Les socialistes en entreprise : une histoire des sections et groupes socialistes d’entreprise (1969-1981)

BACHELOT Carole, Les socialistes en entreprise : une histoire des sections et groupes socialistes d’entreprise (1969-1981), Maîtrise [Franck Georgi], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997

Le Parti socialiste se présente traditionnellement comme le parti des travailleurs. Mais contrairement au Parti communiste, cette même tradition l’a longtemps fait privilégier les convergences interprofessionnelles de ses militants regroupés exclusivement dans des structures locales, sections et fédérations calquées sur les découpages territoriaux des communes et des départements.

En 1969, la refondation d’un Nouveau Parti Socialiste sur les restes d’une SFIO très affaiblie a semblé rendre nécessaire l’instauration de nouvelles structures. Ainsi, la création de sections et groupes socialistes d’entreprise offrant aux militants la possibilité de s’organiser sur leur lieu de travail devait-elle permettre au Parti de retrouver « sa chair ouvrière ». Il s’agissait pour le PS de reconquérir une légitimité populaire en redevenant un parti de masse, intervenant ainsi sur un terrain jusqu’ici considéré comme la chasse gardée du PCF. Des tentatives du même type avaient déjà été menées à l’époque du Front populaire (Amicales Socialistes) et de la Libération (groupes socialistes d’entreprise). Mais c’est seulement le congrès d’Epinay (1971), fondateur du parti socialiste de F. Mitterrand, qui a donné de véritables moyens à ce nouveau mode d’implantation accordant autant de pouvoir politique aux sections d’entreprise qu’aux sections locales.

Ce militantisme a dû affronter un contexte difficile (période de reflux pour la gauche de l’après-Mai 1968, alliance conflictuelle avec le PCF dans le cadre du Programme commun, crise économique chronique après 1973) et d’importantes dissensions internes au parti. Si le principe du militantisme en entreprise a été accepté officiellement dans les statuts, son application pratique s’est heurtée à la réticence des courants conservateurs héritiers de la tradition molletiste voyant dans l’entreprise le domaine réservé des syndicats. Il a en revanche constitué un véritable enjeu de pouvoir pour certaines tendances qui l’ont ardemment défendu : le CERES de J.-P. Chevènement au premier chef, mais aussi les poperénistes et les rocardiens.

Ayant réussi à établir une présence socialiste assez significative dans le monde du travail pour conférer au parti une plus grande représentativité populaire, cette forme de militantisme a sans conteste contribué à la victoire de 1981. Par l’étude de l’organisation et du fonctionnement du secteur Entreprises, de son comportement lors des consultations électorales et des grands événements jalonnant l’histoire du parti (signature et rupture du Programme commun, Assises du socialisme), et grâce au fil rouge qu’ont constitué ses propres publications (mensuel Combat Socialiste), on espère avoir montré la teneur politique de cette réforme structurelle. La mise en œuvre du militantisme en entreprise touchait à l’identité même du PS.