Les manifestations Savary (de janvier à juin 1984)

BENBASSAT Laëtitia, Les manifestations Savary (de janvier à juin 1984), Maîtrise [Annie Fourcaut, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997, 258 p.

L’année 1984 vit la résurgence passionnée d’un conflit hautement institutionnalisé : celui qui oppose périodiquement les tenants de la laïcité et de l’école publique aux ardents défenseurs d’un enseignement privé, garant du pluralisme scolaire.

En trois mois, du dimanche 22 janvier au dimanche 4 mars, une mobilisation remarquable parvint à faire descendre dans la rue environ 2 000 000 de personnes dans différents départements français. Cinq manifestations avaient été organisées dans cinq grandes villes de France, stratégiquement choisies par les responsables de l’Enseignement catholique (principaux responsables des rassemblements) afin d’obtenir un mouvement qui aille crescendo ; ainsi de 70 000 manifestants à Bordeaux, on arrive à 800 000 participants à Versailles, en passant précédemment par Lyon (150 000 personnes), Rennes (400 000) et Lille (300 000). Le 24 juin, ce fut l’apothéose : 1 800 000 personnes, selon les organisateurs, défilèrent sur le pavé parisien, empruntant les principales artères de l’Est parisien, traditionnellement empruntées par les marcheurs prolétaires, le peuple de gauche, et « reprirent la bastille » envahie trois ans auparavant par les partisans victorieux de la gauche aux élections présidentielles. C’était la concrétisation de l’échec d’une politique de négociation patiemment menée par Alain Savary, ministre de l’Éducation nationale, depuis 1982. Conséquences de ce vaste mouvement de protestation contre la politique menée par la gauche : le projet de loi est abandonné, le premier gouvernement Mauroy démissionne, remplacé par le gouvernement Fabius.

Nous avons pénétré au cœur de ces manifestations afin d’en rechercher le sens profond, d’en cerner le déroulement après en avoir décrit l’organisation minutieuse. Ces rassemblements avaient pris une dimension spectaculaire, jamais atteinte précédemment. Pétitionnaires dans leur objet, elles ne revêtirent en aucun cas la forme de la manifestation-pétition : aucun débordement ne fut à déplorer, si bien que l’image offerte par les manifestants reste encore aujourd’hui celle de la force, de la détermination et surtout de la dignité.