René Capitant, homme de gauche et gaulliste : un juriste engagé sous la Ve République (1958-1970)

DECOUT-PAOLINI Rémi, René Capitant, homme de gauche et gaulliste : un juriste engagé sous la Ve République (1958-1970), Maîtrise [Lucette Le Van-Lemesle, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 252 p.

Figure importante du gaullisme dont il incarne, de façon emblématique avec son grand ami Louis Vallon, la voie jamais véritablement explorée de la participation, René Capitant est la référence obligée de ce qu’il est convenu d’appeler le « gaullisme de gauche », vaste nébuleuse de petits mouvements épars en mal d’unité. Le personnage reste pourtant méconnu et son action politique a fait l’objet de simplifications abusives, pas toujours innocentes. Or nos recherches — fondées essentiellement sur l’étude de ses écrits, interventions et discours ainsi que sur le dépouillement de ses archives privées — permettent de rendre à sa pensée et à son engagement toute leur cohérence et leur originalité.

Juriste de formation, c’est en théoricien du droit que René Capitant définit ce qu’il appelle « la mission du gaullisme », à savoir l’édification d’un véritable État démocratique. Profondément imprégné de la pensée de Jean-Jacques Rousseau, Capitant considère que la société est le produit d’un contrat des volontés dont le droit tire sa source. Dans cette perspective, le peuple est naturellement souverain et Capitant s’applique en conséquence à défendre tout ce qui développe la démocratie perçue comme participation de tous à l’œuvre commune, aussi bien dans le monde politique, par le recours à l’arbitrage populaire, que dans le monde économique et social, par l’instauration de l’association.

Se considérant avant tout comme un homme de gauche. René Capitant s’est érigé dans les années soixante en défenseur passionné de la Vème République, en laquelle il a vu, surtout à partir de la réforme constitutionnelle de 1962, l’aboutissement de ses combats politiques antérieurs. Force est de reconnaître toutefois que s’il reste un exégète particulièrement pénétrant des nouvelles institutions et de la pratique qu’en avait le général de Gaulle, René Capitant s’est trouvé confronté sur le plan social à l’opposition irréductible de Georges Pompidou et des hiérarques du parti gaulliste. Très vite marginalisé au sein de ce dernier après l’avoir rallié en compagnie de l’Union Démocratique du Travail à l’automne 1962, René Capitant n’a de cesse de mettre en garde le général de Gaulle contre son Premier ministre dont il dénonce avec virulence le conservatisme.

La révolte étudiante de Mai 1968, relayée par la grave crise sociale que connaît alors le pays, voit l’entrée de René Capitant au gouvernement, en qualité de Garde des Sceaux, et la mise en œuvre, quelque peu tardive, de la participation sous l’égide du général de Gaulle. Mais l’espérance est de courte durée et Capitant, démissionaire après la victoire du « non » au référendum d’avril 1969 et le départ du général de Gaulle, a l’amertume d’assister impuissant à l’ascension présidentielle de Georges Pompidou, dont il continue, jusqu’à sa disparition en mai 1970, à se montrer l’implacable censeur.