militants. Un premier où domine une pensée qu’on pourrait qualifier de réformiste et pour qui la révolution est allée jusqu’au point où il fallait qu’elle aille. Un second pour lequel si les acquis révolutionnaires constituent bien un pas, l’essentiel reste à faire. Malgré ces divergences, le monde des instituteurs syndiqués se retrouve dans deux idées. Tout d’abord, Condorcet l’emporte sur Lepeletier puisque l’individu prime sur le collectif en termes de pratique pédagogique. Ensuite la Révolution ayant fait l’école via la République il n’est plus besoin de faire la Révolution à l’école. Après la Révolution et la République, l’école républicaine est devenue l’institution de référence.

BOULEY Gilles, La vie politique et sociale à Bagneux de 1870 à 1914, Maîtrise [Antoine Prost, Jacques Girault], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1990, 256 p. + annexes

Commune à direction communiste depuis 1935, Bagneux, a connu durant la période 1870-1914 des modifications considérables dans fonction économique et son organisation sociale au fur et à mesure de son intégration au sein du réseau parisien. Gros bourg dominé économiquement et politiquement par les cultivateurs, groupe social homogène, mais incapable de dynamisme et pilier d’un « conservatisme » local respectueux des institutions traditionnelles, le village peu tant qu’il demeure un espace enclavé tourné sur lui­même. Avec le développement des transports collectifs et l’essor du marché urbain, une population composée essentiellement de provinciaux et de Parisiens investit les pourtours de la commune.

Ces immigrés sont les vecteurs de bouleversements qui affectent la structure économique et politique du village : les maraîchers, producteurs sur des parcelles dont la superficie est souvent inférieure à 1 hectare, mais qui assurent, grâce à des cultures particulièrement rentables les mutations dans les modes de production agricole. Ex-Parisiens déracinés, ils apparaissent comme les agents du radicalisme. Les jardiniers, salariés agricoles hautement politisés sont à l’origine d’un mouvement ouvrier agricole organisé. Les ouvriers de l’industrie, logés principalement dans les lotissements de la route d’Orléans dont l’essor correspond au développement du chemin de fer, remplacent progressivement les carriers comme « force révolutionnaire » de la commune. Les employés et fonctionnaires attirés par la faiblesse de la valeur vénale des terrains exercent pour certains d’entre eux (en particulier les employés de la Compagnie des Tramways de l’Ouest parisien) une influence au sein de la communauté.

Néanmoins, à travers l’analyse des élections législatives et de l’opinion publique, nous pouvons nuancer la prédominance de ces nouveaux venus dans l’élaboration des modifications politiques : prépondérance dès le début de la IIIe République du courant radical lors des consultations nationales, influence de la population autochtone dans l’organisation d’un parti socialiste local longtemps teinté de radicalisme, déchristianisation latente malgré la violence du conflit religieux à partir de 1897.

Cependant, au niveau local les étapes démographiques entraînent des conséquences sur la sociologie des équipes dirigeantes, la gestion municipale et sur la perception de l’intérêt communal. Nous complétons cette analyse par une série de 65 notes biographiques sur les conseillers municipaux de Bagneux durant cette période.

BOURGEOIS Sophie, Relations culturelles et premiers jumelages franco-allemands de 1945 à 1963 : un premier effort de rapprochement, Maîtrise [Antoine Prost, Lucette Le Van-Lemesle], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1990

Dès 1945, au lendemain de la troisième guerre en moins d’un siècle entre la France et l’Allemagne, il est nécessaire de mener à bien la nécessaire et inimaginable réconciliation franco-allemande pour faire entrer dans la réalité les espoirs auxquels les peuples risquent de ne plus croire.

Il s’agit dans cette étude d’analyser les différentes initiatives françaises en faveur d’un rapprochement des deux nations, malgré les obstacles psychologiques et politiques de l’après-guerre.

En France, des anciens résistants ou déportés entreprennent les premiers contacts culturels, alors que jusqu’en 1949, une politique stricte d’épuration et de rééducation est appliquée en zone française d’occupation. En effet, l’Allemagne vaincue et sous tutelle, occupe paradoxalement une position déterminante pour l’équilibre mondial à l’heure de la guerre froide.

Après 1949, les relations franco-allemandes se normalisent avec l’accession de l’Allemagne à sa quasi-souveraineté et sont facilitées par la poursuite des actions d’organismes privés tels que le BILD.

À cette époque, sous l’impulsion de certains maires attachés à la construction de l’Europe, et malgré les réticences de la population française, sont créés les premiers « jumelages » dans le cadre de la CCE et de l’UIM. La FMVJ, jugée communiste, est mise à l’écart de ces initiatives.

De retour au pouvoir, de Gaulle engage ensuite un dialogue suivi avec Adenauer, et le Traité de l’Élysée de janvier 1963 marque l’essor d’échanges systématiques entre la France et la RFA.

BROS Karine, L’arrivée des Européens d’Algérie à travers la presse nationale et locale, 1962-1964, Maîtrise [Noëlle Gérôme, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 184 p.

