Les Fonctions de la femme dans la presse féminine légale et clandestine pendent les années d’Occupation – septembre 1940-juin 1944

KARLIN Élise, Les Fonctions de la femme dans la presse féminine légale et clandestine pendent les années d’Occupation – septembre 1940-juin 1944, Maîtrise [Antoine Prost, Noëlle Gérôme], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1989, 135 p.

Pendant toute la Seconde Guerre mondiale, ont coexisté en France deux sortes de presse féminine : l’un légale, qui soutenait le régime vichyste, et l’autre clandestine, qui au contraire le dénonçait. Acceptation ou révolte, la femme dut choisir son camp, sollicitée sans répit par son journal, le compagnon des mauvais jours. Mais dans les publications interdites comme dans celles qui sont autorisées, c’est toujours avec les mêmes arguments que les journalistes tentent de convaincre leurs lectrices ; l’instabilité des temps ne bouleverse en rien dans la presse féminine les trois fonctions essentielles de la femme : elle reste ménagère, mère ou femme-objet.

À travers Marie-Claire, Votre Beauté, Dimanche de la femme et quelques tracts clandestins, dont L’Humanité de la femme, notre travail s’est appliqué â montrer comment tout est fait, dans une presse qui s’adresse à des femmes, pour les immobiliser au foyer. Là, place noble s’il en est, les tâches ménagères sont multiples, du coup de balai à la préparation quotidienne du repas : la femme n’a pas un instant à elle. L’homme absent, elle est devenue chef de famille, en charge de la survie des siens. Mais en même temps, son journal l’idéalise encore soumise et obéissante : elle assume tous les rôles ensemble, à la fois femme de tête et faible créature… Cette dépendance vis-à-vis de l’idéologie dominante est d’autant plus importante que la femme reste le relais fondamental entre les forces au pouvoir et ceux qui en assureront l’avenir, les enfants. La fonction éducatrice de la mère conduit de cette manière la femme à perpétuer le système établi, où sa place demeure derrière l’homme. Rien ne doit être transgressé, et surtout pas l’échelle sociale : la femme idéale, celle qui se maquille sans vulgarité et s’habille sans ostentation, sait garder son rang. Menacée d’exclusion, la femme obéit aux injonctions complaisamment diffusées dans la presse féminine légale, et ne sort pas du chemin déjà tout tracé pour elle : elle renforce ainsi l’inégalité millénaire entre les sexes. Et la presse clandestine, si elle appelle les femmes à lutter en égale aux côtés des hommes, les alerte toujours au nom des mêmes valeurs : travail, famille, patrie…

La guerre a permis à la presse féminine, par nature conservatrice et réactionnaire, d’exacerber ses notions fondamentales, d’autant que celles-ci correspondaient parfaitement à une idéologie qui s’est étendue dès 1919 en Europe, traversant avec violence souvent les mouvements sociaux et politiques : l’idéologie fasciste, et plus encore nazie. Mais les femmes ont su trouver dans leur presse, quotidienne ou exceptionnelle, les motivations qui les ont soutenues tout au long de ces années de privation, de désespoir et de mort. Si les forces politiques se sont appuyées toujours sur leurs épaules, elles ont elles toujours réussi à transformer cette pression en pulsion de vie.