L’exode des juifs de Tunisie 1956-1962

NATAF Nicole, L’exode des juifs de Tunisie 1956-1962, Maîtrise [Antoine Prost, Michel Launay], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1982, 129 p.

L’indépendance de la Tunisie en 1956 allait faire basculer l’équilibre précaire que la communauté juive avait tenté d’établir depuis l’installation du protectorat. Équilibre entre plusieurs valeurs, l’attachement à son sol natal, la volonté de conserver ses valeurs ancestrales et en même temps le désir de s’identifier à l’Occident par l’intermédiaire du protectorat, l’espérance de croire que celui-ci allait lui apporter une certaine promotion sociale.

Le régime de Bourguiba allait-il lui conserver cette place privilégiée que les Français lui avaient conférée ?

Dans un premier temps, il semble que même si des changements sont envisageables, le gouvernement tunisien lui fasse preuve de tolérance et d’une acceptation totale de ce groupe pourtant marginal. Cependant, très vite des problèmes vont apparaître. Problèmes extérieurs dus au conflit moyen-oriental et renforcés par des prises de position sionistes de la Communauté juive de Tunisie. Mais aussi des problèmes intérieurs dus eux en tout premier lieu à l’unité du pays. En effet, cette nécessité d’unité pouvait difficilement supporter l’existence d’un groupe qui désirait vivre sa spécificité.

Des mesures allaient donc se renforcer, mesures prises à l’encontre de la Communauté et qui allaient progressivement la priver de tout ce qui constituait sa vie quotidienne, de ce qui lui donnait son originalité.

Privés de leurs guides, des hommes qui menaient un combat pour leur existence, les Juifs préféreront quitter le pays. Aussi, dès 1958 (date de la disparition totale de la Communauté), on assiste à un premier mouvement de départs massifs. Mouvement qui se reproduira de nouveau en 1962, alors que la France et la Tunisie venaient de s’opposer dans un conflit armé à cause de la base de Bizerte. Pour rester, ils doivent comprendre qu’il faut renoncer à tout un passé.

Départs qui se feront sans réflexion dans un contexte politique et économique rempli de tensions.

Leur choix se porte en grande majorité vers la France, pays qu’ils croient connaître, avec lequel ils se sentent des attaches, mais qu’ils perçoivent en réalité à travers la société caricaturale que leur avait montrée le protectorat.

La France des Juifs Tunisiens est donc un mythe et l’apprentissage du quotidien sera difficile pour cette Communauté que rien ne préparait à la transplantation.