Lorsque les Européens d’Algérie sont arrivés en métropole, ils se sentaient incompris et ils l’étaient. La signature des accords d’Evian marqua le point de départ d’un long exode : près d’un million de personnes ont quitté l’Algérie pour la métropole et aussi pour d’autres pays. La presse semblait être le moyen le mieux approprié pour rendre compte d’une situation imprévisible selon les autorités politiques.

Les quotidiens citent les événements au moment où ils se produisent et permettent d’apprécier l’actualité d’il y a 28 ans comme si nous la vivions. La presse permettait, donc, d’analyser le comportement des métropolitains vis-à-vis des rapatriés et aussi, celui des rapatriés eux-mêmes, et de voir comment l’arrivée de cette population pouvait bouleverser les structures économiques et politiques de la métropole. Surtout, l’arrivée des Européens d’Algérie a mis en valeur l’erreur du personnel politique français qui pensait que les Français d’Algérie étaient trop attachés à leur sol pour qu’ils l’abandonnent.

Ainsi, à partir de ces considérations et à la lecture du Monde, du Provençal, de Midi-Libre et de Nice-Matin, entre mars 1962 et juillet 1964, trois thèmes ont pu être mis en valeur. La presse, entre mars et septembre 1962, mentionne l’accueil des rapatriés, la manière dont ils vivent et surtout les premières mesures gouvernementales. Puis à partir d’octobre 1962, l’exode est terminé et le thème principal est celui de l’intégration. Ces rapatriés, aux « mœurs » et aux qualifications différentes ne pouvaient que modifier nos structures économiques et religieuses. Or de nombreux problèmes subsistaient dont ceux du logement et de l’emploi. Le gouvernement français a essayé de les aider sans toutefois réussir véritablement. Il a préféré laisser les problèmes en suspens, croyant que la fin du ministère des rapatriés, en juillet 1964, marquait la fin de leur intégration, la fin de la mise à l’écart d’un groupe social.

À l’aide de quelques écrits par et sur les rapatriés, nous avons pu nous rendre compte de la réalité de l’actualité des années 1962, 1963, 1964, et percevoir comment ces personnes avaient besoin de se réunir pour penser à l’Histoire, à leur Histoire.

CAPITAINE Ronan, Dassault Saint-Cloud en mai-juin 1968 : la continuité, Maîtrise [Antoine Prost, Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1990, 290 p.

Depuis 1936, les différents gouvernements favorisent la concentration du secteur aéronautique. C’est une réalité qui dépasse la notion entreprise publique/entreprise privée. La fin des années soixante est une phase importante de mutation. La fin des années soixante est une phase importante de mutation. La conjoncture économique est préoccupante. Patronat et gouvernement répondent par une concentration massive et un machinisme accru. C’est dans ce contexte que se déclenche le 1er décembre 1966 un important conflit à Dassault Bordeaux. Cette grève victorieuse devient un symbole et un exemple à suivre. Ainsi en 1967 la CGT et la CFDT lancent un mouvement qui mobilise les usines parisiennes de Dassault. En janvier 1968, les travailleurs obtiennent des concessions. Mai 1968 survient dans ce contexte de satisfaction syndicale. Ceci explique pourquoi la décision d’occupation est a-syndicale. Il y a certes un mimétisme de Sud-Aviation et de Renault, mais avec en point de mire, la satisfaction d’anciennes revendications. La CGT contrôle l’occupation d’usine. Nous sommes dans la suite de 1967. Des revendications aux spectacles, en passant par le rôle des lieux, nous avons une pérennité intra-usine. La négociation devient possible après Grenelle. Début juin, le PCF pousse la CGT à un accord afin de préparer les élections. La CFDT se désolidarise de la CGT. Finalement, CGT, CGC et patronat aboutissent à un protocole qui est une suite à 1967. Mai-Juin 1968 s’inscrit dans une continuité. C’est le changement de la structure d’emploi qui annonce, bien plus tard, une rupture.

COCHERIL Olivier, Le syndicat national des bibliothèques de la Fédération de l’Éducation nationale de 1956 à 1972, Maîtrise [Jacques Girault, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1990, 284 p.

Si, en général, le syndicalisme réformiste se désignant comme tel a été peu étudié en France, la FEN l’a été encore moins. Faire le choix du SNB constituait à prendre le parti d’en étudier une de ses composantes peu connue et formée de non-enseignants.

Le syndicalisme constitue un phénomène relativement tardif au sein des bibliothèques puisque le SNB n’y apparut qu’au milieu des années vingt. Celui-ci se forma au sein de la Fédération Autonome des Fonctionnaires à l’écart de la CGT et de la CGTU et ne regroupait que des bibliothécaires. La Libération vit son ouverture à toutes les catégories de personnel, et sa disparition au sein du SNESUP en 1947.

Son retour à l’autonomie au sein de la FEN en 1957 fut suivi du développement et de l’échec d’une politique très corporatiste qui aboutit à une crise en 1963 et remplacement de sa secrétaire générale, Mme Honoré, par M. Tuilier. Celui-ci, qui dirigea le SNB jusqu’en 1972, permit son développement en tenant compte de sa nature de syndicat de fonctionnaires et en développant une politique plus active rompant avec l’apolitisme.

