L’Union départementale CGT de la Loire-Inférieure (1938-1939)

SINGER Philippe, L’Union départementale CGT de la Loire-Inférieure (1938-1939), Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1983

L’image que nous donne l’UD CGT de Loire inférieure avant la guerre est comme le négatif de ce que l’on peut alors voir en France. Les communistes, partisans d’un syndicalisme de lutte des classes, apparaissent attachés à la défense des intérêts quotidiens des travailleurs tandis que les anciens confédérés abandonnent tout réformisme et adoptent un style révolutionnaire qui emprunte ses thèmes à la tradition anarcho-syndicaliste.

Pour saisir et étudier cette originalité, nous nous sommes concentrés sur les années 1938-39, difficiles pour la CGT puisqu’elles correspondent à son reflux après la victoire de juin 1936. Durement sollicités par la dégradation du climat politique et social, par les nécessités de la défense nationale et l’offensive conjointe à partir d’avril 1938, et du patronat et du gouvernement, les dirigeants syndicaux et les ouvriers se sont montrés tels qu’en eux-mêmes.

Exception faite de quelques minorités révolutionnaires sans influence, ils apparaissent modérés. Ce n’est pas par crainte de se faire déborder que les dirigeants confédérés adoptent un style révolutionnaire. L’anarcho-syndicalisme proclamé, sinon vécu, est purement démagogique. Mais il est dicté par un opportunisme dont les fondements sont profonds et qui tiennent à l’histoire du mouvement ouvrier en Basse-Loire et à la permanence de son contrôle par les Socialistes.

Le jeune Parti communiste français prit rapidement conscience de l’enjeu stratégique que représentait, après la Première Guerre, l’afflux sans précédent de la main-d’œuvre d’origine étrangère. Les fondements théoriques et les orientations principales de sa politique vis-à-vis de la MOE ont déjà été étudiés et sont relativement bien connus.

Partant du constat maintes fois vérifié qu’il y a une marge entre l’adoption de résolutions et leur mise en application, ce travail se propose, à partir de l’exemple des immigrés italiens, de déterminer quelle fut dans la pratique l’attitude des communistes français vis-à-vis de ces derniers dans la décennie qui sépare la dissolution de la Fédération communiste italienne de France et l’entrée de Giulio Ceretti au Comité Central du PCF.

L’identification et la description des organismes mis en place — les Centuries Prolétariennes, les Comités Prolétariens Antifascistes et, surtout, les groupes de langue italienne — et l’évaluation de l’influence du PCF dans l’immigration italienne — effectifs des groupes et implantation en Meurthe-et-Moselle — mettent en valeur deux phénomènes majeurs : – les tendances « autonomistes » des Italiens et leurs résistances aux décisions du PCF (à la bolchévisation en particulier) — une certaine indifférence et les négligences des membres et des comités du parti français qui, à la fin de la période étudiée, ne dirigeait et ne contrôlait toujours pas effectivement les groupes italiens.