Le syndicat CGT Citroën du XVe de 1964 à 1972

COURTILLE Jean-François, Le syndicat CGT Citroën du XVe de 1964 à 1972, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1988, 216 p.

Au début des années 1960, l’entreprise Citroën a la réputation de pratiquer une politique sociale répressive. En effet, les droits et libertés des ouvriers y sont constamment bafoués. La direction refuse de reconnaître les organisations syndicales et accorde une marge de manœuvre très limitée aux représentants du personnel. Les conditions d’hygiène et de sécurité ne sont pas respectées dans les usines. Les rythmes de production sont élevés, tandis que les salaires restent faibles. Par-dessus tout, la surveillance étroite qu’exerce la hiérarchie Citroën auprès de chaque employé contribue à créer une atmosphère de crainte au sein de l’entreprise. Dans ce contexte les syndicats ouvriers sont marginaux et disposent d’une influence restreinte.

En 1964, pourtant, la CGT adopte une orientation ambitieuse, qui doit lui permettre de se transformer en une organisation de masse, capable de défendre et promouvoir les intérêts des travailleurs face à la direction Citroën. La gestion des œuvres sociales et culturelles du comité d’entreprise et l’unité d’action CGT-CFDT restaurent progressivement l’audience et la crédibilité des syndicats dans l’entreprise. Tout au long de la décennie, la CGT va mener des luttes en faveur des droits et libertés, mais aussi pour gagner l’augmentation des revenus ouvriers et le maintien du pouvoir d’achat des salaires, ou encore, pour obtenir l’aménagement du temps de travail et l’amélioration des conditions de vie à l’intérieur des usines Citroën XVe.

À partir de 1967, les efforts du syndicat commencent à porter leurs fruits. Les premières conquêtes sociales effectives du mouvement ouvrier à l’intérieur de l’entreprise coïncident avec l’épanouissement de la CGT qui devient une force électorale majeure et s’impose comme une réalité incontournable chez Citroën.

La grève de mai-juin 1968 est le point d’orgue historique de la CGT Citroën XVe, qui contribue largement au succès du mouvement et multiplie par quatre le nombre de ses adhérents. L’apparition de droits nouveaux, tels que la libre diffusion des tracts dans les usines, et la reconnaissance des sections syndicales par la direction, ouvrent des perspectives inespérées à la CGT.

Néanmoins, la décennie 1970 s’annonce difficile pour elle. Tout d’abord, la prépondérance de la CGT au sein du mouvement ouvrier est remise en question par l’émergence de deux courants antagonistes : les indépendants, proches de la direction Citroën, et les révolutionnaires gauchistes.

Ensuite, la direction de l’entreprise adopte une stratégie de concentration et de décentralisation qui entraîne une multitude de licenciements et lui permet de renforcer son autorité sur les ouvriers. La victoire des indépendants aux élections du comité d’entreprise de 1971, et la signature, par les syndicats FO, SISC et CGC d’un accord d’entreprise peu favorable aux travailleurs, au cours de la même année, accentuent le déclin relatif de la CGT qui éprouve des difficultés à associer ses adhérents au développement de son activité.

Néanmoins le dynamisme de la base et les efforts de structuration accomplis par les cadres du syndicat permettent à la CGT d’aborder plus sereinement l’année 1972, même si la perspective d’une réorganisation prochaine des usines Citroën parisiennes projette une ombre inquiétante sur son avenir dans l’entreprise.