Le choc de Mai 1968 allait provoquer une évolution rapide du SNB et l’apparition de tendances internes alors que son fonctionnement était basé auparavant sur le fédéralisme. Le départ de Tuilier pour raisons professionnelles, en décembre 1971, laissa le SNB dans une situation de forte instabilité interne.

CROZET René, Les instituteurs de Seine-et-Oise vers 1900, Maîtrise [Jacques Girault, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1990, 641 p.  + annexes, graphiques

Ce travail de recherche, associant la connaissance statistique et la découverte de comportements individuels, porte sur les 973 instituteurs et les 71 instituteurs d’un département original par sa diversité économique, sociologique et culturelle. Après avoir tracé à grands traits, au niveau national et au niveau départemental, le cadre général dans lequel agit cette collectivité d’instituteurs, l’auteur analyse successivement l’origine et la formation des instituteurs de Seine-et-Oise, leur vie professionnelle et leur vie privée.

L’ouvrage met en lumière la traduction concrète et locale des évolutions produites parmi les instituteurs à partir du ministère Jules Ferry :

– le glissement du recrutement de la campagne vers la ville, des milieux paysans vers les couches moyennes (fonctionnaires, employés, commerçants), compte tenu des nouvelles conditions d’accès à l’école normale

– l’amélioration très sensible des qualités professionnelles des maîtres et de leur enseignement,

– l’importance sociale et politique nouvelle de la fonction d’instituteur. Il montre en outre la remarquable efficacité d’un système hiérarchique bien accepté, dans lequel les directeurs d’école jouent un rôle de formation important et dont les inspecteurs primaires, rigoureux, mais justes, sont les pivots. Bien éclairé par eux, l’inspecteur d’académie a le souci de tirer de chaque maître le meilleur parti pour l’école, de promouvoir chacun selon ses compétences et ses mérites et de stimuler ainsi le zèle de tous.

Nous découvrons aussi, dans les situations quotidiennes, le rôle d’animateur communal que joue, surtout en milieu rural, l’instituteur de 1900 : secrétaire de mairie, dispensateur de cours d’adultes, conférencier populaire, bibliothécaire, trésorier de caisse d’épargne, arpenteur communal, créateur de patronages, de sociétés de tir, d’associations d’anciens élèves, propagandiste de la lutte anti-alcoolique, de l’action contre la tuberculose…

Mal payé par l’État, l’instituteur de Seine-et-Oise parvient, dans ce département riche et peuplé, à doubler souvent, à tripler parfois, son traitement de base par l’indemnisation de ses multiples travaux annexes. Chaque poste est ainsi plus ou moins recherché selon le montant des revenus complémentaires qu’il permet.

Le champ largement ouvert aux actions individuelles de promotion limite l’intérêt de l’action corporative qui n’intervient que très tardivement dans ce département et s’oriente davantage vers la construction mutualiste que vers la revendication collective. Vivant sous le regard de tous, l’instituteur n’a guère de vie privée, son comportement doit être exemplaire, la perfection sociale fait partie de son statut.

L’instituteur de Seine-et-Oise vers 1900, dans son excellence collective, apparaît à la fois comme le produit et l’artisan d’un système socio-hiérarchique, un rouage conscient et efficace au service d’une mission qui l’exalte et l’invite en permanence à se dépasser.

DEROUINEAU Valérie, L’expression de la « culture pied-noir » à travers le théâtre, la chanson et le cinéma, 1962-1982, Maîtrise [Noëlle Gérôme, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1990, 72 p. + annexes

Alors que l’Algérie française disparaissait en 1962, précipitant sa population européenne, plus communément appelée pied-noir, de l’autre côté de la Méditerranée, des artistes issus de cette terre d’Afrique choisissaient de faire revivre à ce même moment, ce lieu privilégié de rencontre d’hommes et de femmes issus de pays bordant la Méditerranée et de confessions religieuses différentes.

De cette terre, allait naître une culture empreinte des us et coutumes de chacun d’entre eux (l’apport des autochtones n’est pas négligeable par ailleurs), dont les pièces de théâtre, les chansons et le cinéma allaient donner un témoignage peut-être plus médiatique que celui porté par la littérature.

Durant vingt années, des artistes tels que Marthe Villalonga, Robert Castel, Enrico Macias, Alexandre Arcady, Roger Hanin… vont s’attacher à ce que cette culture inscrite au plus profond d’eux-mêmes, perdure bien qu’elle ne puisse plus prendre sa source dans le pays lui-même. Ils ne font que reproduire ce qu’ils sont dans la réalité : des Pieds-Noirs avec leurs craintes ou leurs espoirs. L’expression de cette culture de 1962 à 1982 en porte les marques.

De 1962 à 1969, c’est un temps d’expression à « vif » : le sourire avec « La Famille Fernandez » et l’émotion non dissimulée avec Enrico Macias en sont les principaux exemples. C’est également la découverte du parler né dans le faubourg de Bab-el-Oued à Alger : le Pataouète. Suit un temps de renaissance (1970-1979) : certains auteurs comme Robert Castel avec Kaouito le pied-noir ou Alexandre Arcady avec son film Le coup de Sirocco tentent de dépasser les clichés qui entouraient leur communauté pour aller au plus profond dans l’expression de cette culture. Dans ce sillage, s’inscrit la naissance en 1973 du Cercle Algérianiste, association qui se donne pour mission de « sauver une culture en péril ».

