Le cœur du quartier Saint-Merri dans l’entre-deux­-guerres. Ilot d’insalubrité n° 1,

MAUREL Chloé, Le cœur du quartier Saint-Merri dans l’entre-deux­-guerres. Ilot d’insalubrité n° 1, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 225 p + annexes

Vers le milieu des années trente, la municipalité fit procéder à la démolition d’un ensemble de vieilles maisons délabrées, malfamées, et souvent insalubres : il s’agissait des quelques pâtés de maisons qui constituaient le cœur du quartier Saint-Merri, un des plus vieux quartiers de Paris, au centre de la ville, sur I’emplacement de l’actuel centre Pompidou. Nous avons décidé de nous pencher sur cette portion de quartier, de reconstituer l’état des lieux, les conditions matérielles de logement d’alors, et la vie des habitants. L’enjeu de notre recherche était de confronter la réalité, souvent mal connue des observateurs de l’époque, avec les représentations du secteur alors couramment répandues dans l’opinion. Nous avons donc analysé dans une première partie les caractères du secteur et de sa population ; en deuxième partie, nous avons étudié la question de I’insalubrité, qui causait le grand souci des édiles et les a conduits à faire démolir le secteur ; en troisième partie, nous avons analysé les diverses représentations qu’en faisaient à l’époque les observateurs extérieurs comme les habitants eux-même (du moins le peu d’anciens habitants dont nous avons réussi à recueillir le témoignage). Le secteur étudié était composé d’un ensemble de maisons vétustes, souvent dégradées, aux logements petits et entassés ; les conditions d’hygiène étaient très sommaires et la tuberculose, au début du siècle, atteignait des taux records, au point que le secteur était désigné sous le nom d’îlot d’insalubrité n° 1. La population était de niveau social très bas. Les conditions de vie étaient très pénibles. Nombreux étaient les ouvriers peu qualifiés, hommes célibataires, instables, vivant le plus souvent en hôtel meublé, surtout dans la partie nord du secteur ; dans la partie sud, l’habitat était plus familial, plus stable, et les activités plus variées, avec la présence de nombreux petits commerces et petites entreprises. La démolition du secteur a brisé ce cadre de vie particulier, et a entrainé la dispersion des habitants, tandis que les responsables municipaux se divisaient sur la façon dont il convenait de reloger la population et sur l’utilisation du terrain démoli. En fait, la volonté de démolition de ce secteur s’expliquait par l’inquiétude qu’inspirait à l’opinion cette population pauvre et souvent marginale. Dans les représentations de l’opinion, les thèmes qui reviennent le plus souvent sont I’aspect sordide et inquiétant des maisons délabrées, des ruelles sombres et sales, ainsi que la fascination pour leur caractère malfamé. En revanche, les anciens habitants interrogés donnent plutôt l’image d’un lieu pauvre certes, mais convivial, familial, où sociabilité et solidarité étaient très développées. Ce lieu populaire possédait donc de multiples facettes, et c’est pour cela qu’il a aussi inspiré de nombreux écrivains et poètes.