Les conditions de l’émigration française vers le continent américain du milieu du XXe siècle à la veille de la Première Guerre mondiale

DIDIER Jean-Baptiste, Les conditions de l’émigration française vers le continent américain du milieu du XXe siècle à la veille de la Première Guerre mondiale, Maîtrise [Patrick Weill], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 143 p.

À partir du milieu du XIXe siècle et jusqu’en 1914, les phénomènes économiques et sociaux (transition démographique, seconde révolution industrielle, exode rural) qui se produisent en Europe du Nord-Ouest entraînent un mouvement d’émigration. Pour la France, ce mouvement, sans être aussi prononcé que celui qui a lieu au même moment en Allemagne ou en Angleterre, n’en reste pas moins important en valeur absolue. Ainsi, d’après les estimations les plus fiables, plus de deux millions de Français ont quitté l’Hexagone entre 1850 et 1914 pour se rendre à l’étranger ou en Algérie. Si l’on s’en tient au continent américain, ce sont 730 000 Français qui sont concernés. On voit donc qu’il s’agit d’un phénomène important, qui a néanmoins peu attiré l’attention.

L’objet du mémoire est non seulement de fournir des informations sur les chiffres mêmes de cette émigration, mais aussi, et surtout de décrire les conditions de cette émigration. Plusieurs paramètres et points de vue sont à prendre en compte : l’origine géographique (Alpes du Sud, Pyrénées, Sud-Ouest, Alsace et Paris) et sociale des émigrants, le rôle de l’État, les conditions matérielles du transport et enfin l’installation des émigrants une fois sur place. Ce découpage fournit un éclairage précis sur l’émigration française : celle-ci ne se résume pas à une émigration rurale ou pauvre, elle touche aussi les villes, l’artisanat et la pente entreprise. On constate d’ailleurs que certains émigrés français ont mis en place de véritables empires industriels ou commerciaux. On perçoit aussi les « stratégies » des émigrants qui cherchent souvent à revenir en France après plusieurs années à l’étranger où ils espèrent faire fortune.

Le mémoire s’interroge également sur le rôle de l’État français par rapport à l’émigration à cette période. On sait qu’il s’agit pour lui d’une question de première importance. Mais on voit qu’il est pris entre plusieurs logiques opposées : tout d’abord, la volonté de conserver des hommes en France pour des raisons militaires et coloniales, mais aussi de favoriser des intérêts commerciaux qui passent par la constitution de communautés françaises à l’étranger. Le terme de politique publique apparaît finalement inapproprié et on est amené à parler d’attitude de l’État au sujet de l’émigration.

Pourtant, la question a soulevé des débats dans l’opinion. Mais, paradoxalement, l’émigration française dans sa globalité a été peu étudiée, alors que certains mouvements de population plus restreints comme l’émigration politique sous la Révolution française ou bien l’émigration vers l’Algérie au XIXe siècle sont beaucoup mieux connus. Ce mémoire propose une vue d’ensemble de l’émigration française vers le continent américain (notamment États-Unis, Canada, Mexique et Argentine) durant cette période.