Cette association sert de transition avec le troisième temps où les artistes (dont de nouveau surgissent comme Jean-Paul Gavino, chanteur ou la troupe du Théâtre Pied-Noir) décident que cette culture doit perdurer bien que dix-huit années la séparent de la fin de « leur Algérie ». Son avenir est en jeu.

Mais un certain essoufflement ne sera-t-il pas perceptible dans l’expression à mesure que nous nous éloignerons de cette année fatidique que représente 1962 ?

Cette culture est née d’un pays : peut-elle vivre sans ? Ne risque-t-elle pas de devenir une « culture pied-noir métropolitaine », une « culture de cœur » ?

DORMAGEN Jean-Yves, L’Italie à travers la presse ouvrière française, janvier 1915-octobre 1922, Maîtrise [Antoine Prost, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1990, 310 p.

De janvier 1915 (période de la campagne pour l’intervention de l’Italie dans la Première Guerre mondiale) à octobre 1922 (arrivée au pouvoir de Benito Mussolini), la péninsule traverse la guerre et une triple crise économique, sociale et politique dont l’aboutissement sera l’instauration d’un ordre nouveau : le fascisme. Nous avons voulu savoir la presse ouvrière française avait perçu et présenté à ses lecteurs cette période troublée, où les antagonismes politiques et sociaux étaient exacerbés. Pour cela, nous avons consulté de manière systématique (et continue lorsque cela était possible, comme pour L’Humanité) des quotidiens et des hebdomadaires afin d’y recenser tous les articles concernant l’Italie. Cette recherche nous a permis de mesurer, sur le plan quantitatif, l’importance de l’information italienne dans cette presse. Nous nous sommes aussi attachés à présenter et à analyser les jugements, les raisonnements politiques que ces journaux développaient sur la péninsule. Le fait que l’un des thèmes centraux de cette information soit le mouvement ouvrier italien a permis de préciser les rapports et les appréciations des militants français à l’égard de leurs homologues transalpins, nous conduisant d’ailleurs à conclure que les organisations italiennes avaient fréquemment, dans cette période de profonde recomposition du mouvement ouvrier international, été présentées comme des modèles, des exemples. Mais au-delà de l’information politique et conjoncturelle, nous avons aussi tenté de dégager, au sein du discours que cette presse tenait sur l’Italie et les Italiens, des éléments s’inscrivant dans le temps long et permettant de définir une représentation idéologique de la péninsule et de ses habitants (il s’agissait de voir si cette représentation reflétait les tendances générales de l’opinion publique française ou, au contraire, était particulière à l’ensemble de la presse que nous avons étudiée). L’analyse de l’importance accordée à l’Italie, des sources de l’information, des thèmes et des sujets abordés, du ton et des raisonnements politiques, ainsi que de la représentation globale de la péninsule véhiculée dans les articles de journaux ouvriers devant nous permettre de conclure à l’existence (ou non) d’une perception et d’une représentation spécifiquement prolétarienne de la péninsule dans ces journaux.

GUEDJ François, Le Parti communiste français au Plessis-Trévise (1945-1977) : pratiques militantes et processus identitaire, Maîtrise [Jacques Girault, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1990, 2 vol., 345 p. + annexes

Ce travail est une tentative pour étudier l’histoire intérieure d’une organisation locale du PCF, particulièrement à l’époque du Programme commun de gouvernement. Il nous a paru intéressant d’envisager l’intérieur communiste dès le niveau d’une organisation locale dans la hiérarchie du parti, et de rechercher finalement à déterminer le statut de l’interne.

Les sources utilisées nous ont permis d’étudier les pratiques militantes non seulement d’un point de vue externe (sources relevant de l’ordre de la propagande : tracts, journaux et professions de foi aux élections), mais aussi de suivre (particulièrement de 1965 à 1971) leur organisation pat la cellule communiste locale (cahiers de notes des réunions de cellules, et témoignages).

Nous avons pu ainsi observer, dans le cadre local que nous avons adopté, l’importance de la vie sociale du groupe formé par les militants communistes, ainsi que l’affirmation de la différence communiste dans l’intégration des adhérents à cette structure de sociabilité qu’apparaît être l’organisation communiste locale.

En étudiant l’implantation communiste nous avons insisté sur l’un de ses enjeux, à savoir l’homogénéisation du groupe par une identification commune : la manière d’être communiste, sa transmission-adoption active par les adhérents.

ISSERT Yannick, La fête du Front National, 1981-1990, Maîtrise [Antoine Prost, Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991, 180 p. + annexes

Depuis 1981, le Front National organise, chaque année, une fête des « Bleus Blancs Rouges ». Intitulée ainsi, cette fête consacre la rentrée politique de J.M. Le Pen en septembre-octobre, peu après le discours de la Trinité-sur­Mer, et parallèlement à la manifestation de Jeanne d’Arc.

