Le Mercure de France pendant la Seconde Guerre mondiale. 1938-1945 : « les années Bernard » ; quand le Mercure devint poison. Vie, mort et résurrection d’une maison d’édition

DOUSSINAULT Julien, Le Mercure de France pendant la Seconde Guerre mondiale. 1938-1945 : « les années Bernard » ; quand le Mercure devint poison. Vie, mort et résurrection d’une maison d’édition, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 157 p.

« Comme les gens heureux, le Mercure n’a pas d’histoire, le Mercure est une vieille maison qui n’a nullement besoin de se moderniser, une vieille maison qui en fait sans doute peu et qui n’a pas l’ambition d’en faire plus ; le Mercure est bâti sur un ancien modèle et se complaît en cet état ».

L’état du Mercure de France en 1945 est incertain. L’ancienne maison d’édition d’Alfred Valette, l’« ancien modèle » d’éditeur et de directeur de la revue, s’effondre. Il faut tout reconstruire. Ce déclin, cette perte de prestige, ne sont pas à analyser sous l’angle — suspect — d’un manque d’ambition proposé par Jacques Bernard, directeur du Mercure de 1938 à 1944, dans la citation précédente. En 1940, le Mercure de France décide de collaborer avec le nouvel occupant allemand et transforme son catalogue des éditions en un instrument de propagande, nuisible et nocif pour la littérature retran­chée dans de plus en plus rares publications de romans et de poésies.

La revue du Mercure, celle qui fit découvrir pour la première fois Alcools d’Apollinaire et les différents écrits de Nietzsche, disparaît dès le mois de juin 1940. Le Mercure ne tient plus dans ses fondations, « en fait sans doute peu » pour la littérature, mais beaucoup pour l’ennemi, n’hésitant pas à se mettre au service de celui-ci en publiant des ouvrages anglophones, anti- bolcheviques et antisémites, projetant même d’éditer Mein Kampf Jacques Bernard reçoit des officiers allemands à déjeuner plusieurs fois par semaine, renvoie certains de ses employés, envoie au pilon tous les livres susceptibles de nuire aux intérêts allemands et qui empoisonnent l’opinion publique française, d’après les instigateurs de la liste Otto.

En étudiant grâce notamment au Journal littéraire de Paul Léautaud, l’activité des éditons et de la revue du Mercure pendant la Seconde Guerre mondiale, nous verrons que la maison du 26, rue de Condé est en crise. Le Mercure de France cesse d’emprunter au Mercure romain ou à l’Hermès grec son caducée et son casque ailé, autrement dit sa divinité. Malade, en crise, il devient poison, et nous assisterons au cours de ce mémoire, à l’intoxication du mercure dans le corps et jusque dans l’esprit de la maison d’édition, avant que nous ne trouvions l’antidote.

« […] le Mercure n’a pas d’histoire… »