DUCAMP Alix, La classe ouvrière et l’émancipation de la société selon la Gauche prolétarienne (1968-1973), Maîtrise [Christian Chevandier], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 253 p.
En août 1969, le numéro onze de La Cause du Peuple, journal de la Gauche prolétarienne (GP), titre en lettres rouges et avec poing levé : « Patrons, c’est la guerre ! » Créée à l’automne 1968, cette organisation maoïste, qui se revendique de la pensée de Mao Tsé-Toung et de la révolution culturelle chinoise, est connue pour sa violence verbale, ses formules lapidaires et guerrières, autant que pour ses actions spectaculaires, parfois à la limite du terrorisme, comme I’enlèvement du chef du personnel de I’usine RenaultBillancourt en mars 1972. La GP est moins connue pour ses représentations de l’usine et delà classe ouvrière, si l’on excepte la pratique de l’établissement, c’est-à-dire l’embauche volontaire de jeunes militants, souvent des étudiants, dans les usines pour porter la bonne parole, révolutionnaire auprès des ouvriers. Pourtant, c’est surtout par ses choix idéologiques qu’elle occupe une place originale dans I’extrême gauche française de I’après-Mai 68. Le maoïsme est déjà une dissidence par rapport au mouvement communiste traditionnel, dominé par le Parti Communiste Français. Mais, plus généralement, la GP rejette l’héritage marxiste-léniniste orthodoxe ; ou plutôt, les « maos », comme ils se nomment eux-mêmes, sont constamment partagés entre l’objectif de la révolution prolétarienne qu’ils croient imminente, et les aspirations nouvelles, le vent de liberté qui souffle sur la France depuis l’explosion de Mai 68. Notre propos, c’est de comprendre le rôle de la classe ouvrière dans le projet de libération de la société pour la Gauche prolétarienne, c’est-à-dire de comprendre ce que la GP conserve de la represention communiste classique de la révolution et dans quelle mesure elle en sort. La GP s’efforce de lier Marx et Mai 68 ; son auto-dissolution à I’automne 1974 est l’aveu de son impuissance à les concilier.