L’objectif de ce rassemblement est, entre autres, une mobilisation des fédérations FN régionales et locales, dans un lieu proche de Paris, l’espace d’un week-end. Fêtes champêtres et familiales de 1981 à 1983, elles prennent une ampleur nouvelle à partir de 1984, corollaire à l’émergence électorale du FN.

Ce mémoire se propose de mettre essentiellement en lumière la nature de ces fêtes politiques. Dans une première partie, on s’intéresse à présenter les conditions de leur réalisation. Il apparaît que les organisateurs sont des propagandistes du FN dont la plupart ont des antécédents politiques anciens et souvent communs, qui remontent parfois à la campagne TV de 1965. Les cadres où se déroulent ces fêtes sont variables du fait de la difficulté pour les promoteurs de consacrer un lieu fixe à leurs rassemblements et qui puisse acquérir une dimension symbolique. La réussite de ces fêtes dépend, pour une large part, de la mobilisation des fédérations FN, dont la répartition géographique et le nombre évoluent à partir de 1984. Enfin, « l’ouverture médiatique » de J.M. Le Pen dès 1983, contribue à un processus de reconnaissance de ces fêtes.

Dans une deuxième partie, on se propose de décrire « les » fêtes qui composent « la » fête. Fête de nationaux-catholiques à travers la « grand-messe » des BBR ; grande kermesse militante d’une partie de l’extrême droite à travers les stands de livres, parfois les débats ou les divertissements, qui permet ainsi l’expression d’un groupe politique ; enfin, fête de J.M. Le Pen lui-même, à travers son « grand meeting de clôture » qui constitue véritablement le « clou » de la fête.

Quelques observations. D’une part, ce type de sujet nous impose une vision « globalisante » qui se trouve sans cesse remise en cause ou enrichie par des données qui l’actualisent. On ne peut aboutir qu’à des remarques prudentes. D’autre part, on s’en est tenu aux sources les plus facilement accessibles : celles fournies par la presse elle-même, militante ou non, qui se fait depuis le début le principal écho de cet événement. Quelques entretiens ont été également effectués dans le but de confirmer ou de corriger notre grille de lecture. Néanmoins, il faudrait ajouter une étude sociologique ou ethnologique à notre angle d’approche.

Ce mémoire repose donc, pour une large part, sur l’image que donne le FN de sa fête à travers les comptes-rendus de sa presse interne et périphérique. Il ressort que la fête des BBR est une fête de familles politiques de 1981 à 1983. À partir de 1984, les fêtes consacrent les premiers scores électoraux du FN et semblent célébrer un leader érigé en « super-héros ». La fête unitaire d’une partie de l’extrême droite tendrait à laisser la place à la fête d’un « triomphateur » et de sa seule formation politique, microsociété constituée.

Considérée comme une « contre-fête » de L’Humanité, la fête des BBR se donne l’aspect d’une grande fête politique et populaire « institutionnalisée », une « photographie du pays et de la société ». Constructions d’images probablement, que l’on essaie d’évoquer dans notre troisième partie, et qui portent en elles-mêmes les limites de ces rassemblements politiques.

LACHAUMETTE Sandrine, Masses, foules, peuple dans la presse illustrée française : mars 1933-août 1937, Maîtrise [Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1990, 2 vol., 195 p. + 108 p. d’annexes

« Masses, Foules, Peuple dans la Presse illustrée française » traite des phénomènes de masse à travers la photographie dans les années trente (date de l’émergence simultanée des masses et des magazines à illustrations photographiques).

À travers plus de mille images sélectionnées dans trois grands magazines d’opinions et de conceptions différentes — Illustration, Vu et Regard — ce mémoire tente de montrer la façon dont les masses étaient perçues, quel était leur traitement iconographique et dans quel but. Par ailleurs, il met en évidence la subjectivité d’une photographie, celle-ci ne donnant jamais une vision brute de l’événement, mais s’adaptant aux valeurs du journal qui l’utilise.

Cette étude, abordant de très nombreux thèmes, se divise en deux grandes parties :

– les masses par rapport aux autorités où sont étudiés l’Église, les Régimes étrangers (monarchie, communisme, fascisme et nazisme) et la situation française (lutte d’influence entre les Ligues et le Front populaire).

– les masses en action, se rassemblant (sports, fêtes, meetings, manifestations), faisant grève et même prenant les armes dans le cas espagnol.

MARSAUCHE (Arnaud), La « question des étrangers » à Paris 1914-1918, Maîtrise [Antoine Prost, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1990, 159 p. + annexes

Avec l’octroi ou le refus du permis de séjour, rendu obligatoire dès le début de la guerre de 14-18 pour tout étranger résidant en France, un système nouveau se met en place (évacuations et internements, mais surtout une meilleure identification) à travers duquel la politique du ministère de l’Intérieur permet de mesurer l’impact du « nationalisme » sur l’administration responsable du contrôle des étrangers.

