JEANNE Matthieu, Le PSU et l’autogestion, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Franck Georgi], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 203 p. + annexes
Le Parti Socialiste Unifié est né en 1960 principalement autour de l’opposition à la Guerre d’Algérie. Il rassemble des personnalités politiques qui se réclament du socialisme dans toutes ses tendances : des trotskystes, des radicaux mendésistes, des chrétiens, des anticléricaux. En Mai 68, le mouvement social voit naître de nouvelles revendications et surgir de nouveaux débats idéologiques. Parmi ces derniers, l’autogestion — débattue depuis quelques années dans des cercles intellectuels restreints — fait figure de « mot-clé » du mouvement grâce à la CFDT, notamment, qui popularise la revendication. L’idéologie, encore floue, exprime la volonté de redéfinir les rapports sociaux de l’ensemble de la société en supprimant la hiérarchie dans l’entreprise et en développant les formes de démocratie directe.
Notre étude a pour objectif d’analyser la lente adoption de l’idéologie autogestionnaire par le PSU. Nous nous sommes appuyés sur la presse du parti, principalement Tribune Socialiste, sur des entretiens avec d’anciens responsables nationaux, et sur deux fonds d’archives de groupes locaux. Au lendemain de Mai 68, le parti est bouleversé par l’arrivée de nouveaux militants plus radicaux. Le PSU débat sur l’opportunité d’une révolution socialiste et affiche sa réserve sur l’autogestion, sous l’influence des courants dits « gauchistes » qui assimilent l’idéologie à la participation. Après deux longues années de crise que traduisent des débats acérés, le PSU s’engage en décembre 1972 dans la promotion du socialisme autogestionnaire.
L’autogestion revêt alors au sein du PSU un caractère fortement identitaire. Elle apparaît comme une utopie fédératrice qui permet de rassembler les différentes tendances du parti. Elle offre surtout au parti une identité forte face au puissant Parti Socialiste de François Mitterrand. Mais le PSU, qui souhaitait être un pôle de reconstruction de la gauche fondé sur le socialisme autogestionnaire, peine à transformer son implantation dans les luttes sociales en résultats électoraux. En 1974, au lendemain des élections présidentielles, il échoue devant l’influence croissante du PS et sa volonté d’intégrer le courant socialiste autogestionnaire. Le PSU se scinde aux Assises du Socialisme en octobre 1974. En perdant un certain monopole politique sur l’autogestion, il abandonne une partie de son identité. Le départ de Michel Rocard et de ses proches marque une « première mort » du PSU, mais aussi la fin d’une première ère de l’autogestion dans la gauche française.