Mai 68 et l’Église catholique : le clergé face au mouvement contestataire

BARRAU Grégory, Mai 68 et l’Église catholique : le clergé face au mouvement contestataire, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 163 p.

La contestation du printemps 1968 en France ne concerne a priori l’Église de France que de façon anecdotique ; si une contestation cléricale est visible pendant les événements, elle peut apparaître à première vue comme un effet secondaire du mouvement social, une aspiration libertaire particulière dans la trame des « événements ». Pourtant l’Église catholique se heurte à la contestation de façon brutale et sur deux plans différents.

On a pu considérer le mouvement social comme une « crise de civilisation », comme le diagnostiquait « à chaud » le Premier ministre Georges Pompidou ; en cela l’Église catholique, fondement traditionnel d’une partie de l’identité française, ne pouvait échapper à la remise en question. On ne trouve cependant guère de manifestations d’anticléricalisme dans les cortèges ou sur les barricades. L’Église a-t-elle encore à voir avec la société qui l’entoure ? C’est la question que l’institution se pose à elle-même, soulevant dès lors une grave crise du catholicisme, qui, dans la ligne du Concile Vatican II, se cherche une forme d’existence en phase avec son temps. L’attention plus grande et explicite portée au fait politique de la part du clergé catholique est un signe de cette recherche. La contestation de Mai prend donc cet écho inattendu dans l’Église, révélateur et accélérateur d’une crise religieuse.

Les événements de Mai peuvent apparaître aussi comme le déclencheur d’une contestation nouvelle. La frange progressiste du clergé catholique, proche des idées politiques de la gauche, voire de l’extrême gauche, se reconnaît dans le mouvement contestataire et s’en trouve dynamisée. Au cœur des événements, le noyau dur de la contestation de l’Église, se révélant comme un anticléricalisme religieux, se constitue et annonce les troubles à venir.

L’Église catholique n’a pas « fait Mai 68 », mais elle s’est trouvée impliquée irrémédiablement dans les événements. Aussi paradoxalement, si elle pouvait apparaître comme peu concernée par l’esprit du mouvement, l’Église fut sans doute l’une des institutions les plus touchées par les événements du printemps 1968.