À Paris, c’est la préfecture de police qui en a la charge. Dès 1915, le conseil municipal lance des campagnes très virulentes contre le ministre de l’lntérieur, Léon Malvy. Principaux thèmes : la présence étrangère dans la capitale, les naturalisations, l’engagement dans la légion. La communauté russe, majoritairement juive, est la plus menacée. Pour répondre à ces attaques de la droite, une commission composée de notables et de fonctionnaires est chargée en janvier 1916 de revoir l’octroi des permis de séjour.

Ce sont les procès-verbaux de cette commission de révision qui forment jusqu’en juin 1917 l’essentiel de nos sources, faisant apparaître la complexité des identités nationales, particulièrement à Paris où vivaient à la veille du conflit environ 200 000 étrangers. La commission aura à connaître de 6 000 cas, notamment des Tchèques, Polonais, Roumains, Serbes et Trentins, sous tutelle austro-hongroise.

Il en ressort que les pouvoirs publics n’ont entrepris aucune mesure spectaculaire à leur encontre, comme le réclamait le conseil municipal. Cependant, seule l’intervention d’Émile Durkheim, vice-président de la Commission, a évité une expulsion massive des Russes. En faisant apparaître parallèlement la logique qui amène à la création d’une carte d’identité pour les étrangers (avril 1917), cette période montre clairement que c’est à Paris, pôle d’accueil, que l’étranger est devenu un enjeu politique, au point que Clemenceau s’en servira pour faire chuter Malvy.

MARZIN Pierre-Yves, L’Expression directe des salariés : étude d’un cas, la RATP, Maîtrise [Antoine Prost, Lucette Le Van-Lemesle], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1990, 153 p. + annexes

Le 4 août 1982, l’Assemblée nationale votait la loi relative aux libertés des travailleurs au sein de l’entreprise. Cette nouveauté du droit social est issue d’une longue recherche qui s’est intensifiée depuis la fin des années soixante chez tous les partenaires sociaux. De fait, de nombreuses formes de participation des salariés se sont développées préalablement à l’avènement de cette loi.

En 1981 le président Mitterrand qui avait inclus cette préoccupation dans son programme électoral, charge son ministre du travail de rédiger un rapport sur les modifications à apporter au droit du Travail. De ce document, le rapport Auroux, seront extraites quatre lois. Celle du 4 août 1982 comporte deux titres, l’un concerne le règlement intérieur, l’autre l’expression directe des salariés. Ce dernier prévoit que les salariés pourront s’exprimer sur leurs conditions de travail et les améliorations à y apporter pendant le temps de travail et sur le lieu de celui-ci. La loi prévoit que ce droit fasse l’objet de négociation au niveau de chaque entreprise.

Un an après le vote de la première loi, celle relative à la démocratisation du secteur public était votée. Elle visait à donner à ce secteur un rôle moteur dans le mouvement de démocratisation des entreprises. C’est pour cela que la RATP a été choisie comme lieu d’études de sept ans d’application de ces lois.

PASEK Myriam, Aux origines d’une information chrétienne : Témoignage-chrétien et Réforme pendant la Guerre d’Algérie novembre 1954-mai 1958, Maîtrise [Noëlle Gérôme, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1990, 237 p. (+ 1 vol. d’annexes non communicable)

À la fin de 1954, les lecteurs de TC et de Réforme, hebdomadaires catholique et protestant, apprennent comme l’ensemble de l’opinion qu’une série d’attentats a été commise en Algérie dans la nuit du 1er novembre, faisant une quinzaine de victimes.

Ces « événements » dont la gravité est d’abord sous-estimée marquent le début de huit ans de guerre et le commencement de la lutte de TC et de Réforme pour le maintien des rapports fraternels entre les communautés métropolitaines, européenne et musulmane. Avant que le retour au pouvoir du Général de Gaulle ne vienne mettre un terme à l’instabilité gouvernementale — chronique depuis 1947 — à l’absence de politique coloniale, alors que les divers mouvements d’opposition à la guerre d’Algérie commencent seulement à se structurer et que les autorités françaises, les nationalistes algériens s’enferment dans le silence, au moment où la presse jugée d’opposition est saisie, où les intellectuels « défaitistes » sont arrêtés, il a semblé intéressant de remonter aux origines des informations diffusées par Réforme et TC, l’un des « quatre grands de la contre-propagande française » avec Le Monde, L’Express, France­Observateur selon Jacques Soustelle. Comment dans ce climat de tensions, de propagandes diverses et opposées, ces deux hebdomadaires aux moyens financiers et techniques limités, au lectorat hétérogène, aux liens plus ou moins étroits et tendus avec leurs églises ont été informés de la réalité du conflit, comment ont réagi leurs réseaux d’information respectifs fondés sur d’anciens amis résistants, militants politiques, chrétiens, comment les journalistes se sont eux-mêmes comportés face à ces renseignements et comment ils en ont informé à leur tour les lecteurs et l’opinion ?

