Les instituteurs de Seine-et-Oise vers 1900

CROZET René, Les instituteurs de Seine-et-Oise vers 1900, Maîtrise [Jacques Girault, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1990, 641 p.  + annexes, graphiques

Ce travail de recherche, associant la connaissance statistique et la découverte de comportements individuels, porte sur les 973 instituteurs et les 71 instituteurs d’un département original par sa diversité économique, sociologique et culturelle. Après avoir tracé à grands traits, au niveau national et au niveau départemental, le cadre général dans lequel agit cette collectivité d’instituteurs, l’auteur analyse successivement l’origine et la formation des instituteurs de Seine-et-Oise, leur vie professionnelle et leur vie privée.

L’ouvrage met en lumière la traduction concrète et locale des évolutions produites parmi les instituteurs à partir du ministère Jules Ferry :

– le glissement du recrutement de la campagne vers la ville, des milieux paysans vers les couches moyennes (fonctionnaires, employés, commerçants), compte tenu des nouvelles conditions d’accès à l’école normale

– l’amélioration très sensible des qualités professionnelles des maîtres et de leur enseignement,

– l’importance sociale et politique nouvelle de la fonction d’instituteur. Il montre en outre la remarquable efficacité d’un système hiérarchique bien accepté, dans lequel les directeurs d’école jouent un rôle de formation important et dont les inspecteurs primaires, rigoureux, mais justes, sont les pivots. Bien éclairé par eux, l’inspecteur d’académie a le souci de tirer de chaque maître le meilleur parti pour l’école, de promouvoir chacun selon ses compétences et ses mérites et de stimuler ainsi le zèle de tous.

Nous découvrons aussi, dans les situations quotidiennes, le rôle d’animateur communal que joue, surtout en milieu rural, l’instituteur de 1900 : secrétaire de mairie, dispensateur de cours d’adultes, conférencier populaire, bibliothécaire, trésorier de caisse d’épargne, arpenteur communal, créateur de patronages, de sociétés de tir, d’associations d’anciens élèves, propagandiste de la lutte anti-alcoolique, de l’action contre la tuberculose…

Mal payé par l’État, l’instituteur de Seine-et-Oise parvient, dans ce département riche et peuplé, à doubler souvent, à tripler parfois, son traitement de base par l’indemnisation de ses multiples travaux annexes. Chaque poste est ainsi plus ou moins recherché selon le montant des revenus complémentaires qu’il permet.

Le champ largement ouvert aux actions individuelles de promotion limite l’intérêt de l’action corporative qui n’intervient que très tardivement dans ce département et s’oriente davantage vers la construction mutualiste que vers la revendication collective. Vivant sous le regard de tous, l’instituteur n’a guère de vie privée, son comportement doit être exemplaire, la perfection sociale fait partie de son statut.

L’instituteur de Seine-et-Oise vers 1900, dans son excellence collective, apparaît à la fois comme le produit et l’artisan d’un système socio-hiérarchique, un rouage conscient et efficace au service d’une mission qui l’exalte et l’invite en permanence à se dépasser.