Cet exposé a cherché à montrer qu’entre un événement et son traitement dans les colonnes d’un journal de multiples paramètres interviennent le passé du journal, ses moyens, ses rapports avec les autorités, l’engagement des journalistes, leur responsabilité face aux informateurs, au public, au pays…) qui sans dénaturer l’information la déterminent. TC et Réforme ont tous deux une conception chrétienne de l’actualité, si pour eux la guerre d’Algérie a exacerbé les pressions inhérentes au journalisme, ils ont « couvert » ce conflit de façon différente, montrant alors que la qualité, l’honnêteté, le suivi d’une information reviennent toujours aux journalistes, seuls responsables de ce qu’ils donnent à leur public.

PRIEUR Karine, La presse métropolitaine française et « l’affaire malgache » (1947-1949), Maîtrise [Lucette Le Van-Lemesle, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1990, 3 vol., 348 p. + 2 vol. d’annexes (78 p. et 154 p.)

L’île de Madagascar, territoire d’outre-mer dans le cadre de l’Union française, est en 1947 le théâtre d’une insurrection nationaliste dirigée contre la France. Cette insurrection place la IVe République en face d’un de ses premiers problèmes coloniaux. Peu de travaux historiques se sont intéressés à cet événement, encore moins à sa réception et à ses répercussions en métropole.

Pourtant, violence de la répression, torture et bilan des victimes – 89 000 morts selon l’État-Major – laissaient présager d’un choc pour l’opinion publique.

Pour réparer cet oubli, nous avons analysé la presse métropolitaine française et « l’affaire malgache » (1947-1949) à partir d’une sélection de journaux de l’époque, représentatifs de divers courants d’idées, et d’interviews de journalistes. La presse, parce que carrefour et reflet des expressions de la société, est un vecteur intéressant et privilégié pour comprendre la relation métropole-Madagascar sur cette affaire. Au travers de quatre directions de recherche : 1/l’approche journalistique de la société malgache, 2/l’information sur l’insurrection, 3/les polémiques sur les suites judiciaires, 4/l’utilisation politique.

Cette étude révèle comment l’événement a été traité (qu’en ont su les Français et les limites de l’information, les thèmes retenus et développés…) et répond à la question liée à la position de la société française face aux nationalismes) : l’insurrection a-t-elle été pressentie par la presse comme un élément important dans un mouvement de « décolonisation » qui s’amorçait ou utilisée comme prétexte pour uniquement aborder les problèmes intérieurs de la France ?

RETAILLAUD Emmanuelle, Le contingentement des films étrangers en France, 1928-1936, Maîtrise [Antoine Prost, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1990, 199 p. + annexes

Nous avons voulu étudier un épisode de l’histoire du cinéma français de l’entre-deux-guerres, le contingentement des films étrangers : en d’autres termes, les mesures qui ont été prises par les pouvoirs publics à partir de 1928 afin de limiter le nombre de films étrangers diffusés sur les écrans français, dans l’intention de développer un cinéma national en crise (les deux phénomènes étant considérés comme liés). Nous avons dans un premier temps cherché à présenter et à analyser la nature de ces mesures, puis à montrer quel était l’enjeu corporatif du contingentement pour les différents groupes professionnels concernés à divers titres par le problème : exploitants de cinéma, producteurs, artistes, distributeurs. Pour ce faire, nous disposions de documents – lettres, rapports des différents protagonistes du contingentement – conservés aux Archives Nationales, que nous avons cherché à compléter par un dépouillement plus systématique de la grande presse de l’époque. Mais une fois envisagé cet aspect pour ainsi dire technique de la question, nous avons voulu montrer comment le contingentement a largement dépassé le cadre du cinéma, comment celle affaire a d’emblée revêtu une dimension idéologique qui lui était constitutive : contingenter les films étrangers, c’était indirectement protéger et défendre la nation française. Il s’agissait enfin de montrer comment la dénonciation des mesures de contingentement était à la fois une façon d’opposer des valeurs différentes et de chercher à défendre réellement le cinéma français. En ce sens, le contingentement n’a pas seulement été un épisode de l’histoire du cinéma français, mais il a aussi fait l’objet d’un débat : c’est ce débat que nous avons voulu mettre en lumière, en essayant de montrer par là même qu’une politique du cinéma n’est jamais neutre.

RIEU Philippe, La presse catholique face à Pierre Mendès-France (1953-1956), Maîtrise [Lucette Le Van-Lemesle, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1990, 230 p. + annexes

Pierre Mendès-France reste une référence dans la vie politique française. Moins connue est son influence sur un groupe d’intellectuels chrétiens (F. Mauriac, etc.) ou de militants catholiques (la CFTC notamment). Il était intéressant, alors de se demander quelle avait été l’attitude de la presse catholique face à celle figure marquante de la IVe République, ceci pendant la grande période mendésiste (1953-1956). A-t-elle soutenu les entreprises d’un homme qui n’avait pas, au départ, la carte de visite idéale pour la séduire (l’homme est radical, juif, ancien franc-maçon) ?

Pour répondre à celle question, pour avoir un panorama assez complet des différentes sensibilités d’une presse encore très puissante (3 500 supports !), le choix, difficile, s’est porté sur une lecture systématique de La Croix, du Pèlerin, d’Esprit, de Témoignage chrétien et de La Vie Intellectuelle. Deux autres hebdomadaires interviennent aussi dans celle recherche bien qu’étant situés en dehors de la sphère strictement catholique : L’Express pour le « Bloc-Notes » de François Mauriac, incontournable, et Rivarol au ton très intégriste sous la plume de Jean Madiran.

La confrontation entre un homme radical épris de modernité, qui ne laissait personne indifférent, et une France encore en partie rurale et catholique, permet de dresser le tableau d’un catholicisme en pleine mutation. Deux réactions dominent :

– Celle, plutôt positive, de la gauche chrétienne. Pierre Mendès-France, grâce à un style novateur, plus personnel et surtout très moral, accède au pouvoir au bon moment pour séduire des chrétiens épris de progrès social et questionnés par les problèmes coloniaux : il existe un vide politique consécutif à la droitisation du MRP ainsi qu’à la désaffection des grands parus traditionnels (SFIO, PC, Parti Radical, etc.). Des militants déçus par la démocratie chrétienne participent ainsi à la vague mendésiste, expriment le désir d’œuvrer pour davantage de laïcité et soutiennent la construction encore informelle d’une « nouvelle gauche ».

– Les réactions des journaux davantage liés à la hiérarchie (La Croix, Le Pèlerin) sont beaucoup moins positives. L’accueil du Président radical est plutôt froid. En effet, pour la première fois depuis 1947, le MRP est absent du gouvernement et ne dirige plus les Affaires étrangères. Sur fond de crise européenne (problème de la CED), c’est la crainte d’un complot visant à écarter les chrétiens du pouvoir qui est largement exprimée.

La communauté catholique, que nous quittons en 1956, après la victoire relative du Front Républicain, est plus divisée qu’auparavant : polémiques engagées à travers la presse sur la liberté politique du chrétien, cristallisation des critiques autour de l’attitude d’un MRP irréductiblement hostile à la personne de Pierre Mendès-France, etc. Cet éclatement est confirmé par les élections et sondages de l’année qui laissent entrevoir un comportement politique des catholiques beaucoup plus hétérogène.

SAINSAULIEU Ivan, Le PS-SFIO et le marxisme (1920-1927), Maîtrise [Jacques Girault, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1990, 200 p.

Nous sommes partis d’un constat paradoxal : alors qu’il ne fait aucun doute aujourd’hui que le parti socialiste français a rejeté le marxisme comme référence, il n’en est pas moins évident que le PS-SFIO des années 1920 ne se concevait pas sans le marxisme.

Comme il n’est pas de génération spontanée, nous avons travaillé dans l’hypothèse que le parti galvaudait le marxisme dès son origine en 1920 au profit d’autres idées forgeant son identité nouvelle.

Mais, si le marxisme vacille dans les développements de l’Encyclopédie ou du Dictionnaire, si les militants ouvriers, neutralisés, perdent leur poids numérique et spécifique, si la presse socialiste est envahie par le parlementarisme, si l’électoralisme, devenu préoccupation exclusive de la direction, constitue l’aune des discours des orateurs, on cherche en vain l’émergence d’une autre cohérence idéologique socialiste et non-marxiste.

Des thèmes originaux reviennent souvent : le coopératisme, la défense de la petite propriété, l’interventionnisme de l’État et des pouvoirs publics aussi bien dans les conflits locaux que sur un plan international ; mais, outre que ces idées appartiennent parfois davantage au passé qu’à l’avenir, la seule conception d’ensemble qui les sous-tende, la République, n’est pas une idée distinctive du socialisme.

Dès lors, le socialisme a-t-il d’autres significations qu’une certaine place sur l’échiquier électoral ? En renonçant au marxisme, il a rejeté toute idée de transformation sociale pour chercher le pouvoir en aveugle.

VENNER Michel, Les grèves en France, dans L’Express et Le Nouvel Observateur, juillet 1968-juin 1974, Maîtrise [Lucette Le Van-Lemesle, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1990, 2 vol., 322 p.

Un événement tel que la crise de Mai 1968 est trop souvent considéré comme un phénomène isolé de son contexte. Cette crise sociale ne peut être séparée du mouvement des idées. L’échec relatif des grèves cache les conséquences qu’elles ont eues dans les années qui ont suivi.

Dans les années soixante, se crée une « nouvelle gauche » en dehors des partis traditionnels. La presse hebdomadaire se veut porte-parole de ses théories : le réformisme social, venu des États-Unis sous le nom de « management », thème de L’Express, ou l’autogestion, héritage du Socialisme Français, soutenu par le PSU et l’Observateur. Mai 1968 vient un moment semer le doute puis la « nouvelle gauche » comprend, avec les grèves qui suivent, que la crise sociale vient du manque d’avenir des salariés les moins qualifiés.

Cette rénovation est cependant trop tardive, car la « nouvelle gauche » se trouve marginalisée, exclue du Programme commun de la gauche de 1972. Deux ans plus tard, la crise économique succède à la crise sociale sans la résoudre. Réformistes et autogestionnaires prennent des options contraires, signant l’intégration dans les partis de la « nouvelle gauche ».

Le débat réparait à l’intérieur de la gauche après 1981, entre ceux qui veulent « changer la vie » et ceux qui souhaitent réformer la société, tendance du gouvernement actuel.